Cour d'appel: Arrêt du 3 septembre 1998 (Bruxelles). RG 98/QR/67

Date :
03-09-1998
Language :
French
Size :
2 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-19980903-2
Role number :
98/QR/67

Summary :

Il incombe au juge des saisies, auquel est soumis une requête en désignation de notaire en vue de l'adjudication du bien après saisie-exécution, de vérifier si l'acte notarié précise clairement l'étendue des obligations souscrites et leurs modalités d'exécution. En particulier, il convient de vérifier si tous les éléments de la créance invoquée( principal, intérêts, frais et amendes) peuvent être déterminés par les spécifications de l'acte notarié invoqué comme titre exécutoire. La signature pour accord d'une lettre de confirmation du taux d'intérêt non annexée à l'acte ne permet pas de conférer ou d'étendre à celle-ci le caractère de titre exécutoire dont bénéficie l'acte authentique. Seul le montant du principal restant dû, déterminé par l'acte authentique, doit être pris en considération pour fixer le montant à concurrence duquel la saisie exécution peut être pratiquée.

Arrêt :

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Vu les pièces de procédure, notamment :
- l'ordonnance attaquée prononcée sur requête unilatérale par le juge des saisies de Bruxelles requête fondée le 15 juillet 1998 sur pied de l'article 1580 du code judiciaire;
- la requête d'appel déposée au greffe de la cour le 12 août 1998;
Attendu que l'appel, régulier en la forme, est recevable;
Attendu que par acte notarié du 19 mai 1995, la s.c. Z... Bank a consenti aux époux X.-Y. une ouverture de crédit de 1.800.000 francs pour une durée indéterminée;
Que le règlement général des ouvertures de crédit était annexé à l'acte notarié et en faisait donc partie intégrante;
Que les époux X.-Y. ont, dans le même acte authentique, consenti à la Z... Bank une hypothèque garantissant le remboursement du crédit, sur l'appartement dont ils sont propriétaires et situé au 18ème étage de l'immeuble " M... I " et " M... II " sis à Bruxelles (...), et avenue (...) ;
Que le 19 mai 1995, jour de la passation de l'acte notarié, la Z... Bank a envoyé aux époux X.-Y., qui l'ont contresignée pour accord, une lettre de confirmation de l'ouverture de crédit, reprenant les modalités de l'opération et en particulier le montant, du taux d'intérêt (12 %) et celui des 84 mensualités du remboursement (31.775 frs), éléments qui n'avaient pas été définis dans l'acte notarié et son annexe;
Attendu que le crédit a été dénoncé par la Z... Bank , par ses lettres recommandées du 6 novembre 1997, contenant mise en demeure des époux X.-Y. de rembourser le montant de 1.652.860 francs, à augmenter d'intérêts journaliers de 521 francs à partir du 8 novembre 1997;
Que ces lettres de dénonciation furent suivies d'un commandement préalable à saisie-exécution, signifié aux débiteurs par exploit du 28 avril 1998 leur enjoignant de payer le montant de 1.635.604 francs, qui se décomposait comme suit : 1.500.432 francs en capital, 75.701 francs d'intérêts, 3.033 francs d'amende et 45.013 francs de " divers ";
Que la Z... Bank fit ensuite pratiquer une saisie-exécution immobilière sur le bien prédécrit, par exploit signifié le 19 mai 1998, enregistré le 20 mai 1998 à Bruxelles 8ème bureau et transcrit au 3ème bureau des hypothèques à Bruxelles le 26 mai 1998 (vol ... n° 11);
Attendu que la Z... Bank a sollicité du juge des saisies la désignation d'un notaire en vue de procéder à l'adjudication du bien et aux opérations d'ordre, par requête déposée le 7 juillet 1998;
Que, par son ordonnance attaquée, le premier juge a déclaré la requête irrecevable au motif que la Z... Bank ne disposerait pas d'un titre exécutoire lui permettant d'engager une saisie-exécution dans les conditions légalement prévues et serait, par conséquent, sans qualité pour requérir la désignation d'un notaire chargé de procéder à l'adjudication postulée; que le premier juge constate, en effet, que l'acte notarié et le règlement général des ouvertures de crédit y annexé, ne précisent pas le taux des intérêts et ne permettent, dès lors, pas de vérifier le calcul d'intérêts et de frais et amendes réclamés par la Z... Bank dans sa lettre de dénonciation du crédit et dans les actes subséquents de procédure;
Attendu que l'article 1494 du Code judiciaire impose au créancier désireux d'opérer une saisie-exécution mobilière ou immobilière de disposer d'un titre exécutoire et d'une créance liquide et exigible;
Que les actes notariés constituent des titres exécutoires en vertu de l'article 19 de la loi du 25 ventôse de l'an XI, dans la mesure toutefois où ils établissent l'existence de créances certaines, liquides et exigibles;
Qu'il incombe au juge des saisies, auquel est soumis une requête en désignation de notaire en vue de l'adjudication du bien après saisie-exécution, de vérifier si l'acte notarié précise clairement l'étendue des obligations souscrites et leurs modalités d'exécution (Broeckx et Ledoux : " Etendue de la force exécutoire des actes notariés ", JT 1991, p. 615 n° 3);
Qu'en particulier, il convient de vérifier, ainsi que la pertinemment rappelé le premier juge, si tous les éléments de la créance invoquée (principal, intérêts, frais et amende) peuvent être déterminés par les spécifications de l'acte notarié invoqué comme titre exécutoire (Cass. 21 juin 1990, Pas. 1990, I, 1206 et Rev. Not. 1990, p. 488 et Bruxelles 10 février 1998 inédit cité par le premier juge);
Que c'est à bon droit que le premier juge a relevé que l'acte notarié du 19 mai 1995 et son annexe ne permettaient pas de connaître le taux d'intérêt régissant le crédit litigieux, ni le montant de l'amende et des frais divers réclamés après la dénonciation du crédit; que le montant des intérêts ne figure, en effet, que dans la lettre de confirmation du crédit du 19 mai 1995;
Que la signature de cette lettre pour accord, par les crédités, ne suffit pas à conférer ou à étendre à cet acte sous seing privé, qui n'a pas été annexé à l'acte notarié, le caractère de titre exécutoire dont bénéficie celui-ci;
Qu'il résulte de ces motifs que c'est à bon droit que le premier juge a estimé que l'acte notarié constatant l'ouverture de crédit et l'hypothèque qui en constitue l'accessoire, ne peut être considéré comme titre exécutoire en ce qui concerne les intérêts et frais réclamés par la Z... Bank ;
Attendu, par contre, que l'acte notarié constitue un titre exécutoire régulier et efficace en ce qui concerne le montant principal de la créance qui peut être déterminé par référence à cet acte et au solde restant dû à l'époque de la dénonciation du crédit, ou, du moins, lors du commandement ultérieur qui contient le premier décompte précis des éléments de la créance, soit 1.500.432 francs;
Qu'en conséquence, c'est à tort que le premier juge a estimé que la Z... Bank ne disposait d'aucun titre exécutoire lui permettant d'obtenir la désignation d'un notaire en vue de l'adjudication et des opérations d'ordre, dans la mesure où l'exécution porte sur le montant principal de la créance tel que défini ci-dessus;
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
statuant sur requête unilatérale,
Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935, Dit l'appel recevable et fondé dans la mesure ci-après, Met à néant l'ordonnance attaquée et statuant à nouveau :
Dit la demande recevable et fondée dans la mesure suivante :
Désigne le notaire ...V... , de résidence à ... , en vue de procéder à l'adjudication de l'appartement n° 18 situé au 18ème étage de l'immeuble " M... II " et l'emplacement de parking appartenant aux époux X.-Y. et saisis à leur charge en vertu de l'exploit signifié le 19 mai 1998 et de procéder aux opérations d'ordre.
Taxe les dépens des deux instances à la somme de 12.300 francs (10.300 + 2.100).