Cour du Travail: Arrêt du 18 mai 2001 (Mons (Mons)). RG 12635

Date :
18-05-2001
Language :
French
Size :
4 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20010518-1
Role number :
12635

Summary :

L'exercice d'un mandat social dans une société commerciale constitue un travail effectué pour son propre compte par celui qui en est investi. L'exercice d'un mandat d'administrateur est intégré dans le courant des échanges économiques de biens et de services et n'est pas limité à la gestion normale des biens propres, au contraire de la seule détention des parts représentatives du capital social. En effet les administrateurs d'une société anonyme sont investis de pouvoirs étendus qui excèdent la gestion journalière et la délégation de cette gestion à l'un d'eux ne les soustrait pas à la responsabilité qu'ils assument, en vertu de la loi, en qualité d'organes de la société à l'égard tant de la société que des tiers. Est sans incidence la circonstance que l'appelante aurait délégué les pouvoirs de gestion journalière à son époux, au surplus par une simple procuration non opposable aux tiers à défaut de répondre aux conditions prévues par l'article 10 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales. L'appelante, dont il est établi qu'elle exerçait une activité pour son propre compte au sens de l'article 126 de l'arrêté royal du 20 décembre 1963, ne pouvait conserver son droit aux allocations de chômage qu'aux conditions de l'article 128, § 1er, 1° à 4°, dudit arrêté royal, lesquelles doivent être satisfaites cumulativement. COUR

Arrêt :

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 18 MAI 2001 R.G. n°12635 - 6ème Chambre Allocations de chômage Etre privé de travail et de rémunération Mandat d'administrateur d'une société commerciale.
Article 580, 2°, du Code judiciaire.
Arrêt contradictoire, en grande partie définitif, ordonnant la réouverture des débats quant au calcul de l'indu à l'audience publique du 21 décembre 2001.
EN CAUSE DE :
P. M., Appelante, comparaissant par son conseil, Maître Henskens, loco Maître P. Chevalier, avocat à Tournai, CONTRE :
L'OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, en abrégé O.N.Em, établissement public dont le siège administratif est établi à 1000 Bruxelles, Boulevard de l'Empereur, 7, Intimé, comparaissant par son conseil, Maître O. Bridoux, loco Maître A. Bridoux-Culem, avocat à Colfontaine ;
La Cour du travail, après en avoir délibéré, rend ce jour l'arrêt suivant:
Vu l'appel interjeté contre le jugement contradictoire prononcé le 22 juin 1994 par le tribunal du travail de Mons, section de Mons, appel formé par requête déposée au greffe de la Cour le 22 juillet 1994 ;
Vu, produites en forme régulière, les pièces de la procédure légalement requises, et notamment la copie conforme du jugement entrepris ;
Vu le dossier administratif de l'intimé versé au dossier de la procédure le 18 août 1994 ;
Vu les conclusions de l'intimé déposées au greffe le 5 septembre 1994 ;
Vu les conclusions additionnelles de l'intimé déposées au greffe le 7 juin 1995 ;
Vu le dossier de l'information du Ministère public versé au dossier de la procédure le 28 juin 1995 ;
Vu les conclusions principales et additionnelles de l'appelante déposées au greffe le 10 avril 1997 ;
Vu les secondes conclusions additionnelles de l'intimé reçues au greffe le 26 novembre 1997 ;
Vu les conclusions de synthèse de l'appelante reçues au greffe le 19 mai 1999, annulant et remplaçant les précédentes conclusions ;
Vu les conclusions de synthèse de l'intimé reçues au greffe le 17 novembre 1999 ;
Entendu les conseils des parties, en leurs dires et moyens, à l'audience publique du 16 février 2001 ;
Vu les dossiers des parties et la note de frais et dépens de l'appelante déposés à l'audience publique du 16 février 2001 ;
Entendu le Ministère public en la lecture de son avis écrit à l'audience publique du 16 mars 2001, auquel il n'a pas été répliqué dans le délai imparti conformément à l'article 766, alinéa 1er, du Code judiciaire ;
RECEVABILITE DE L'APPEL Attendu que l'appel, régulier en la forme et introduit dans le délai légal, est recevable ;
ELEMENTS DE LA CAUSE Attendu que l'appelante est chômeuse complète indemnisée depuis le 3 juin 1985 ;
Que par acte du 17 mai 1989, C. M. et J. K. ont constitué la SA L. D., ayant pour objet social toutes opérations se rapportant au secteur de la restauration, de l'hôtellerie et de débits de boissons ; qu'aux termes de l'acte constitutif, le nombre des administrateurs est fixé à trois, à savoir C. M., J. K. et P. M., actuelle appelante et épouse du premier ; que C. M. est appelé aux fonctions de président du conseil d'administration et d'administrateur délégué, tandis que J. K., administrateur délégué, est chargé de la gestion journalière ;
Qu'en date du 27 mai 1989 l'assemblée générale extraordinaire de la société accepte la démission des administrateurs délégués C. M. et J. K., leur donne décharge de leur mandat, et nomme en remplacement de ceux-ci P. M. qui accepte d'exercer son mandat à titre gratuit et est chargée de tous les pouvoirs de gestion journalière de la société ;
Qu'en date du 26 septembre 1990 l'assemblée générale extraordinaire accepta la démission de P.
M., administrateur délégué, et lui donna décharge de son mandat, nommant pour la remplacer J. K.;
Attendu que le 3 mars 1993 l'intimé prit la décision :
- d'exclure l'appelante du bénéfice des allocations de chômage depuis le 17 mai 1989 ;
- de récupérer les allocations indûment perçues depuis le 17 mai 1989 ;
- d'appliquer une sanction d'exclusion de 13 semaines à dater du 8 mars 1993 ;
Que cette décision fait grief à l'appelante de ne pas avoir déclaré l'activité d'administrateur de la SA L. D. qu'elle exerçait depuis le 17 mai 1989 ;
Attendu que, saisi d'un recours contre cette décision, le premier juge le déclara non fondé ;
Que l'appelante fait valoir qu'elle fut nommée en qualité d'administrateur délégué de la société, mandat à titre gratuit, pour parer à l'impossibilité, tant pour J. K. que pour son époux, d'occuper cette fonction à défaut d'être en possession d'une carte professionnelle de travail ;
qu'elle expose que dès le 29 mai 1989 elle donna procuration à son époux en vue de poser tous les actes de gestion journalière, ce qui confirme qu'elle n'était qu'un prête-nom ; qu'elle n'a posé aucun acte concret à l'exception de la signature des documents officiels ; qu'elle soutient donc que son mandat était purement fictif ; que par ailleurs elle souligne qu'elle n'était titulaire d'aucune part sociale et que, mariée sous le régime de la séparation de biens avec société d'acquêts, ni son patrimoine propre ni le patrimoine commun n'ont tiré avantage de la SA L.
D. ; qu'elle en conclut qu'elle n'avait aucune obligation de déclarer ce mandat ni de biffer les cases de sa carte de contrôle ; qu'elle sollicite l'annulation de la décision administrative querellée ;
Que l'intimé conclut à la confirmation du jugement entrepris ; qu'il forme par ailleurs une demande reconventionnelle ayant pour objet la condamnation de l'appelante à lui rembourser la somme de 512.647 F perçue indûment, à augmenter des intérêts judiciaires ;
EN DROIT - POSITION DE LA COUR Attendu qu'aux termes de l'article 126, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 20 décembre 1963 relatif à l'emploi et au chômage, applicable en l'espèce, est admis au bénéfice des allocations de chômage le travailleur :
1° qui devient chômeur, privé de rémunération, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ;
2° qui, pendant son chômage, a) n'effectue, pour le compte d'un tiers, aucun travail, salarié ou non, dont il tire quelque rémunération ou avantage matériel de nature à contribuer à sa subsistance et à celle de sa famille ;
b) n'effectue, pour son propre compte, aucun travail qui peut être intégré dans le courant des échanges économiques de biens et de services et qui n'est pas limité à la gestion normale des biens propres ;
Attendu que l'exercice d'un mandat social dans une société commerciale constitue un travail effectué pour son propre compte par celui qui en est investi ;
Que l'exercice d'un mandat d'administrateur est intégré dans le courant des échanges économiques de biens et de services et n'est pas limité à la gestion normale des biens propres, au contraire de la seule détention des parts représentatives du capital social ; qu'en effet les administrateurs d'une société anonyme sont investis de pouvoirs étendus qui excèdent la gestion journalière et que la délégation de cette gestion à l'un d'eux ne les soustrait pas à la responsabilité qu'ils assument, en vertu de la loi, en qualité d'organes de la société à l'égard tant de la société que des tiers (Cour trav. Mons, 6ème ch., 17 février 1995, RG 12012 ; Cour trav.
Mons, 6ème ch., 8 août 1996, RG 12673 ; Cour trav. Mons, 6ème ch., 21 mars 1997, RG 12666 ;
Cour trav. Mons, 6ème ch., 21 mars 1997, RG 12667) ;
Que l'exercice d'un mandat d'administrateur, même gratuit, n'en est pas pour autant bénévole et désintéressé, puisqu'il a pour objet d'assurer, au travers de l'exercice du pouvoir ainsi conféré, la gestion de la société, sa prospérité, ainsi que la rentabilisation du capital qui y est investi, soit par l'administrateur concerné, soit par son époux, et ce au travers de la production de revenus affectés aux besoins du ménage ou de profits tirés des capitaux investis, ceci restant valable dans le cadre d'une séparation de biens avec société d'acquêts ;
Qu'est dès lors sans incidence la circonstance que l'appelante aurait délégué les pouvoirs de gestion journalière à son époux C. M., au surplus par une simple procuration non opposable aux tiers à défaut de répondre aux conditions prévues par l'article 10 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales ; qu'il est utile de rappeler en outre que la gestion journalière d'une société commerciale ne comprend que les actes d'exploitation accomplis dans le cadre des décisions prises par le conseil d'administration ou des directives arrêtées par lui ;
Attendu que l'appelante, dont il est établi qu'elle exerçait une activité pour son propre compte au sens de l'article 126 de l'arrêté royal du 20 décembre 1963, ne pouvait conserver son droit aux allocations de chômage qu'aux conditions de l'article 128, § 1er, 1° à 4°, dudit arrêté royal, lesquelles doivent être satisfaites cumulativement ;
Qu'il est constant que l'appelante n'a à aucun moment déclaré le mandat d'administrateur de la SA L. D. ; qu'elle doit en conséquence être exclue du bénéfice des allocations de chômage ; que surabondamment la Cour relève que les autres conditions de l'article 128 ne sont pas non plus remplies ;
Que la décision administrative querellée doit être confirmée en ce qu'elle exclut l'appelante du bénéfice des allocations de chômage à dater du 17 mai 1989 ;
Attendu que l'extrait du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 26 septembre 1990, acceptant la démission de l'appelante et la déchargeant de son mandat d'administrateur, a été publié aux annexes du moniteur belge du 24 octobre 1990, date à laquelle cet acte est opposable aux tiers en application de l'article 10, § 4, des lois coordonnées sur les sociétés commerciales ;
Que l'intimé sollicite reconventionnellement condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 512.647 F perçue indûment ; que cette demande reconventionnelle est recevable en application des articles 807 à 810 et 1042 du Code judiciaire ; que sa recevabilité n'est au demeurant pas contestée ;
Que si cette demande reconventionnelle est fondée en son principe, il convient d'inviter les parties, et en particulier l'intimé, à s'expliquer quant au montant de l'indu, compte tenu de la démission de l'appelante de son mandat d'administrateur avec effet au 24 octobre 1990 ;
Attendu que l'appelante n'ayant pas fait mention de son activité sur sa carte de contrôle, la sanction prise en application de l'article 154 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage est justifiée en son principe ;
Qu'aux termes de ses conclusions de synthèse du 19 mai 1999, qui annulent et remplacent les précédentes conclusions, l'appelante ne demande pas la réduction de cette sanction ;
Que le cadre de l'instance est déterminé par les parties elles-mêmes qui, par l'appel principal ou incident, fixent les limites dans lesquelles le juge d'appel doit statuer sur les contestations dont le premier juge a eu à connaître ; que la Cour n'est pas saisie de la hauteur de la sanction ;
PAR CES MOTIFS, La Cour du travail, Statuant contradictoirement, Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, notamment l'article 24, Entendu Monsieur Dominique Dumont, Substitut de l'Auditeur du travail à Tournai, délégué par ordonnance du 12 avril 2001 (prorogeant celles des 14 avril, 21 août, 28 novembre 2000 et 7 mars 2001) de Monsieur le Procureur général pour exercer les fonctions de Substitut général près la Cour du travail de Mons du 13 avril 2001 au 15 juin 2001 en la lecture de son avis écrit déposé à l'audience publique du 16 mars 2001 ;
Reçoit l'appel ;
Le dit non fondé ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Reçoit la demande reconventionnelle ;
La dit fondée en son principe ;
Avant de statuer quant au montant de l'indu, ordonne d'office la réouverture des débats aux fins précisées aux motifs du présent arrêt ;
Fixe la réouverture des débats à l'audience publique du 21 décembre 2001 à 14 heures 30 devant la présente Chambre siégeant en ses locaux sis rue Notre-Dame Débonnaire n? 15-17 à 7000 MONS, Réserve les dépens ;
Ainsi jugé et prononcé, en langue française, à l'audience publique du 18 mai 2001 par la 6ème Chambre de la Cour du travail de Mons, où siégeaient:
Mme J. BAUDART, Conseiller présidant la Chambre, M. J. DELROISSE, Conseiller social au titre d'employeur, M. A. DANIAUX, Conseiller social au titre de travailleur employé, et Madame F. BAYENET, Greffier adjoint, Greffier.