Jugement du Tribunal de première instance de Liège dd. 08.03.2003

Date :
08-03-2003
Language :
French Dutch
Size :
4 pages
Section :
Regulation
Type :
Belgian justice
Sub-domain :
Fiscal Discipline

Summary :

Rentes alimentaires,Ménage distinct,Autonomie financière,Intimidation du contribuable

Original text :

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Jugement du Tribunal de première instance de Liège dd. 08.03.2003
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Document type : Belgian justice
Title : Jugement du Tribunal de première instance de Liège dd. 08.03.2003
Tax year : 2005
Document date : 08/03/2003
Document language : FR
Name : L1 03/7
Version : 1

ARRET L1 03/7


Jugement du Tribunal de première instance de Liège dd. 08.03.2003



FJF 2004/261

Rentes alimentaires - Ménage distinct - Autonomie financière - Intimidation du contribuable

    L'existence d'un ménage distinct suppose que le bénéficiaire de la rente alimentaire ait créé, dans une résidence séparée, son propre ménage en gérant, de manière autonome, ses besoins et ses ressources. Le départ réel et permanent de l'habitation parentale doit être apprécié au cas par cas au regard des circonstances concrètes et réelles qui peuvent démontrer que les enfants ont opté pour une vie indépendante hors de la sphère familiale.

    Si l'autonomie financière peut être un élément concourant à la démonstration de l'existence d'un ménage distinct, elle n'est pas déterminante en soi, ni dans un sens, ni dans l'autre. Ainsi, il ne peut être reproché au débirentier d'avoir conservé des liens d'affection avec ses enfants, pouvant notamment s'exprimer par la faculté pour ceux-ci d'utiliser à l'occasion sa carte de crédit.

    L'utilisation, par un haut fonctionnaire, de manœuvres d'intimidation manifestes contre le contribuable lors d'une visite à son domicile, est constitutive d'une faute, et le dommage moral qui en a découlé doit être réparé par l'Etat.



Juge unique: M. L.
Avocats: Me B., Me G., Me S.

L.K.
contre
L'Etat belge, représenté par le ministre des Finances

Les faits

Attendu que la requérante a trois enfants:
- V., née le 12 avril 1971;
- F., née le 14 août 1972;
- F., né le 8 février 1974;
Qu'elle a versé pour les exercices d'imposition 1996, 1997 et 1998 une rente alimentaire à chacun d'eux, fixée par ordonnance du 12 juin 1995 de M. du juge de paix du deuxième canton de Liège avec effet rétroactif au 15 janvier 1995;
Qu'elle est domiciliée à Liège, [...] depuis 1985, alors que ses enfants sont domiciliés dans l'immeuble familial de Vielsalm, [...] depuis le 13 septembre 1994 pour l'aînée et le 20 mars 1995 pour les deux autres;
Que l'administration fiscale a contesté la déductibilité des rentes alimentaires au motif que la requérante n'apportait pas la preuve de l'existence d'un ménage distinct dans le chef de ses enfants;
Que la requérante a formé recours contre les décisions directoriales n os 23492/97, 4657/99 et 23475/99 du 19 avril 2000;

Discussion

Recevabilité

Attendu que pour les exercices d'imposition 1996 et 1998 le recours est recevable pour avoir été introduit dans les conditions de fond et de forme prévues par les articles 1385 decies et undecies du Code judiciaire;
Qu'en ce qu'il est dirigé contre l'exercice d'imposition 1997, le recours est irrecevable à défaut d'avoir été précédé d'un recours administratif régulier, la réclamation introduite par la requérante étant tardive;

Fondement

Attendu que la requérante soutient qu'elle a apporté la preuve de l'existence d'un ménage distinct dans le chef de ses enfants;
Qu'en outre, elle serait victime d'un acharnement de l'administration fiscale à son égard qui justifie la condamnation du défendeur à des dommages et intérêts pour taxation téméraire, dommages qu'elle fixe ex aequo et bono à 2.480 EUR.

Attendu que le défendeur affirme qu'il ressort du dossier de l'administration que les enfants de la requérante n'habitent pas effectivement à Vielsalm;
Que certes,s'ils ont également vécu en «kot» à Liège durant la période litigieuse, ils n'ont pas acquis une autonomie financière suffisante pour justifier l'existence d'un ménage distinct;
Que le défendeur conteste que la requérante aurait été victime de l'obstination fautive de l'administration fiscale;
Que celle-ci n'a fait qu'appliquer la loi et la ligne de conduite habituelle en la matière;
Que la requérante n'apporte pas la preuve d'un dommage dans son chef en relation causale avec une faute éventuelle de l'administation;

1) Ménage distinct

Attendu que l'existence d'un ménage distinct implique que le bénéficiaire ait créé, dans une résidence séparée, son propre ménage en gérant, de manière autonome, ses besoins et ses ressources;
Que le départ réel et permanent de l'habitation parentale doit être apprécié au cas par cas au regard des circonstances concrètes et réelles qui peuvent démontrer que les enfants ont opté pour une vie indépendante hors de la sphère familiale (Anvers, 30 juin 1998, F.J.F., 1999, 106);
Qu'aucune formalité, aucun élément administratif ou financier ne peut constituer, à lui seul, la preuve décisive de l'existence d'un ménage distinct et autonome, et inversement, l'absence d'un des éléments précités ne la remet pas en cause ipso facto;
Que la requérance affirme, sans être contredite par le défendeur, que ses enfants ne résident plus avec elle dans son appartement ..., mais se partagent entre la maison familiale de V... et des «kots» ou appartements à L...;
Qu'elle n'est en effet plus en mesure de les recevoir dans son appartement, celui-ci ayant été réaménagé après leur départ;
Que le défendeur aurait pu le constater, de visa, lors d'un rendez-vous sur place le 9 octobre 1997, mais l'a refusé, fort peu logiquement;
Qu'il ne saurait à présent reprocher à la requérante de ne pas établir autrement cette situation;
Que les allées et venues entre leur «kot» ou appartement de L... et V... sont avérées par les déclarations des gardes-champêtres: «il s'agit d'un occupation sporadiqeu, certains week-ends et vacances scolaires» (attestation du 24 mars 1997) «ils y reviennent régulièrement et y ont leur partie privative» (attestation du 9 décembre 1998);
Que la requérante dépose également les baux des appartements et «kots» de F... et F... pour les années concernées;
Qu'ils n'ont pas réintégré le domicile maternel depuis;
Que V... a quitté la Belgique en 1994 et vit actuellement au Chili;

Attendu que le défendeur exige en outre la preuve de l'autonomie financière des enfants, laquelle ne serait pas rapportée au motif que certaines de leurs dépenses ont été effectuées grâce à la carte de crédit de la requérante;
Que comme précisé ci-dessus, l'autonomie financière peut être un élément concourant à la démonstration de l'existence d'un ménage distinct, mais il n'est pas déterminant en soi, ni dans un sens, ni dans l'autre;
Qu'il ne peut être reproché à la requérante d'avoir conservé des liens d'affection avec ses enfants, pourvant notamment s'exprimer par la faculté pour ceux-ci d'utiliser à l'occasion sa carte de crédit (les sommes dont la déduction est postulée ayant été versées par compte bancaire, sauf pro parte pour V... qui était alors à l'étranger);
Que la création d'un ménage distinct n'implique pas que tous les liens familiaux soient coupés;
Que par contre, le tribunal relève que les enfants de la requérante ont géré de façon tout à fait autonome la location de leur appartement ou «kot» (baux à leurs noms), ainsi que toutes les dépenses liées à leur vie courante, la requérante ne postule que la déduction des sommes versées à titre de rente et non des remboursements de frais sporadiques;
Que l'autonomie financière dout également être relativisée eu égard à la poursuite d'études supérieures, laissant peu de temps à consacrer à un travail d'appoint et au marasme économique ambiant ne facilitant pas la recherche d'un job d'étudiant;
Qu'enfin, cette situation est d'autant plus compréhensible que la requérante a des revenus suffisants pour lui permettre d'assumer seule l'entretien de ses trois enfants;
Qu'il ressort des éléments précités que les enfants de la requérante ont bien constitué des ménages distincts du sien durant les exercises d'imposition litigieux au sens de l'article 104, 1°, du C.I.R. 1992;

2) Dommages et intérêts pour taxation vexatoire

Attendu que les relations entre le citoyen et son administration fiscale sont fondées avant tout sur un rapport de forces disproportionné, cette dernière ayant la faculté de se délivrer à elle-même un titre exécutoire dont elle peut poursuivre le recouvrement, nonobstant les contestations du premier;
Que les relations entre le citoyen et son administration fiscale sont également des rapports humains qui n'excluent pas les préjugés;
Que nonobstant le caractère administratif de la décision directoriale, celle-ci doit être rendue dans le respect des règles qui sont issues des principes de bonne administration: «Ainsi le directeur se voit obligé notamment de statuer de manière loyale et impartiale» (Q.P. n° 95, repr. Van Hoorebeke, 22 octobre 1999, Bull. Q.R., n° 41, 31 juillet 2000, Ch., 2 e sess., 1999-2000, p. 4922);

Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas démontré que l'administration fiscale aurait sciemment enfreint des règles légales;
Que celle-ci a fait valoir son point de vue, ce qui était son droit le plus strict et ce sans qu'il soit possible de démontrer en quoi celui-ci serait fautif;
Que le fait d'avoir dû introduire des réclamations, puis ensuite un recours fiscal, ne peut être considéré en soi comme constitutif d'un dommage en relation causale avec l'attitude prétendue fautive de l'administration fiscale;
Qu'il est par contre plus préoccupant de constater qu'un de ses plus hauts fonctionnaires a pu trouver adéquat d'user de manœuvres d'intimidation manifestes envers la requérante lors d'une visite à son domicile le 9 octobre 1997;
Que ces menaces ont pu être ressenties par la requérante avec d'autant plus d'acuité que de par ses fonctions, elle se doit d'être exempte de toute critique, tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie privée et ce dans la mesure où sa réputation et son crédit pourraient être entachés;
Que l'attitude de l'organe du défendeur est fautive, non quant à la décision administrative prise in fine, mais bien dans l'instruction du recours administratif de la requérante;
Que le dommage est donc uniquement moral et mérite réparation, laquelle sera fixée ex aequo et bono à 1 EUR;

Par ces motifs,

Le Tribunal,


Statuant contradictoirement à l'égard des parties et en premier ressort,
Dit le recours de la requérante recevable et fondé, sauf en ce qu'il vise la cotisation enrôlée sous l'article de rôle n° [...] pour l'exercice d'imposition 1997 pour lequel il est irrecevable.
Ordonne le dégrèvement des cotisations enrôlée à charge de la requérante sous les articles du rôle n os  [...] pour les exercices d'imposition 1996 et 1998.
Condamne le défendeur à restituer toute somme indûment perçue du chef des cotisations dégrevées, à majorer des intérêts moratoires selon l'article 418 du C.I.R. 1992.