Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage): Arrêt du 28 avril 2016 (Belgique). RG 55/2016

Date :
28-04-2016
Langue :
Allemand Français Néerlandais
Taille :
9 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20160428-5
Numéro de rôle :
55/2016

Résumé :

La Cour dit pour droit : Compte tenu de ce qui est dit en B.16.2, l'article 127 du décret de la Communauté flamande du 13 juillet 1994 relatif aux instituts supérieurs en Communauté flamande ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Arrêt :

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La Cour constitutionnelle,

composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le juge A. Alen,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

I. Objet de la question préjudicielle et procédure

Par arrêt du 19 novembre 2014 en cause de Anne Marie Van Roy contre l'ASBL « Thomas More Mechelen-Antwerpen », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 27 novembre 2014, la Cour du travail d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante :

« L'article 127 du décret du 13 juillet 1994 relatif aux instituts supérieurs en Communauté flamande viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution et la Charte des droits fondamentaux dans l'interprétation selon laquelle la désignation de professeurs invités à temps partiel peut être prolongée sans limite, en conséquence de quoi, au terme d'un contrat à durée déterminée, même si des contrats ont été conclus pour une période de plus de trois ans, il n'existe pas de droit à une indemnité de congé, alors que les travailleurs qui sont employés sous un contrat de travail régi par la loi relative aux contrats de travail voient, après quelques prolongations, leur contrat converti en contrat à durée indéterminée et ont donc droit à une indemnité de congé, pour autant qu'ils ne tombent pas sous le coup des exceptions fixées par la loi ? ».

(...)

III. En droit

(...)

B.1.1. La question préjudicielle porte sur l'article 127 du décret du 13 juillet 1994 relatif aux instituts supérieurs en Communauté flamande (ci-après : le décret relatif aux instituts supérieurs), tel qu'il a été modifié par l'article 56 du décret 14 juillet 1998 relatif à l'enseignement IX et avant son abrogation par l'article 3, 3°, du décret du 20 décembre 2013 sanctionnant les dispositions décrétales relatives à l'enseignement supérieur codifiées le 11 octobre 2013 (ci-après : le Code de l'enseignement supérieur).

B.1.2. L'article 127 du décret relatif aux instituts supérieurs disposait :

« La direction de l'institut supérieur peut employer par contrat des professeurs invités à temps plein ou à temps partiel, hors cadre, pour cinq ans ou plus. Les désignations successives de professeurs invités à temps plein ne peuvent dépasser la durée totale de cinq années successives. Les désignations de professeurs invités à temps partiel sont renouvelables.

Par dérogation à l'alinéa précédent, la direction de l'institut supérieur peut employer des professeurs invités à temps plein et à temps partiel, sur base contractuelle, hors cadre, pour une durée indéterminée, dans les disciplines arts audiovisuels et plastiques et musique et art dramatique ».

B.1.3. Le contenu de cette disposition a été repris dans l'article V.147 du Code de l'Enseignement supérieur.

B.2. Le juge a quo demande si l'article 127 du décret relatif aux instituts supérieurs viole les articles 10 et 11 de la Constitution et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dans la mesure où cette disposition permet de prolonger sans limite la désignation de professeurs invités à temps partiel, en conséquence de quoi, au terme d'un contrat à durée déterminée, même si des contrats ont été conclus pour une période de plus de trois ans, il n'existe pas de droit à une indemnité de congé, alors que les travailleurs qui sont employés sous un contrat de travail régi par la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail (ci-après : la loi relative aux contrats de travail) voient, après quelques prolongations, leur contrat converti en contrat à durée indéterminée et ont donc droit à une indemnité de congé, pour autant qu'ils ne tombent pas sous le coup des exceptions fixées par la loi.

B.3. L'intimée devant le juge a quo et le Gouvernement flamand contestent la recevabilité de la question préjudicielle dans la mesure où la Cour est invitée à se prononcer sur la compatibilité de l'article 127 du décret relatif aux instituts supérieurs avec la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Le juge a quo ne précise pas les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui devraient être combinées avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Par conséquent, la Cour ne doit pas associer ladite Charte à l'examen de la compatibilité de l'article 127 du décret relatif aux instituts supérieurs avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.4.1. L'article 10 de la loi relative aux contrats de travail dispose :

« Lorsque les parties ont conclu plusieurs contrats de travail successifs pour une durée déterminée sans qu'il y ait entre eux une interruption attribuable au travailleur, elles sont censées avoir conclu un contrat pour une durée indéterminée, sauf si l'employeur prouve que ces contrats étaient justifiés par la nature du travail ou par d'autres raisons légitimes.

Le Roi peut déterminer les cas dans lesquels l'employeur ne peut apporter cette preuve.

Les dispositions du présent article sont également applicables aux contrats conclus pour un travail nettement défini ».

L'article 10bis de la même loi prévoit des possibilités limitées de conclure des contrats successifs de durée déterminée, aux conditions fixées dans les paragraphes 2 et 3 de cette disposition, pour une durée totale ne dépassant pas, respectivement, deux ou trois ans.

B.4.2. L'article 10 de la loi relative aux contrats de travail instaure une présomption légale au profit du travailleur, qui ne peut être invoquée que par lui (Cass., 2 décembre 2002, Pas., 2002, n° 649) et que l'employeur peut renverser dans les conditions établies par l'alinéa 1er; cette présomption légale vise à protéger le travailleur contre le recours abusif à des contrats à durée déterminée successifs.

B.5. La différence de traitement au sujet de laquelle la Cour est interrogée découle de deux normes législatives édictées par deux législateurs différents : le décret relatif aux instituts supérieurs émane de la Communauté flamande, tandis que la loi relative aux contrats de travail émane de l'autorité fédérale.

B.6.1. La répartition de compétence en matière d'enseignement est réglée par l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la Constitution. Les communautés ont la plénitude de compétence pour réglementer l'enseignement au sens le plus large du terme, sauf les trois exceptions énoncées dans cette disposition constitutionnelle, exceptions qui doivent s'interpréter de manière stricte. Cette compétence inclut entre autres celle de fixer les règles relatives au statut du personnel de l'enseignement. En ce qui concerne la compétence des communautés à l'égard du personnel de l'enseignement subventionné, ce personnel comprend également le personnel non subventionné, ainsi que le personnel non enseignant.

B.6.2. Selon l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 12°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, l'autorité fédérale est seule compétente pour le droit du travail et la sécurité sociale.

L'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 12°, précité, ne peut toutefois pas porter atteinte à la compétence communautaire en matière d'enseignement, qui résulte directement de la Constitution. Cette disposition doit en effet se lire en combinaison avec l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la Constitution, de sorte qu'en matière d'enseignement, elle ne peut s'appliquer qu'au régime des pensions qui est expressément exclu, par cette disposition constitutionnelle, de la compétence des communautés.

B.7. En vertu de l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la Constitution, la Communauté flamande est compétente pour régler la situation juridique des professeurs invités à temps partiel des instituts supérieurs.

B.8.1. Le décret relatif aux instituts supérieurs détermine dans une large mesure la situation juridique des membres du personnel des instituts supérieurs libres subventionnés, dès lors qu'il place ces membres du personnel sous un « statut » auquel les parties ne peuvent pas librement déroger. Cette limitation de la liberté contractuelle des parties n'implique pas que leurs relations perdent leur caractère privé et contractuel, lorsqu'elles résultent d'un contrat de travail conclu entre une institution de droit privé et ses travailleurs (Cass., 18 décembre 1997, Pas., 1997, I, n° 1400).

B.8.2. Tant les professeurs invités à temps partiel d'un institut supérieur libre subventionné auquel le décret relatif aux instituts supérieurs s'applique que les travailleurs qui sont employés sous un contrat de travail auquel s'applique la loi relative aux contrats de travail se trouvent donc dans une relation contractuelle.

B.9. Etant donné que, sur base de sa compétence en matière d'enseignement, le législateur décrétal a fixé des règles propres aux membres du personnel des instituts supérieurs libres subventionnés pour le recrutement temporaire de professeurs invités à temps partiel, la loi relative aux contrats de travail n'est plus d'application à cet égard.

B.10. La différence de traitement, en matière de cessation de contrats à durée déterminée successifs, entre les professeurs invités à temps partiel d'un institut supérieur et les travailleurs qui relèvent de l'application de la loi relative aux contrats de travail, résulte de politiques distinctes, menées, d'une part, par la Communauté flamande, qui est compétente pour régler le statut du personnel enseignant et, d'autre part, par l'autorité fédérale, qui est compétente en matière de droit du travail, ce que permet l'autonomie qui est accordée aux deux législateurs par la Constitution ou en vertu de celle-ci. Une telle différence ne saurait en soi être considérée comme contraire au principe d'égalité et de non-discrimination.

B.11.1. Toutefois, pour apprécier la différence de traitement soumise à l'examen de la Cour, il convient de tenir compte également de l'accord-cadre sur les contrats de travail à durée déterminée, conclu au sein de l'Union européenne le 18 mars 1999, qui figure dans l'annexe à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée.

B.11.2. Il découle de la formulation de la clause 2, point 1, de l'accord-cadre que le champ d'application de ce dernier doit être interprété de manière large, puisqu'il s'applique de façon générale aux « travailleurs à temps partiel ayant un contrat ou une relation de travail définis par la législation, les conventions collectives ou pratiques en vigueur dans chaque Etat membre ». En outre, la définition de la notion de « travailleur à durée déterminée » au sens de l'accord-cadre, telle qu'elle figure dans la clause 3, point 1, de celui-ci, comprend tous les travailleurs, sans distinction fondée sur le caractère public ou privé de l'employeur, quelle que soit la qualification du contrat de ces travailleurs en droit national (CJUE, 3 juillet 2014, C-362/13, C-363/13 et C-407/13, Fiamingo e.a., points 28-29; 26 novembre 2014, C-22/13, C-61/13 à C-63/13 et C-418/13, Mascolo e.a., point 67).

B.11.3. Il s'ensuit qu'aucun secteur particulier n'est exclu du champ d'application de l'accord-cadre et que, par conséquent, cet accord s'applique au personnel recruté dans le secteur de l'enseignement (CJUE, 13 mars 2014, C-190/13, Màrquez Samohano, point 39; 3 juillet 2014, C-362/13, C-363/13 et C-407/13, Fiamingo e.a., point 38; 26 novembre 2014, C-22/13, C-61/13 à C-63/13 et C-418/13 Mascolo e.a., point 69).

B.12. Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice, une autorité d'un Etat membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne, y compris celles découlant de l'organisation constitutionnelle de cet Etat, pour justifier l'inobservation des obligations résultant du droit communautaire (CJUE, 1er avril 2008, C-212/06, Gouvernement de la Communauté française, point 58). Ainsi, l'attribution aux communautés de la compétence en matière d'enseignement ne saurait avoir pour effet de dispenser ces dernières du respect des obligations contenues dans l'accord-cadre.

B.13.1. Aux termes de la clause 1 de l'accord-cadre, celui-ci a pour objet, premièrement, d'améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination et, deuxièmement, d'établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

B.13.2. La clause 5 de l'accord-cadre, intitulée « Mesures visant à prévenir l'utilisation abusive », dispose :

« 1. Afin de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les Etats membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n'existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d'une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l'une ou plusieurs des mesures suivantes :

a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2. Les Etats membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c'est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée :

a) sont considérés comme ' successifs ';

b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée ».

B.14.1. Par son arrêt C-190/13, du 13 mars 2014, la Cour de justice devait se prononcer sur une question préjudicielle concernant une règle du droit espagnol, en vertu de laquelle les universités peuvent renouveler des contrats à durée déterminée successifs conclus avec des professeurs associés, sans aucune limite en ce qui concerne la durée maximale et le nombre de renouvellements de ces contrats.

B.14.2. La Cour de justice a jugé que l'accord-cadre ne s'opposait pas à cette règle :

« 41. Il convient de rappeler que la clause 5, point 1, de l'accord-cadre a pour objet de mettre en oeuvre l'un des objectifs poursuivis par celui-ci, à savoir encadrer le recours successif aux contrats ou aux relations de travail à durée déterminée, considéré comme une source potentielle d'abus au détriment des travailleurs, en prévoyant un certain nombre de dispositions protectrices minimales destinées à éviter la précarisation de la situation des salariés (voir arrêts Adeneler e.a., précité, point 63; du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C-378/07 à C-380/07, Rec. p. I-3071, point 73, ainsi que du 26 janvier 2012, Kücük, C-586/10, point 25).

42. Ainsi, cette disposition de l'accord-cadre impose aux Etats membres, en vue de prévenir l'utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, l'adoption effective et contraignante de l'une au moins des mesures qu'elle énumère, lorsque leur droit interne ne comporte pas de mesures légales équivalentes. Les mesures ainsi énumérées au point 1, sous a) à c), de ladite clause, au nombre de trois, ont trait, respectivement, à des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou de telles relations de travail, à la durée maximale totale de ces contrats ou de ces relations de travail successifs, et au nombre de renouvellements de ceux-ci (voir arrêts précités Angelidaki e.a., point 74, ainsi que Kücük, point 26).

43. En l'occurrence, il est constant que la réglementation applicable au requérant au principal, en particulier les statuts de l'UPF, ne comporte aucune mesure légale équivalente, au sens de la clause 5, point 1, de l'accord-cadre, et n'impose aucune limitation en ce qui concerne tant la durée maximale totale que le nombre de renouvellements des contrats de travail à durée déterminée conclus par les universités avec les enseignants associés, en vertu de ladite clause 5, point 1, sous b) et c).

44. Dans ces conditions, il convient d'examiner dans quelle mesure le renouvellement de tels contrats de travail est susceptible d'être justifié par une raison objective, au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l'accord-cadre.

45. Selon la jurisprudence, la notion de ' raison objective ' doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Ces circonstances peuvent résulter notamment de la nature particulière des tâches pour l'accomplissement desquelles de tels contrats ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d'un objectif légitime de politique sociale d'un Etat membre (arrêts précités Angelidaki e.a., point 96 et jurisprudence citée, ainsi que Kücük, point 27).

46. En revanche, une disposition nationale qui se bornerait à autoriser, de manière générale et abstraite, par une norme législative ou réglementaire, le recours à des contrats de travail à durée déterminée successifs ne serait pas conforme aux exigences précisées au point précédent du présent arrêt (arrêts précités Angelidaki e.a., point 97 et jurisprudence citée, ainsi que Kücük, point 28).

47. En effet, une telle disposition, de nature purement formelle, ne permet pas de dégager des critères objectifs et transparents aux fins de vérifier si le renouvellement de tels contrats répond effectivement à un besoin véritable, est de nature à atteindre l'objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Cette disposition comporte donc un risque réel d'entraîner un recours abusif à ce type de contrats et n'est, dès lors, pas compatible avec l'objectif et l'effet utile de l'accord-cadre (voir, en ce sens, arrêts précités Angelidaki e.a., précité, points 98 et 100 ainsi que jurisprudence citée, et Kücük, point 29).

48. Il ressort cependant de la réglementation nationale en cause au principal, telle qu'elle est exposée dans la décision de renvoi, que la conclusion et le renouvellement, par les universités, de contrats de travail à durée déterminée avec des enseignants associés, tels que le requérant au principal, sont justifiés par la nécessité de confier à des « spécialistes de compétence reconnue » qui exercent une activité professionnelle en dehors du milieu universitaire l'accomplissement à temps partiel de tâches d'enseignement spécifiques, afin que ceux-ci apportent leurs connaissances et leur expérience professionnelle à l'université, en établissant ainsi un partenariat entre le milieu de l'enseignement universitaire et le milieu professionnel. Selon cette réglementation, un tel enseignant associé doit avoir exercé une activité professionnelle rémunérée sur la base du diplôme obtenu par celui-ci, pendant une période minimale de plusieurs années au cours d'une période déterminée précédant son recrutement par l'université. Les contrats de travail en question sont, par ailleurs, conclus et renouvelés sous réserve que les conditions relatives à l'exercice de l'activité professionnelle soient maintenues et ils doivent prendre fin lorsque l'enseignant associé concerné atteint l'âge de la retraite.

49. Il apparaît ainsi, sous réserve des vérifications qu'il appartient à la juridiction de renvoi d'effectuer, cette dernière étant exclusivement compétente pour interpréter le droit national, que cette réglementation fixe les circonstances précises et concrètes dans lesquelles des contrats de travail à durée déterminée peuvent être conclus et renouvelés aux fins de l'emploi d'enseignants associés et qu'elle répond à un besoin véritable.

50. En particulier, de tels contrats temporaires apparaissent de nature à atteindre l'objectif poursuivi, consistant à enrichir l'enseignement universitaire, dans des domaines spécifiques, par l'expérience de spécialistes reconnus, dès lors que ces contrats permettent de tenir compte de l'évolution tant des compétences des intéressés dans les domaines concernés que des besoins des universités.

51. A cet égard, il convient de rappeler que, si les contrats de travail à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail, l'accord-cadre lui-même reconnaît, ainsi qu'il ressort des deuxième et troisième alinéas de son préambule ainsi que des points 8 et 10 de ses considérations générales, que les contrats à durée déterminée sont une caractéristique de l'emploi dans certains secteurs ou pour certaines occupations ou activités (voir, en ce sens, arrêts Adeneler e.a., précité, point 61; du 15 avril 2008, Impact, C-268/06, Rec. p. I-2483, point 86, et du 15 mars 2012, Sibilio, C-157/11, point 38).

52. Par ailleurs, compte tenu du fait que, pour être recruté comme enseignant associé, l'intéressé doit nécessairement exercer une activité professionnelle en dehors de l'université et qu'il ne peut accomplir ses tâches d'enseignement qu'à temps partiel, il n'apparaît pas non plus qu'un tel contrat de travail à durée déterminée soit susceptible, en tant que tel, de porter atteinte à la finalité de l'accord-cadre, qui est de protéger les travailleurs contre l'instabilité en matière d'emploi.

53. Il convient, dès lors, de constater que, ainsi que l'ont fait valoir l'ensemble des intéressés ayant déposé des observations écrites devant la Cour, une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet aux universités de procéder au renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs conclus avec des enseignants associés, apparaît, sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, conforme à la clause 5, point 1, de l'accord-cadre.

54. Il y a lieu néanmoins de souligner que, si la raison objective prévue par une réglementation nationale telle que celle en cause au principal peut, en principe, être admise, les autorités compétentes doivent veiller à ce que l'application concrète de cette réglementation nationale, eu égard aux particularités de l'activité concernée et aux conditions de son exercice, soit conforme aux exigences de l'accord-cadre. Lors de l'application de la disposition du droit national concernée, ces autorités doivent donc être en mesure de dégager des critères objectifs et transparents aux fins de vérifier si le renouvellement de tels contrats répond effectivement à un besoin véritable et est de nature à atteindre l'objectif poursuivi et nécessaire à cet effet (voir arrêt Kücük, précité, point 34).

55. A cet égard, il convient de rappeler que le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée pour couvrir des besoins qui ont, en fait, un caractère non pas provisoire mais, tout au contraire, permanent et durable n'est pas justifié, au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l'accord-cadre (voir, notamment, arrêt Kücük, précité, point 36).

56. En effet, une telle utilisation des contrats ou des relations de travail à durée déterminée irait directement à l'encontre de la prémisse sur laquelle se fonde l'accord-cadre, à savoir que les contrats de travail à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail, même si les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l'emploi dans certains secteurs ou pour certaines occupations et activités (voir arrêts précités Adeneler e.a., point 61, et Kücük, point 37).

57. Les seules circonstances que des contrats de travail à durée déterminée conclus avec des enseignants associés soient renouvelés en vue de couvrir un besoin récurrent ou permanent des universités en la matière et qu'un tel besoin pourrait être satisfait dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ne sont toutefois pas de nature à exclure l'existence d'une raison objective, au sens de la clause 5, point 1, de l'accord-cadre, dès lors que la nature de l'activité d'enseignement en question et les caractéristiques inhérentes à cette activité peuvent justifier, dans le contexte en cause, l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée. Si les contrats de travail à durée déterminée conclus avec les enseignants associés couvrent un besoin permanent des universités, dans la mesure où l'enseignant associé, en vertu d'un tel contrat de travail à durée déterminée, exécute des tâches bien définies qui font partie des activités habituelles des universités, il n'en reste pas moins que le besoin en matière de recrutement d'enseignants associés demeure temporaire dans la mesure où cet enseignant est censé reprendre son activité professionnelle à temps plein à la fin de son contrat (voir, en ce sens, arrêt Kücük, précité, points 38 et 50).

58. En revanche, des contrats de travail à durée déterminée tels que ceux en cause au principal ne sauraient être renouvelés aux fins de l'accomplissement de manière permanente et durable, fût-ce à temps partiel, des tâches d'enseignement qui relèvent normalement de l'activité du personnel enseignant ordinaire.

59. Il appartient, dès lors, à toutes les autorités de l'Etat membre concerné, y compris les juridictions nationales, d'assurer, dans le cadre de leurs compétences respectives, le respect de la clause 5, point 1, sous a), de l'accord-cadre, en vérifiant concrètement que le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs conclus avec des enseignants associés vise à couvrir des besoins provisoires et qu'une réglementation telle que celle en cause au principal n'est pas utilisée, en fait, pour satisfaire des besoins permanents et durables des universités en matière de recrutement de personnels enseignants (voir, par analogie, arrêts précités Angelidaki e.a., point 106, et Kücük, point 39) » (CJUE, 13 mars 2014, C-190/13, Màrquez Samohano, points 41-59).

B.15. En ce qui concerne les sanctions susceptibles d'être infligées en cas de recours abusif à la possibilité de conclure des contrats de travail à durée déterminée successifs, la Cour de justice a souligné à plusieurs reprises déjà que l'accord-cadre n'édicte pas une obligation générale de prévoir la transformation en un contrat à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée (CJUE, 4 juillet 2006, C-212/04, Adeneler, point 91; 3 juillet 2014, C-362/13, C-363/13 et C-407/13, Fiamingo e.a., point 64; 26 novembre 2014, C-22/13, C-61/13 à C-63/13 en C-418/13, Mascolo e.a., point 80).

B.16.1. Il découle mutatis mutandis de ce qui précède que des règles telles que celles que contient l'article 127 du décret sur les instituts supérieurs, qui autorisent les instituts supérieurs à recruter des professeurs invités à temps partiel pour une période de maximum cinq ans, sans fixer de limite en ce qui concerne le renouvellement de tels contrats de travail temporaires et sans prévoir la transformation de contrats à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée, ne sont pas incompatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'accord-cadre figurant en annexe à la directive européenne précitée.

B.16.2. En cas de litige, il appartient toutefois au juge compétent de vérifier concrètement si le renouvellement de contrats de travail successifs conclus avec des professeurs invités à temps partiel vise à pourvoir à des besoins temporaires et si le renouvellement n'est pas utilisé en réalité pour pourvoir à des besoins permanents et persistants des instituts supérieurs en matière de recrutement de personnel enseignant.

Il n'est donc pas fait obstacle à ce que le juge puisse prévoir une indemnité adéquate s'il constatait un recours abusif à des contrats à durée déterminée successifs.

B.17. Compte tenu de ce qui est dit en B.16.2, la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs,

la Cour

dit pour droit :

Compte tenu de ce qui est dit en B.16.2, l'article 127 du décret de la Communauté flamande du 13 juillet 1994 relatif aux instituts supérieurs en Communauté flamande ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 28 avril 2016.

Le greffier,

F. Meersschaut

Le président f.f.,

A. Alen