Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage): Arrêt du 28 septembre 2017 (Belgique). RG 106/2017

Date :
28-09-2017
Langue :
Allemand Français Néerlandais
Taille :
36 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20170928-3
Numéro de rôle :
106/2017

Résumé :

La Cour pose à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes : 1. L'article 132, paragraphe 1, c), de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée doit-il être interprété en ce sens qu'il réserve, aussi bien pour les pratiques conventionnelles que non-conventionnelles, l'exonération qu'il vise aux praticiens d'une profession médicale ou paramédicale qui sont soumis à la législation nationale relative aux professions des soins de santé et qui satisfont aux exigences fixées par cette législation nationale et qu'en soient exclues les personnes qui ne remplissent pas ces conditions mais qui sont affiliées à une association professionnelle de chiropracteurs ou d'ostéopathes et satisfont aux critères fixés par cette association ? 2. L'article 132, paragraphe 1, b), c) et e), l'article 134 et l'article 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, combinés avec les points 3 et 4 de l'annexe III de cette directive, notamment au regard du principe de neutralité fiscale, doivent-ils être interprétés en ce sens : a) qu'ils font obstacle à ce qu'une disposition nationale qui prévoit un taux réduit de TVA soit applicable aux médicaments et aux dispositifs médicaux qui sont fournis dans le cadre d'une intervention ou d'un traitement à vocation thérapeutique, alors que les médicaments et dispositifs médicaux qui sont fournis dans le cadre d'une intervention ou d'un traitement à vocation purement esthétique et qui y sont étroitement liés sont assujettis au taux normal de TVA; b) ou qu'ils autorisent ou imposent l'égalité de traitement des deux cas précités ? 3. Appartient-il à la Cour de maintenir provisoirement les effets des dispositions à annuler par suite des B.29, B.32.4, B.34.5, B.35.5, B.38.6, B.39.7 et B.40.7, de même que ceux des dispositions qui devraient, le cas échéant, être annulées entièrement ou partiellement, s'il découlait de la réponse à la première ou à la deuxième question préjudicielle qu'elles sont contraires au droit de l'Union européenne, et ce afin de permettre au législateur de les mettre en conformité avec ce droit ?

Arrêt :

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La Cour constitutionnelle,

composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président E. De Groot,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

I. Objet des recours et procédure

a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 mai 2016 et parvenue au greffe le 17 mai 2016, un recours en annulation de l'article 110 de la loi du 26 décembre 2015 relative aux mesures concernant le renforcement de la création d'emplois et du pouvoir d'achat (publiée au Moniteur belge du 30 décembre 2015, deuxième édition) a été introduit par l'union professionnelle « Syndicat belge de la Chiropraxie » et Bart Vandendries, assistés et représentés par Me E. Maes, avocat au barreau de Bruxelles, et Me M. Denef, avocat au barreau de Louvain.

b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 juin 2016 et parvenue au greffe le 30 juin 2016, un recours en annulation de l'article 110 de la loi précitée a été introduit par l'union professionnelle « Union Belge des Ostéopathes », l'union professionnelle « Unie van Osteopaten », l'union professionnelle « Société Belge d'Ostéopathie, Union professionnelle des Ostéopathes de Belgique », Aymeric Tassin et Maika Debisschop, assistés et représentés par Me J. Bosquet, avocat au barreau d'Anvers, et Mes B. Hermans et H. Van den Keybus, avocats au barreau de Bruxelles.

c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 juin 2016 et parvenue au greffe le 30 juin 2016, un recours en annulation des articles 110 et 111 de la loi précitée a été introduit par la SPRL « Plast.Surg. », Marianne Mertens, la SPRL « Dokter Alexis Verpaele Plastische Chirurgie », la SPRL « Phryne » et l'ASBL « Société Royale Belge de Chirurgie Plastique, Reconstructice et Esthétique », assistées et représentées par Me T. De Gendt, avocat au barreau de Louvain.

d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 juin 2016 et parvenue au greffe le 30 juin 2016, un recours en annulation des articles 110, 111 et 112 de la loi précitée a été introduit par l'ASBL « Belgian Society for Private Clinics », Bart Decoopman, Wim De Maerteleire, la SA « Clara Invest », la SPRL « Mediplast », la SPRL « Dr. Plovier - Dr. Czupper », la SPRL « Robin Van Look » et la SPRL « Da Vinci Clinic », assistés et représentés par Me S. Tack, avocat au barreau de Bruges.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 6429, 6462, 6464 et 6465 du rôle de la Cour, ont été jointes.

(...)

II. En droit

(...)

Quant à l'étendue des recours et à leur recevabilité

B.1.1. Dans les affaires nos 6429 et 6462, le « Syndicat belge de la chiropraxie » et un chiropracteur, l'« Union Belge des Ostéopathes », l'« Unie van Osteopaten », la « Société belge d'ostéopathie, Union professionnelle des Ostéopathes de Belgique », et deux ostéopathes ont introduit un recours en annulation de l'article 110 de la loi du 26 décembre 2015 relative aux mesures concernant le renforcement de la création d'emplois et du pouvoir d'achat (ci-après : la loi du 26 décembre 2015).

B.1.2. Le Conseil des ministres allègue que les parties requérantes dans les affaires nos 6429 et 6462 n'ont pas intérêt aux recours en annulation qu'elles ont introduits, étant donné que la mesure attaquée, qui soumet à la TVA les prestations des chiropracteurs et des ostéopathes, ne causerait aucun préjudice aux parties requérantes. Le législateur a toujours, et de manière inchangée, subordonné l'exemption de la TVA prévue pour les prestations médicales et paramédicales à l'exercice de ces prestations par des praticiens d'une profession médicale et paramédicale reconnue et réglementée en Belgique. Selon le Conseil des ministres, l'article 110, attaqué, de la loi du 26 décembre 2015 ne constituerait qu'une codification de cette règle et ne modifierait en rien le contenu de la réglementation TVA en vigueur, étant donné que les chiropracteurs et les ostéopathes étaient déjà assujettis à la TVA antérieurement.

B.1.3. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les chiropracteurs ou les ostéopathes étaient déjà assujettis à la TVA avant l'entrée en vigueur de l'article 110 de la loi du 26 décembre 2015, il suffit de constater que, lorsque le législateur reprend dans une loi nouvelle une disposition ancienne et s'approprie de cette manière son contenu, un recours peut être introduit contre la disposition reprise dans les six mois de sa publication au Moniteur belge. En outre, il n'est pas nécessaire qu'une éventuelle annulation leur procure un avantage immédiat. La circonstance que les chiropracteurs et les ostéopathes obtiendraient une chance que leur situation soit réglée plus favorablement à la suite de l'annulation des dispositions attaquées suffit à justifier leur intérêt à attaquer ces dispositions.

Les recours introduits par les parties requérantes dans les affaires nos 6429 et 6462 sont dès lors recevables.

B.2.1. Dans l'affaire n° 6465, différentes personnes physiques et morales ont introduit un recours en annulation alléguant que les articles 110, 111 et 112 de la loi du 26 décembre 2015 instaurent de manière discriminatoire et peu précise un assujettissement à la TVA pour les activités et prestations fournies par des médecins-chirurgiens en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique.

B.2.2. Le Conseil des ministres fait valoir que le recours en annulation dans l'affaire n° 6465, dans la mesure où il concernerait l'article 112 de la loi du 26 décembre 2015, est irrecevable. En effet, le Conseil des ministres n'aperçoit pas de quelle manière l'article 112, qui confirme l'arrêté royal du 14 décembre 2015 modifiant l'arrêté royal n° 20 du 20 juillet 1970 fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux, pourrait être lié à la situation des parties requérantes.

B.2.3. L'arrêté royal du 14 décembre 2015 fixe le taux de TVA applicable à certains actes relatifs aux bâtiments scolaires; l'article 112 attaqué est par conséquent étranger au recours en annulation introduit par les parties requérantes. Le recours est irrecevable en ce qu'il vise l'article 112 précité.

Quant aux dispositions attaquées

B.3.1. Dans les affaires nos 6429 et 6462, les parties requérantes ont introduit un recours en annulation de l'article 110, lequel constitue avec l'article 111, la section 1re (« Interventions de chirurgie esthétique ») du chapitre 2 (« Taxe sur la valeur ajoutée ») du titre 3 (« Dispositions fiscales ») de la loi du 26 décembre 2015. L'article 110 dispose :

« A l'article 44 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, remplacé par la loi du 28 décembre 1992 et modifié en dernier lieu par la loi du 12 mai 2014, les modifications suivantes sont apportées :

a) le paragraphe 1er est remplacé par ce qui suit :

' § 1er. Sont exemptées de la taxe, les prestations de services effectuées dans l'exercice de leur activité habituelle par les personnes suivantes :

1° les médecins, les dentistes et les kinésithérapeutes.

L'exemption visée au 1°, ne vise pas les prestations de services effectuées par des médecins ayant pour objet des interventions et traitements à vocation esthétique :

a) lorsque ces interventions et traitements ne sont pas repris dans la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité;

b) lorsque ces interventions et traitements bien que repris dans la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, ne répondent pas aux conditions pour donner droit à un remboursement conformément à la réglementation relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités;

2° les sages-femmes, les infirmiers et les aides-soignants;

3° les praticiens d'une profession paramédicale reconnue et réglementée, concernant leurs prestations de nature paramédicale qui sont reprises dans la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité. ';

b) dans le paragraphe 2, le 1° est remplacé par ce qui suit :

' 1° a) l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués dans l'exercice de leur activité habituelle par les établissements hospitaliers et psychiatriques, les cliniques et les dispensaires.

Sont exclus de l'exemption visée au a), l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées qui concernent les interventions et traitements visés au paragraphe 1er, 1°, alinéa 2;

b) les transports de malades et de blessés par des moyens de transport spécialement équipés à ces fins; ' ».

B.3.2. Les parties requérantes dans les affaires nos 6464 et 6465 poursuivent également l'annulation de l'article 111 de la loi du 26 décembre 2015. L'article 111 dispose :

« L'article 110 entre en vigueur le 1er janvier 2016 ».

Quant au fond

B.4.1. Les affaires jointes nos 6429, 6462, 6464 et 6465 concernent des recours en annulation qui ont été introduits, d'une part, par des chiropracteurs et des ostéopathes, ou par certaines de leurs unions professionnelles, et qui portent sur la soumission à la TVA des prestations de services effectuées par les catégories professionnelles précitées (article 44, § 1er, 3°, du Code de la TVA, remplacé par l'article 110 de la loi du 26 décembre 2015) (affaires nos 6429 et 6462) et, d'autre part, par des chirurgiens plastiques, ou par certaines de leurs unions professionnelles, et qui portent sur la soumission à la TVA d'interventions et de traitements à vocation esthétique (article 44, § 1er, 1°, alinéa 2, du Code de la TVA, remplacé par l'article 110 de la loi du 26 décembre 2015) (affaires nos 6464 et 6465).

B.4.2. La Cour examine en premier lieu les moyens et les branches des moyens concernant les chiropracteurs et les ostéopathes (1) et elle examine ensuite les moyens et les branches de moyens relatifs aux traitements et interventions esthétiques (2), en distinguant les moyens pris de la violation du principe de légalité (2.1) et les moyens pris de la violation du principe d'égalité (2.2). En ce qui concerne le principe d'égalité, la Cour examine, d'une part, les moyens et les branches de moyens relatifs à l'exécutant de la prestation, à savoir les médecins (2.2.1), et, d'autre part, les autres moyens ou branches de moyens (2.2.2).

1. En ce qui concerne l'assujettissement des chiropracteurs et des ostéopathes à la TVA

B.5.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6429 prennent un moyen unique de la violation, par l'article 110, attaqué, de la loi du 26 décembre 2015, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive européenne 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après : la directive TVA), en ce que l'article attaqué subordonne l'exemption de la TVA à la reconnaissance en tant que profession médicale ou paramédicale et à la mention de ces prestations dans la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité (ci-après : la nomenclature INAMI), ce qui a pour effet d'exclure de l'exemption les prestations des chiropracteurs, sans qu'existe une justification raisonnable à cette exclusion.

B.5.2.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6462 prennent deux moyens.

Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA, en ce que l'article attaqué octroie une exemption de la TVA aux médecins et aux kinésithérapeutes lorsqu'ils exercent des pratiques non conventionnelles, alors que la même exemption n'est pas accordée aux autres praticiens de telles pratiques, sans qu'existe une justification raisonnable à cette différence de traitement.

Le second moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA, en ce que les médecins, dentistes et kinésithérapeutes sont exemptés de la TVA, sauf pour certaines interventions et traitements à vocation esthétique, alors que l'exemption pour les praticiens de professions paramédicales reconnues et réglementées est limitée aux services qui figurent dans la nomenclature INAMI.

B.5.2.2. Le second moyen est pris pour autant que la Cour jugerait que, dans une interprétation conforme à la Constitution, « l'article 44, § 1er, 3°, du Code de la TVA, introduit par la norme attaquée, obligerait à considérer les ostéopathes reconnus selon la loi du 29 juillet [lire : avril] 1999 relative aux pratiques non conventionnelles comme des praticiens d'une profession paramédicale reconnue et réglementée qui fournissent des prestations paramédicales ». Dans ce cas, leurs prestations seraient exemptées de la TVA si elles figurent dans la nomenclature INAMI.

B.6. Il appartient au législateur compétent de déterminer ou de supprimer les exemptions aux impôts qu'il prévoit. Il dispose en la matière d'une marge d'appréciation étendue. Toutefois, dans certains domaines, notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée, cette compétence est limitée par la réglementation européenne applicable.

Dans cette matière, la Cour ne peut sanctionner les choix politiques du législateur et les motifs qui les fondent que s'ils reposent sur une erreur manifeste ou s'ils sont manifestement déraisonnables.

B.7.1. L'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA dispose :

« Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné ».

B.7.2. L'exonération de la TVA en faveur de prestations de services, visée par l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA, a pour but de réduire le coût des soins de santé et de rendre ces soins plus accessibles aux particuliers (CJUE, 13 mars 2014, C-366/12, Klinikum Dortmund, point 28; 5 octobre 2016, C-412/15, TMD Gesellschaft für transfusionsmedizinische Dienste mbH, point 32).

L'objectif essentiel de cette exonération de la TVA est d'éviter que la fourniture de services et de produits liés à la santé devienne inaccessible en raison des coûts accrus de ces services et produits si leur fourniture était soumise à la TVA (CJUE, 26 février 2015, C-144/13, C-154/13 et C-160/13, VDP Dental Laboratory e.a., point 46).

B.7.3. Pour pouvoir bénéficier de l'exonération de la TVA, conformément à l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA, précité, le praticien d'une profession médicale ou paramédicale doit satisfaire à deux conditions, à savoir (1) fournir des « prestations de soins à la personne » (2) « dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné » (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, point 23; CJUE, 14 avril 2016, C-555/15, Gabarel, point 26).

B.7.4. La notion de « prestations de soins à la personne » vise nécessairement une activité destinée à protéger la santé humaine et implique des soins dispensés à un patient (CJCE, 20 novembre 2003, C-307/01, d'Abrumenil en Dispute Resolution Services, point 23). Les soins médicaux visent des prestations ayant pour but de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou des anomalies de santé (CJUE, 10 juin 2010, C-86/09, Future Health Technologies, point 37; CJCE, 6 novembre 2003, C-45/01, Dornier, point 48); les soins médicaux ont par conséquent un but thérapeutique.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les prestations de services effectuées par les chiropracteurs et les ostéopathes incluent des prestations de soins à la personne. En effet, la loi du 29 avril 1999 relative aux pratiques non conventionnelles dans les domaines de l'art médical, de l'art pharmaceutique, de la kinésithérapie, de l'art infirmier et des professions paramédicales (ci-après : la loi du 29 avril 1999) qualifie les deux prestations de services de pratiques non conventionnelles (article 2, § 1er, 2°, alinéa 2, de la loi du 29 avril 1999), ces dernières étant définies comme « la pratique habituelle d'actes ayant pour but d'améliorer et/ou de préserver l'état de santé d'un être humain » (article 2, § 1er, 2°, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999).

B.7.5. En l'absence d'une définition plus précise de la notion de « professions paramédicales » dans l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA, il appartient à chaque Etat membre de définir, dans son propre droit interne, les professions paramédicales dans le cadre desquelles l'exercice des soins à la personne est exonéré de la TVA (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, point 29).

Les Etats membres disposent à cet égard d'un pouvoir d'appréciation, ce qui implique qu'ils peuvent définir les qualifications requises pour exercer lesdites professions et aussi définir les activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, point 30).

B.8. Les travaux préparatoires de la loi attaquée du 26 décembre 2015 précisent que l'article 44, § 1er, 2°, ancien, du Code de la TVA est « restructuré et rationalisé » en faisant la distinction entre les professions médicales et paramédicales, l'« exemption de la taxe [s'appliquant] uniquement aux professions paramédicales réglementées en Belgique » (Doc. parl., Chambre 2015-2016, DOC 54-1520/001, p. 41). L'objectif est d'éviter que la fourniture de prestations de soins non reconnues officiellement ainsi que la fourniture de prestations reconnues par des personnes sans qualification soient exemptées à tort de la taxe.

« En outre, l'exemption pour les professions paramédicales ne concernera que les prestations de soins qui sont reprises dans la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité ou dans la nomenclature des prestations de rééducation, quel que soit le nombre de prestations de la nomenclature donnant droit au remboursement par l'INAMI » (ibid., p. 41).

B.9. Les praticiens de professions paramédicales sont des dispensateurs de soins autres qu'un médecin, dentiste, pharmacien, kinésithérapeute, infirmier, psychologue ou orthopédagogue, qui accomplissent de façon régulière des prestations techniques auxiliaires liées à l'établissement du diagnostic ou à l'exécution du traitement (article 69 de la loi relative à l'exercice des professions des soins de santé, coordonnée le 10 mai 2015 (ci-après : la loi du 10 mai 2015)).

Ils peuvent, sous la responsabilité et le contrôle d'un médecin, effectuer certains actes préparatoires au diagnostic ou relatifs à l'application du traitement ou à l'exécution de mesures de médecine préventive, sous la responsabilité et le contrôle d'un pharmacien ou d'un licencié en science chimique, effectuer certains actes relatifs à la biologie clinique et sous la responsabilité et le contrôle d'un pharmacien effectuer certains actes relatifs à l'art pharmaceutique (articles 23 et 24 de la loi du 10 mai 2015 précitée).

Le praticien d'une profession paramédicale doit être agréé pour sa profession et disposer d'un visa pour pouvoir effectuer ces tâches (article 72 de la loi du 10 mai 2015 précitée).

B.10.1. Lorsqu'ils définissent les prestations de soins à la personne non soumises à la TVA qui sont dispensées par les professions médicales et paramédicales, les Etats membres doivent, même s'ils disposent d'un pouvoir d'appréciation en la matière, conformément à l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA, respecter l'objectif poursuivi par la directive TVA ainsi que le principe de neutralité fiscale (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, point 35; CJUE, 14 avril 2016, C-555/15, Gabarel, point 32).

B.10.2. En ce qui concerne l'objectif de la directive TVA mentionné en B.7.2, à savoir réduire le coût des soins de santé et rendre ces soins plus accessibles aux particuliers, il convient d'observer également que la directive TVA vise à garantir que l'exonération de la TVA ne s'applique qu'aux prestations de soins à la personne qui sont fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, point 37; CJUE, 14 avril 2016, C-555/15, Gabarel, point 34) :

« Il s'ensuit que l'exclusion d'une profession déterminée ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive doit pouvoir être justifiée par des motifs objectifs fondés sur les qualifications professionnelles des prestataires de soins et, partant, par des considérations relatives à la qualité des prestations fournies » (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, point 38).

Les définitions en question « doivent toutefois être suffisamment ouvertes pour pouvoir rattacher également des méthodes alternatives et interdisciplinaires reconnues comme prestations de soins à une ou plusieurs catégories professionnelles » (conclusions de l'avocat général Kokott du 15 décembre 2005 dans les affaires jointes C-443/04 et C-444/04, point 69).

B.10.3. Le principe de neutralité fiscale, qui est inhérent au système commun de la TVA, s'oppose à ce que des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, point 39; CJUE, 14 avril 2016, C-555/15, Gabarel, point 37).

Pour déterminer si des prestations de soins à la personne sont semblables, il convient de tenir compte des qualifications professionnelles des prestataires de ces soins. Lorsque ces dernières ne sont pas identiques, comme c'est le cas en l'espèce, les prestations de soins à la personne ne sauraient être considérées comme semblables que dans la mesure où elles présentent un niveau de qualité équivalent pour les bénéficiaires (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, point 40; CJUE, 14 avril 2016, C-555/15, Gabarel, point 38).

En conséquence, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne du champ d'application de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la TVA prévue par l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA n'est contraire au principe de neutralité fiscale que s'il peut être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles aptes à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celui fourni par des personnes bénéficiant, en vertu de cette même réglementation nationale, de l'exonération (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, point 41; CJUE, 14 avril 2016, C-555/15, Gabarel, point 40).

B.10.4. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, il incombe aux juridictions des Etats membres de déterminer si, eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'exclusion de la profession d'ostéopathe et de chiropracteur du cadre de l'exercice des professions paramédicales aux fins de l'exonération de la TVA prévue par l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA excède les limites du pouvoir d'appréciation consenti aux Etats membres par cette disposition (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, point 42; CJUE, 14 avril 2016, C-555/15, Gabarel, points 39 et 40).

B.11. Aux termes de l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA, une exonération fiscale est accordée pour les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné. L'article 44 du Code de la TVA dispose que sont exemptées de la taxe certaines prestations de services effectuées par les médecins, les dentistes, les kinésithérapeutes, les sages-femmes, les infirmiers, les aides-soignants et les praticiens d'une profession paramédicale reconnue et réglementée. Cette exemption ne s'applique donc qu'aux services effectués par des praticiens exerçant des professions réglementées par la loi du 10 mai 2015.

B.12. Le pouvoir d'appréciation dont disposent les Etats pour définir les professions médicales et paramédicales qui sont exemptées de la TVA implique non seulement qu'ils puissent déterminer les qualifications requises pour exercer lesdites professions mais également qu'ils puissent définir les activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions. Dès lors que les différentes qualifications acquises par les prestataires ne préparent pas nécessairement ceux-ci à fournir tous les types de soins, un Etat membre est en droit de considérer, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, que la définition des professions paramédicales serait incomplète si elle se limitait à imposer des exigences générales quant à la qualification des prestataires, sans préciser les soins pour lesquels ceux-ci sont qualifiés dans le cadre de ces professions (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, points 29-30).

B.13.1. La loi du 10 mai 2015 soumet l'exercice d'une profession médicale ou paramédicale au respect de conditions strictes, en principe sous peine de sanctions pénales, et ce tant en ce qui concerne les qualifications professionnelles qu'en ce qui concerne le niveau de qualité des soins dispensés. La loi détermine les titres de formation ou les titres professionnels dont les intéressés doivent disposer pour pouvoir exercer légalement la profession et définit les prestations qu'ils peuvent exercer ou confie cette mission au Roi.

B.13.2. Le critère de distinction utilisé par le législateur dans l'article 44, § 1er, du Code de la TVA, à savoir le fait que les services soient fournis ou non par des praticiens exerçant des professions réglementées par la loi du 10 mai 2015, est en conséquence directement lié aux diplômes requis, à l'accomplissement d'actes dans un cadre légal, sous le contrôle des autorités compétentes en matière de santé publique et selon des conditions définies par une réglementation spécifique. De telles exigences garantissent que les praticiens des professions précitées disposent des qualifications professionnelles requises pour exercer leurs activités (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, point 46).

B.14.1. Par la loi du 29 avril 1999, le législateur a entendu établir un cadre législatif pour certaines pratiques non conventionnelles, ce qui permettait d'offrir à l'utilisateur la garantie qu'il « ne s'adresse pas à un praticien incompétent. [...] Le but principal [était] [...] de fixer des règles par lesquelles le patient pourra être certain de recevoir des soins de qualité » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1714/1, p. 2).

B.14.2. Conformément à l'article 2, § 1er, 2°, de la loi du 29 avril 1999, il convient d'entendre par « pratique non conventionnelle », « la pratique habituelle d'actes ayant pour but d'améliorer et/ou de préserver l'état de santé d'un être humain et exercée selon les règles et conditions stipulées dans la présente loi ». Sont considérées comme des pratiques non conventionnelles la chiropraxie et l'ostéopathie, ainsi que l'homéopathie et l'acupuncture.

B.14.3. La loi du 29 avril 1999 prévoit une structure et une procédure qui peuvent mener, d'une part, à l'enregistrement de pratiques non conventionnelles et, d'autre part, à l'enregistrement individuel des personnes exerçant ces pratiques (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1714/1, p. 2). En exécution de la loi du 29 avril 1999, l'arrêté royal du 26 mars 2014 relatif aux conditions générales applicables à l'exercice de toutes les pratiques non conventionnelles a été pris à l'égard de toutes les personnes exerçant des pratiques non conventionnelles visées par l'article 2, § 1er, de cette loi, ce qui a pour effet de réglementer l'assurance professionnelle et la couverture minimale, la qualité de membre d'une organisation professionnelle reconnue, le système d'enregistrement, le système de publicité ainsi qu'une liste des actes non autorisés pour les praticiens qui ne sont pas médecins (article 3, § 1er, de la loi du 29 avril 1999).

B.15. Il ressort de la loi du 29 avril 1999 qu'une pratique non conventionnelle ne peut être exercée légalement qu'après avoir été enregistrée comme telle. Jusqu'à présent, ni la chiropraxie, ni l'ostéopathie n'ont été enregistrées en tant que pratiques non conventionnelles. En outre, un tel enregistrement ne suffit pas pour exercer légalement une pratique non conventionnelle, dès lors que la loi requiert que le praticien soit lui aussi enregistré individuellement, ce qui n'est possible que si l'intéressé satisfait aux conditions d'exercice spécifiées dans un arrêté royal, lesquelles n'ont pas davantage été établies jusqu'à présent en ce qui concerne la chiropraxie et l'ostéopathie.

B.16. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, il doit être admis que le pouvoir d'appréciation dont disposent les Etats membres pour définir les professions paramédicales autorise ceux-ci à ne pas considérer comme telle et, partant, à exclure de l'exonération de la TVA prévue par l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA une profession déterminée, et ce nonobstant la circonstance que cette profession fait par ailleurs l'objet, pour certains de ses aspects, d'une réglementation particulière en droit national (CJCE, 27 avril 2006, C-443/04 et C-444/04, Solleveld, point 33). Cette exclusion doit cependant pouvoir être justifiée par des motifs objectifs fondés sur les qualifications professionnelles des prestataires de soins et, partant, par des considérations relatives à la qualité des prestations fournies (ibid., point 38; CJUE, 14 avril 2016, C-555/15, Gabarel, point 35).

B.17. Les points de vue des parties devant la Cour divergent en ce qui concerne l'interprétation qui doit être donnée à cette jurisprudence et en ce qui concerne les effets de cette interprétation sur l'examen du moyen unique soulevé dans l'affaire n° 6429 et du premier moyen soulevé dans l'affaire n° 6462.

B.18.1. Une première approche insiste sur le fait qu'une réglementation sur la TVA en droit national n'excède les limites du pouvoir d'appréciation dont disposent les Etats membres en la matière que si, eu égard aux qualifications professionnelles des personnes exerçant des pratiques non conventionnelles, la qualité des prestations fournies par ces personnes peut être considérée comme équivalente à celle de traitements analogues qui sont exonérés de la TVA.

Les termes employés pour désigner les exonérations figurant dans l'article 132 de la directive TVA sont aussi d'interprétation stricte, étant donné que ces dernières constituent des dérogations au principe selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (CJUE, 21 mars 2013, C-91/12, Skatteverket, point 23).

B.18.2. Il est encore soutenu que ni la chiropraxie, ni l'ostéopathie ne sont reconnues comme des professions médicales ou paramédicales. Elles ne sont pas non plus enregistrées, en Belgique, en tant que pratiques non conventionnelles, alors qu'un tel enregistrement vise à attacher à l'exercice de ces pratiques certaines exigences en matière de qualifications professionnelles et de niveau de qualité des traitements dispensés. Par conséquent, les qualifications professionnelles requises pour exercer ces pratiques ne sont pas définies légalement, de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier si ces conditions sont remplies et que les autorités n'ont pas non plus organisé de contrôle sur l'exercice de ces pratiques. Dans cette approche, il n'apparaît donc pas que, eu égard aux qualifications professionnelles des personnes exerçant ces pratiques en dehors du cadre de la loi du 10 mai 2015, les traitements dispensés par ces personnes puissent être considérés comme équivalents aux traitements analogues effectués par des praticiens exerçant des professions des soins de santé réglementées par la loi précitée. Le législateur n'excéderait donc pas le pouvoir d'appréciation qui lui est consenti par l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA en limitant l'exemption de la TVA prévue dans l'article 44, § 1er, du Code de la TVA aux prestations de services énumérées dans cette disposition.

B.19.1. Une seconde approche souligne que la chiropraxie n'est certes pas enseignée jusqu'à présent dans les universités belges mais que les étudiants qui souhaitent devenir chiropracteurs suivent la formation à l'étranger. Il s'agit d'une formation universitaire à temps plein de cinq années académiques, suivie d'une sixième année de formation professionnelle dans le pays où la profession sera exercée. Au terme de la sixième année de formation, l'étudiant doit présenter un examen devant un jury international et multidisciplinaire.

L'association de droit privé, " Union belge des Chiropracteurs », à laquelle les praticiens de la chiropraxie peuvent s'affilier, n'accepte comme membre de cette union professionnelle que les chiropracteurs qui ont réussi cet examen. A l'échelle internationale, la qualité de la formation de chiropracteur est contrôlée par le « Councils on Chiropractic Education International » (CCEI), qui garantit l'équivalence des diplômes.

La formation de chiropraxie en Europe est reconnue par l'« European Council On Chiropractic Education " (ECCE) et par l'« European Association for Quality Assurance in Higher Education » (ENQA).

B.19.2. En ce qui concerne l'ostéopathie, la formation de six ans proposée par l'Université Libre de Bruxelles est l'unique formation officielle subventionnée et reconnue en Belgique et est sanctionnée par un master en sciences de la motricité et un master en ostéopathie clinique. Le diplôme universitaire précité est également reconnu par la Communauté flamande.

Outre cette formation, on trouve tant en Communauté flamande qu'en Communauté française des établissements privés qui proposent une formation en ostéopathie, à savoir le Collège belge d'ostéopathie (CBO), l'International Academy of Osteopathy (IAO) et le Flanders International College of Osteopathy (FICO), qui organisent surtout des formations postérieures au diplôme de kinésithérapie ou de médecine. Les établissements précités ne sont pas reconnus par l'Organisation néerlandaise et flamande de reconnaissance des diplômes, la Nederlands-Vlaamse Accreditatieorganisatie (NVAO), mais ils ont tous un partenariat avec un établissement d'enseignement à l'étranger qui délivre un diplôme de master dont l'équivalence avec un master en Flandre est reconnue, en ce qui concerne l'IAO et le FICO, par le National Academic Recognition Information Centre - Flanders.

Les associations professionnelles de droit privé, auxquelles les praticiens de l'ostéopathie peuvent s'affilier, n'admettent comme membres que les personnes qui ont suivi l'une des formations précitées.

B.19.3. Dans cette approche, les chiropracteurs qui sont membres de l'Union Belge des Chiropractors et les ostéopathes qui sont membres d'une association professionnelle d'ostéopathes disposeraient des qualifications professionnelles qui garantissent que les prestations de soins à la personne qu'ils dispensent ont un niveau de qualité équivalent à celui des prestations de soins à la personne fournies par des médecins et des kinésithérapeutes dans le cadre de pratiques conventionnelles ou non.

B.20. L'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : TFUE) habilite la Cour de justice à statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation des traités et des actes des institutions de l'Union européenne. En vertu du troisième alinéa de cette disposition, une juridiction nationale est tenue de saisir la Cour de justice lorsque ses décisions - comme celles de la Cour constitutionnelle - ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne. En cas de doute, comme en l'espèce, sur l'interprétation d'une disposition du droit de l'Union européenne importante pour la solution d'un litige pendant devant une telle juridiction, cette juridiction doit, même sans qu'aucune partie l'ait demandé, poser d'office une question préjudicielle à la Cour de justice.

Avant de statuer quant au fond sur le moyen unique soulevé dans l'affaire n° 6429 et sur le premier moyen soulevé dans l'affaire n° 6462, il convient de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la première question préjudicielle mentionnée dans le dispositif.

2. En ce qui concerne la soumission à la TVA des traitements à vocation esthétique

B.21.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6464 prennent un moyen unique de la violation, par les articles 110 et 111 de la loi du 26 décembre 2015, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution. Le moyen unique comporte cinq branches : la première branche compare les médecins et des non-médecins quant au caractère imposable des interventions et des traitements à vocation esthétique, la deuxième branche compare les soins hospitaliers et les soins médicaux dispensés par des infirmiers dans et en dehors de l'hôpital pour des interventions et des traitements à vocation esthétique, la troisième branche porte sur la comparaison entre les médecins qui accomplissent des interventions et traitements à vocation esthétique selon que ceux-ci ont ou non un but thérapeutique, la quatrième branche concerne la différence de traitement entre les médecins qui accomplissent des prestations esthétiques et les médecins qui accomplissent des prestations médicales dénuées de tout but thérapeutique, et la cinquième branche traite de la différence de traitement entre les interventions médicales à vocation esthétique qui figurent dans la nomenclature INAMI et les interventions médicales à vocation esthétique qui ne figurent pas dans la nomenclature INAMI ou qui figurent dans cette nomenclature mais dont les conditions de remboursement ne sont pas remplies.

B.21.2. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6465 invoquent onze moyens distincts.

Le premier moyen est pris de la violation, par les articles 110 et 111 de la loi du 26 décembre 2015, des articles 12 et 14 de la Constitution, combinés avec l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et combinés ou non avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que les articles attaqués contiennent des notions qui sont imprécises et imprévisibles, alors que les médecins s'exposent à des sanctions administratives et pénales s'ils ne respectent pas l'assujettissement à la TVA.

Les deuxième, troisième et quatrième moyens sont pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'aucune exemption de la TVA n'est prévue pour les médecins lorsqu'ils accomplissent des interventions et des traitements esthétiques, alors que cette exemption de la TVA s'applique aux dentistes, aux sages-femmes, aux infirmiers, aux aides-soignants et aux organisations regroupant ces praticiens, ainsi qu'au personnel paramédical lorsqu'ils accomplissent des actes et traitements esthétiques.

Le cinquième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution à l'égard des médecins qui dispensent des soins pré- et postopératoires dans le cadre d'une intervention esthétique, en ce qu'ils ne bénéficient pas de l'exemption de la TVA.

Le sixième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec les articles 49 et 56 du TFUE, en ce qu'aucune exemption de la TVA n'est prévue pour les soins hospitaliers et médicaux pré- et postopératoires dans le cadre d'un traitement esthétique, alors que la liberté d'établissement devrait s'appliquer et que la directive TVA commande de prévoir une exemption générale de la TVA pour ces actes.

Le septième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec les articles 49 et 56 du TFUE et avec la directive TVA, en ce qu'aucune exemption de la TVA n'est prévue pour la fourniture de biens ou de services liés à un traitement à vocation esthétique, alors que cette situation serait contraire à la liberté d'établissement et à la directive TVA.

Les huitième et neuvième moyens concernent l'éventuelle violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les médicaments et les dispositifs médicaux fournis à l'occasion d'une intervention à vocation esthétique sont soumis au taux de TVA de 21 %, tandis que les médicaments et les dispositifs médicaux sont en règle soumis au taux de TVA de 6 % .

Le dixième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec les articles 49 et 56 du TFUE et avec la directive TVA, en ce que les patients qui sont affiliés à une assurance belge contre la maladie et qui subissent une intervention médicale figurant dans la nomenclature INAMI ne doivent pas payer la TVA, tandis que les patients qui ne sont pas affiliés à une assurance belge contre la maladie doivent, quant à eux, payer la TVA.

Le dernier moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec les articles 49 et 56 du TFUE et avec la directive TVA, en ce que les patients qui subissent une intervention médicale esthétique dont la cause est physique ne doivent pas s'acquitter de la TVA, alors que les patients qui subissent une intervention médicale esthétique ayant une cause psychique doivent, quant à eux, s'acquitter de la TVA.

B.22. Les moyens sont examinés d'abord au regard de la violation du principe de légalité (2.1) et ensuite au regard de la violation du principe d'égalité, combiné ou non avec la liberté d'établissement (articles 49 et 56 du TFUE) et avec la directive TVA (2.2).

B.23.1. Selon les travaux préparatoires, les dispositions attaquées constituent la transposition en droit belge de l'article 13, A, paragraphe 1, c) et b), de la Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, actuellement l'article 132, paragraphe 1, c) et b), de la directive TVA :

« L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 mars 2013 (affaire C-91/12, PFC Clinic AB) a délimité le champ d'application des exonérations en matière de soins médicaux [...].

Il ressort de cet arrêt (point 25) que sous la notion de ' soins médicaux ', sont visées les prestations ayant pour but de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou des anomalies de santé [...].

Les soins médicaux doivent donc avoir un but thérapeutique mais il ne s'ensuit pas nécessairement que la finalité thérapeutique d'une prestation doive être comprise dans une acception particulièrement étroite (voir point 26 de l'arrêt C-91/12).

Le point 27 de cet arrêt précise que les prestations médicales effectuées dans un but de protéger, y compris de maintenir ou de rétablir, la santé des personnes peuvent bénéficier de l'exonération prévue à l'article 132, paragraphe 1er, sous b) et c), de la directive TVA.

S'agissant plus particulièrement des interventions de chirurgie esthétique et des traitements à vocation esthétique faisant l'objet de l'affaire C-91/12, l'arrêt stipule expressément que ces prestations relèvent de la notion de ' soins médicaux ' au sens du paragraphe 1er, sous b) et c), de l'article 132 de la directive T.V.A., lorsque ces prestations ont pour but de diagnostiquer, de soigner ou de guérir des maladies ou des anomalies de santé ou de protéger, de maintenir ou de rétablir la santé des personnes.

[...]

En revanche, lorsque l'intervention est de nature purement cosmétique ou esthétique, elle ne peut relever de la notion de ' soins médicaux ' (voir point 29 du même arrêt). Ainsi, les interventions et traitements de chirurgie cosmétique ou esthétique qui ont seulement pour but d'embellir ou d'améliorer son apparence physique ne relèvent à l'évidence pas de la notion de ' soins médicaux '. C'est seulement pour des situations évidentes que de telles prestations médicales doivent être en règle soumises à la taxe » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1520/001, pp. 38-40).

B.23.2. Il peut être déduit des travaux préparatoires de la loi attaquée que l'article 110, attaqué, de la loi du 26 décembre 2015 entend intégrer la jurisprudence de la Cour de justice relative à la notion de « soins médicaux » dans la législation fiscale, en réservant l'exemption de la TVA aux seuls services qui ont pour but de diagnostiquer, de soigner ou de guérir des maladies ou des anomalies de santé et de protéger, de maintenir ou de rétablir la santé des personnes.

2.1. Le principe de légalité

B.24. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6465 prennent un moyen de la violation, par l'article 110 attaqué de la loi du 26 décembre 2015, des articles 12 et 14 de la Constitution et de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, combinés ou non avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que l'article attaqué serait imprécis et imprévisible et entraînerait une insécurité juridique pour les personnes à qui la disposition attaquée s'applique, en particulier pour les médecins et les établissements médicaux qui réalisent des traitements esthétiques.

Plus particulièrement, elles estiment que les notions d'« interventions et traitements à vocation esthétique » et d'hospitalisation et de soins médicaux, de prestations de services et de livraison de biens qui leur sont « étroitement liées » manqueraient de précision.

B.25.1. En ce qu'il garantit le principe de légalité en matière pénale, l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme a une portée analogue à celle des articles 12 et 14 de la Constitution.

B.25.2. L'article 12, alinéa 2, de la Constitution dispose :

« Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit ».

L'article 14 de la Constitution dispose :

« Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi ».

L'article 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose :

« Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise ».

B.25.3. En prévoyant que le pouvoir législatif est compétent pour déterminer dans quels cas des poursuites pénales sont possibles, l'article 12, alinéa 2, de la Constitution garantit à tout citoyen qu'aucun comportement ne sera punissable qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.

En outre, le principe de légalité en matière pénale qui découle des dispositions constitutionnelles et conventionnelles précitées procède de l'idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable. Il exige que le législateur indique, en des termes suffisamment précis, clairs et offrant la sécurité juridique, quels faits sont sanctionnés, afin, d'une part, que celui qui adopte un comportement puisse évaluer préalablement, de manière satisfaisante, quelle sera la conséquence pénale de ce comportement et afin, d'autre part, que ne soit pas laissé au juge un trop grand pouvoir d'appréciation.

Toutefois, le principe de légalité en matière pénale n'empêche pas que la loi attribue un pouvoir d'appréciation au juge. Il faut en effet tenir compte du caractère de généralité des lois, de la diversité des situations auxquelles elles s'appliquent et de l'évolution des comportements qu'elles répriment.

La condition qu'une infraction doit être clairement définie par la loi se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l'aide de son interprétation par les juridictions, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale.

Ce n'est qu'en examinant une disposition pénale spécifique qu'il est possible de déterminer, en tenant compte des éléments propres aux infractions qu'elle entend réprimer, si les termes généraux utilisés par le législateur sont à ce point vagues qu'ils méconnaîtraient le principe de légalité en matière pénale.

B.26. Dans un contexte médical, il y a lieu de veiller à ce que la législation ne soit pas rédigée en des termes trop rigides. Il faut en effet pouvoir tenir compte, dans son application, des évolutions en médecine et des nouveautés ou améliorations dans les techniques médicales.

Il convient également d'observer que lorsque les destinataires d'une incrimination, comme en l'espèce les médecins, ont un statut particulier en vertu duquel ils disposent ou peuvent disposer d'une bonne information quant à l'opportunité de leurs comportements, on peut attendre de leur part qu'ils fassent preuve, en toutes circonstances, de la vigilance nécessaire et d'une grande prudence dans l'exercice de leur métier (CEDH, 6 octobre 2011, Soros c. France, § 53).

B.27.1. La loi du 26 décembre 2015 ne comporte aucune définition de la notion d'« interventions et traitements à vocation esthétique ».

L'article 44, § 1er, 1°, du Code de la TVA dispose seulement que l'exemption de la TVA pour les prestations de services effectuées par les médecins ne s'applique pas aux interventions et traitements à vocation esthétique, lorsque ces interventions et traitements ne figurent pas dans la nomenclature INAMI (article 44, § 1er, 1°, a)) ou lorsque ces interventions et traitements, bien que figurant dans la nomenclature INAMI, ne répondent pas aux conditions pour donner droit à un remboursement par l'INAMI (article 44, § 1er, 1°, b)).

B.27.2. Les travaux préparatoires de la loi attaquée précisent que la soumission à la TVA a été instaurée à la suite de la jurisprudence de la Cour de justice. Compte tenu de cette jurisprudence, il est observé qu'une intervention esthétique est une intervention « de nature purement cosmétique ou esthétique », en d'autres termes une intervention qui a « seulement pour but d'embellir ou d'améliorer [l']apparence physique ».

« C'est seulement pour des situations évidentes que de telles prestations médicales doivent être en règle soumises à la taxe » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1520/001, p. 40).

Dès qu'une intervention a un but thérapeutique, même s'il ne faut pas nécessairement comprendre « la finalité thérapeutique d'une prestation [...] dans une acception particulièrement étroite », à savoir une prestation qui a « pour but de diagnostiquer, de soigner et, si possible, de guérir une maladie ou un problème de santé », cette intervention n'est pas soumise à la TVA.

Les « simples conceptions subjectives, d'ordre esthétique ou psychologique par exemple, que la personne qui subit une intervention à vocation esthétique se fait de celle-ci ne sont pas, par elles-mêmes, déterminantes aux fins d'apprécier si cette intervention a un but thérapeutique ». Seules « les circonstances que de telles interventions soient fournies ou effectuées par un membre du corps médical habilité, ou que le but de telles prestations soit déterminé par un tel professionnel, sont de nature à influer sur la réponse à la question de savoir si ces interventions relèvent de la notion de ' soins médicaux ' au sens de l'article 132, paragraphe 1er, sous b), et c), précité » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1520/001, p. 39).

B.27.3. En l'absence d'une définition plus précise dans la loi attaquée, le terme « esthétique » doit être compris dans son acception usuelle, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice.

Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 110/2015, du 17 septembre 2015, la notion de médecine « esthétique » ou de chirurgie « esthétique », au sens de l'article 2, 1° et 2°, de la loi du 23 mai 2013, doit s'entendre comme tout acte qui n'a pas de but thérapeutique ou reconstructeur.

« Dès qu'un acte poursuit, outre un but esthétique, également un quelconque but thérapeutique ou reconstructeur, si minime ou accessoire soit-il, il est dès lors exclu du champ d'application de la loi attaquée » (considérant B.7.1, arrêt n° 110/2015).

B.27.4. En outre, il appartient au médecin traitant lui-même d'apprécier, de par ses connaissances et son expérience, si le but d'un acte est ou non thérapeutique ou reconstructeur.

« Dans les cas éventuellement plus ambigus, c'est le jugement du médecin qui est déterminant pour établir si une intervention ou un traitement est de nature cosmétique ou pas » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1520/006, p. 49).

B.27.5. Par son arrêt du 21 mars 2013, C-91/12, PFC Clinic, la Cour de justice a jugé que l'exonération de la TVA pour les soins médicaux s'applique aux prestations de nature médicale effectuées dans le but de protéger, y compris de maintenir ou de rétablir, la santé des personnes (point 27).

« 28. Il s'ensuit que [...] le but de prestations [...] est pertinent aux fins d'apprécier si ces prestations sont exonérées de la TVA. Cette exonération a en effet vocation à s'appliquer aux prestations ayant pour but de diagnostiquer, de soigner ou de guérir les maladies ou les anomalies de santé ou de protéger, de maintenir ou de rétablir la santé des personnes [...].

29. [...] En revanche, lorsque l'intervention répond à des fins purement cosmétiques, elle ne saurait relever de ces notions.

[...]

34. Toutefois, la simple conception subjective que la personne qui se soumet à une intervention esthétique se fait de celle-ci n'est pas, par elle-même, déterminante aux fins de l'appréciation du point de savoir si cette intervention a un but thérapeutique.

35. En effet, dès lors que cette appréciation présente un caractère médical, elle doit se fonder sur des constatations ayant un tel caractère, effectuées par un personnel qualifié à cet effet ».

B.27.6. Les termes « interventions et traitements à vocation esthétique » employés dans l'article 110, attaqué, de la loi du 26 décembre 2015 sont dès lors suffisamment clairs et offrent une sécurité juridique suffisante, puisqu'ils ont pour effet que la TVA s'applique lorsque l'intervention ou le traitement poursuit un but purement esthétique mais ne s'applique pas dès qu'existe un but thérapeutique ou reconstructeur minimal.

B.28.1. Les termes « qui leur sont étroitement liées » ne sont pas non plus précisés dans la loi du 26 décembre 2015.

L'article 44, § 2, 1°, a), du Code de la TVA prévoit seulement que « l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués dans l'exercice de leur activité habituelle par les établissements hospitaliers et psychiatriques, les cliniques et les dispensaires » sont exemptés de la TVA. Restent toutefois soumis à la TVA « l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées » qui concernent les interventions et traitements à vocation esthétique.

B.28.2. Les travaux préparatoires mentionnent que lorsqu'une intervention de nature purement esthétique, qui est par conséquent soumise à la TVA, est effectuée dans un établissement hospitalier, « le traitement complet, depuis l'admission du patient, ainsi que le séjour à l'hôpital, sont soumis à la taxe » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1520/001, pp. 42-43).

« Sont ainsi visées les prestations de services du chirurgien, d'autres médecins tels que l'anesthésiste, et du personnel soignant, les soins médicaux ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1520/001, p. 43).

B.28.3. La section de législation du Conseil d'Etat a cependant observé que, même si le nouvel article 44, § 2, 1°, a), du Code de la TVA correspondait mieux à la formulation de l'article 132, paragraphe 1, b), de la directive TVA, le législateur n'avait manifestement pas tenu compte de l'article 134 de la directive TVA, lequel précise « les conditions dans lesquelles les livraisons de biens et les prestations de services sont exclues du bénéfice de l'exonération prévue (notamment) à l'article 132, paragraphe 1, b). La question se pose de savoir si en faisant mention d'une façon générale d'' opérations ', on peut considérer que l'article 134 de la directive est transposé d'une manière suffisamment précise et correcte en ce qui concerne le cas visé par son article 132, paragraphe 1, b) » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1520/001, p. 169).

Cet article 134 dispose :

« Les livraisons de biens et les prestations de services sont exclues du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 132, paragraphe 1, points b), g), h), i), l), m) et n, dans les cas suivants :

a) lorsqu'elles ne sont pas indispensables à l'accomplissement des opérations exonérées;

b) lorsqu'elles sont essentiellement destinées à procurer à l'organisme des recettes supplémentaires par la réalisation d'opérations effectuées en concurrence directe avec celles d'entreprises commerciales soumises à la TVA ».

La section de législation du Conseil d'Etat a encore fait observer qu'« aussi longtemps que la transposition transversale de l'article 134 de la directive 2006/112/CE, à laquelle le délégué [du ministre] fait allusion, n'aura pas été expressément prévue, cette disposition de la directive doit être transposée pour chacun des cas visés à l'article 132, paragraphe 1, b), g), h), i), l), m) et n), de celle-ci, comme l'indique aussi sans ambiguïté l'arrêt PFC Clinic AB de la Cour de Justice, précité. Il faut dès lors conclure que l'(absence d')exemption des livraisons de biens et des prestations de services qui sont liées à l'hospitalisation et aux soins médicaux, visés à l'article 44, § 2, 1°, a), en projet, du [Code de la TVA] doit être formellement réglée » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1520/001, pp. 169-170).

B.28.4. En l'absence d'une définition plus précise dans la loi attaquée, les termes « qui leur sont étroitement liées » doivent être compris dans leur acception usuelle, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice.

Dans son acception usuelle, le terme « être lié » signifie « être uni par un rapport réciproque » ou « constituer un ensemble logique ».

B.28.5. La décision n° E.T.127.740, du 22 mars 2016, de l'administration de la TVA prévoit que l'exemption de la TVA, dans le cadre d'une hospitalisation et de soins médicaux, devient caduque pour les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées « si celles-ci concernent ou, voire, sont inhérentes à l'intervention ou au traitement esthétique qui ne répond pas aux conditions pour donner droit à une intervention (remboursement), conformément à la réglementation relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités » (n° 24).

Sont cités comme exemple : la location, par les établissements hospitaliers et les cliniques privées, de télévisions et de téléphones aux patients qui subissent une intervention ou un traitement soumis à la TVA ainsi que la mise à disposition par les hôpitaux est les cliniques privées de lits aux patients qui subissent des interventions ou des traitements semblables.

Cette décision administrative de l'administration de la TVA ne mentionne toutefois pas l'article 134 de la directive TVA, ni l'incidence que ces exceptions ont sur la soumission à la TVA des livraisons de biens et des prestations de services qui sont étroitement liées aux interventions et traitements esthétiques.

B.28.6.1. Les termes « qui leur sont étroitement liées » employés dans l'article 110, attaqué, de la loi du 26 décembre 2015 sont suffisamment clairs, puisqu'ils ont pour effet que ne sont soumises à la TVA que les prestations de services et livraisons de biens qui concernent, voire sont inhérentes à l'intervention ou au traitement esthétique qui ne remplit pas les conditions pour donner droit à un remboursement conformément à la réglementation relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités.

Toutefois, la circonstance que les livraisons de biens et les prestations de services non exemptées en vertu de l'article 134 de la directive TVA ne figurent pas dans l'article 44, § 2, 1°, a), du Code de la TVA a pour effet que le champ d'application de l'imposition à la TVA n'est pas défini d'une manière conforme aux exigences de cette directive.

B.28.6.2. Puisqu'il doit se déduire de l'article 170, § 1er, et de l'article 172, alinéa 2, de la Constitution qu'aucun impôt ne peut être levé et qu'aucune exemption d'impôt ne peut être accordée sans qu'ait été recueilli le consentement des contribuables, exprimé par leurs représentants, la matière fiscale est une compétence que la Constitution réserve à la loi, le législateur étant tenu de déterminer les éléments essentiels de l'impôt.

Font partie des éléments essentiels de l'impôt, la désignation des contribuables, la matière imposable, la base d'imposition, le taux d'imposition et les éventuelles exonérations d'impôt.

B.28.6.3. Une interprétation conforme à la directive du nouvel article 44, § 2, 1°, a), du Code de la TVA ne dispense pas le législateur d'établir lui-même la matière imposable, en reprenant expressément les exceptions énumérées dans l'article 134 de la directive TVA.

B.28.6.4. En ce qu'il ne mentionne pas les exceptions qui découlent de l'article 134 de la directive TVA applicables aux livraisons de biens et aux prestations de services liées, l'article 44, § 2, 1°, a), du Code de la TVA, combiné avec les articles 73 et suivants du Code de la TVA, puisque l'infraction à cet article est punissable, viole les articles 12 et 14 de la Constitution, combinés avec l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.29. Le premier moyen pris dans l'affaire n° 6465 est fondé, en ce que l'article 44, § 2, 1°, a), du Code de la TVA ne mentionne pas les exceptions prévues par l'article 134 de la directive TVA.

2.2. Le principe d'égalité

2.2.1. Les médecins

B.30. Les parties requérantes dans les affaires nos 6464 et 6465 prennent un moyen de la violation, par l'article 110 attaqué de la loi du 26 décembre 2015, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les médecins sont assujettis à la TVA lorsqu'ils accomplissent des interventions ou des traitements à vocation esthétique, alors que les dentistes, les sages-femmes, les infirmiers, les aides-soignants et les organisations regroupant ces praticiens, ainsi que le personnel paramédical ne sont pas assujettis à la TVA lorsqu'ils réalisent des interventions ou des traitements analogues à vocation esthétique.

B.31. En ce qui concerne la comparaison avec les dentistes, ou avec les non-médecins en général (deuxième, troisième et quatrième moyens dans l'affaire n° 6465 et première branche du moyen unique dans l'affaire n° 6464), les parties requérantes soutiennent que tous les prestataires de soins doivent être traités de manière égale lorsque les prestations qu'ils effectuent sont des interventions et des traitements à vocation esthétique, parce qu'il s'agit de la même offre de soins.

B.32.1.1. Le Conseil des ministres soulève la non-comparabilité, étant donné que les compétences des médecins, d'une part, et les compétences des non-médecins, d'autre part, sont à ce point différentes que ces catégories ne seraient pas comparables.

B.32.1.2. La circonstance que les compétences des médecins et les compétences des non-médecins sont réglementées spécifiquement dans la loi du 10 mai 2015, pour chaque catégorie professionnelle prise isolément, n'empêche pas que leurs situations puissent être comparées en l'espèce au regard du principe d'égalité et de non-discrimination, dès lors qu'ils effectuent tous des prestations de services qui seraient, le cas échéant, susceptibles d'être soumises à la TVA.

B.32.2.1. Selon le Conseil des ministres, l'article 44, § 1er, 1°, du Code de la TVA doit être interprété de manière conforme à la directive TVA et à la Constitution, de sorte que les dentistes, les sages-femmes, les infirmiers, les aides-soignants et les organisations regroupant ces praticiens, ainsi que le personnel paramédical seraient également assujettis à la TVA pour les interventions et les traitements à vocation esthétique.

B.32.2.2. Selon les termes de la décision n° E.T.127.740, du 22 mars 2016, de l'administration de la TVA, l'assujettissement à la TVA pour les interventions et traitements à vocation esthétique ne concerne que les médecins généralistes, les médecins spécialistes, les médecins spécialistes en chirurgie et les médecins spécialistes en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique et ne vise pas les non-médecins. La décision n° E.T.130.999, du 28 novembre 2016, de l'administration de la TVA, selon laquelle « l'exception à l'exemption médicale basée sur l'article 44, § 1er, 1°, deuxième alinéa, du Code de la TVA s'applique uniquement aux médecins et pas aux infirmiers ni aux autres prestataires de soins » a confirmé ce point. Cette interprétation est conforme au texte de la disposition attaquée.

B.32.2.3. Il appartient au législateur d'établir lui-même les éléments essentiels de l'impôt. Sans cette intervention du législateur, l'assujettissement à la TVA ne peut par conséquent s'appliquer aux non-médecins, de sorte que la différence de traitement précitée existe effectivement et qu'une interprétation conforme à la directive, comme le soutient le Conseil des ministres, ne permet pas d'y remédier.

B.32.3.1. L'article 132, paragraphe 1, e), de la directive TVA dispose :

« Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

e) les prestations de services effectuées dans le cadre de leur profession par les mécaniciens-dentistes, ainsi que les fournitures de prothèses dentaires effectuées par les dentistes et les mécaniciens-dentistes ».

B.32.3.2. A ce sujet, il convient d'observer que l'article 132 de la directive TVA prévoit une exonération de la TVA pour certaines activités d'intérêt général. Par son arrêt VDP Dental Laboratory e.a., du 26 février 2015, la Cour de justice a décidé que l'article 132 de la directive TVA « n'exclut [...] pas toutes les activités d'intérêt général de l'application de la TVA, mais exonère uniquement celles qui y sont énumérées et décrites de manière très détaillée » (point 45).

« L'exonération de la fourniture de prothèses dentaires réalisées par les dentistes et les mécaniciens-dentistes est destinée à garantir que la fourniture de produits liés à la santé ne devient pas inaccessible en raison des coûts accrus de ces produits si leur fourniture était soumise à la TVA » (point 46).

L'application de l'article 132, paragraphe 1, c) et e), de la directive TVA a pour effet que les prestations de soins à la personne effectuées par un dentiste ou par un non-médecin sont toujours exonérées de la TVA, ces « prestations de soins » devant être entendues comme étant « toute prestation ayant pour but de diagnostiquer, de soigner ou de guérir les maladies ou les anomalies de santé ou de protéger, de maintenir ou de rétablir la santé des personnes » (CJUE, 21 mars 2013, C-91/12, PFC Clinic, point 28), ainsi que toute prestation de services effectuée par un mécanicien-dentiste, de même que les fournitures de prothèses dentaires effectuées par les dentistes et les mécaniciens-dentistes.

B.32.3.3. Dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de justice, mentionnée en B.27.5, il y a lieu de considérer que les interventions et les traitements à vocation esthétique, réalisés par un médecin ou par un non-médecin, sont soumis à la TVA lorsque ces interventions et ces traitements ne poursuivent aucun but thérapeutique, sous réserve toutefois de l'exception mentionnée dans l'article 132, paragraphe 1, e), de la directive TVA, laquelle est toujours exonérée de la TVA.

B.32.3.4. Lorsque les dispositions d'une directive apparaissent comme inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées, à défaut de mesures d'application prises dans les délais, à l'encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive TVA, ou encore en tant qu'elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'Etat (CJUE, 28 novembre 2013, C-319/12, MDDP, point 47).

En revanche, les autorités d'un Etat membre ne peuvent pas se prévaloir de la disposition d'une directive pour instaurer, sans l'intervention du législateur et en violation d'une disposition constitutionnelle, un assujettissement des non-médecins à la TVA en ce qui concerne les interventions et traitements à vocation esthétique.

B.32.3.5. La différence de traitement relative à l'assujettissement à la TVA qui existe entre les médecins et les non-médecins lorsque les catégories professionnelles précitées réalisent des interventions ou des traitements à vocation esthétique, n'est pas raisonnablement justifiée.

B.32.4. Le moyen unique de l'affaire n° 6464, en sa première branche, et les deuxième, troisième et quatrième moyens dans l'affaire n° 6465 sont fondés.

B.33.1. Les parties requérantes prennent un moyen de la violation, par l'article 110 attaqué de la loi du 26 décembre 2015, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les médecins ne sont assujettis à la TVA que lorsqu'ils réalisent des interventions et des traitements à vocation esthétique, tandis que tous les actes médicaux accomplis par des médecins sont les mêmes (troisième branche du moyen unique dans l'affaire n° 6464) et devraient donc être traités de la même manière.

B.33.2. Compte tenu de ce qui est dit en B.28.1 à B.28.6, la différence de traitement en matière de TVA entre les interventions et les traitements à vocation purement esthétique et les interventions et les traitements à vocation thérapeutique est raisonnablement justifiée, eu égard à ce qui est prévu dans l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA et aux motifs qui le fondent.

B.33.3. Le moyen unique de l'affaire n° 6464, en sa troisième branche, n'est pas fondé.

B.34.1. Les parties requérantes prennent un moyen de la violation, par l'article 110 attaqué de la loi du 26 décembre 2015, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les médecins qui réalisent des prestations médicales à caractère esthétique qui ne figurent pas dans la nomenclature INAMI sont assujettis à la TVA, alors que les médecins qui réalisent des prestations médicales dépourvues de but thérapeutique, qui ne figurent pas dans la nomenclature INAMI, ne sont pas assujettis à la TVA, et alors qu'il n'existe aucune justification raisonnable à cette différence de traitement (troisième branche bis du moyen unique dans l'affaire n° 6464).

B.34.2. Les travaux préparatoires confirment que l'exemption de la TVA n'est pas limitée, selon la disposition attaquée, aux soins médicaux à caractère thérapeutique mais concerne toutes les prestations qui sont habituellement réalisées par des médecins :

« L'exemption est donc liée à la personne et est automatiquement liée à la profession de médecin, et ce, simplement par le fait qu'un certain nombre d'actes, mais pas nécessairement tous, effectués par un médecin, sont repris dans la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1520/001, p. 40).

La décision n° E.T.127.740, du 22 mars 2016, de l'administration de la TVA précise également qu'il convient d'admettre que, pour les médecins, l'exemption de la TVA en matière médicale « revêt [...] un caractère purement lié à la personne, sans aucune référence légale à la nomenclature INAMI ». Par conséquent, l'exemption de la TVA médicale applicable aux médecins n'est pas limitée à la fourniture de soins médicaux, mais s'étend à toutes les prestations de services qui relèvent de l'exercice normal de leur profession.

B.34.3.1. Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, l'exonération de la TVA pour les soins médicaux ou les soins à la personne doit être limitée aux actes qui ont pour but de diagnostiquer, de soigner ou de guérir des maladies ou des anomalies de santé, avec pour effet d'exclure du bénéfice de cette exonération de la TVA les autres actes accomplis par des médecins (CJUE, 21 mars 2013, PFC Clinic, C-91/12, point 29).

Les exonérations prévues par la directive TVA sont d'interprétation stricte, étant donné qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (CJCE, 10 septembre 2002, C-141/00, Kügler, point 28). Lesdites exonérations constituent des notions autonomes du droit de l'Union ayant pour objet d'éviter des divergences dans l'application du régime de la TVA d'un Etat membre à l'autre (CJCE, 20 novembre 2003, C-307/01, d'Ambrumenil et Dispute Resolution Services, point 52).

Par conséquent, toutes les prestations de services susceptibles d'être accomplies dans l'exercice des professions médicales et paramédicales ne sont pas exemptées de la TVA, mais uniquement les prestations de soins à la personne, lesquelles constituent une notion autonome du droit de l'Union :

« En effet, même si d'autres prestations effectuées par des médecins peuvent revêtir également un caractère d'activité d'intérêt général, il résulte de la jurisprudence de la Cour que l'article 13, A, de la sixième directive n'exonère pas de la TVA toutes les activités d'intérêt général, mais uniquement celles qui sont énumérées et décrites de manière très détaillée » (CJCE, 20 novembre 2003, C-307/01, d'Ambrumenil et Dispute Resolution Services, point 54).

B.34.3.2. Même si les prestations de soins à la personne doivent avoir un but thérapeutique, il ne s'ensuit pas nécessairement que la finalité thérapeutique d'une prestation doive être comprise dans une acception particulièrement étroite, selon la Cour de justice. La finalité de la prestation est déterminante pour répondre à la question de savoir si cette prestation de services doit être exonérée de la TVA. Si une prestation est effectuée dans un contexte permettant d'établir que sa finalité principale n'est pas la protection, y compris le maintien ou le rétablissement, de la santé mais plutôt la fourniture d'un avis exigé préalablement à l'adoption d'une décision produisant des effets juridiques, l'exonération prévue par l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA ne s'applique pas à ladite prestation :

« En effet, lorsqu'une prestation consiste à réaliser une expertise médicale, il apparaît que, bien que l'accomplissement de cette prestation fasse appel aux compétences médicales du prestataire et puisse impliquer des activités typiques de la profession de médecin, telles que l'examen physique du patient ou l'analyse de son dossier médical, la finalité principale d'une telle prestation n'est pas de protéger, y compris maintenir ou rétablir, la santé de la personne concernée par l'expertise. Une telle prestation, qui a pour objet d'apporter une réponse aux questions identifiées dans le cadre de la demande d'expertise, est effectuée dans le but de permettre à un tiers de prendre une décision produisant des effets juridiques à l'égard de la personne concernée ou d'autres personnes. S'il est vrai qu'une expertise médicale peut également être demandée par la personne concernée elle-même et qu'elle peut indirectement contribuer à protéger la santé de l'intéressé, en détectant un nouveau problème ou en corrigeant un diagnostic précédent, la finalité principale poursuivie par toute prestation de ce type demeure celle de remplir une condition légale ou contractuelle prévue dans le processus décisionnel d'autrui. Une telle prestation ne saurait donc bénéficier de l'exonération prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive » (CJCE, 20 novembre 2003, C-307/01, d'Ambrumenil et Dispute Resolution Services, point 61).

B.34.3.3. Par conséquent, les prestations de services effectuées par les médecins peuvent donc uniquement être exonérées de la TVA lorsqu'elles ont une finalité thérapeutique.

B.34.4. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice que la différence de traitement, relative à l'imposition à la TVA, entre les prestations médicales à vocation esthétique qui ne figurent pas dans la nomenclature INAMI, lesquelles sont soumises à la TVA, et les autres prestations médicales dépourvues de but thérapeutique qui ne figurent pas dans la nomenclature INAMI, lesquelles ne sont pas soumises à la TVA, n'est pas raisonnablement justifiée.

B.34.5. Le moyen unique dans l'affaire n° 6464, en sa troisième branche bis, est fondé.

B.35.1. Les parties requérantes prennent un moyen de la violation, par l'article 110 attaqué de la loi du 26 décembre 2015, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, étant donné que les interventions médicales à vocation esthétique qui figurent dans la nomenclature INAMI ne sont pas soumises à la TVA, tandis que les interventions médicales à vocation esthétique qui ne figurent pas dans la nomenclature INAMI ou qui y figurent mais qui ne bénéficient pas du remboursement sont, quant à elles, soumises à la TVA, sans qu'existe pour ce faire une justification raisonnable (quatrième branche du moyen unique dans l'affaire n° 6464).

B.35.2. La nomenclature INAMI des prestations de santé regroupe, par code, les prestations remboursées, partiellement ou totalement, par l'assurance soins de santé. La liste et les changements sont publiés dans le Moniteur belge.

La mention d'une intervention ou d'un traitement dans la nomenclature INAMI est importante pour obtenir, par le biais de l'assurance obligatoire soins de santé, le remboursement total ou partiel des soins médicaux. Cela ne signifie toutefois pas que les interventions ou traitements qui figurent dans cette nomenclature présentent nécessairement un caractère thérapeutique, ni que les interventions ou traitements qui n'y figurent pas en seraient nécessairement dépourvus.

B.35.3. Eu égard à la jurisprudence de la Cour de justice mentionnée en B.27.5, qui requiert que l'exonération de la TVA soit réservée aux soins médicaux, le critère de distinction, à savoir la mention ou non d'une intervention ou d'un traitement dans la nomenclature INAMI, n'est pas pertinent pour atteindre le but poursuivi par le législateur.

B.35.4. La différence de traitement entre les interventions médicales à vocation esthétique qui figurent dans la nomenclature INAMI et les interventions médicales à caractère esthétique qui ne figurent pas dans la nomenclature INAMI ou qui y figurent mais qui ne répondent pas aux conditions pour donner droit à un remboursement n'est pas raisonnablement justifiée.

B.35.5. Le moyen unique dans l'affaire n° 6464, en sa quatrième branche, est fondé.

B.36.1. Les parties requérantes prennent un moyen de la violation, par l'article 110 attaqué de la loi du 26 décembre 2015, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'il établit une différence de traitement injustifiée, en ce qui concerne l'assujettissement à la TVA, entre les médecins qui dispensent des soins pré- et postopératoires dans le cadre d'interventions et de traitements à vocation esthétique et les médecins qui dispensent des soins pré- et postopératoires dans le cadre d'interventions et de traitements à but thérapeutique (cinquième moyen dans l'affaire n° 6465).

Selon les parties requérantes, les interventions et traitements effectués par des médecins dans le cadre de soins pré- et postopératoires sont identiques, de sorte qu'une différence de traitement, en ce qui concerne l'assujettissement à la TVA, ne saurait être justifiée.

B.36.2. Aux termes des travaux préparatoires, la TVA est due lorsqu'une intervention médicale de nature purement esthétique est réalisée. Dans ce cas, l'ensemble du traitement, depuis l'admission du patient, ainsi que le séjour à l'hôpital sont soumis à la taxe (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1520/001, pp. 42-43).

La décision n° E.T.127.740, du 22 mars 2016, de l'administration de la TVA prévoit que l'intervention et le traitement à vocation esthétique proprement dits doivent être considérés comme l'acte principal :

« Les prestations connexes à l'acte principal, accomplies par un médecin spécialiste ou pas, comme, entre autres, les prestations en matière de cardiologie, pneumologie, neurologie, d'imagerie médicale, d'anesthésie, de surveillance médicale,... et qui sont effectuées en vue de préparer, pendant ou après l'intervention ou le traitement esthétique, sont, en principe, soumises au même régime TVA que l'acte principal [...].

[...] Les examens médicaux complémentaires demandés par le médecin traitant, à propos de la réalisation de l'acte principal mais qui ne sont pas indispensables, en soi, à cet acte et à la surveillance médicale qui en découle, ne sont pas visés et continuent à être exemptés de la TVA, conformément aux règles habituelles ».

B.36.3. Concernant l'application de la directive TVA, la Cour de justice a jugé par son arrêt du 8 décembre 2016 (C-208/15, Stock '94) qu'aux fins de la TVA, chaque prestation doit en règle être considérée comme distincte et indépendante, ainsi qu'il découle de l'article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA :

« 27. Néanmoins, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et, ainsi, donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Il s'agit d'une opération unique, notamment, lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l'assujetti sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel. Tel est également le cas lorsqu'une ou plusieurs prestations constituent une prestation principale et que la ou les autres prestations constituent une ou plusieurs prestations accessoires partageant ainsi le sort fiscal de la prestation principale. Une prestation doit notamment être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu'elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (arrêt du 16 avril 2015, Wojskowa Agencja Mieszkaniowa w Warszawie, C-42/14, EU: C: 2015: 229, point 31 et jurisprudence citée).

28. Afin de déterminer si les prestations fournies constituent plusieurs prestations indépendantes ou une prestation unique aux fins de la TVA, il importe de rechercher les éléments caractéristiques de l'opération concernée (arrêts du 17 janvier 2013, BGZ Leasing, C-224/11, EU: C: 2013: 15, point 32, et du 16 avril 2015, Wojskowa Agencja Mieszkaniowa w Warszawie, C-42/14, EU: C: 2015: 229, point 32).

29. A cet égard, il convient de relever, d'une part, que, pour déterminer si une opération qui comporte plusieurs prestations constitue une opération unique aux fins de la TVA, la Cour tient compte de l'objectif économique de cette opération (voir, en ce sens, arrêts du 19 novembre 2009, Don Bosco Onroerend Goed, C-461/08, EU: C: 2009: 722, point 39; du 28 octobre 2010, Axa UK, C-175/09, EU: C: 2010: 646, point 23, et du 27 septembre 2012, Field Fisher Waterhouse, C-392/11, EU: C: 2012: 597, point 23). Dans son analyse, la Cour prend également en compte l'intérêt des destinataires des prestations (voir, en ce sens, arrêt du 16 avril 2015, Wojskowa Agencja Mieszkaniowa w Warszawie, C-42/14, EU: C: 2015: 229, point 35) ».

B.36.4. Il doit être déduit de la jurisprudence précitée de la Cour de justice que si le but de l'intervention ou du traitement est le même, les prestations distinctes doivent être soumises au même taux de TVA.

Dès lors que les soins pré- et postopératoires, en tant que prestations distinctes dans le cadre d'une intervention ou d'un traitement esthétique, poursuivent la même finalité, à savoir un traitement médical qui n'a pas pour but de diagnostiquer, de soigner ou de guérir des maladies ou des anomalies de santé ou de protéger, de maintenir ou de rétablir la santé des personnes, la différence de traitement est raisonnablement justifiée.

B.36.5. Le cinquième moyen dans l'affaire n° 6465 n'est pas fondé.

B.37.1. Les parties requérantes prennent un moyen de la violation, par l'article 110 attaqué de la loi du 26 décembre 2015, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les médicaments et les dispositifs médicaux fournis par les médecins dans le cadre d'une intervention ou d'un traitement à vocation esthétique seraient soumis au taux de TVA de 21 %, tandis que les médicaments et les dispositifs médicaux fournis par les médecins dans le cadre d'une intervention ou d'un traitement à but thérapeutique (huitième moyen dans l'affaire n° 6465) ou les médicaments et les dispositifs médicaux prescrits par les médecins dans le cadre d'une intervention ou d'un traitement à vocation esthétique et que les patients vont eux-mêmes chercher chez le pharmacien seraient soumis au taux de TVA de 6 %, sans qu'existe une justification raisonnable à cette différence de traitement.

B.37.2. Aux termes de la décision n° E.T.127.740, du 22 mars 2016, de l'administration de la TVA, « les livraisons de médicaments, en relation étroite et immédiate avec une intervention ou un traitement [à vocation esthétique], subi par le patient et/ou leur utilisation dans ce cadre » sont imposées au taux de TVA de 21 % .

En vertu de l'article 1er, alinéa 2, a), de l'arrêté royal n° 20 du 20 juillet 1970 fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux, les médicaments et les dispositifs médicaux sont toutefois normalement soumis au taux de TVA de 6 % .

B.37.3. La directive TVA prévoit en effet que les Etats membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant dans l'annexe III (article 98 de la directive TVA). L'annexe III mentionne au point 3 : « les produits pharmaceutiques normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires, y compris les produits utilisés à des fins de contraception et de protection hygiénique féminine ».

Par son arrêt du 17 janvier 2013, C-360/11, Commission/Espagne, la Cour de justice a jugé qu'un taux réduit de TVA peut s'appliquer à des biens qui remplissent deux conditions :

« Il doit s'agir, d'une part, de ' produits pharmaceutiques ' et, d'autre part, lesdits produits doivent être ' normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires ' » (point 39).

La notion de « produit pharmaceutique » au sens du point 3 de l'annexe III revêt une signification plus large que celle de la notion de « médicament » au sens de l'article 1er de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Sont considérés comme produits pharmaceutiques non seulement les médicaments, mais également d'autres préparations et articles pharmaceutiques, comme les ouates, les gazes, les bandes et les articles similaires. De plus, le point 3, dernière phrase, de l'annexe III fait référence à des biens qui ne peuvent pas relever de la notion de « médicament » au sens de la directive 2001/83/CE, tels que les « produits utilisés à des fins de contraception et de protection hygiénique féminine » (ibid., point 45).

Les produits pharmaceutiques doivent normalement être utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires, de sorte que le taux réduit de TVA ne peut être appliqué qu'aux produits finis, susceptibles d'être utilisés directement par le consommateur final, à l'exclusion des produits pouvant être utilisés dans la fabrication des médicaments, qui doivent normalement faire l'objet d'une transformation ultérieure (ibid., point 47).

B.37.4. Il résulte de la formulation de l'article 98 de la directive TVA, en particulier de l'utilisation du mot « peuvent », que les Etats membres ne sont pas obligés d'appliquer un taux réduit de TVA sur les médicaments et les dispositifs médicaux.

« [L'application d'un ou de deux taux réduits] constitue une possibilité reconnue aux Etats membres, par dérogation au principe selon lequel le taux normal est applicable » (CJUE, 9 mars 2017, C-573/15, Oxycure Belgium, point 25).

Les Etats membres peuvent, en principe, choisir d'appliquer un taux réduit de TVA à certains produits pharmaceutiques ou dispositifs médicaux spécifiques, tout en appliquant le taux normal à d'autres de ces produits ou dispositifs (ibid., point 26).

B.37.5. Si un Etat membre choisit d'appliquer un taux réduit de TVA aux médicaments et aux dispositifs médicaux dans certains cas et le taux normal de TVA dans d'autres cas, il convient de vérifier s'il existe une justification raisonnable à cette différence de traitement. Lorsqu'un Etat membre choisit de faire usage de la possibilité d'appliquer sélectivement le taux réduit de TVA à certains biens ou prestations de services spécifiques qui figurent dans l'annexe III de la directive TVA, il doit respecter le principe de neutralité fiscale (ibid., point 28), lequel s'oppose à ce que des biens ou des prestations de services semblables, qui se trouvent en concurrence les uns avec les autres, soient traités de manière différente du point de vue de la TVA (ibid., point 30).

B.37.6. Le point XVII du tableau A « Biens et services soumis au taux de 6 % » de l'arrêté royal n° 20 du 20 juillet 1970 dispose :

« XVII. Médicaments et dispositifs médicaux

a) Toute substance ou composition visée à l'article 1er de la loi du 25 mars 1964 sur les médicaments et enregistrée comme médicament par le Ministre qui a la Santé publique dans ses attributions ou pour laquelle l'autorisation de mise sur le marché visée à l'article 1er, § 1er, alinéa 1er, 1) de l'arrêté royal du 3 juillet 1969 relatif à l'enregistrement des médicaments a été notifiée au Ministre qui a la Santé publique dans ses attributions.

b) Le sang et les plaquettes, plasma et globules blancs et rouges destinés à être administrés à l'homme ou à l'animal pour l'usage thérapeutique ou prophylactique, non visés sous le point a) ci-avant.

c) Les médicaments à usage humain ou vétérinaire préparés par le pharmacien et vendus par lui dans son officine.

2° [...]

3° Les ouates, gazes, bandes et articles analogues (pansements, sparadraps, etc.), incorporant un médicament ayant une action accessoire à celle du dispositif, ou conditionnés pour la vente au détail à des fins médicales ou chirurgicales; les trousses et boîtes de secours garnies, ainsi que les biens similaires, pour soins de première urgence.

4° Les condoms.

5° Les seringues hypodermiques stériles à usage unique destinées à l'injection d'insuline et graduées à cet effet en unités internationales d'insuline; les aiguilles stériles jetables pour stylos injecteurs d'insuline.

6° Les poches à sang contenant des anticoagulants.

7° Les ciments osseux contenant des antibiotiques ayant une action accessoire à celle du dispositif.

8° Les substances viscoélastiques stériles strictement destinées à un usage médical ou chirurgical humain ou vétérinaire ».

Cette disposition ne fait pas de distinction, en ce qui concerne le taux de 6 % à appliquer, selon que l'utilisation concrète des médicaments et dispositifs médicaux visés soit liée à des interventions ou traitements à vocation thérapeutique ou à des interventions ou traitements à vocation purement esthétique.

B.37.7. En conséquence, une interprétation semble possible selon laquelle les médicaments et dispositifs médicaux fournis par les médecins dans le cadre d'une intervention ou d'un traitement à vocation esthétique seraient assujettis au taux de TVA de 6 %, de sorte que la différence de traitement critiquée n'existerait pas.

L'examen du huitième moyen dans l'affaire n° 6465 requiert dès lors que soit tranchée préalablement la question de savoir si l'article 98 de la directive TVA, combiné avec les points 3 et 4 de l'annexe III de cette directive, notamment au regard du principe de neutralité fiscale, fait obstacle ou non à ce qu'une disposition nationale applique un taux réduit de TVA aux médicaments et dispositifs médicaux qui sont fournis dans le cadre d'une intervention ou d'un traitement à vocation thérapeutique, alors que les médicaments et dispositifs médicaux qui sont fournis dans le cadre d'une intervention ou d'un traitement à vocation purement esthétique, et qui y sont étroitement liés, sont soumis au taux normal de TVA.

B.37.8. Avant de se prononcer sur les huitième et neuvième moyens dans l'affaire n° 6465, il convient de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la deuxième question préjudicielle mentionnée dans le dispositif.

2.2.2. Les autres moyens ou branches de moyens

B.38.1. Les parties requérantes prennent un moyen de la violation, par l'article 110 attaqué de la loi du 26 décembre 2015, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les soins infirmiers dispensés dans un hôpital, à l'occasion d'une intervention ou d'un traitement à vocation esthétique, seraient soumis à la TVA, alors que les soins infirmiers dispensés en dehors d'un hôpital, à l'occasion d'une intervention ou d'un traitement à vocation esthétique, ne seraient pas soumis à la TVA, sans qu'existe une justification raisonnable à cette différence de traitement (seconde branche du moyen unique dans l'affaire n° 6464).

B.38.2.1. Les travaux préparatoires confirment que les soins infirmiers dispensés à l'hôpital dans le cadre d'un traitement purement esthétique sont exclus de l'exemption de la TVA, tandis que les soins infirmiers dispensés en dehors de l'hôpital dans le cadre du même traitement esthétique sont exemptés de la TVA. Selon les travaux préparatoires, cette différence de traitement est justifiée :

« - les prestations des infirmiers qui sont effectuées dans un établissement hospitalier sont comprises dans le prix normal de la journée d'hospitalisation; c'est impossible pour des raisons pratiques d'extraire du prix de la journée d'hospitalisation les prestations des infirmiers; en d'autres termes, les prestations des infirmiers constituent un élément de l'hospitalisation et des soins médicaux qui seront dans le cas présent taxés sur le prix total;

- de plus, les infirmiers qui sont actifs dans un établissement hospitalier sont souvent engagés dans le cadre d'un contrat d'emploi. Ils agissent, par opposition aux nombreux infirmiers à domicile, dans un lien de subordination de manière telle que les obligations T.V.A. ne sont même pas d'actualité (article 4, § 1er, du Code [de la TVA]).

- comme mentionné ci-avant, les interventions et les traitements qui ont exclusivement pour but d'embellir ou d'améliorer l'apparence physique ne relèvent pas de la notion de ' soins médicaux '. Le jugement du médecin traitant est déterminant pour établir si une intervention ou un traitement est de nature cosmétique ou pas. Sur la base du dossier médical de l'établissement hospitalier, il est donc, à cet égard, parfaitement possible de lier les prestations des infirmiers qui sont fournies dans cet établissement, à une intervention qui n'est pas exemptée. Ce lien est déjà beaucoup moins évident dans le cadre de soins post-opératoires qui sont dispensés par des infirmiers au domicile du patient. En effet, ils n'ont pas d'accès direct au dossier médical du médecin traitant de l'établissement hospitalier. Par conséquent, il leur est impossible de se prononcer à cet égard;

- en principe, on doit s'identifier en tant qu'assujetti à la T.V.A. dès qu'on a l'intention d'effectuer de manière habituelle des opérations imposables; dès qu'un infirmier dans le cadre de soins à domicile est confronté à un patient qui a subi une intervention purement cosmétique (et donc non exemptée), il devrait donc s'identifier comme assujetti à la TVA. Il est clair que ce n'est pas possible pour des raisons pratiques, d'autant plus parce que l'infirmier ne sait pas si à l'avenir il devra encore traiter de tels patients » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1520/001, pp. 43-44).

B.38.2.2. La décision n° E.T.127.740 de l'administration de la TVA confirme ce point de vue. Les soins à domicile dispensés par d'autres prestataires de soins chez un patient, après une hospitalisation en vue d'une intervention ou d'un traitement soumis à la TVA, continuent à être intégralement exemptés de la TVA (article 44, § 1er, 2°, du Code de la TVA).

« Ces autres prestataires de soins [...] n'ont, d'ailleurs, pas directement accès au dossier médical du médecin traitant dans l'hôpital ou la clinique reconnus. A ce sujet, il leur est même matériellement impossible de relier leurs prestations de services à une intervention ou un traitement imposé à la TVA » (décision n° E.T.127.740 de l'administration de la TVA, n° 28).

La décision n° E.T.130.999, du 28 novembre 2016, de l'administration de la TVA précise en outre que, bien que les infirmiers indépendants aient accès au dossier médical du patient, cet accès n'a pas pour effet que l'exemption médicale fondée sur l'article 44, § 1er, 1°, alinéa 2, du Code de la TVA ne leur soit plus applicable.

B.38.3. Il ressort de l'arrêté royal du 25 avril 2002 relatif à la fixation et à la liquidation du budget des moyens financiers des hôpitaux et de la loi coordonnée du 10 juillet 2008 relative aux hôpitaux et à d'autres établissements de soins que le coût exact d'une prestation de services effectuée par un infirmier pour le patient, n'est pas connu, que le service fourni soit une intervention esthétique ou non.

Il convient en effet d'entendre par « prix de journée d'hospitalisation » le montant forfaitaire qui couvre les frais du séjour et des soins à l'hôpital, à l'exception des médicaments, des honoraires pour les prestations et des suppléments éventuels.

Les soins infirmiers dispensés en dehors d'un hôpital sont en revanche facturés par patient et par prestation.

B.38.4. Par son arrêt du 10 juin 2010, C-86/09, Future Health Technologies, la Cour de justice a précisé que l'article 132, paragraphe 1, c), de la directive TVA concerne les prestations médicales qui sont fournies en dehors du cadre fixé par l'article 132, paragraphe 1, b), de la directive TVA, tant au domicile privé du prestataire de soins qu'au domicile du patient ou en tout autre lieu (point 36).

Par conséquent, l'exemption de la TVA concerne les prestations de soins indépendamment du lieu où ces prestations sont fournies et l'imposition à la TVA vise les prestations de soins fournies dans le cadre d'interventions et de traitements à vocation esthétique, indépendamment aussi du lieu où les soins médicaux sont fournis.

B.38.5. Compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice, la différence de traitement entre les prestations de soins fournies en dehors de l'hôpital et les prestations de soins fournies en milieu hospitalier, à l'occasion d'une intervention ou d'un traitement à vocation esthétique, n'est pas raisonnablement justifiée.

B.38.6. Le moyen unique dans l'affaire n° 6464, en sa deuxième branche, est fondé.

B.39.1. Les parties requérantes prennent un moyen de la violation, par l'article 110 attaqué de la loi du 26 décembre 2015, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec les articles 49 et 56 du TFUE et avec la directive TVA, en ce que l'article attaqué ne prévoirait aucune exemption de la TVA pour les soins hospitaliers et médicaux pré- et postopératoires qui sont fournis dans le cadre d'un traitement esthétique, ni pour les livraisons de biens ou les prestations de services qui y sont étroitement liées, alors que les articles 49 et 56 du TFUE prévoient la liberté d'établissement et de prestation de services au sein de l'Union européenne et que l'article 132, paragraphe 1, b) et c), de la directive TVA dispose que tous les Etats membres sont tenus de prévoir une exonération générale de la TVA pour l'hospitalisation et les soins médicaux et ne permettrait pas aux Etats membres d'imposer la TVA sur certains de ses actes (sixième et septième moyens dans l'affaire n° 6465).

B.39.2. Compte tenu de ce qui est dit en B.27.5, à savoir que, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, l'exonération de la TVA ne peut s'appliquer qu'aux prestations médicales effectuées dans le but de protéger, y compris de maintenir ou de rétablir, la santé des personnes, l'exonération de la TVA ne peut s'appliquer dans chaque Etat membre qu'aux prestations médicales qui poursuivent un but thérapeutique et non aux prestations médicales ayant un but purement esthétique.

Dès lors, on n'aperçoit pas qu'il existerait, entre les Etats membres, une différence de traitement relative aux interventions et traitements à vocation esthétique, de sorte qu'il ne saurait y avoir de violation des articles 49 et 56 du TFUE, ni de la directive TVA.

B.39.3. De plus, la Cour de justice a jugé, en ce qui concerne l'application de la directive TVA, qu'aux fins de la TVA, chaque prestation doit normalement être considérée comme distincte et indépendante, ainsi qu'il découle de l'article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA, mais que « dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et, ainsi, donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, peuvent être considérées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes ». Comme il a déjà été dit en B.36.3, il s'agit d'une opération unique, notamment, lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l'assujetti sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel. Tel est également le cas lorsqu'une ou plusieurs prestations constituent une prestation principale et que la ou les autres prestations constituent une ou plusieurs prestations accessoires partageant ainsi le sort fiscal de la prestation principale. Une prestation doit notamment être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu'elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (CJUE, 8 décembre 2016, C-208/15, Stock '94, point 27).

Il est permis de déduire de la jurisprudence précitée que si le but de l'intervention ou du traitement est le même, les prestations distinctes doivent être assujetties au même taux de TVA, de sorte que les soins pré- et postopératoires, en tant que prestations liées à une intervention ou à un traitement esthétique, sont en l'espèce eux aussi assujettis au même taux de TVA que les interventions et traitements à vocation esthétique.

B.39.4. Partant, il n'est pas démontré que les soins pré- et postopératoires d'interventions et de traitements à vocation esthétique font l'objet d'une différence de traitement entre les Etats membres, de sorte que les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec les articles 49 et 56 du TFUE et avec la directive TVA, ne sont pas violés.

B.39.5. Le sixième moyen dans l'affaire n° 6465 n'est pas fondé.

B.39.6. De même, en ce qui concerne les fournitures de biens et les prestations de services liées, il est établi que si le but de l'intervention ou du traitement est le même, les prestations distinctes doivent être soumises au même taux de TVA, ce qui a pour effet que la TVA sera seulement applicable aux prestations de services et aux fournitures de biens qui sont liées, voire qui sont inhérentes à l'intervention ou au traitement esthétique qui ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'un remboursement conformément à la réglementation de l'INAMI.

Toutefois, le fait que les fournitures de biens et les prestations de services non exemptées en vertu de l'article 134 de la directive TVA ne figurent pas dans l'article 44, § 2, 1°, a), du Code de la TVA a pour effet que le champ d'application de l'imposition à la TVA n'est pas conforme aux exigences de cette directive, de sorte que les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec les articles 49 et 56 du TFUE et avec la directive TVA, sont violés.

B.39.7. Le septième moyen dans l'affaire n° 6465 est fondé, dans la mesure où les exceptions relatives aux « prestations de services et aux livraisons de biens liées » ne sont pas prévues conformément à l'article 134 de la directive TVA.

B.40.1. Les parties requérantes prennent un moyen de la violation, par l'article 110 attaqué de la loi du 26 décembre 2015, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec les articles 49 et 56 du TFUE et avec la directive TVA, en ce que les patients qui sont affiliés à une assurance maladie belge et les patients qui ne sont pas affiliés à une assurance maladie belge sont traités différemment en ce qui concerne le taux de TVA à payer sur les interventions ou les traitements esthétiques qui figurent dans la nomenclature INAMI; seule la seconde catégorie de patients devrait s'acquitter d'un taux de TVA de 21 % .

B.40.2. Le nouvel article 44, § 1er, 1°, du Code de la TVA prévoit une exemption de principe de la TVA pour les interventions et traitements à vocation esthétique qui figurent dans la nomenclature INAMI et pour lesquels les conditions de remboursement sont remplies. En effet, l'exemption de la TVA ne s'applique pas, d'une part, aux interventions et traitements esthétiques qui ne figurent pas dans la nomenclature INAMI et, d'autre part, aux interventions et traitements esthétiques qui figurent dans la nomenclature INAMI mais dont les conditions de remboursement ne sont pas remplies.

La mention d'une intervention ou d'un traitement dans la nomenclature INAMI est importante pour obtenir, par le biais de l'assurance obligatoire maladie invalidité, le remboursement complet ou partiel des soins médicaux, mais, comme il est dit en B.35.2, cette mention ne signifie pas nécessairement que les soins médicaux aient un caractère thérapeutique.

B.40.3. Selon le Conseil des ministres, l'article 110 attaqué de la loi du 26 décembre 2015 doit être interprété en ce sens que le fait de répondre ou non aux conditions pour donner droit à un remboursement concerne exclusivement le point de savoir si les traitements peuvent en principe donner lieu à un remboursement, indépendamment du fait que le patient en question en bénéficie ou non concrètement.

Dans cette interprétation, la différence de traitement soulevé par les parties requérantes n'existe pas.

B.40.4. Toutefois, comme il est dit en B.28.6.2 et B.32.2.3, il convient de déduire de l'article 170, § 2, et de l'article 172, alinéa 2, de la Constitution qu'aucun impôt ne peut être levé et qu'aucune exemption d'impôt ne peut être accordée sans qu'ait été recueilli le consentement des contribuables, exprimé par leurs représentants, et que la matière fiscale est une compétence que la Constitution réserve à la loi, le législateur étant tenu de déterminer les éléments essentiels de l'impôt.

Font partie des éléments essentiels de l'impôt, la désignation des contribuables, la matière imposable, la base d'imposition, le taux d'imposition et les éventuelles exonérations d'impôt.

B.40.5. Par conséquent, il ne saurait être considéré que l'exemption de la TVA s'applique également aux patients n'ayant pas d'assurance maladie belge pour les interventions ou les traitements esthétiques qui figurent dans la nomenclature INAMI mais dont les conditions de remboursement ne sont pas remplies, de sorte que la différence de traitement existe effectivement et ne peut pas être supprimée en recourant à une interprétation conforme à la directive.

B.40.6. Eu égard à ce qui est dit en B.35.3 et compte tenu de la jurisprudence de la Cour, mentionnée en B.27.5, qui requiert que l'exonération de la TVA soit réservée aux soins médicaux, le critère de distinction, à savoir remplir ou non les conditions de remboursement de la nomenclature INAMI, n'est pas pertinent pour atteindre le but poursuivi par le législateur.

B.40.7. Le dixième moyen dans l'affaire n° 6465 est fondé.

B.41.1. Les parties requérantes prennent un moyen de la violation, par l'article 110 attaqué de la loi du 26 décembre 2015, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec les articles 49 et 56 du TFUE et avec la directive TVA, en ce qu'il instaurerait une différence de traitement entre les patients qui subissent une intervention ou un traitement à vocation esthétique en raison d'une affection physique et les patients qui subissent une intervention ou un traitement à vocation esthétique en raison d'une affection psychique; seule la première catégorie de patients ne devrait pas s'acquitter de la TVA (onzième moyen dans l'affaire n° 6465).

B.41.2. Dès qu'une intervention a un but thérapeutique, même s'il ne faut pas nécessairement comprendre « la finalité thérapeutique d'une prestation [...] dans une acception particulièrement étroite », à savoir une prestation qui a « pour but de diagnostiquer, de soigner et, si possible, de guérir une maladie ou un problème de santé », cette intervention n'est pas soumise à la TVA.

Les « simples conceptions subjectives, d'ordre esthétique ou psychologique par exemple, que la personne qui subit une intervention à vocation esthétique se fait de celle-ci ne sont pas, par elles-mêmes, déterminantes aux fins d'apprécier si cette intervention a un but thérapeutique ». Seules « les circonstances que de telles interventions soient fournies ou effectuées par un membre du corps médical habilité, ou que le but de telles prestations soit déterminé par un tel professionnel, sont de nature à influer sur la réponse à la question de savoir si ces interventions relèvent de la notion de ' soins médicaux ' au sens de l'article 132, paragraphe 1er, sous b), et c), précité » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1520/001, p. 39).

B.41.3. Dès lors que l'exemption de la TVA pour les soins médicaux ne peut s'appliquer qu'aux prestations médicales effectuées dans un but de protéger, y compris de maintenir ou de rétablir, la santé des personnes, il est sans importance à cet égard de savoir si l'affection qui est traitée est de nature physique ou psychique. Dès qu'une intervention ou un traitement poursuit un but thérapeutique, cette intervention ou ce traitement sont exemptés de manière permanente de la TVA.

C'est au médecin traitant qui effectue l'intervention ou le traitement de déterminer, en son âme et conscience, le but thérapeutique ou reconstructeur de l'intervention ou du traitement.

B.41.4. Le onzième moyen dans l'affaire n° 6465 n'est pas fondé.

Quant au maintien des effets des dispositions à annuler

B.42.1. Le Conseil des ministres demande à la Cour, à titre subsidiaire, de maintenir les effets des dispositions à annuler le cas échéant, pour permettre au législateur de compléter la transposition de la directive 2006/112/CE et de mettre fin à l'inconstitutionnalité à constater le cas échéant.

B.42.2. En la matière, la Cour doit tenir compte des limitations qui découlent du droit de l'Union européenne quant au maintien des effets des normes nationales qui doivent être annulées parce qu'elles sont contraires à ce droit (CJUE, grande chambre, 8 septembre 2010, C-409/06, Winner Wetten, points 53-69; CJUE, grande chambre, 28 février 2012, C-41/11, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, points 56-63).

En règle générale, ce maintien des effets ne peut avoir lieu qu'aux conditions qui sont fixées par la Cour de justice en réponse à une question préjudicielle. Par conséquent, il convient de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la troisième question préjudicielle mentionnée dans le dispositif.

Par ces motifs,

la Cour

pose à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :

1. L'article 132, paragraphe 1, c), de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée doit-il être interprété en ce sens qu'il réserve, aussi bien pour les pratiques conventionnelles que non-conventionnelles, l'exonération qu'il vise aux praticiens d'une profession médicale ou paramédicale qui sont soumis à la législation nationale relative aux professions des soins de santé et qui satisfont aux exigences fixées par cette législation nationale et qu'en soient exclues les personnes qui ne remplissent pas ces conditions mais qui sont affiliées à une association professionnelle de chiropracteurs ou d'ostéopathes et satisfont aux critères fixés par cette association ?

2. L'article 132, paragraphe 1, b), c) et e), l'article 134 et l'article 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, combinés avec les points 3 et 4 de l'annexe III de cette directive, notamment au regard du principe de neutralité fiscale, doivent-ils être interprétés en ce sens :

a) qu'ils font obstacle à ce qu'une disposition nationale qui prévoit un taux réduit de TVA soit applicable aux médicaments et aux dispositifs médicaux qui sont fournis dans le cadre d'une intervention ou d'un traitement à vocation thérapeutique, alors que les médicaments et dispositifs médicaux qui sont fournis dans le cadre d'une intervention ou d'un traitement à vocation purement esthétique et qui y sont étroitement liés sont assujettis au taux normal de TVA;

b) ou qu'ils autorisent ou imposent l'égalité de traitement des deux cas précités ?

3. Appartient-il à la Cour de maintenir provisoirement les effets des dispositions à annuler par suite des B.29, B.32.4, B.34.5, B.35.5, B.38.6, B.39.7 et B.40.7, de même que ceux des dispositions qui devraient, le cas échéant, être annulées entièrement ou partiellement, s'il découlait de la réponse à la première ou à la deuxième question préjudicielle qu'elles sont contraires au droit de l'Union européenne, et ce afin de permettre au législateur de les mettre en conformité avec ce droit ?

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 28 septembre 2017.

Le greffier,

P.-Y. Dutilleux

Le président,

E. De Groot