Cour de cassation: Arrêt du 26 juin 2008 (Belgique). RG C.07.0494.N

Date :
26-06-2008
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
4 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20080626-14
Numéro de rôle :
C.07.0494.N

Résumé :

Il résulte de l'article 29bis, §1er, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, qui entend faire concorder les droits des ayants droit et ceux de la victime, que lorsqu'en vertu de l'alinéa 6 de l'article 29bis, § 1er, de ladite loi, la victime n'a pas droit à réparation, ses ayants droit n'ont pas davantage droit à réparation du dommage qu'ils ont subi du fait des lésions ou du décès de la victime (1). (1) Voir les conclusions du ministère public, publiées à leur date dans A.C., 2008, n° ...

Arrêt :

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N° C.07.0494.N

AVERO SCHADEVERZEKERING BENELUX, société de droit néerlandais,

demanderesse,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

S. B.,

défenderesse,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 16 mai 2007 par le tribunal de première instance de Hasselt, statuant en degré d'appel.

Par ordonnance du 13 mai 2008, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.

Le président de section Robert Boes a fait rapport.

L'avocat général Ria Mortier a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen dans sa requête.

Dispositions légales violées

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- article 29bis, § 1er, alinéas 1er, 6 et 7, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, modifiée pour la dernière fois par la loi du 19 janvier 2001;

- article 8, alinéa 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.

Décisions et motifs critiqués

La quatrième chambre ter du tribunal de première instance de Hasselt a notamment considéré dans son jugement du 16 mai 2007 que :

« Il n'est pas contesté qu'en principe, (la défenderesse) peut revendiquer la réparation de son dommage sur la base de l'article 29bis, § 1er, de la loi du 21 novembre 1989, qui dispose que : ‘En cas d'accident de la circulation impliquant un ou plusieurs véhicules automoteurs, aux endroits visés à l'article 2, § 1er, (...) tous les dommages subis par les victimes et leurs ayants droit et résultant de lésions corporelles ou du décès, y compris les dégâts aux vêtements, sont réparés solidairement par les assureurs qui, conformément à la présente loi, couvrent la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteur des véhicules automoteurs'.

La loi du 19 janvier 2001 a ajouté à cette disposition générale une cause d'exclusion de l'application de l'article 29bis, § 1er, en insérant son alinéa 6, qui est rédigé comme suit : ‘Les victimes âgées de plus de 14 ans qui ont voulu l'accident et ses conséquences ne peuvent se prévaloir des dispositions visées à l'alinéa 1er'.

Les dispositions de la loi sont claires, de sorte que l'intention du défunt ne peut dès lors être imputée à ses proches. L'exception à la règle générale (les victimes et leurs ayants droit ont droit à une indemnisation) doit toujours être interprétée strictement. Le texte de la loi ne prévoit une telle exclusion que pour les ‘victimes âgées de plus de 14 ans'.

(La demanderesse) argue à tort que, par ricochet, la propre faute de la victime doit également être imputée à (la défenderesse).

(La défenderesse) fonde sa demande sur l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 et le système d'indemnisation prévu par cette loi est distinct du régime d'indemnisation de l'article 1382 du Code civil, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer la théorie des dommages par ricochet résultant de la responsabilité personnelle (...) » (jugement, p. 3 - 4).

Griefs

Première branche

1. L'article 1382 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

L'article 1383 du Code civil dispose que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

L'article 29bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs est rédigé comme suit : « En cas d'accident de la circulation impliquant un ou plusieurs véhicules automoteurs, aux endroits visés à l'article 2, § 1er, et à l'exception des dégâts matériels et des dommages subis par le conducteur de chaque véhicule automoteur impliqué, tous les dommages subis par les victimes et leurs ayants droit et résultant de lésions corporelles ou du décès, y compris les dégâts aux vêtements, sont réparés solidairement par les assureurs qui, conformément à la présente loi, couvrent la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteur des véhicules automoteurs. La présente disposition s'applique également si les dommages ont été causés volontairement par le conducteur ».

L'article 29bis, § 1er, alinéa 6, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs est rédigé comme suit: « les victimes âgées de plus de 14 ans qui ont voulu l'accident et ses conséquences ne peuvent se prévaloir des dispositions visées à l'alinéa 1er ».

L'article 29bis, § 1er, alinéa 7, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs est rédigé comme suit: « Cette obligation d'indemnisation est exécutée conformément aux dispositions légales relatives à l'assurance de la responsabilité en général et à l'assurance de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs en particulier, pour autant que le présent article n'y déroge pas ».

L'article 8, alinéa 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre dispose que, nonobstant toute convention contraire, l'assureur ne peut être tenu de fournir sa garantie à l'égard de quiconque a causé intentionnellement le sinistre.

2. Dans le jugement attaqué, les juges d'appel ont décidé, sur la base de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989, d'octroyer une indemnité à la défenderesse, en tant qu'ayant droit de son fils, T. M., sur la base des considérations suivantes :

« La loi du 19 janvier 2001 prévoit au sixième alinéa de l'article 29bis, § 1er, une exception à la disposition générale mentionnée » (lire l'indemnisation de l'usager faible prévue à l'article 29bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 21 novembre 1989) « qui est rédigée comme suit: ‘Les victimes âgées de plus de 14 ans qui ont voulu l'accident et ses conséquences ne peuvent se prévaloir des dispositions visées à l'alinéa 1er'.

Les dispositions de la loi sont claires, de sorte que l'intention du défunt ne peut dès lors être imputée à ses proches. L'exception à la règle générale (les victimes et leurs ayants droit ont droit à une indemnisation ) doit toujours

être interprétée strictement. Le texte de la loi ne prévoit une telle exclusion que pour les ‘victimes âgées de plus de 14 ans'.

(La demanderesse) argue à tort que, par ricochet, la propre faute de la victime doit également être imputée à (la défenderesse). (jugement, p. 3-4).

La théorie des dommages par ricochet ne se borne toutefois pas à l'application des articles 1382 et 1383 du Code civil, étant donné que cette théorie est également liée au principe de la « solidarité familiale ».

Ce dernier principe a pour conséquence que les ayants droit de la victime sont soumis à toutes les restrictions et exclusions qui se seraient appliquées à la victime. La faute inexcusable de la victime est dès lors opposable à ses ayants droit.

Par ailleurs, l'article 29bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 21 novembre 1989 règle l'indemnisation des victimes et de leurs ayants droit.

En conséquence, lorsque la victime a voulu l'accident et ses conséquences, l'exclusion de l'indemnité s'applique également aux ayants droit des victimes.

Les dommages de l'ayant droit sont en effet toujours des dommages par ricochet.

Il en résulte qu'en application de l'article 29bis, § 1er, alinéa 6, de la loi du 21 novembre 1989, lorsque la victime directe n'a pas droit à réparation, ses ayants droit ne peuvent davantage réclamer l'indemnisation des dommages qu'ils subissent personnellement du fait du décès de la victime directe.

Les juges d'appel n'ont pas légalement justifié la décision par laquelle, après avoir constaté que le défunt fils de la défenderesse avait voulu l'accident et ses conséquences, ils condamnent néanmoins la demanderesse au paiement d'une indemnité à la défenderesse (violation de l'article 29bis, § 1er, alinéas 1er et 6, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs).

III. La décision de la Cour

Appréciation

Sur la recevabilité du moyen :

1. La défenderesse soutient qu'à défaut de précision, le moyen est irrecevable au motif qu'il ne précise pas les points de la décision contre lesquels la critique est dirigée.

2. Il ressort de l'ensemble du moyen que la demanderesse dirige sa critique contre la décision la condamnant au paiement d'une indemnité à la défenderesse.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le moyen :

3. En vertu de l'article 29bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, ci-après la loi du 21 novembre 1989, à l'exception des dégâts matériels, tous les dommages résultant de lésions corporelles ou du décès, causés à toute victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule automoteur ou à ses ayants droit, sont indemnisés par l'assureur qui couvre la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteur de ce véhicule automoteur conformément à la présente loi.

L'alinéa 6 de l'article 29bis, § 1er, de la loi du 21 novembre 1989 dispose que les victimes âgées de plus de 14 ans qui ont voulu l'accident et ses conséquences ne peuvent se prévaloir des dispositions visées à l'alinéa 1er.

4. L'article 29bis, § 1er, de la loi du 21 novembre 1989 entend faire concorder les droits des ayants droit et ceux de la victime.

Il s'ensuit que, lorsqu'en vertu de l'alinéa 6 de l'article 29bis, § 1er, de ladite loi, la victime n'a pas droit à réparation, ses ayants droit n'ont pas davantage droit à la réparation du dommage qu'ils ont subi du fait des lésions ou du décès de la victime.

5. Les juges d'appel ont considéré que la défenderesse, dont le fils a perdu la vie lors d'un accident de la circulation, peut en principe revendiquer l'indemnisation de son dommage sur la base de l'article 29bis, § 1er, de la loi du 21 novembre 1989 et qu'en vertu de l'article 29bis, § 1er, alinéa 6, de ladite loi, l'intention du défunt ne peut être imputée à ses proches, de sorte que la défenderesse a droit à une indemnisation pour le dommage qu'elle a subi.

Les juges d'appel ont donc violé l'article 29bis, § 1er, alinéa 6, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Les autres griefs :

6. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance de Tongres, siégeant en degré d'appel.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient les présidents de section Robert Boes, président et Ernest Waûters, les conseillers Eric Dirix, Beatrijs Deconinck et Koen Mestdagh, et prononcé en audience publique du vingt-six juin deux mille huit par le président de section Robert Boes, en présence de l'avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction établie sous le contrôle du président Christian Storck et transcrite avec l'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.

Le greffier, Le président,