Cour de cassation: Arrêt du 4 septembre 2013 (Belgique). RG P.13.0518.F

Date :
04-09-2013
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
2 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20130904-3
Numéro de rôle :
P.13.0518.F

Résumé :

En vertu de l'’article 35 du Code wallon de l’'aménagement du territoire, de l’'urbanisme, du patrimoine et de l'’énergie, aucune habitation privée d'’une personne qui n’'est pas agriculteur ne peut être édifiée en zone agricole; cette disposition n'’a pas pour effet d’'autoriser un agriculteur à construire une maison d'’habitation sur un site en zone agricole avec lequel l’'activité professionnelle dont il fait état ne présente aucun lien (1). (1) Pierre Nihoul, Eléments du droit de l’'aménagement du territoire. Espace bâti et non bâti, Bibliothèque de droit administratif, La Charte, 2009, pp. 39 à 41.

Arrêt :

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N° P.13.0518.F

I. V. D.

II. V. O.

prévenus,

demandeurs en cassation,

représentés par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,

les deux pourvois contre

1. ADMINISTRATION COMMUNALE DE THIMISTER-CLERMONT, dont les bureaux sont établis à Thimister-Clermont, Centre, 2,

2. LE FONCTIONNAIRE DELEGUE de l'urbanisme de la province de Liège, dont les bureaux sont établis à Liège, Montagne Sainte Walburge, 2,

parties intervenues volontairement,

défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 19 février 2013 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.

Les demandeurs invoquent un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.

Le président de section chevalier Jean de Codt a fait rapport.

L'avocat général Raymond Loop a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. En tant que les pourvois sont dirigés contre la décision ordonnant l'exécution de travaux d'aménagement :

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

Les demandeurs ont déposé des conclusions faisant valoir notamment

- qu'étant agriculteurs, ils peuvent avoir leur logement en zone agricole ;

- qu'en raison de l'emplacement de la construction litigieuse, entre un zoning industriel, une ligne de chemin de fer et une rue composée de maisons d'habitation, le bon aménagement du territoire ne justifie pas la transformation du bâtiment en bergerie ;

- que la mesure de réparation sollicitée par le fonctionnaire délégué et le collège communal est entachée d'une disproportion entre l'avantage qui peut en résulter pour l'intérêt général et les graves inconvénients associés à la suppression de deux maisons familiales.

A cette défense, l'arrêt oppose

- que les demandeurs n'ont plus d'activité agricole sur les parcelles concernées, le cheptel étant détenu dans l'exploitation familiale qu'ils envisagent de reprendre intégralement et qui comprend déjà une construction destinée au logement ;

- qu'en application du principe de la séparation des pouvoirs, qui lui interdit de censurer une décision de l'administration en tant qu'elle relève de son pouvoir discrétionnaire, la cour d'appel n'a pas à déterminer elle-même quelle est la mesure de réparation raisonnable mais elle a seulement à vérifier si l'autorité administrative a pu raisonnablement faire le choix de la mesure spécifique qu'elle réclame ;

- que la mise en conformité de l'édifice avec le permis d'urbanisme initialement délivré, vise à assurer le respect du caractère agricole de la zone dans laquelle la construction litigieuse est implantée, et n'a pas d'autre objectif que de mettre fin à une situation violant depuis plusieurs années la réglementation urbanistique ;

- que les conséquences, pour les prévenus, du mode de réparation choisi n'ont pas pour effet d'entacher la mesure d'illégalité ou d'excès de pouvoir, les travaux requis procédant d'une conception du bon aménagement du territoire qui n'est pas manifestement déraisonnable.

Les juges d'appel ont, ainsi, répondu aux conclusions des demandeurs et régulièrement motivé leur décision.

En cette branche, le moyen manque en fait.

Quant à la deuxième branche :

Le moyen est pris notamment de la violation des articles 159 de la Constitution, 155, §§ 1 et 2, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine et de l'énergie, 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 544 du Code civil.

Il est reproché à l'arrêt de refuser d'examiner s'il n'existe pas une disproportion entre l'avantage qui résulterait, pour le bon aménagement du territoire, de la mesure de réparation sollicitée, compte tenu des caractéristiques particulières de la zone où se trouve l'immeuble litigieux, et l'inconvénient ou la charge qui en résulterait pour les demandeurs, à savoir la suppression de la maison d'habitation de leurs deux familles et l'éloignement de ceux-ci de leur exploitation agricole.

Contrairement à ce que le moyen soutient, l'arrêt se prononce, en la rejetant, sur la défense déduite du caractère disproportionné prêté à la mesure. Il relève en effet, d'une part, que le caractère agricole de la zone ne peut pas s'accommoder du maintien d'un bâtiment que les demandeurs ont transformé en toute illégalité, plaçant ainsi les autorités devant le fait accompli, et d'autre part qu'il n'y a plus d'activité agricole sur les parcelles litigieuses, le cheptel étant détenu sur un site distinct comportant une exploitation que les demandeurs envisagent de reprendre intégralement et qui inclut une construction destinée au logement des exploitants.

Les juges d'appel ont pu en déduire que les travaux de mise en conformité de l'édifice avec le permis était la seule mesure apte à remédier à l'illégalité incriminée et n'emportait pas d'ingérence disproportionnée dans les droits fondamentaux des demandeurs.

En cette branche, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

En vertu de l'article 35 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine et de l'énergie, aucune habitation privée d'une personne qui n'est pas agriculteur ne peut être édifiée en zone agricole.

Cette disposition n'a pas pour effet d'autoriser un agriculteur à construire une maison d'habitation sur un site en zone agricole avec lequel l'activité professionnelle dont il fait état ne présente aucun lien.

Revenant à soutenir le contraire, le moyen manque en droit.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

A. En tant que les pourvois sont dirigés contre la décision rendue sur l'action civile exercée par la première défenderesse :

Les demandeurs ne font valoir aucun moyen.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;

Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.

Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cent vingt-deux euros septante et un centimes dont I) sur le pourvoi de D. V. : soixante et un euros trente-cinq centimes dus et II) sur le pourvoi d'O. V. : soixante et un euros trente-six centimes dus.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, président, Frédéric Close, président de section, Benoît Dejemeppe, Pierre Cornelis et Françoise Roggen, conseillers, et prononcé en audience publique du quatre septembre deux mille treize par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Raymond Loop, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.

T. Fenaux F. Roggen P. Cornelis

B. Dejemeppe F. Close J. de Codt