Cour d'appel: Arrêt du 3 mai 2012 (Bruxelles). RG 2009/AR/3232

Date :
03-05-2012
Langue :
Français
Taille :
4 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20120503-12
Numéro de rôle :
2009/AR/3232

Résumé :

Selon l'article 84, § 1, 7° du CWATUP, dans sa version applicable au litige, un permis d'urbanisme doit être délivré préalablement à la modification de la destination de tout ou partie d'un bien et notamment, en vue de la mise en œuvre d'un équipement à usage récréatif (article 271 du CWATUP). Il suit de ces dispositions que la SPRL DLTC, qui souhaitait aménager l'immeuble sis chaussée de Wavre 120 à PERWEZ en dancing et l'exploiter comme tel, devait disposer, préalablement, d'un permis d'urbanisme et d'un permis d'environnement, prenant la forme d'un « permis unique », selon les termes du décret du 11 mars 1999.

Arrêt :

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La COUR D'APPEL DE BRUXELLES, 21éme Chambre, après avoir délibéré, rend l'arrêt suivant:

N° rép. 2012/

En cause de :

Madame A,

Domiciliée à [...],

appelante,

représentée par Me Françoise CHAUVAUX, avocat à 5002 Saint-Servais, route de Gembloux, 12,

Contre :

1. La commune de PERWEZ

représentée par son Collège Communal, dont les bureaux sont établis à 1360 Perwez, rue Emile de Brabant, en la Maison Communale,

2. Le bourgmestre de la commune de PERWEZ

dont les bureaux sont établis à 1360 Perwez, rue Emile de Brabant, en la Maison Communale,

intimés

représentés par Me Frédéric Van Den Bosch, avocat à 1400 Nivelles, rue de la Procession, 25,

En présence de :

Me Jean-Noël BASTENIERE, q.q. curateur à la faillite de la SPRL DLTC, dont le siège social est établi à 1360 Perwez, chaussée de Wavre, 120,

avocat dont le cabinet est établi à 1410 Waterloo, chaussée de Louvain, 241,

représenté par Me Mathieu Jacobs, avocat à 1410 Waterloo, chaussée de Louvain, 241,

Vu les pièces de procédure et notamment :

- Le jugement entrepris, dont il n'est pas produit d'acte de signification, prononcé contradictoirement par le tribunal de première instance de Nivelles, ci-après dénommé « le premier juge », le 25 septembre 2009 ;

- La requête d'appel, déposée le 7 décembre 2009, par Mme A ;

- Les conclusions des parties (conclusions de synthèse déposées au greffe de la cour pour Mme A, le 7 octobre 2010 et secondes conclusions de synthèse déposées pour la commune de PERWEZ et son bourgmestre, le 8 novembre 2010) .

I. Objet du litige, antécédents de la procédure et demandes formées devant la cour

1.

Le premier juge a adéquatement relaté les faits de la cause. La cour se réfère à son exposé, censé ici reproduit.

Il suffit de rappeler, pour la bonne compréhension de ce qui suit, que Mme A, actionnaire et ancienne gérante de la SPRL DLTC en faillite, met en cause la responsabilité de la commune de PERWEZ et de son bourgmestre pour avoir illégalement empêché ladite société d'exploiter le dancing « L'express Club » jusqu'à 3 heures du matin les nuits du vendredi au samedi et du samedi au dimanche . Est visée, plus particulièrement, l'illégalité, consacrée par un arrêté du 26 mars 2007 de l'autorité de tutelle, de l'article 84 du règlement général de police voté par le conseil communal de la commune de PERWEZ le 24 juin 2005 et de la décision du bourgmestre du 29 septembre 2006 de refuser à la SPRL DLTC une dérogation audit article 84.

Elle prétend que, sans cette illégalité, constitutive de faute au sens de l'article 1382 du Code civil, la SPRL DLTC n'aurait pas été dans contrainte de faire aveu de faillite .

2.

Devant le premier juge, Mme A réclamait la condamnation solidaire de la commune de PERWEZ et de son bourgmestre à lui payer des dommages et intérêts évalués à 99.237,85 euro , majorés des intérêts au taux légal depuis le 22 janvier 2008 et, subsidiairement, la désignation d'un expert. La somme de 99.237,85 euro représente, (i) la perte du capital libéré lors de la constitution de la société DLTC (9.300,00 euro ), (ii) la perte des fonds avancés à celle-ci, comptabilisés en compte courant (14.937,85 euro ), (iii) la perte des dividendes escomptés (50.000,00 euro ) et (iv) le préjudice moral (25.000,00 euro ).

Le curateur sollicitait pour sa part, q.q., une indemnité de 163.035,21 euro à titre provisionnel, majorés des intérêts au taux légal depuis le 14 janvier 2008. Il est sans intérêt d'en détailler les composantes, dès lors que cette partie ne relève pas appel du jugement attaqué.

La commune de PERWEZ et son bourgmestre concluaient à l'irrecevabilité de ces demandes ou, à tout le moins, à leur non-fondement. Ils formèrent une demande reconventionnelle, tendant à entendre condamner les demanderesses originaires au paiement d'une somme de 2.000,00 euro , à titre d'indemnité pour action téméraire et vexatoire, majorée des intérêts compensatoires depuis le 27 février 2009 jusqu'au parfait paiement, outre les dépens.

Le premier juge déclara la demande principale irrecevable et fit droit à la demande reconventionnelle, sauf en ce qui concerne les intérêts, sur lesquels il ne statua pas. Il condamna solidairement les demandeurs originaires aux dépens, qu'il liquida à 5.000,00 euro .

Il estima, en substance, qu'en l'absence de toute autorisation d'exploiter un dancing, ni la SPRL DLTC, ni Mme A ne disposait d'un intérêt licite à agir contre la commune de PERWEZ ou son bourgmestre à raison des vote et décision dont question ci-dessus et que ces demandes originaires avaient été mises en œuvre avec une grande légèreté « caus[ant] un dommage aux défendeurs qui n'est pas réparé par la seule indemnité de procédure » (jugement, 7ème feuillet).

3.

Seule Mme A relève appel de cette décision. Elle invite la cour à dire sa demande originaire recevable et fondée, qu'elle limite, toutefois, en ordre principal, à 1,00 euro provisionnel, et à dire la demande reconventionnelle non fondée.

La commune de PERWEZ et son bourgmestre concluent au rejet de l'appel. Ils forment, sans le nommer, un appel incident, tendant au paiement des intérêts sur l'indemnité de 2.000,00 euro qui leur a été allouée.

II. Discussion et décision de la cour

4.

Selon l'article 10 du décret wallon du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement, « Nul ne peut exploiter sans un permis d'environnement un établissement de classe 1 ou de classe 2 (...) », sous peine, notamment, d'encourir des sanctions pénales (article 77 du décret).

Lorsqu'il a été dressé procès-verbal d'une telle infraction, l'article 74 du décret, tel qu'il était en vigueur au moment des faits, conférait par ailleurs au bourgmestre le pouvoir d'ordonner la cessation totale ou partielle de l'exploitation ou de mettre les appareils sous scellés et, au besoin, de procéder à la fermeture provisoire immédiate de l'établissement.

L'exploitation d'un dancing, tel que « L'express Club » constitue une activité de classe 2 en vertu de la rubrique 92.34.01. de l'annexe 1 de l'arrêté du gouvernement wallon du 4 juillet 2002 arrêtant la liste des projets soumis à études d'incidences et des installations et activités classées, qui vise les locaux d'une capacité d'accueil supérieure à 150 personnes et qui sont équipés d'une installation de musique amplifiée électroniquement.

En outre, selon l'article 84, § 1, 7° du CWATUP, dans sa version applicable au litige, un permis d'urbanisme doit être délivré préalablement à la modification de la destination de tout ou partie d'un bien et notamment, en vue de la mise en œuvre d'un équipement à usage récréatif (article 271 du CWATUP).

Il suit de ces dispositions que la SPRL DLTC, qui souhaitait aménager l'immeuble sis chaussée de Wavre 120 à PERWEZ en dancing et l'exploiter comme tel, devait disposer, préalablement, d'un permis d'urbanisme et d'un permis d'environnement, prenant la forme d'un « permis unique », selon les termes du décret du 11 mars 1999.

2.

Il ne résulte d'aucun élément des dossiers soumis à la cour que la SPRL DLTC avait demandé la délivrance d'un tel permis avant de s'engager dans l'exploitation de « L'express Club ».

En effet, le seul permis sollicité fut celui « d'aménager une taverne » (cf. la pièce 4 du dossier de Mme A) .

A fortiori, Mme A n'établit pas que la SPRL DLTC disposa du permis unique requis lorsque le bourgmestre de la commune de PERWEZ refusa, le 29 septembre 2006, de l'autoriser à ouvrir son établissement jusqu'à 3 heures du matin pendant les weekends .

Certes, il avait précédemment autorisé « l'accès du public au bâtiment L'express Club » (cf. son arrêté de police du 23 décembre 2005, pièce 29 de Mme A).

Toutefois, cette autorisation ne fut donnée que sous la condition de mise « en conformité en matière d'urbanisme et d'environnement » et pour une durée limitée de 6 mois, « soit jusqu'au 23 juin 2006 ». Rien, dans les termes de cet arrêté, ne pouvait induire son destinataire en erreur.

A l'expiration de ce délai, la SPRL DLTC ne disposait toujours pas du permis unique requis pour son exploitation, de sorte qu'elle n'était pas, contrairement à ce que soutient Mme A, « légitimement fondée à démarrer l'exploitation de son dancing » (ses conclusions, p. 11).

C'est donc logiquement - et non à la suite d'un revirement d'attitude fautif - que, le 20 mars 2007, le bourgmestre refusa de conférer des délais supplémentaires à la SPRL DLTC pour se mettre en conformité avec les normes « incendie » et qu'il n'autorisa la réouverture de l'établissement que « moyennant l'obtention du certificat de conformité et une mise en conformité totale avec la législation urbanistique, environnementale, socio-économique et territoriale existante ».

La circonstance qu'aucun procès-verbal d'infraction ne fut jusqu'alors dressé à charge de la SPRL DLTC pour violation du décret du 11 mars 1999, ni aucune poursuite engagée, ne modifie pas l'analyse.

4.

Il suit de ce qui précède qu'à supposer les fautes alléguées établies, elles seraient sans lien causal avec le dommage dont Mme A poursuit la réparation, fût-il légitime, en tout ou en partie.

En effet, sans les illégalités dénoncées, la SPRL DLTC n'aurait pas pu poursuivre l'exploitation d'un dancing au-delà du 23 juin 2006, à défaut d'être en possession, pour cette date, du permis unique exigé pour ce type d'activité, voire même d'être en passe de l'être.

La demande originaire, à la supposer recevable, n'est dès lors pas fondée.

5.

Le fait d'agir en justice constitue un droit dont l'exercice ne dégénère en acte illicite susceptible de donner lieu à des dommages et intérêts que lorsqu'il a été intenté avec une légèreté coupable suite à une erreur d'appréciation à ce point évidente sur ses chances de succès qu'elle devait être aperçue et évitée par tout homme normalement prudent et réfléchi.

Tel n'était pas le cas, selon la cour, de l'action originaire engagée par Mme A aux côtés de la SPRL DLTC, représentée par son curateur. En toute hypothèse, on cherche en vain quel dommage spécifique, indépendant de l'indemnité de procédure allouée, restait à indemniser dans le chef des défendeurs originaires.

L'appel est fondé sur ce point et l'appel incident ne l'est pas.

6.

Pour fixer l'indemnité de procédure, la cour ne peut cumuler le montant de la demande de Mme A avec celui de la demande reconventionnelle de la commune de PERWEZ et de son bourgmestre. En effet, pour le calcul de montant de la demande, l'arrêté royal du 26 octobre 2007 ne renvoie pas à l'article 620 du Code judiciaire, mais uniquement aux articles 557 à 562 et 618 du même Code.

Par ailleurs, le montant de la demande à prendre en considération est celui qui prévaut au jour de la clôture des débats donnant lieu au prononcé de la décision qui porte liquidation des dépens (article 618 du Code judiciaire ; Cass., 24 novembre 2009 et Cass., 7 janvier 2009, disponibles sur le site www.juridat.be), c'est-à-dire, en l'espèce, 1,00 euro provisionnel.

L'indemnité de procédure est dès lors de 1.320,00 euro .

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant contradictoirement,

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,

Dit les appels recevables et le seul appel principal très partiellement fondé ;

En conséquence,

Réforme le jugement attaqué, sauf en tant qu'il condamne Mme A aux dépens des défendeurs originaires et qu'il liquide ceux-ci à 5.000,00 euro ,

Statuant à nouveau pour le surplus,

Dit la demande principale formée par Mme A non fondée, à la supposer recevable ;

Dit la demande reconventionnelle dirigée contre Mme A recevable, mais non fondée ;

Condamne Mme A à 90 % des dépens d'appel de la commune de PERWEZ et de son bourgmestre, liquidés en totalité à 1.320,00 euro ;

Lui délaisse ses propres dépens d'appel.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience civile publique de la 21ème chambre de la cour d'appel de Bruxelles, le 3 mai 2012.