Commission pour la Protection de la Vie Privée: Avis du 10 mai 2001 (Belgique). RG 12/2001

Date :
10-05-2001
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
3 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20010510-1
Numéro de rôle :
12/2001

Résumé :

Sommaire 1

Avis :

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La Commission de la protection de la vie privée,
Vu l'article 22 de la Constitution;
Vu la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, notamment l'article 29;
Vu la demande d'avis du Ministre de la Justice reçue le 21 mars 2001;
Vu le rapport de Monsieur De Schutter;
Emet, le 10 mai 2001, l'avis suivant :
I. OBJET DE LA DEMANDE
Lors de la création du "Centre européen pour enfants disparus et sexuellement exploités" ("Child Focus"), constitué par acte du 25 juin 1997 et reconnu par arrêté royal du 10 juillet 1997, un premier protocole de collaboration entre le Centre et les autorités judiciaires a été signé (30 mars 1998). La création du Centre a donné lieu à l'avis de la Commission du 12 mars 1998 (avis n° 10/98).
Il convient de revoir le protocole du 30 mars 1998 compte tenu des leçons tirées des premières années de fonctionnement, de la loi du 11 décembre 1998 portant modification de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, ainsi que des réformes des services de police.
II. CHILD FOCUS ET LA LOI DU 11 DECEMBRE 1998
Le statut juridique particulier de Child Focus en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel est à présent formellement établi à l'article 3, §6, de la loi du 8 décembre 1992, modifiée par la loi du 11 décembre 1998. En référence à l'arrêté royal du 10 juillet 1997, lequel autorise Child Focus à assurer la réception, la transmission à l'autorité judiciaire et le suivi de données concernant des personnes qui sont suspectées dans un dossier déterminé de disparition ou d'exploitation sexuelle, d'avoir commis un crime ou un délit, l'article 3, §6, de la loi relative à la vie privée prévoit la possibilité d'exclure par arrêté royal l'application de certains articles de la loi (en particulier les dispositions relatives aux données sensibles et judiciaires (articles 6 et 8); à l'obligation d'information et aux possibilités de contrôle de l'individu (articles 9, 10 et 12). Cet arrêté royal n'a pas encore été pris à ce jour. La Commission part du principe qu'elle pourra émettre un avis à cet égard.
En outre, il est prévu que le Centre ne peut tenir un fichier de personnes suspectes d'avoir commis un crime ou un délit, ou de personnes condamnées.
Un préposé à la protection des données doit être désigné. L'obligation de secret professionnel est également clairement établie.
Enfin, la question délicate de l'enregistrement des conversations téléphoniques est également réglée : l'enregistrement n'est possible que si l'appelant en est informé et dans la mesure où il ne s'y oppose pas.
Les aspects du travail de Child Focus ayant trait à la vie privée sont donc établis grâce à l'introduction de l'article 3, §6. Le présent protocole de collaboration renvoie dès lors expressément à la disposition de loi précitée (1.8.).
III. LE PROTOCOLE DE COLLABORATION
1. La collaboration entre Child Focus et les autorités judiciaires se concrétise dans les relations que le Centre entretient avec les instances suivantes :
- la cellule "Personnes disparues" du Ministère de la Justice,
- les magistrats chargés de diriger l'enquête,
- les magistrats de référence des parquets, ainsi qu'avec une série d'autres services (services de police, magistrats nationaux, service "traite des êtres humains" de la Police fédérale,...) (pt. 1.1.1. et 1.1.2.).
2. L'action de Child Focus concerne
- la recherche d'enfants disparus,
- l'exploitation sexuelle d'enfants,
- l'enlèvement parental international.
3. Les modalités générales de collaboration auxquelles il est fait référence consistent en un numéro d'appel, le "110". Le point 2.2 du projet de protocole prévoit l'identification et l'enregistrement des appels téléphoniques. La demande d'anonymat doit être formulée par l'appelant même, auquel cas Child Focus évaluera s'il est en mesure de respecter le vu de l'appelant. Dans l'affirmative, Child Focus peut néanmoins faire part aux autorités judiciaires de sa propre évaluation de la qualité des informations reçues sous le couvert de l'anonymat. Le Centre doit en outre tenter de convaincre l'appelant de révéler son identité.
La Commission est d'avis que cette méthode de travail n'est pas conforme à l'article 3, §6, in fine, de la loi relative à la protection de la vie privée, lequel prévoit que le Centre ne peut procéder à l'enregistrement de conversations téléphoniques que si l'appelant en a été informé et dans la mesure où il ne s'y oppose pas. Dans le protocole, c'est l'appelant qui doit demander l'anonymat et il n'est fait nulle mention de l'obligation d'information concernant l'enregistrement.
En référence à son avis 10/98 ("La Commission estime que l'enregistrement de conversations téléphoniques n'est pas acceptable si l'appelant n'en a pas été informé de manière complète et n'y consent pleinement"), la Commission insiste pour que le point 2.2 cadre clairement avec l'article 3, §6, de la loi relative à la vie privée.
4. En outre, la durée de conservation des appels n'est toujours pas précisée. Il en avait déjà été amplement question dans l'avis 10/98 (pt. 17).
En référence à l'article 4, §1er, 5°, de la loi relative à la protection de la vie privée, la Commission est d'avis que des dispositions claires concernant la conservation des données par Child Focus devraient être établies compte tenu des finalités du traitement. Elle espère que ce point sera réglé dans l'arrêté royal d'exécution.
5. En ce qui concerne les modalités particulières de la collaboration en cas de disparition de personnes âgées de moins de 18 ans ou de 18 à 25 ans, sur demande des parents et/ou des autorités judiciaires pour les personnes qui sont domiciliées chez leurs parents ou qui en dépendent financièrement, le traitement des données est limité aux informations relatives à l'identité de la victime, aux coordonnées du dossier, aux signalements et aux mesures à prendre lorsque l'enfant sera retrouvé.
En outre, la diffusion de messages de recherche ne peut être réalisée que sur requête du magistrat chargé de l'enquête ou moyennant l'autorisation de la personne qui exerce l'autorité parentale. La Commission n'a aucune remarque à formuler à cet égard.
6. Au niveau de la recherche d'enfants disparus, Child focus peut faire appel à un réseau d'ONG du même type en Europe et en dehors de l'Europe (point 3.2.4). La Commission rappelle que le transfert de données à caractère personnel à des pays non-membres de la Communauté européenne est soumis aux prescriptions du chapitre VI de la loi relative à la protection de la vie privée. Si l'article 22, §1er, 5°, de la loi relative à la vie privée peut vraisemblablement servir de base légale étant donné que le transfert est sans doute nécessaire à la sauvegarde de l'intérêt vital de la personne concernée, il est néanmoins recommandé que le Centre prévoie un accord général contenant des garanties adéquates en termes de protection de la vie privée à l'égard des ONG situées dans des pays n'assurant pas un niveau de protection suffisant.
7. Les modalités particulières de collaboration dans les dossiers d'exploitation sexuelle sont réglées au point 4. La Commission n'a aucune remarque à formuler à cet égard.
8. En ce qui concerne les enlèvements parentaux internationaux, le protocole règle les modalités de collaboration entre le Centre, les Ministères de la Justice et de l'Intérieur, les services de police et les autorités judiciaires.
Sous réserve des remarques formulées au point 6 (implication de la presse et d'organisations étrangères) et au point 4 (éventuels délais de conservation des données), la Commission n'a pas d'autre observation.
CONCLUSION :
Pour autant qu'il soit tenu compte des remarques formulées en ce qui concerne l'enregistrement des données de l'appelant et du contenu des conversations téléphoniques, le délai de conservation des données et le transfert de données vers un pays n'assurant pas un niveau de protection adéquat, la Commission émet un avis favorable.