Cour de cassation: Arrêt du 2 février 2009 (Belgique). RG S.08.0091.N

Date :
02-02-2009
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
4 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20090202-1
Numéro de rôle :
S.08.0091.N

Résumé :

Il suit de l'article 91, § 4, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants qu'il ne résulte pas de la seule circonstance que la demande de dispense ne porte de manière expresse que sur les cotisations échues au moment de la demande que la commission des dispenses de cotisations ne peut valablement accorder dispense pour les cotisations échues entre le moment de la demande et le moment où elle statue.

Arrêt :

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N° S.08.0091.N

C. M.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

V. A.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 février 2008 par la cour du travail de Gand.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat général Ria Mortier a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse présente deux moyens dans sa requête.

1. Premier moyen

Dispositions légales violées

- articles 2, 11, § 1, 15, § 1, alinéa 3, et 17, alinéa 2, de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants, l'article 11, § 1er, dans la version antérieure à sa modification par l'arrêté royal du 18 novembre 1996;

- articles 88, § 1er, et 91, § 4, de l'arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants;

- article 807 du Code judiciaire ;

- principe général du droit, dit principe dispositif, en vertu duquel le juge ne peut élever une contestation étrangère à l'ordre public qui est exclue par les conclusions des parties, tel qu'il est déduit notamment des articles 807 et 1138, 2°, du Code judiciaire;

- principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.

Décisions et motifs critiqués

Dans l'arrêt attaqué rendu le 12 février 2008, après avoir rejeté toutes autres conclusions contraires comme non fondées, la quatrième chambre de la cour du travail de Gand, section Bruges, déclare l'appel du défendeur partiellement fondé et confirme (sans être critiqué par la demanderesse) le jugement dont appel rendu le 8 mai 2007 par la troisième chambre du tribunal du travail d'Ypres en tant qu'il a déclaré la demande principale de l'a.s.b.l. Multipen à l'égard du défendeur recevable et fondée. La cour du travail annule toutefois le même jugement en tant qu'il a déclaré la demande en intervention forcée du défendeur à l'égard de la demanderesse non fondée. Statuant à nouveau, elle déclare cette demande en intervention forcée recevable et partiellement fondée et condamne la demanderesse à payer au défendeur la somme de 3.518,40 euros, augmentée des intérêts judiciaires à partir du 1er décembre 2000. La cour du travail condamne aussi la demanderesse aux dépens de la citation en intervention.

La cour du travail fonde sa décision sur les motifs suivants (arrêt pp. 7-8):

« 3.2. Il ressort des pièces que (le défendeur) a été affilié en tant qu'aidant indépendant à (l'a.s.b.l. Multipen) du 18 avril 1991 au 23 octobre 1996 (...). Les cotisations payées dans le cadre du statut social des indépendants ont (toujours) été payées par (la demanderesse) via son compte bancaire, et ce au titre de responsable solidaire. Le 20 novembre 1997, cette dernière a obtenu la levée de la responsabilité solidaire pour les cotisations sociales portant sur les trimestres 2/93 à 4/97 inclus (...). (L'a.s.b.l. Multipen) produit les pièces justificatives établissant qu'elle a toujours informé (le défendeur) de la procédure entamée et de son résultat. Il ne peut par conséquent pas lui être reproché de n'en avoir jamais informé (le défendeur).

3.3. Cependant, la décision d'exonération du 20 novembre 1997 mentionne erronément dans son dispositif qu'elle porte sur les cotisations provisoires du 2/93 au 4/97 inclus.

Il ressort des motifs que la demande se rapportait à la période du 2/93 au 3/94 inclus (...). (La demanderesse) n'a par ailleurs envoyé sa demande que le 28 juin 1994 (...).

Il s'ensuit que les cotisations provisoires du 4/94 au 4/96 ont été remboursées à tort à (la demanderesse) alors que (le défendeur) en reste redevable. Selon le relevé de compte du 12 décembre 1997, les trimestres 4/94 à 4/96 portent sur un montant de 141.932 BEF ou 3.518, 40 euros (...).

3.4. Étant donné que la levée accordée au responsable solidaire pour les autres périodes ne s'applique pas à l'aidant, (le défendeur) est tenu de payer les cotisations demandées telles que le premier juge les a réduites. Le relevé des dettes établi par (l'a.s.b.l. Multipen) révèle qu'il a été tenu compte de l'exemption accordée (au défendeur) en ce qui concerne le premier trimestre 1994 (...). La demande principale telle qu'elle a été accueillie par le premier juge est par conséquent fondée. Eu égard au projet de liquidation-partage établi entre-temps en ce qui concerne l'indivision existant entre (la demanderesse) et (le défendeur) dont il ressort que ce dernier percevra encore la somme de 200.179,29 euros, il n'y a pas lieu de lui accorder des délais de paiement (...).

Conclusion : Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qui concerne la demande principale. Eu égard toutefois au fait qu'elle a récupéré indûment la somme de 3.518,40 euros de l'a.s.b.l. Multipen et que la dette (du défendeur) a été majorée à l'avenant, (la demanderesse) doit garantir (le défendeur) pour le même montant. La demande incidente en garantie est par conséquent partiellement fondée et le jugement entrepris doit être modifié en ce sens ».

Griefs

L'aidant, au sens de l'article 2 de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants, est tenu de cotiser à la sécurité sociale conformément à l'article 11 de cet arrêté royal.

Aux termes de l'article 15, § 1er, alinéa 3, de cet arrêté royal, le travailleur indépendant est tenu, solidairement avec l'aidant, au paiement des cotisations dont ce dernier est redevable.

Conformément aux articles 17, alinéa 2, du même arrêté royal, et 88, § 1er, de l'arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l'arrêté royal n° 38 précité, le travailleur indépendant peut toutefois demander la levée de sa responsabilité solidaire quant au paiement des cotisations sociales dues par l'aidant. Ainsi que la cour du travail l'a constaté (arrêt p. 7, n° 3.2.), la demanderesse a obtenu le 20 novembre 1997 la levée de sa responsabilité solidaire en ce qui concerne les cotisations sociales (dues par le défendeur) pour les trimestres 2/93 à 4/97 inclus.

Après avoir considéré que le défendeur était tenu de payer les cotisations de sécurité sociale à l'a.s.b.l. Multipen, la cour du travail accueille partiellement la demande du défendeur tendant à obtenir l'intervention de la demanderesse en garantie des paiements de cotisations sociales dont il est redevable à l'a.s.b.l. Multipen, sur la base de la constatation que la levée de la responsabilité solidaire obtenue par la demanderesse quant au paiement desdites cotisations de sécurité sociale ne s'appliquait pas à la période du deuxième trimestre 1993 au quatrième trimestre 1997 inclus, ainsi que l'indique le dispositif de la décision prise le 20 novembre 1997 par la Commission de dispense des cotisations, mais à la période du deuxième trimestre 1993 au troisième trimestre 1994, ainsi qu'il ressort des motifs de cette décision du 20 novembre 1997.

(...)

Seconde branche

La cour du travail considère que la décision de levée du 20 novembre 1997 mentionne erronément en son dispositif qu'elle porte sur les cotisations provisoires du 2/93 au 4/97 inclus.

A l'appui de sa thèse, la cour du travail se réfère aux motifs de cette décision qui mentionnent que la demande se rapporte à la période du deuxième trimestre 1993 au troisième trimestre 1994 inclus, la demande ayant été envoyée le 28 juin 1994.

La décision de la Commission de dispense des cotisations qui, conformément aux articles 88 et suivants de l'arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967, est tenue de statuer sur les demandes de levée de responsabilité solidaire quant aux cotisations de sécurité sociale, peut, conformément à l'article 91, § 4, du même arrêté royal du 19 décembre 1967, se rapporter 1° aux cotisations échues au moment de la demande et expressément visées par celle-ci et 2° aux cotisations échues entre le moment de la demande et le moment où la Commission statue. Ainsi, la commission compétente peut tout à fait légalement accorder la levée de la responsabilité solidaire en ce qui concerne le paiement des cotisations de sécurité sociale relatives à une période postérieure à la date d'introduction de la demande de levée.

La cour du travail n'a pu, par conséquent, légalement considérer, sur la base de la seule constatation que la demande de levée de la responsabilité solidaire concernant les cotisations de sécurité sociale a été introduite à la fin du mois de juin 1994 et se rapportait à la période du deuxième trimestre 1993 au troisième trimestre 1994 inclus, que la décision du 20 novembre 1997 levant la responsabilité pour la période du deuxième trimestre 1993 au quatrième trimestre 1997 inclus contenait une mention erronée de la période de levée. La cour du travail viole, dès lors, toutes les dispositions légales citées en tête du moyen (excepté l'article 807 du Code judiciaire et spécialement, l'article 91, § 4, de l'arrêté royal précité du 19 décembre 1967.

(...)

III. La décision de la Cour

Appréciation

Sur le premier moyen :

Quant à la seconde branche :

1. En vertu de l'article 91, § 4, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants, les décisions prises par la Commission de dispense des cotisations se rapportent (1°) aux cotisations échues au moment de la demande et expressément visées par celle-ci, et (2°) aux cotisations échues entre le moment de la demande et le moment où la Commission statue.

2. Il résulte de cette disposition que la seule circonstance que la demande de levée ne vise expressément que les cotisations échues au moment de la demande n'implique pas que la Commission de dispense des cotisations sociales ne pourrait pas accorder valablement la levée pour les cotisations échues entre le moment de la demande et le moment où la décision est prise.

3. Les juges d'appel considèrent que la décision de levée du 20 novembre 1997 mentionne erronément en son dispositif qu'elle se rapporte aux cotisations provisoires du deuxième trimestre de 1993 au quatrième semestre de 1997 inclus et ne pouvait s'appliquer qu'à la période allant jusqu'au troisième trimestre de 1994 inclus, au motif qu'il ressort des motifs de la décision que la demande se rapportait à la période du deuxième trimestre de 1993 au troisième trimestre de 1994 inclus et que la demande n'a été envoyée que le 28 juin 1994.

En statuant ainsi, les juges d'appel méconnaissent la possibilité pour la Commission d'accorder la levée pour toutes les cotisations échues entre le moment de la demande et le moment où elle prend sa décision, même si ces cotisations ne sont pas visées expressément par la demande, et violent dès lors l'article 91, § 4, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.

Quant aux autres griefs :

4. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Dispositif,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il déclare la demande incidente en garantie du défendeur à l'égard de la demanderesse partiellement fondée et statue sur les dépens liés à cette demande ;

Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Bruxelles.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Robert Boes, président, le président de section Ernest Waûters, les conseillers Eric Dirix, Alain Smetryns et Koen Mestdagh, et prononcé en audience publique du deux février deux mille neuf par le président de section Robert Boes, en présence de l'avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Martine Regout et transcrite avec l'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.

Le greffier, Le conseiller,