Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage): Arrêt du 17 septembre 2015 (Belgique). RG 111/2015

Date :
17-09-2015
Langue :
Allemand Français Néerlandais
Taille :
20 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20150917-2
Numéro de rôle :
111/2015

Résumé :

La Cour rejette le recours.

Arrêt :

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La Cour constitutionnelle,

composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

I. Objet du recours et procédure

Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 14 février 2014 et parvenue au greffe le 17 février 2014, un recours en annulation de la loi du 8 mai 2013 « modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, et modifiant la loi du 27 décembre 2006 portant des dispositions diverses II » (publiée au Moniteur belge du 22 août 2013) et, à tout le moins, de ses articles 2 et 21, a été introduit par l'ASBL « Association pour le droit des Etrangers », l'ASBL « Coordination et initiatives pour et avec les Réfugiés et Etrangers », l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », l'ASBL « Vluchtelingenwerk Vlaanderen » et Florin Selhanej, tous assistés et représentés par Me G. Ladrière, avocat au barreau de Bruxelles.

Le 12 mars 2014, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs F. Daoût et T. Merckx-Van Goey ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de mettre fin à l'examen de l'affaire par un arrêt rendu sur procédure préliminaire.

(...)

Par ordonnance du 24 avril 2014, la Cour a décidé de poursuivre l'examen de l'affaire suivant la procédure ordinaire.

(...)

II. En droit

(...)

B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de la loi du 8 mai 2013 « modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, et modifiant la loi du 27 décembre 2006 portant des dispositions diverses II » (ci-après : la loi du 8 mai 2013) dans son ensemble et, à tout le moins, de ses articles 2 et 21.

B.1.2. Il ressort de la requête que l'objet du recours est limité aux articles 2 et 21, 1°, de la loi attaquée.

Quant à l'objet du recours

En ce qui concerne l'article 39/2 de la loi du 15 décembre 1980 modifié par l'article 2 de la loi attaquée

B.2.1. L'article 2 de la loi attaquée modifie l'article 39/2 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (ci-après : la loi du 15 décembre 1980), qui détermine les compétences du Conseil du contentieux des étrangers.

Ces compétences sont d'une double nature :

- sur la base du paragraphe 1er de l'article 39/2, le Conseil du contentieux des étrangers connaît, lorsqu'il statue en matière d'asile et de protection subsidiaire, des recours introduits à l'encontre des décisions du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (ci-après : le Commissaire général);

- sur la base du paragraphe 2 de cet article, le Conseil du contentieux des étrangers agit en qualité de juge d'annulation lorsqu'il statue sur les autres recours pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir.

Par conséquent, les compétences qui sont attribuées au Conseil du contentieux des étrangers diffèrent selon que le Conseil exerce ses compétences sur la base du paragraphe 1er ou du paragraphe 2 de l'article 39/2. Dans le premier cas, il s'agit d'une compétence de pleine juridiction. Dans le second cas, il s'agit d'un contrôle de légalité de la décision.

B.2.2. Avant d'être modifié par la loi du 15 mars 2012 « modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine », l'article 39/2 de la loi du 15 décembre 1980 disposait :

« § 1er. Le Conseil statue, par voie d'arrêts, sur les recours introduits à l'encontre des décisions du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.

Le Conseil peut :

1° confirmer ou réformer la décision attaquée du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides;

2° annuler la décision attaquée du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides soit pour la raison que la décision attaquée est entachée d'une irrégularité substantielle qui ne saurait être réparée par le Conseil, soit parce qu'il manque des éléments essentiels qui impliquent que le Conseil ne peut conclure à la confirmation ou à la réformation visée au 1° sans qu'il soit procédé à des mesures d'instruction complémentaires.

Par dérogation à l'alinéa 2, la décision visée à l'article 57/6, alinéa 1er, 2°, n'est susceptible que d'un recours en annulation visé au § 2.

§ 2. Le Conseil statue en annulation, par voie d'arrêts, sur les autres recours pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir ».

La décision de non-prise en considération visée à l'article 57/6, alinéa 1er, 2°, visée par l'alinéa 3 de l'article 39/2 précité de la loi du 15 décembre 1980, est celle par laquelle le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides décide de ne pas prendre en considération la demande de reconnaissance du statut de réfugié ou d'obtention du statut de protection subsidiaire introduite par un étranger ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou par un étranger ressortissant d'un Etat partie à un traité d'adhésion à l'Union européenne qui n'est pas encore entré en vigueur, lorsqu'il ne ressort pas clairement de sa déclaration qu'il existe, en ce qui le concerne, une crainte fondée de persécution au sens de la Convention internationale relative au statut des réfugiés, déterminée à l'article 48/3, ou des motifs sérieux de croire qu'il court un risque réel de subir une atteinte grave déterminée à l'article 48/4.

B.2.3. L'article 2 de la loi du 15 mars 2012 a remplacé à l'article 39/2, § 1er, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980, les mots « la décision visée à l'article 57/6, alinéa 1er, 2° », par les mots « les décisions visées aux articles 57/6, alinéa 1er, 2°, et 57/6/1 ».

La décision visée à l'article 57/6/1 de la loi du 15 décembre 1980 est celle par laquelle le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides décide de ne pas prendre en considération la demande de reconnaissance du statut de réfugié ou d'obtention du statut de protection subsidiaire introduite par un ressortissant d'un pays d'origine sûr ou par un apatride qui avait précédemment sa résidence habituelle dans un pays d'origine sûr. Le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides est, en vertu de l'article 57/6/1 de la loi du 15 décembre 1980, compétent pour prendre cette décision de non-prise en considération lorsqu'il ne ressort pas clairement des déclarations du demandeur d'asile qu'il existe, en ce qui le concerne, une crainte fondée de persécution au sens de la Convention internationale relative au statut des réfugiés ou des motifs sérieux de croire qu'il court un risque réel de subir une atteinte grave au sens de l'article 48/4 de la loi du 15 décembre 1980 concernant le statut de protection subsidiaire. La liste des pays d'origine sûrs est déterminée, au moins une fois par an, par le Roi, conformément aux alinéas 2 à 4 de l'article 57/6/1 de la loi du 15 décembre 1980.

En vertu de la modification ainsi intervenue par l'effet de la loi du 15 mars 2012, la décision de non-prise en considération d'une demande d'asile ou d'obtention du statut de protection subsidiaire prise par le Commissaire général à l'égard d'un demandeur originaire d'un pays figurant sur la liste des pays sûrs établie par le Roi ne pouvait pas faire l'objet d'un recours de pleine juridiction auprès du Conseil du contentieux des étrangers. Cette décision pouvait, en revanche, faire l'objet d'un recours en annulation auprès de cette même juridiction.

B.2.4. Par l'arrêt n° 1/2014, du 16 janvier 2014, la Cour a annulé l'article 2 de la loi du 15 mars 2012.

B.2.5. Entre-temps a été adoptée la loi du 8 mai 2013 attaquée qui, par son article 2, a à nouveau remplacé l'alinéa 3 de l'article 39/2, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 par ce qui suit :

« Par dérogation à l'alinéa 2, le recours en annulation visé au § 2 est ouvert contre :

1° la décision de non prise en considération visée à l'article 57/6, alinéa 1er, 2°;

2° la décision de non prise en considération visée à l'article 57/6/1, alinéa 1er;

3° la décision de non prise en considération visée à l'article 57/6/2;

4° la décision de non prise en considération visée à l'article 57/6/3;

5° la décision qui fait application de l'article 52, § 2, 3° à 5°, § 3, 3°, § 4, 3°, ou de l'article 57/10 ».

La décision visée à l'article 57/6/2 de la loi du 15 décembre 1980 est celle par laquelle le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides décide de ne pas prendre en considération une nouvelle demande de reconnaissance du statut de réfugié ou d'obtention du statut de protection subsidiaire, après réception de la demande d'asile transmise par le ministre ou son délégué sur la base de l'article 51/8 s'il estime qu'aucun nouvel élément n'apparaît, ou n'est présenté par le demandeur, qui augmente de manière significative la probabilité qu'il puisse prétendre à la reconnaissance comme réfugié au sens de l'article 48/3 ou à la protection subsidiaire au sens de l'article 48/4.

La décision visée à l'article 57/6/3 de la loi du 15 décembre 1980 est celle par laquelle le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides décide de ne pas prendre en considération la demande de reconnaissance du statut de réfugié ou d'obtention du statut de protection subsidiaire, lorsqu'un autre Etat de l'Union européenne a reconnu le statut de réfugié au demandeur d'asile, à moins que celui-ci apporte des éléments dont il ressort qu'il ne peut plus recourir à la protection qui lui a déjà été accordée.

Enfin, la décision qui fait application de l'article 52, § 2, 3° à 5°, § 3, 3°, § 4, 3°, ou de l'article 57/10, visée au 5° de l'article 21 de la loi attaquée est celle par laquelle le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides décide de ne pas prendre en considération la demande de reconnaissance du statut de réfugié ou d'obtention du statut de protection subsidiaire pour des motifs formels. Tel est le cas lorsque l'étranger s'est volontairement soustrait à une procédure entamée à la frontière, ou encore lorsque l'étranger ne s'est pas présenté à la date fixée dans une convocation sans présenter des motifs valables dans les quinze jours suivant cette date, ou n'a pas donné suite, sans motif valable, à une demande de renseignements dans le mois de son envoi. Tel est enfin le cas lorsque l'étranger à qui un centre de retour a été désigné se soustrait durant quinze jours à l'obligation de présentation ou encore lorsque l'étranger ne satisfait pas à l'obligation d'élire domicile en Belgique.

Il résulte de la modification opérée par l'article 2 de la loi du 8 mai 2013 attaquée que la décision de non-prise en considération d'une demande d'asile ou d'obtention du statut de protection subsidiaire prise par le Commissaire général à l'égard d'un demandeur d'asile qui rentre dans l'une des cinq catégories qui sont désormais visées à l'article 39/2 de la loi du 15 décembre 1980, ne peut pas faire l'objet d'un recours de pleine juridiction auprès du Conseil du contentieux des étrangers, cette décision pouvant en revanche faire l'objet d'un recours en annulation auprès de cette même juridiction.

En ce qui concerne l'article 39/81 de la loi du 15 décembre 1980, modifié par l'article 21 de la loi attaquée

B.3.1. Avant d'être modifié par l'article 15 de la loi du 15 mars 2012, l'article 39/81 de la loi du 15 décembre 1980 disposait :

« La procédure en annulation se déroule de la manière prévue dans les articles :

[...]

39/76, § 3, alinéa 1er;

[...] ».

L'article 39/76, § 3, alinéa 1er, auquel il était renvoyé, disposait :

« Le président de chambre ou le juge au contentieux des étrangers saisi prend une décision dans les trois mois suivant la réception du recours ou, si la requête a été régularisée en application de l'article 39/69, § 1er, après réception de la régularisation, ou si un droit de rôle doit être acquitté, à partir de l'inscription au rôle ».

B.3.2. Par l'article 3 de la loi du 15 mars 2012, les mots « 39/76, § 3, alinéa 1er », dans l'article 39/81 de la loi du 15 décembre 1980 ont été remplacés par les mots « 39/76, § 3, alinéa 1er, à l'exception des recours concernant les décisions mentionnées aux articles 57/6, alinéa 1er, 2°, et 57/6/1 qui sont traités conformément à l'article 39/76, § 3, alinéa 2 ».

L'article 39/76, § 3, auquel il était renvoyé alors disposait :

« Le président de chambre ou le juge au contentieux des étrangers saisi prend une décision dans les trois mois suivant la réception du recours ou, si la requête a été régularisée en application de l'article 39/69, § 1er, après réception de la régularisation, ou si un droit de rôle doit être acquitté, à partir de l'inscription au rôle.

S'il s'agit d'un recours relatif à une affaire que le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a examinée en priorité conformément à l'article 52, § 5, 52/2, § 1er ou § 2, 3° ou 4°, ce recours est également examiné en priorité par le Conseil. Le délai fixé à l'alinéa 1er est réduit à deux mois ».

La modification introduite par l'article 3 de la loi du 15 mars 2012 précitée a eu pour effet d'établir à charge du Conseil du contentieux des étrangers saisi d'un recours en annulation d'une décision visée à l'article 57/6, alinéa 1er, 2°, ou à l'article 57/6/1 l'obligation de statuer dans un délai de deux mois suivant la réception du recours.

B.3.3. Par son arrêt n° 1/2014, du 16 janvier 2014, la Cour a annulé les mots « et 57/6/1 » dans l'article 39/81 de la loi du 15 décembre 1980, modifié par l'article 3 de la loi du 15 mars 2012 précitée.

B.3.4. Avant que cet arrêt ne soit prononcé, les mots « et 57/6/1 » à l'article 39/81, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 ont été remplacés par les mots « 57/6/1, 57/6/2 et 57/6/3 », par l'article 21, 1°, de la loi du 8 mai 2013 attaquée.

L'article 18 de la loi du 8 mai 2013 a remplacé l'article 39/76 auquel renvoie l'article 39/81 de la loi du 15 décembre 1980 comme suit :

« § 1er. Le président de chambre saisi ou le juge au contentieux des étrangers désigné examine toujours s'il peut confirmer ou réformer la décision attaquée. Il peut à cet effet se fonder en particulier sur les critères d'appréciation déterminés dans l'article 57/6/1, alinéas 1er à 3.

[...] ».

Le paragraphe 3 de cette disposition est demeuré inchangé.

Quant à la loi du 10 avril 2014

B.4.1. Depuis la promulgation de la loi du 8 mai 2013 attaquée, l'article 39/2 de la loi du 15 décembre 1980 a, à nouveau, été modifié par l'article 16 de la loi du 10 avril 2014 « portant des dispositions diverses concernant la procédure devant le Conseil du Contentieux des étrangers et devant le Conseil d'Etat », publiée au Moniteur belge du 21 mai 2014. A l'exception de son article 29, cette loi est entrée en vigueur le 31 mai 2014.

Modifié par l'article 16 précité, l'article 39/2 de la loi du 15 décembre 1980 dispose désormais :

« § 1er. Le Conseil statue, par voie d'arrêts, sur les recours introduits à l'encontre des décisions du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.

Le Conseil peut :

1° confirmer ou réformer la décision attaquée du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides;

2° annuler la décision attaquée du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides soit pour la raison que la décision attaquée est entachée d'une irrégularité substantielle qui ne saurait être réparée par le Conseil, soit parce qu'il manque des éléments essentiels qui impliquent que le Conseil ne peut conclure à la confirmation ou à la réformation visée au 1° sans qu'il soit procédé à des mesures d'instruction complémentaires;

3° sans préjudice du 1° ou du 2°, annuler la décision attaquée du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides de non-prise en considération de la demande d'asile visée à l'article 57/6/1, alinéa 1er, ou à l'article 57/6/2, alinéa 1er, pour le motif qu'il existe des indications sérieuses que le requérant peut prétendre à la reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de l'article 48/3 ou à l'octroi de la protection subsidiaire au sens de l'article 48/4.

Par dérogation à l'alinéa 2, le recours en annulation visé au § 2 est ouvert contre :

1° la décision de non prise en considération visée à l'article 57/6, alinéa 1er, 2°;

2° [...];

3° [...];

4° la décision de non prise en considération visée à l'article 57/6/3;

5° la décision qui fait application de l'article 52, § 2, 3° à 5°, § 3, 3°, § 4, 3°, ou de l'article 57/10.

§ 2. Le Conseil statue en annulation, par voie d'arrêts, sur les autres recours pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir ».

B.4.2. L'article 22, 1°, de la loi du 10 avril 2014 a également modifié l'article 39/81 de la loi du 15 décembre 1980 en abrogeant, à l'alinéa 1er de ce dernier, les chiffres « 57/6/1 et 57/6/2 ».

B.4.3. L'article 39/76 de la loi du 15 décembre 1980 auquel il est renvoyé par l'article 39/81 de la même loi, a lui aussi été modifié par l'article 20 de la loi du 10 avril 2014.

Le paragraphe 1er de cet article dispose désormais :

« Le président de chambre saisi ou le juge au contentieux des étrangers désigné examine toujours s'il peut confirmer ou réformer la décision attaquée, sauf s'il s'agit d'une décision de non prise en considération visée à l'article 57/6/1, alinéa 1er, ou à l'article 57/6/2, alinéa 1er. Il peut à cet effet se fonder en particulier sur les critères d'appréciation déterminés dans l'article 57/6/1, alinéas 1er à 3.

[...] ».

Quant au paragraphe 3, il a été complété par un alinéa 3 qui dispose :

« Le président de chambre saisi ou le juge au contentieux des étrangers qu'il désigne prend une décision dans les trente jours suivant la réception du recours contre la décision du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides de non prise en considération de la demande d'asile visée à l'article 57/6/1, alinéa 1er, ou à l'article 57/6/2, alinéa 1er, ou si la requête a été régularisée en application de l'article 39/69, § 1er, après réception de la régularisation, ou si un droit de rôle doit être acquitté, à partir de l'inscription au rôle ».

B.5.1. La loi du 10 avril 2014 contient un chapitre 2 consacré aux dispositions transitoires. L'article 26 de cette loi dispose :

« § 1er. En ce qui concerne les recours en annulation introduits à l'encontre d'une décision de non prise en considération visées aux articles 57/6/1, alinéa 1er, et 57/6/2, alinéa 1er, de la loi précitée du 15 décembre 1980 et enrôlés, avant l'entrée en vigueur de la présente loi, et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un arrêt définitif à ce moment, le greffe du Conseil du contentieux des étrangers informe la partie requérante, par envoi recommandé, qu'elle peut introduire une nouvelle requête, en vue du traitement de celle-ci conformément à l'article 39/2, § 1er, alinéas 1er et 2, de la loi du 15 décembre 1980.

§ 2. La partie requérante dispose d'un délai de trente jours à partir de la notification de l'envoi visé au § 1er, pour déposer une nouvelle requête au sens visé au § 1er.

§ 3. Lorsque la partie requérante ne dépose pas une nouvelle requête dans le délai fixé au § 2, le Conseil statue sur la base de la requête initialement introduite, qui est assimilée de plein droit au recours visé à l'article 39/2, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980.

Lorsque la partie requérante a déposé une nouvelle requête dans le délai visé au § 2, la partie requérante est considérée comme s'étant désistée de la requête initialement introduite et le Conseil statue uniquement sur la base de la nouvelle requête.

Dans les cas visés aux alinéas 1er et 2, la procédure est poursuivie conformément aux dispositions de l'article 39/2, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 et les articles 19 et 20, 2°, de la présente loi, sans préjudice de l'article 21 de la présente loi ».

B.5.2. La loi du 10 avril 2014 a pour effet de faire disparaître deux des différences de traitement dénoncées par les parties requérantes en prévoyant qu'un recours de plein contentieux avec effet suspensif puisse être introduit à l'encontre d'un refus de prise en considération d'une demande d'asile qui émane de demandeurs originaires d'un pays considéré comme sûr ainsi que d'une demande d'asile multiple.

Dès lors que la différence de traitement est supprimée par la loi du 10 avril 2014 dans le chef de la cinquième partie requérante et que cette loi s'applique à la procédure introduite par cette partie requérante auprès du Conseil du contentieux des étrangers conformément à son article 26, la cinquième partie requérante ne justifie plus de l'intérêt requis.

La différence de traitement dénoncée à l'égard des trois autres catégories de demandeurs d'asile visées à l'article 39/2, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 continue toutefois à subsister, de sorte que les autres parties requérantes conservent leur intérêt.

Quant au moyen unique

B.6. Les parties requérantes prennent un moyen de la violation des articles 10, 11, 13, 23, et 191 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec le Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : TFUE), notamment son article 288, avec la Convention de Genève du 28 juillet 1951 « relative au statut des réfugiés » notamment ses articles 1er, 3 et 33, avec la Convention européenne des droits de l'homme, notamment ses articles 6 et 13, avec la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après : la Charte), notamment ses articles 1er, 18 et 47, avec la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 « relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres » (ci-après : la directive « procédure »), notamment ses articles 23 et 39, avec la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) (ci-après : la directive « procédure refonte »), notamment ses articles 31 et 46, avec la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 « relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres » (ci-après : la directive « accueil »), notamment ses articles 13, 14 et 15, avec la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 « établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte) » (ci-après : la directive « accueil refonte »), notamment ses articles 17, 18 et 19, avec la loi du 12 janvier 2007 sur l'accueil des demandeurs d'asile et de certaines autres catégories d'étrangers (ci-après : la loi « accueil »), notamment ses articles 3, 6 et 33 et, enfin, avec le principe général du droit d'accès à un juge tel qu'il est consacré par la Cour de justice de l'Union européenne ainsi qu'avec le principe de sécurité juridique et de confiance légitime.

B.7.1. Le Conseil des ministres soulève l'irrecevabilité partielle du moyen au motif que les parties requérantes s'abstiendraient d'exposer en quoi seraient violés les articles 1er, 3 et 33 de la Convention internationale relative au statut des réfugiés, l'article 288 du TFUE, les articles 13, 14 et 15 de la directive « accueil » et les articles 17, 18 et 19 de la directive « accueil refonte ».

B.7.2. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

B.7.3. Il ressort de l'exposé du moyen unique que les parties requérantes restent en défaut d'exposer en quoi les dispositions attaquées porteraient effectivement atteinte aux dispositions internationales citées par le Conseil des ministres. Les parties requérantes n'exposent pas davantage en quoi les dispositions attaquées porteraient atteinte aux articles 13 et 23 de la Constitution, de même qu'aux articles 1er et 18 de la Charte, à l'article 23 de la directive « procédure », à l'article 31 de la directive « procédure refonte » ainsi qu'aux articles 3, 6 et 33 de la loi « accueil ». Par ailleurs, la Cour n'est pas compétente pour contrôler les dispositions attaquées au regard de cette loi. Il en résulte qu'en ce que leur violation est invoquée, fût-ce en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, le moyen est irrecevable.

B.8.1. Le Conseil des ministres soutient également que l'article 191 de la Constitution ne peut être utilement invoqué que si la discrimination alléguée concerne les Belges et les étrangers, ce qui ne serait pas le cas.

B.8.2. L'article 191 de la Constitution n'est susceptible d'être violé qu'en ce que les dispositions attaquées établissent une différence de traitement entre certains étrangers et les Belges. Etant donné qu'il ressort de l'exposé de la requête que la différence de traitement qui est critiquée dans le moyen unique porte exclusivement sur la comparaison de différentes catégories d'étrangers entre elles, le moyen n'est pas recevable en ce qu'il est pris de la violation de l'article 191 de la Constitution.

B.9.1. Le Conseil des ministres allègue encore l'inapplicabilité de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.9.2. La procédure de cassation administrative concerne en grande partie les recours introduits contre les décisions du Conseil du Contentieux des étrangers, lequel est une juridiction administrative, « seule compétente pour connaître des recours introduits à l'encontre de décisions individuelles prises en application des lois sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers » (article 39/1, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980). Ces contestations ne portent ni sur des droits et obligations de caractère civil ni sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale, de telle sorte que les dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ne leur sont pas applicables (CEDH, 5 octobre 2000, Maaouia c. France, § 40; CEDH, 14 février 2008, Hussain c. Roumanie, § 98).

B.10. D'après les parties requérantes, les demandeurs d'asile visés par les dispositions attaquées seraient privés de la possibilité de pouvoir contester la décision du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides leur refusant l'asile et la protection subsidiaire dans le cadre d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil du contentieux des étrangers, ne disposant que d'un recours en annulation qui doit être tranché par ledit Conseil dans un délai ramené à deux mois, ce recours n'étant pas suspensif de plein droit et son accessibilité étant entravée par la multiplication des recours, les courts délais dans lesquels ils doivent être introduits et la perte d'aide matérielle durant leur exercice. Les demandeurs d'asile concernés seraient de la sorte privés de manière discriminatoire d'un recours effectif tel que défini par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, lu en combinaison avec l'article 3 de cette Convention, avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avec l'article 39 de la directive « procédure » et avec l'article 46 de la directive « procédure refonte ».

B.11. L'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants ».

L'article 13 de la même Convention dispose :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ».

L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ».

L'article 39 de la directive « procédure » dispose :

« 1. Les Etats membres font en sorte que les demandeurs d'asile disposent d'un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

a) une décision concernant leur demande d'asile, y compris :

i) les décisions d'irrecevabilité de la demande en application de l'article 25, paragraphe 2;

ii) les décisions prises à la frontière ou dans les zones de transit d'un Etat membre en application de l'article 35, paragraphe 1;

iii) les décisions de ne pas procéder à un examen en application de l'article 36;

b) le refus de rouvrir l'examen d'une demande après que cet examen a été clos en vertu des articles 19 et 20;

c) une décision de ne pas poursuivre l'examen de la demande ultérieure en vertu des articles 32 et 34;

d) une décision de refuser l'entrée dans le cadre des procédures prévues à l'article 35, paragraphe 2;

e) une décision de retirer le statut de réfugié, en application de l'article 38.

[...] ».

Le considérant 27 de la directive indique, à propos du droit au recours effectif :

« (27) Conformément à un principe fondamental du droit communautaire, les décisions prises en ce qui concerne une demande d'asile et le retrait du statut de réfugié doivent faire l'objet d'un recours effectif devant une juridiction au sens de l'article [267 du TFUE]. L'effectivité du recours, en ce qui concerne également l'examen des faits pertinents, dépend du système administratif et judiciaire de chaque Etat membre considéré dans son ensemble ».

Enfin, l'article 46 de la directive « procédure refonte » dispose :

« 1. Les Etats membres font en sorte que les demandeurs disposent d'un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

a) une décision concernant leur demande de protection internationale, y compris :

i) les décisions considérant comme infondée une demande quant au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection subsidiaire;

ii) les décisions d'irrecevabilité de la demande en application de l'article 33, paragraphe 2;

iii) les décisions prises à la frontière ou dans les zones de transit d'un Etat membre en application de l'article 43, paragraphe 1;

iv) les décisions de ne pas procéder à un examen en vertu de l'article 39;

b) le refus de rouvrir l'examen d'une demande après que cet examen a été clos en vertu des articles 27 et 28;

c) une décision de retirer la protection internationale, en application de l'article 45.

2. Les Etats membres font en sorte que les personnes dont l'autorité responsable de la détermination reconnaît qu'elles peuvent bénéficier de la protection subsidiaire disposent d'un droit à un recours effectif, en vertu du paragraphe 1, contre une décision considérant une demande infondée quant au statut de réfugié.

Sans préjudice du paragraphe 1, point c), lorsque le statut de protection subsidiaire accordé par un Etat membre offre les mêmes droits et avantages que ceux offerts par le statut de réfugié au titre du droit de l'Union et du droit national, cet Etat membre peut considérer comme irrecevable un recours contre une décision considérant une demande infondée quant au statut de réfugié, en raison de l'intérêt insuffisant du demandeur à ce que la procédure soit poursuivie.

3. Pour se conformer au paragraphe 1, les Etats membres veillent à ce qu'un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d'ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE, au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance.

4. Les Etats membres prévoient des délais raisonnables et énoncent les autres règles nécessaires pour que le demandeur puisse exercer son droit à un recours effectif en application du paragraphe 1. Les délais prévus ne rendent pas cet exercice impossible ou excessivement difficile.

Les Etats membres peuvent également prévoir un réexamen d'office des décisions prises en vertu de l'article 43.

5. Sans préjudice du paragraphe 6, les Etats membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu'à l'expiration du délai prévu pour l'exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l'attente de l'issue du recours.

6. En cas de décision :

a) considérant une demande comme manifestement infondée conformément à l'article 32, paragraphe 2, ou infondée après examen conformément à l'article 31, paragraphe 8, à l'exception des cas où les décisions sont fondées sur les circonstances visées à l'article 31, paragraphe 8, point h);

b) considérant une demande comme irrecevable en vertu de l'article 33, paragraphe 2, points a), b, ou d);

c) rejetant la réouverture du dossier du demandeur après qu'il a été clos conformément à l'article 28; ou

d) de ne pas procéder à l'examen, ou de ne pas procéder à l'examen complet de la demande en vertu de l'article 39,

une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l'Etat membre, soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative, si cette décision a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester dans l'Etat membre et lorsque, dans ces cas, le droit de rester dans l'Etat membre dans l'attente de l'issue du recours n'est pas prévu par le droit national.

7. Le paragraphe 6 ne s'applique aux procédures visées à l'article 43 que pour autant que :

a) le demandeur bénéficie de l'interprétation et de l'assistance juridique nécessaires et se voie accorder au moins une semaine pour préparer sa demande et présenter à la juridiction les arguments qui justifient que lui soit accordé le droit de rester sur le territoire dans l'attente de l'issue du recours; et

b) dans le cadre de l'examen de la demande visée au paragraphe 6, la juridiction examine en fait et en droit la décision négative de l'autorité responsable de la détermination.

Si les conditions visées aux points a) et b) ne sont pas remplies, le paragraphe 5 s'applique.

8. Les Etats membres autorisent le demandeur à rester sur leur territoire dans l'attente de l'issue de la procédure visant à décider si le demandeur peut rester sur le territoire, visée aux paragraphes 6 et 7.

9. Les paragraphes 5, 6 et 7 sont sans préjudice de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013.

10. Les Etats membres peuvent fixer des délais pour l'examen par la juridiction visée au paragraphe 1 de la décision prise par l'autorité responsable de la détermination.

11. Les Etats membres peuvent également fixer, dans la législation nationale, les conditions dans lesquelles il peut être présumé qu'un demandeur a implicitement retiré le recours visé au paragraphe 1 ou y a implicitement renoncé, ainsi que les règles sur la procédure à suivre ».

B.12.1. Comme il ressort de son intitulé et comme le confirme le point 1 de son préambule, la directive « procédure refonte » entend apporter plusieurs modifications substantielles à la directive « procédure ».

B.12.2. Les dispositions attaquées ont été adoptées alors que le délai de transposition, fixé au 20 juillet 2015 par l'article 51, § 1er, de la directive, n'était pas encore expiré. La Cour doit, partant, avoir égard à l'article 39 de la directive « procédure », toujours en vigueur, tout en veillant à ce que, par les dispositions attaquées, le législateur n'ait pas pris des mesures qui seraient de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par l'article 46 de la directive « procédure refonte » durant le délai fixé pour sa transposition (CJCE, 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie ASBL c. Région wallonne, § 45).

B.13.1. Les travaux préparatoires de la loi attaquée font ressortir que le législateur entendait aligner les compétences du Conseil du contentieux des étrangers sur celles du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides. L'exposé des motifs indique :

« Le Gouvernement choisit de réserver, d'une manière efficace, la compétence de réformation (communément appelée, en droit interne, ' pleine juridiction ') aux recours dans lesquels le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a examiné, en totalité et sur le fond, tous les aspects d'une demande d'asile. Les recours contre les autres décisions sont plus adéquatement soumis à la compétence d'annulation » (Doc. parl. Chambre, 2012-2013, DOC 53-2555/001, p. 32).

B.13.2. Quant à l'adoption de l'article 2 attaqué, elle a été justifiée comme suit :

« Cette disposition vise à préciser la compétence du Conseil du Contentieux des Etrangers concernant les recours contre les décisions du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides. De cette manière, les compétences du Conseil quant aux décisions (négatives) sur une demande d'asile, sont alignées sur celles du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.

Les compétences du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides sont réglées dans les articles 57/2 et suivants. En cas de refus de reconnaissance de la qualité de réfugié (les recours contre des décisions de reconnaissance de la qualité de réfugié sont, dans le chef de l'étranger, irrecevables) et/ou de refus d'octroi du statut de protection subsidiaire, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides prendra, en règle, sa décision de refus après un examen au fond de tous les éléments au sens des articles 48/3 et suivants de la loi du 15 décembre 1980. Il examinera le bien-fondé de l'affaire et appréciera, sur le fond, si l'étranger concerné peut faire valoir une crainte fondée de persécution au sens des articles 48/3 et suivants, et/ou s'il existe des motifs de lui accorder une protection subsidiaire. Dans ces décisions, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides arrivera à la conclusion de refuser la qualité de réfugié et/ou la protection subsidiaire pour des raisons de fond. Les autres compétences de retrait ou d'exclusion visées à l'article 57/6, alinéa 1er, 1°, 3°, 4°, 5°, 6° et 7°, sont également le résultat d'un examen au fond et d'une appréciation au regard des dispositions (inter)nationales en cause (voir, au sujet de la compétence du Commissaire général: S. BODART, La protection internationale des réfugiés en Belgique, Bruxelles, Bruylant, 2008, 78-79).

Conformément à la Directive ' procédure ', le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a également, dans certains cas, la compétence de ne pas procéder à un tel examen ' au fond ' de la demande d'asile.

C'est, en premier lieu, le cas pour les demandes d'asile de citoyens de l'Union. Dans les conditions prévues à l'article 57/6, alinéa 1er, 2°, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides peut conclure à la non-prise en considération de la demande d'asile. La même règle s'applique également aux demandes d'asile introduites par un demandeur d'asile qui est le ressortissant d'un pays d'origine sûr ou qui est un apatride ayant eu sa résidence habituelle dans un tel pays (article 57/6/1, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980), et aux demandes d'asile successives qui ne contiennent aucun élément nouveau (article 57/6/2 en projet). A ces cas doivent être ajoutés les décisions de non prise en considération d'une demande d'asile à cause de l'existence d'une protection réelle dans un premier pays d'asile, état membre de l'Union européenne (article 57/6/3 en projet), et les ' refus techniques ' visés notamment aux articles 52, 55 et 57/10.

S'agissant de la deuxième catégorie de décisions, le Gouvernement a choisi d'instaurer un recours en annulation. Ceci est le prolongement des dispositions existante en cas de recours contre les décisions de non prise en considération des demandes d'asile de citoyens de l'Union (le point 1° de l'article en projet) et contre les décisions de non-prise en considération fondées sur la notion de ' pays sûr ' (article 2 de la loi du 15 mars 2012 - le point 2° de l'article en projet). A ces cas, viennent dès lors s'ajouter les autres décisions précitées.

La compétence d'annulation pour les décisions de refus de prise en considération d'une demande d'asile multiple est déjà prévue actuellement (article 51/8 de la loi du 15 décembre 1980), de sorte qu'en cette matière, il n'y a aucun changement dans la protection juridictionnelle. Compte tenu des anciennes dispositions, il se fait en outre que là où, sur la base de l'article 51/8 à modifier, aucune demande de suspension (d'extrême urgence) n'était possible dans les limites fixées par la Cour constitutionnelle (voir Cour const., 27 mai 2008, n° 81/2008, cons. B.80), un recours en suspension (d'extrême urgence) est dans tous les cas ouvert par la disposition en projet.

En ce qui concerne les recours contre les ' refus techniques ', il convient d'indiquer que la distinction opérée est proportionnée au but poursuivi. En premier lieu, le justiciable dispose toujours d'un recours juridictionnel effectif devant une juridiction indépendante et impartiale contre de telles décisions administratives. En outre, il convient de se référer à l'article 57/6/2, alinéa 1er, en projet, qui dispose, conformément à la Directive ' procédure ', qu'un demandeur d'asile dont la demande a été refusée pour des motifs techniques, peut introduire une nouvelle demande d'asile qui sera toujours prise en considération et dont l'examen sera suspensif. En d'autres termes, la protection juridique offerte est équivalente » (ibid., pp. 35 à 37).

B.13.3. L'article 21 attaqué a, quant à lui, fait l'objet du commentaire suivant :

« La première modification à l'article 39/81 prévoit que le Conseil du Contentieux des Etrangers doit statuer dans un délai de deux mois sur un recours qui a été introduit contre une décision du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides qui a été prise sur la base de l'article 57/6/2 ou 57/6/3. Dans la loi du 15 décembre 1980, il est déjà stipulé que le Conseil du Contentieux des Etrangers traite en priorité les recours qui sont introduits contre les décisions où le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a décidé qu'une demande d'asile n'est pas prise en considération en application de l'article 57/6, premier alinéa, 2°, ou en application de l'article 57/6/1. Dès lors, il est logique, et cela correspond également à la volonté inscrite dans l'accord de gouvernement de clôturer le traitement des procédures d'asile dans un délai de six mois, de stipuler que le Conseil du Contentieux des Etrangers traite également en priorité les recours introduits contre les décisions où le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a décidé, en application de l'article 57/6/2 ou 57/6/3, de ne pas prendre en considération une demande d'asile. » (ibid., pp. 54-55).

B.14. Comme il est dit en B.2.4 et B.3.3, par son arrêt n° 1/2014, du 16 janvier 2014, la Cour a annulé l'article 2 de la loi du 15 mars 2012 modifiant l'article 39/2 de la loi du 15 décembre 1980 ainsi que les mots « et 57/6/1 » dans l'article 39/81, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980, modifié par l'article 3 de la loi du 15 mars 2012. La Cour a jugé :

« B.5.1. Tel qu'il est interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, le droit au recours effectif garanti par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme suppose que la personne qui invoque un grief défendable tiré de la violation de l'article 3 de la même Convention ait accès à une juridiction qui soit compétente pour examiner le contenu du grief et pour offrir le redressement approprié. La Cour européenne des droits de l'homme a estimé à plusieurs reprises que, ' compte tenu de l'importance qu' [elle] attache à l'article 3 de la Convention et à la nature irréversible du dommage susceptible d'être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements [...], l'article 13 exige que l'intéressé ait accès à un recours de plein droit suspensif ' (CEDH, 26 avril 2007, Gebremedhin (Gaberamadhien) c. France, § 66; voy. CEDH, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, § 293; 2 février 2012, I.M. c. France, §§ 134 et 156; 2 octobre 2012, Singh et autres c. Belgique, § 92).

B.5.2. Pour être effectif au sens de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, le recours ouvert à la personne se plaignant d'une violation de l'article 3 doit permettre un contrôle ' attentif ', ' complet ' et ' rigoureux ' de la situation du requérant par l'organe compétent (CEDH, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, §§ 387 et 389; 20 décembre 2011, Yoh-Ekale Mwanje c. Belgique, §§ 105 et 107).

B.6.1. L'introduction devant le Conseil du contentieux des étrangers du recours en annulation ouvert par l'article 39/2, § 1er, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 contre la décision de non-prise en considération adoptée par le Commissaire général relativement à une demande d'asile et de protection subsidiaire formulée par une personne originaire d'un pays figurant sur la liste des pays sûrs adoptée par le Roi n'a pas d'effet suspensif de la décision du Commissaire général.

B.6.2. Par ailleurs, le recours en annulation implique un examen de la légalité de la décision du Commissaire général en fonction des éléments dont cette autorité avait connaissance au moment où elle a statué. Le Conseil du contentieux des étrangers, en effectuant cet examen, n'est dès lors pas tenu de prendre en considération les éventuels éléments de preuve nouveaux présentés devant lui par le requérant. Le Conseil du contentieux des étrangers n'est pas tenu non plus, pour effectuer le contrôle de légalité, d'examiner la situation actuelle du requérant, c'est-à-dire au moment où il statue, par rapport à la situation prévalant dans son pays d'origine.

B.6.3. Il résulte de ce qui précède que le recours en annulation qui peut être introduit, conformément à l'article 39/2, § 1er, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980, à l'encontre d'une décision de non-prise en considération de la demande d'asile ou de protection subsidiaire n'est pas un recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.7. Pour examiner si cette disposition est violée, il faut toutefois prendre en compte l'ensemble des recours dont disposent les requérants, en ce compris les recours qui permettent de s'opposer à l'exécution d'une mesure d'éloignement vers un pays dans lequel, aux termes du grief qu'ils font valoir, existe un risque de violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme à leur égard. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé à plusieurs reprises que ' l'ensemble des recours offerts par le droit interne peut remplir les exigences de l'article 13, même si aucun d'eux n'y répond en entier à lui seul ' (voyez notamment CEDH, 5 février 2002, Conka c. Belgique, § 75; 26 avril 2007; Gebremedhin (Gaberamadhien) c. France, § 53; 2 octobre 2012, Singh et autres c. Belgique, § 99).

B.8.1. Lorsque l'exécution de la mesure d'éloignement du territoire est imminente, le demandeur d'asile qui a fait l'objet d'une décision de non-prise en considération de sa demande peut introduire contre la mesure d'éloignement un recours en suspension d'extrême urgence conformément à l'article 39/82, § 4, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980. En vertu de l'article 39/83 de la même loi, l'exécution forcée de la mesure d'éloignement ne peut avoir lieu qu'au plus tôt cinq jours après la notification de la mesure, sans que ce délai puisse être inférieur à trois jours ouvrables. Si l'étranger avait déjà introduit une demande de suspension ordinaire et que l'exécution de la mesure d'éloignement devient imminente, il peut demander, par voie de mesures provisoires, que le Conseil du contentieux des étrangers statue dans les meilleurs délais. Dès la réception de cette demande, il ne peut plus être procédé à l'exécution forcée de la mesure d'éloignement (articles 39/84 et 39/85 de la même loi).

B.8.2. Par plusieurs arrêts rendus en assemblée générale le 17 février 2011, le Conseil du contentieux des étrangers a jugé que, pour que ce recours en suspension d'extrême urgence soit conforme aux exigences de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, il fallait interpréter les dispositions de la loi du 15 décembre 1980 en ce sens que la demande de suspension d'extrême urgence introduite dans le délai de cinq jours de la notification de la mesure d'éloignement est suspensive de plein droit de l'exécution de la mesure d'éloignement, jusqu'à ce que le Conseil se prononce. Par les mêmes arrêts, le Conseil a également jugé que le recours, introduit en dehors du délai suspensif de cinq jours mais dans le délai prévu à l'article 39/57 de la loi du 15 décembre 1980 pour introduire un recours en annulation, soit 30 jours, était également suspensif de plein droit de l'exécution de la mesure d'éloignement dont l'exécution est imminente (CCE, 17 février 2011, arrêts nos 56.201 à 56.205, 56.207 et 56.208).

B.8.3. Cette extension de l'effet suspensif de l'introduction du recours en suspension d'extrême urgence ne résulte toutefois pas d'une modification législative, mais bien d'une jurisprudence du Conseil du contentieux des étrangers, de sorte que les requérants ne peuvent, malgré l'autorité qui s'attache à ces arrêts, avoir la garantie que l'administration de l'Office des étrangers a adapté sa pratique, en toutes circonstances, à cette jurisprudence. A cet égard, il convient de rappeler que la Cour européenne des droits de l'homme a répété à plusieurs reprises que ' les exigences de l'article 13, tout comme celles des autres dispositions de la Convention, sont de l'ordre de la garantie, et non du simple bon vouloir ou de l'arrangement pratique; c'est là une des conséquences de la prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique, inhérente à l'ensemble des articles de la Convention ' (CEDH, 5 février 2002, Conka c. Belgique, § 83; 26 avril 2007; Gebremedhin (Gaberamadhien) c. France, § 66). Elle a également précisé que ' l'effectivité [du recours] commande des exigences de disponibilité et d'accessibilité des recours en droit comme en pratique ' (CEDH, 2 février 2012, I.M. c. France, § 150; 2 octobre 2012, Singh et autres c. Belgique, § 90).

B.8.4. Par ailleurs, la suspension de la mesure d'éloignement n'est décidée par le Conseil du contentieux des étrangers qu'à la triple condition que la partie requérante démontre l'extrême urgence de la situation, qu'elle présente au moins un moyen d'annulation sérieux et qu'elle prouve un risque de préjudice grave difficilement réparable.

Le moyen sérieux doit être susceptible de justifier l'annulation de l'acte contesté. En d'autres termes, le Conseil du contentieux des étrangers procède en principe dans ce contexte à un contrôle apparent de la légalité de la décision d'éloignement, contrôle qui ne lui impose pas de prendre en considération, au moment où il statue, les éléments nouveaux qui pourraient être présentés par le requérant ou la situation actuelle de celui-ci relativement à l'éventuelle évolution de la situation dans son pays d'origine.

B.8.5. Le Conseil des ministres indique que le Conseil du contentieux des étrangers peut prendre en considération, au moment où il statue en extrême urgence, de nouveaux éléments pour évaluer le risque de violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme en cas d'éloignement vers le pays d'origine du demandeur. Il faut à nouveau relever que cette pratique résulterait d'une certaine jurisprudence du Conseil du contentieux des étrangers et que rien ne garantit dès lors aux requérants que les nouveaux éléments de preuve ou l'évolution de la situation seront pris en considération par le Conseil. En effet, l'article 39/78 de la loi du 15 décembre 1980, qui dispose que les recours en annulation sont introduits selon les modalités déterminées à l'article 39/69, lequel concerne les recours de plein contentieux en matière d'asile, indique expressément que les dispositions prévues à l'article 39/69, § 1er, alinéa 2, 4°, qui concernent l'invocation de nouveaux éléments, ne sont pas applicables aux recours en annulation. De même, l'article 39/76, § 1er, alinéa 2, de la même loi, qui précise à quelles conditions les nouveaux éléments sont examinés par le Conseil du contentieux des étrangers siégeant au contentieux de pleine juridiction, n'est pas applicable au Conseil lorsqu'il examine les recours en annulation.

B.8.6. Il résulte de ce qui précède que le recours en suspension d'extrême urgence n'est pas un recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme. En conséquence, l'article 39/2, § 1er, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 prive les demandeurs d'asile originaires d'un pays sûr dont la demande a fait l'objet d'une décision de non-prise en considération d'un recours effectif au sens de cette disposition ».

B.15.1. Etant donné que la procédure devant le Conseil du contentieux des étrangers n'offrait pas la garantie d'un recours effectif aux personnes concernées, la Cour a constaté que l'article 39/2 de la loi du 15 décembre 1980, tel qu'il a été modifié par l'article 2 de la loi du 15 mars 2012, faisait naître une différence de traitement entre les demandeurs d'asile originaires d'un pays sûr et les autres demandeurs d'asile, qui peuvent introduire, auprès du Conseil du contentieux des étrangers, un recours de pleine juridiction, suspensif de plein droit, contre la décision de rejet de leur demande. Selon la Cour, cette différence de traitement n'était pas raisonnablement justifiée.

B.15.2. Pour que les étrangers concernés disposent d'un recours effectif, conformément à l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, il faut, selon la Cour, que la voie de recours employée ait un effet suspensif de plein droit et que, le cas échéant, de nouveaux éléments de preuve puissent être produits, de manière à ce que le juge puisse examiner la situation actuelle du demandeur au moment de statuer.

La Cour a précisé à cet égard que, pour apprécier l'existence d'un recours effectif, il faut « prendre en compte l'ensemble des recours dont disposent les requérants, en ce compris les recours qui permettent de s'opposer à l'exécution d'une mesure d'éloignement vers un pays dans lequel, aux termes du grief qu'ils font valoir, existe un risque de violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme à leur égard ».

B.16.1. Depuis l'adoption de la loi attaquée du 8 mai 2013, l'article 39/2 de la loi du 15 décembre 1980 a été modifié par l'article 16 de la loi du 10 avril 2014.

A la suite de cette modification, un recours de pleine juridiction est désormais à nouveau ouvert contre les décisions de non-prise en considération d'une demande d'asile adoptées par le Commissaire général aux étrangers et aux apatrides, lorsque cette demande est introduite par un ressortissant d'un pays sûr (article 57/6/1, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980) ou lorsqu'il s'agit d'une deuxième demande d'asile (article 57/6/2 de la même loi).

B.16.2. La procédure d'annulation devant le Conseil du contentieux des étrangers est toutefois maintenue en ce qui concerne les décisions de non-prise en considération visées à l'article 57/6, alinéa 1er, 2°, et à l'article 57/6/3 et contre les décisions qui font application de l'article 52, § 2, 3° à 5°, § 3, 3°, § 4, 3°, ou de l'article 57/10 de la loi du 15 décembre 1980.

B.17.1. L'article 5 de la même loi du 10 avril 2014 a remplacé l'article 39/82, § 4, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980, qui concerne la demande de suspension en cas d'extrême urgence, par de nouvelles dispositions. Depuis lors, l'article 39/82, § 4, alinéa 4, est libellé comme suit :

« Le président de la chambre ou le juge au contentieux des étrangers procède à un examen attentif et rigoureux de tous les éléments de preuve portés à sa connaissance, en particulier ceux qui sont de nature à indiquer qu'il existe des motifs de croire que l'exécution de la décision attaquée exposerait le requérant au risque d'être soumis à la violation des droits fondamentaux de l'homme auxquels aucune dérogation n'est possible en vertu de l'article 15, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui fait l'objet d'un contrôle attentif et rigoureux ».

B.17.2. La même disposition législative a modifié l'article 39/82, § 2, de la loi du 15 décembre 1980. Ainsi, selon cette disposition, la condition d'un préjudice grave difficilement réparable est entre autres remplie « si un moyen sérieux a été invoqué sur la base des droits fondamentaux de l'homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n'est possible en vertu de l'article 15, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

B.17.3. L'article 6 de la loi du 10 avril 2014 a remplacé l'article 39/83 de la loi du 15 décembre 1980 comme suit :

« Sauf accord de l'intéressé, il ne sera procédé à l'exécution forcée de la mesure d'éloignement ou de refoulement dont l'étranger fait l'objet, qu'après l'expiration du délai de recours visé à l'article 39/57, § 1er, alinéa 3, ou, lorsque la demande de suspension en extrême urgence de l'exécution de cette mesure a été introduite dans ce délai, qu'après que le Conseil a rejeté la demande ».

B.17.4. Lorsque l'étranger concerné a déjà introduit une demande de suspension ordinaire et fait ensuite l'objet d'une mesure d'éloignement ou de refoulement dont l'exécution est imminente, il peut, sur la base de l'article 39/85 de la loi du 15 décembre 1980, tel qu'il a été modifié par l'article 7 de la loi du 10 avril 2014, par voie de mesures provisoires, demander que le Conseil du contentieux des étrangers examine dans les meilleurs délais une demande de suspension ordinaire préalablement introduite. Dans ce cas aussi, la loi prévoit désormais que le Conseil doit tenir compte de toutes les moyens de preuve et procéder, par conséquent, à un examen ex nunc (article 39/85, § 1er, alinéa 3) et qu'aucune mesure d'éloignement ou de refoulement ne peut être mise en oeuvre jusqu'à ce que le Conseil se soit prononcé sur la demande introduite (article 39/85, § 3).

B.17.5. L'article 8 de la loi du 10 avril 2014 dispose à titre de mesure transitoire :

« § 1er. Les articles 4 et 5, 2°, sont applicables aux demandes de suspension d'extrême urgence de l'exécution de toute mesure d'éloignement ou de refoulement, notifiée après la date d'entrée en vigueur de la présente loi, et de l'exécution de toute décision prise ultérieurement à une telle mesure, à l'égard du même étranger.

§ 2. L'article 7 est applicable aux demandes de mesures provisoires d'extrême urgence, introduites par tout étranger qui fait l'objet d'une décision, par laquelle l'exécution de la mesure d'éloignement ou de refoulement devient imminente, qui lui est notifiée après la date d'entrée en vigueur de la présente loi ».

B.18. La loi du 10 avril 2014 a été publiée au Moniteur belge du 21 mai 2014 et est entrée en vigueur le 31 mai 2014. Compte tenu notamment des dispositions transitoires mentionnées, les griefs des parties requérantes qui sont des associations ont depuis cette date perdu leur objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur ceux-ci dans le contexte du présent recours.

Par ces motifs,

la Cour

rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 septembre 2015.

Le greffier,

P.-Y. Dutilleux

Le président,

J. Spreutels