Cour du Travail: Arrêt du 18 mai 2010 (Liège (Namur)). RG 2010/AN/33
- Sectie :
- Rechtspraak
- Bron :
- Justel F-20100518-14
- Rolnummer :
- 2010/AN/33
Samenvatting :
Les critères pris en compte pour accorder à un étudiant dans le cadre de l'intégration sociale une dispense de disponibilité sur le marché du travail, à savoir l'utilité des cours en vue d'une insertion et l'aptitude à les mener à bien, peuvent être retenus pour apprécier si le C.P.A.S. doit intervenir en vue de permettre à une personne de suivre des cours en vue de pouvoir mener une vie conforme à la dignité humaine.
Arrest :
Droit de la sécurité sociale - Aide sociale financière - Formation professionnelle - Prise en charge par le C.P.A.S. - Conditions - Dignité humaine - Parallélisme avec la prise en charge d'étudiant dans le cadre du revenu d'intégration - Loi du 8/7/1976, art.1 et 57
COUR DU TRAVAIL DE LIEGE
Section de NAMUR
Audience publique du 18 mai 2010
R.G. n° 2010/AN/33 13ème Chambre
Réf. C.P.A.S. : 00/206283
Réf. Trib. trav. Namur, 7e ch., R.G. n°09/2390/A
EN CAUSE DE :
Le CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE, en abrégé C.P.A.S., de NAMUR
appelant, comparaissant par Me Loïc Anciaux de Faveaux, avocat.
CONTRE :
Madame Erika L
intimée, ne comparaissant pas.
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MOTIVATION
L'arrêt est fondé sur les motifs suivants :
1. Quant à la recevabilité de l'appel.
Le jugement dont appel a été notifié le 29 janvier 2010. La requête d'appel a été déposée au greffe de la Cour le 19 février 2010.
L'appel, régulier en la forme, est recevable.
2. Les faits.
- Mme L, ci-après l'intimée, est séparée et vit avec trois de ses quatre enfants.
- Elle et son mari sont en procédure de règlement collectif de dettes depuis le 8 juin 2009, date de l'admission.
- Au cours de périodes d'exclusion des allocations de chômage, elle sollicite le bénéfice du revenu d'intégration.
- Elle introduit une demande de prise en charge de frais de formation de styliste d'ongles. Le coût de la formation et du kit de démarrage s'élève à environ 2.000 euro , TVA incluse, pour les 6 premiers jours.
- Le travailleur social relève que l'intimée y voit le moyen de réaliser un rêve et une opportunité de s'insérer professionnellement, soit à son compte, soit dans un salon de beauté.
- Il s'interroge cependant sur le fait que des formations plus complètes d'esthéticien(ne) sont données et qu'il est plus attractif d'engager ces étudiants formés plutôt qu'une personne n'ayant suivi qu'une formation très spécifique. Le doute est grand de voir déboucher la formation sur un emploi effectif. Il suggère plutôt d'établir avec elle un projet professionnel en l'adressant à la MIRENA.
3. La décision.
Par décision du 8 septembre 2009, le C.P.A.S. refuse de prendre en charge le coût de la formation de styliste d'ongles en l'absence de possibilités de débouchés effectifs.
Le recours de l'intimée est fondé sur le fait qu'elle espérait trouver un emploi dans ce secteur d'activités et qu'aucune formation de ce type n'est assurée. Elle ajoute être d'accord de rembourser l'aide à raison de 25 euro par mois et précise ne pouvoir emprunter l'argent dès lors qu'elle est en
règlement collectif de dettes.
4. Le jugement.
Le tribunal note la bonne volonté de l'intimée de s'insérer professionnellement alors que sans formation, il lui est difficile de trouver un emploi. Il relève aussi l'accord de rembourser le coût. De ce fait, il déclare le recours fondé et fait droit à la demande.
5. L'appel.
Le C.P.A.S. relève appel au motif que la formation, coûteuse, ne garantit pas une insertion professionnelle et n'aboutit pas à l'octroi d'un diplôme reconnu. Le refus d'intervention n'a pas pour conséquence que la dignité humaine de l'intimée en serait affectée. De plus, le remboursement est aléatoire au vu de la situation financière de l'intéressée.
6. Fondement.
6.1. La régularité de la procédure : la convocation adressée à l'intimée.
L'intimée a reçu notification de la requête d'appel dont elle a accusé réception mais elle ne s'est pas présentée à l'audience d'introduction du 16 mars 2010.
L'examen de la cause a été reporté au 20 avril 2010, l'intimée ayant été convoquée par pli judiciaire conformément aux dispositions de l'article 803 du Code judiciaire en date du 17 mars 2010. A la suite d'un changement d'adresse non signalé au greffe, cet envoi a été retourné et le greffe a informé l'intimée par pli simple de la date de l'audience.
L'intimée a été valablement convoquée à son ancienne adresse. La procédure est régulière, d'autant plus que la convocation a été envoyée, fût-ce par pli simple, à la nouvelle adresse.
6.2. L'aide sociale.
En matière de revenu d'intégration, le bénéficiaire qui suit des cours est dispensé de disponibilité sur le marché du travail lorsque les cours répondent à un certain nombre d'exigences parmi lesquelles l'utilité des cours en vue d'une insertion sur le marché du travail et l'aptitude à les suivre et à les mener à bien .
Il a été jugé qu'il y a lieu de vérifier, d'une part, si les études suivies sont susceptibles d'ouvrir la porte du marché du travail par une augmentation significative des chances de trouver un emploi lorsqu'elles seront menées à leur terme et, d'autre part, l'aptitude ou la capacité à réussir les études entreprises. Le critère de l'aptitude à réussir les études est essentiel .
Ces critères doivent être retenus afin de vérifier si en suivant lesdites études, l'intimée serait mieux à même de mener une vie conforme à la dignité humaine et donc pourrait prétendre à leur prise en charge dans le cadre de l'aide sociale.
Sans vouloir décourager l'intimée dans sa quête de travail rémunérateur, la Cour doit bien constater avec le C.P.A.S. que la formation qu'elle voudrait suivre ne peut lui offrir de réelles perspectives d'emploi (salarié ou indépendant) dont elle pourrait raisonnablement espérer tirer un revenu qui après apurement du coût de la formation et de l'achat, coûteux, du matériel et même si elle était dispensée de tout remboursement de la prise en charge, lui permettrait sinon de vivre sans aide ou revenu de remplacement, à tout le moins d'améliorer l'ordinaire.
Les perspectives sont très aléatoires et pour tout dire inexistantes dès lors que les élèves qui suivent un enseignement (concrétisé par la délivrance d'un diplôme reconnu) qui comprend notamment cet acquis professionnel mais aussi quantité d'autres ne lui laissent aucune chance de travailler dans ce milieu professionnel et d'en tirer un revenu significatif.
Le refus d'aide est donc justifié.
L'appel est fondé.
INDICATIONS DE PROCÉDURE
Vu les pièces du dossier de la procédure et notamment le jugement contradictoirement rendu le 22 janvier 2010 par la 7ème chambre du tribunal du travail de Namur (R.G. n°09/2390/A),
Vu l'appel formé par requête déposée au greffe de la Cour du travail le 19 février 2010 et régulièrement notifiée à la partie adverse le 22 février 2010, requête portant assignation de l'intimée à comparaître à l'audience du 16 mars 2010 de la 13ème chambre de la Cour du travail (audience d'introduction), date à laquelle l'examen de la cause a été reporté au 20 avril 2010,
Vu les avis de fixation adressés à l'intimée les 17 mars et 2 avril 2010 pour l'audience du 20 avril 2010,
Vu le dossier de l'auditorat du travail de Namur reçu au greffe le 25 février 2010, dossier contenant le dossier administratif,
Entendu l'appelant en l'exposé de ses moyens à l'audience du 20 avril 2010.
DISPOSITIF
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
après en avoir délibéré,
statuant publiquement et par défaut de l'intimée,
vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire et notamment son article 24 dont le respect a été assuré,
entendu Madame Corinne LESCART, Substitut général, en son avis oral conforme donné en langue française et en audience publique le 20 avril 2010,
reçoit l'appel,
le déclare fondé,
réforme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il reçoit le recours et condamne l'appelant aux dépens,
dit le recours non fondé et en déboute l'intimée,
met comme de droit, sur la base de l'article 1017, al. 2, du Code judiciaire, à charge de l'appelant les dépens d'appel non liquidés.
Ainsi arrêté par
M. Michel DUMONT, Président,
M. Bernard VANASSCHE, Conseiller social au titre d'employeur,
M. Jacques WILLOT, Conseiller social au titre d'employé,
qui ont assisté aux débats de la cause,
assistés lors de la signature de M. Frédéric ALEXIS, Greffier,
qui signent ci-dessous
et prononcé en langue française, à l'audience publique de la TREIZIEME CHAMBRE de la COUR DU TRAVAIL DE LIEGE, section de Namur, au palais de justice de NAMUR, Place du Palais de Justice, 5, le DIX-HUIT MAI DEUX MILLE DIX par le Président et le Greffier.
Le Greffier Le Président
M. Frédéric ALEXIS M. Michel DUMONT