Commission d'indemnisation de la détention préventive: Arrêt du 18 mai 2010 (Belgique). RG 352F
- Sectie :
- Rechtspraak
- Bron :
- Justel F-20100518-6
- Rolnummer :
- 352F
Samenvatting :
Il importe peu qu'une des causes de la mise en détention n'ai pas provoqué celle-ci immédiatement ou à bref délai ou que l'action publique du chef des faits avoués ait été déclarée prescrite. L'appréciation du comportement doit se faire par rapport à l'ensemble des données dont disposait le juge d'instruction.
Arrest :
K. C., , , à , ayant pour conseil Maître Pierre-Louis Bodson, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à 4000 Liège, rue Fabry, 13,
contre
LE MINISTRE DE LA JUSTICE, dont le cabinet est établi à 1000 Bruxelles, boulevard de Waterloo 115, représenté par Madame Aline Jeandrain, attachée au service public fédéral Justice.
I. La décision entreprise
Le ministre de la Justice a pris le 9 juillet 2009 la décision entreprise.
II. Les faits
C. K. a été placé sous mandat d'arrêt et privé de liberté le 19 décembre 2006 par le juge d'instruction près le tribunal de première instance de Bruxelles du chef des préventions suivantes :
- infraction réputée viol à l'aide de violences entre le 12 décembre 1985 et le 12 décembre 1987 sur la personne de sa fille âgée de moins de 10 ans,
- entre le 12 décembre 1987 et le 29 juillet 1989, infraction réputée viol à l'aide de violences sur sa fille âgée de moins de 14 ans,
- entre le 29 juillet 1989 et le 12 décembre 1991, le crime réputé viol à l'aide de violences sur sa fille mineure,
- le 3 mai 2002, tentative de viol sur sa fille,
- entre le 12 décembre 1980 et le 12 décembre 1993, attentat à la pudeur sur sa fille,
- le 3 mai 2002, attentat à la pudeur sur sa fille.
Le requérant a été remis en liberté le 30 mars 2007 suite au jugement prononcé par le tribunal correctionnel de Liège qui l'a acquitté pour deux des préventions et a déclaré l'action publique éteinte par prescription en ce qui concerne les autres.
C. K. a été détenu préventivement 102 jours.
III. La procédure
A. devant le ministre de la Justice
Le requérant a introduit une requête en indemnisation datée du 6 janvier 2009, entrée au service public fédéral Justice le 13 janvier 2009.
Par lettre du 9 juillet 2009, le ministre de la Justice a fait connaître au conseil du requérant qu'il lui ne lui accordait aucune indemnité.
B. devant la Commission
Le conseil du requérant a introduit au secrétariat de la Commission un recours le 31 août 2009.
Le ministre de la Justice a déposé au secrétariat de la Commission un mémoire en réponse le 14 septembre 2009.
Par décision du 13 octobre 2009, la Commission a prorogé le délai jusqu'au 14 mars 2011.
Le recours et le mémoire en réponse ont été introduits dans les délais prescrits par la loi et sont dès lors recevables.
Le président a fait rapport.
Maître Frédéric Bodson, loco Maître Pierre-Louis Bodson, avocats au barreau de Liège, pour le requérant, et Madame Aline Jeandrain, préqualifiée, pour le ministre, ont été entendus en leurs dires et moyens.
Monsieur Jean-Marie Genicot, avocat général, a été entendu en son avis.
IV. La décision de la Commission
1. Dans sa version applicable à la présente procédure, l'article 28, § 1er, de la loi du 13 mars 1973 précitée dispose que peut prétendre à une indemnité toute personne qui aura été détenue préventivement pendant plus de huit jours, sans que cette détention ou son maintien ait été provoqué par son propre comportement :
a) si elle a été mise hors cause directement ou indirectement par une décision judiciaire coulée en force de chose jugée ;
b) si après avoir bénéficié d'une ordonnance ou d'un arrêt de non-lieu, elle justifie d'éléments de fait ou de droit démontrant son innocence ;
c) si elle a été arrêtée ou maintenue en détention après l'extinction de l'action publique par prescription ;
d) si elle a bénéficié d'une ordonnance ou d'un arrêt de non-lieu qui constate expressément que le fait qui a donné lieu à la détention préventive ne constitue pas une infraction.
2. Le requérant était poursuivi du chef d'avoir, commis sur la personne de sa fille C., trois viols aggravés entre le 12 décembre 1985 et le 12 décembre 1991 (préventions A à C), une tentative de viol aggravé le 3 mai 2002 (prévention D), des attentats à la pudeur aggravés entre le 12 décembre 1980 et le 12 décembre 1993 (prévention E) et pour la prévention F, le 3 mai 2002, la victime étant mineure au moment des faits pour les préventions A, B, C et E.
Par jugement rendu le 30 mars 2007 par le tribunal correctionnel de Liège, le requérant a été acquitté du chef des préventions D et F, et l'action publique a été déclarée éteinte par prescription pour les quatre autres préventions.
3. La notion précitée de « propre comportement » doit s'entendre de toute cause de la mise en détention ou de son maintien, qui a trait au requérant et qui ressort du dossier répressif.
Contrairement à ce que prétend le requérant, il importe peu qu'une des causes de la mise en détention n'ait pas provoqué celle-ci immédiatement ou à bref délai ou que l'action publique du chef des faits avoués ait été déclarée prescrite.
L'appréciation du comportement doit se faire par rapport à l'ensemble des données dont disposait le juge d'instruction.
4. Il ressort du dossier répressif que le requérant était en aveu d'avoir commis des attouchements ou autres actes de nature sexuelle à l'égard de sa fille depuis janvier 1992 et plus récemment en 2002.
Pour le maintien de la détention préventive, la chambre du conseil et la chambre des mises en accusation ont ainsi pris appui sur la base des aveux partiels du requérant (voy. ordonnance du 21 décembre 2006 et arrêt du 4 janvier 2007).
C'est dès lors à juste titre que le ministre de la Justice a retenu, pour rejeter la demande d'indemnisation, les aveux du requérant, aveux d'ailleurs réitérés lors de l'audience du 16 mars 2007 devant le tribunal correctionnel, par la reconnaissance d'attouchements envers sa fille.
5. Tout en étant innocent, le requérant a ainsi provoqué sa détention et son maintien, par son propre comportement.
Dispositif
La Commission, statuant en audience publique, après avoir siégé à huis clos pour l'instruction,
Reçoit le recours, le déclare non fondé.
Ainsi prononcé par la Commission, instituée par l'article 28, § 4, de la loi du 13 mars 1973 relative à l'indemnité en cas de détention préventive inopérante, en séance publique du 18 mai 2010, séant à Bruxelles, où sont présents : Messieurs Ivan Verougstraete, président de la Cour de cassation, président ; Robert Andersen, premier président du Conseil d'Etat ; Luc-Pierre Maréchal, président de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, membres ; Monsieur Jean-Marie Genicot, avocat général près la Cour de cassation ; Madame Fabienne Gobert, greffier à la Cour de cassation, secrétaire.