Cour de cassation: Arrêt du 10 septembre 2010 (Belgique). RG F.09.0063.N

Datum :
10-09-2010
Taal :
Frans Nederlands
Grootte :
5 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20100910-3
Rolnummer :
F.09.0063.N

Samenvatting :

Le délai de prescription de l'article 100, alinéa 1er, 1°, de l'arrêté royal du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l'Etat vaut pour toutes les créances qui ne constituent pas des dépenses fixes pour l'Etat, sauf s'il s'agit de créances qui sont soumises à un délai de prescription spécial en vertu d'une disposition légale dérogatoire.

Arrest :

Voeg het document toe aan een map () om te beginnen met annoteren.

N° F.09.0063.N

ETAT BELGE, (Finances),

Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation

contre

V. N.,

Me Mark Crommen, avocat au barreau d'Anvers.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2008 par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Geert Jocqué a fait rapport.

L'avocat général Dirk Thijs a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur présente deux moyens libellés dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions légales violées

- article 172 de la Constitution ;

- articles 23 à 27 inclus du Code judiciaire ;

- articles 1235, 1376, 1377 et 2262bis, § 1er, du Code civil ;

- articles 211, § 2, 267 à 286 inclus, 295 du Code des impôts sur les revenus (1964) coordonné par l'arrêté royal du 26 février 1964 ;

- articles 304, 366 à 385 inclus, 394 du Code des impôts sur les revenus 1992 coordonné par l'arrêté royal du 10 avril 1992, approuvé par la loi du 12 juin 1992, articles 304, 366 à 385 inclus, avant leur modification ou leur abrogation par la loi du 15 mars 1999, article 394 tant avant qu'après sa modification par la loi du 4 mai 1999 ;

- articles 100, 1°, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat du 17 juillet 1991, avant son abrogation par les articles 127 et 133 de la loi du 22 mai 2003, article 133 tel qu'il a été modifié par l'article 97 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 et article 2 de la loi du 21 décembre 2007.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt attaqué déclare fondée la demande de la défenderesse tendant à la restitution d'une somme de 96.997,39 euros et condamne le demandeur à restituer cette somme à la défenderesse, majorée des intérêts à partir du 23 juin 2001 et des intérêts judiciaires.

L'arrêt attaqué déclare que cette demande en restitution n'est pas soumise à l'application du délai de prescription prévu par l'article 100, 1°, de l'arrêté royal du 17 juillet 1991 et doit être considérée comme une action personnelle à laquelle s'applique le délai de prescription de l'article 2262bis,

§ 1er, du Code civil, soit 10 ans, de sorte que la demande de la défenderesse, introduite par citations des 5 et 6 septembre 2001, n' est pas prescrite :

« La demande en restitution est-elle prescrite?

Les articles 100 et 101 des lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat (auparavant articles 1er et 2 de la loi du 6 février 1970) déterminent la prescription des créances à charge de l'Etat.

Selon le demandeur, la demande de la défenderesse tendant au remboursement de la somme de 3.912.865 francs ou 96.977,39 euros est prescrite en vertu de l'article 100, 1°, des lois précitées.

Au contraire, la défenderesse fait valoir qu'il ressort clairement des travaux préparatoires de la loi du 6 février 1970 que l'article 100 des lois coordonnées du 17 juillet 1991 ne s'applique pas à la restitution d'impôts (Doc. Parl. Chambre, séance 1966-67, n° 408/5, 3 : 'Les procédures en matière de remboursement d'impôts directs ou indirects tombent hors du champ du présent projet' ).

Il ressort clairement des pièces produites et notamment de la lettre du receveur du 18 avril 2001, que les sommes d'argent provenant de la vente du bien immobilier (que la défenderesse possédait pour moitié avec son frère à la suite d'une succession) ont été utilisées à tort pour payer aussi la part de l'ex-époux de la défenderesse dans la totalité des impôts.

Le paiement qui a été effectué par le notaire le 22 mai 1995 - certes sous réserve - concerne bien un paiement d'impôts.

La défenderesse invoque à juste titre qu'il ressort clairement des travaux préparatoires que le législateur ne voulait pas que les procédures en restitution d'impôts payés indûment soient soumises à la loi sur la comptabilité de l'Etat.

La demande de la défenderesse est une demande en restitution d'impôts payés indûment et a été formulée en tant que telle. L'article 100 de la loi du 17 juillet 1991 ne s'applique, dès lors, pas à cette demande.

Le délai de prescription de droit commun s'applique à la demande de la défenderesse.

La défenderesse a toujours fondé sa demande en restitution sur l'article 394 du Code des impôts sur les revenus 1992 en vertu duquel l'impôt ou la quotité de l'impôt afférent aux revenus de l'un des conjoints (en l'espèce Fobelets) qui sont considérés comme étant acquis à titre personnel pour l'établissement de l'impôt, ne peuvent être recouvrés sur les biens propres de l'autre conjoint lorsque celui-ci peut établir qu'ils proviennent d'une succession.

Il n'est pas contesté en l'espèce et il ressort clairement des pièces produites (à savoir la correspondance) que la part de l'ex-conjoint de la défenderesse dans les impositions des exercices 1983 à 1988 inclus a été payée par des sommes provenant de la vente d'un bien propre de la défenderesse.

Se fondant sur l'article 394 du Code des impôts sur les revenus 1992, la défenderesse réclame la restitution de la somme qui a été recouvrée à titre d'impôt sur sa part héréditaire.

L'action de la défenderesse est, dès lors, une action personnelle à laquelle s'applique le délai de prescription de l'article 2262bis, § 1er, du Code civil, soit dix ans.

Dès lors que la défenderesse a introduit la demande par citation des 5 et 6 septembre 2001, il n'y a pas prescription (...) » .

Griefs

(...)

Troisième branche

1. Conformément à l'article 100, 1°, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat, sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, sans préjudice des déchéances prononcées par d'autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sur la matière, les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l'ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées.

Ce délai de prescription de cinq ans vaut en principe pour toutes les créances à charge de l'Etat qui ne constituent pas une dépense fixe, sauf disposition contraire.

2. Conformément à l'article 1235, alinéa 1er, du Code civil, tout paiement suppose une dette de sorte que ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition (voir aussi les articles 1376 et 1377 du Code civil).

Une action en restitution d'un paiement indu trouve son fondement juridique dans la loi et ne doit répondre qu'à deux conditions, d'une part, un paiement, d'autre part, le fait qu'il ait été fait indûment.

Une action dirigée contre l'Etat en restitution d'un paiement indu ne constitue pas une dépense fixe pour l'Etat et, à défaut de disposition contraire, est soumise au champ d'application du délai de prescription de cinq ans prévu par l'article 100, 1°, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat.

3. L'article 295, § 1er, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus (1964), actuellement article 394, § 1er, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 dispose que :

Toutefois, la quotité de l'impôt afférente aux revenus de l'un des conjoints qui lui sont propres en vertu de son régime matrimonial ainsi que le précompte mobilier et le précompte professionnel enrôlés au nom de l'un d'eux ne peuvent être recouvrés sur les biens propres de l'autre conjoint lorsque celui-ci peut établir :

« 1° qu'il les possédait avant le mariage ;

2° ou qu'ils proviennent d'une succession ou d'une donation faite par une personne autre que son conjoint ;

3° ou qu'il les a acquis au moyen de fonds provenant de la réalisation de semblables biens ;

4° ou qu'il les a acquis au moyen de revenus qui lui sont propres en vertu de son régime matrimonial ».

L'action par laquelle un contribuable, sur la base de l'article 295, § 1er, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus (1964), actuellement article 394,

§ 1er, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, réclame au demandeur la restitution des impôts recouvrés sur ses biens propres, mais qui concernent des revenus de son conjoint qui lui sont propres en vertu du régime matrimonial conventionnel, a pour objet un payement indu.

4. L'arrêt attaqué n'a pas contesté que :

- le montant dont la défenderesse réclamait la restitution concernait les impôts recouvrés par le demandeur sur des sommes provenant de la vente d'un bien propre de la défenderesse provenant d'une succession (...) ; ces impôts n'ont pas été réclamés par la défenderesse dans le cadre légal relatif à la restitution de l'impôt, comme prévu par les articles 211, § 2, du Code des impôts sur les revenus (1964) (actuellement article 304 du Code des impôts sur les revenus 1992), 277 du Code des impôts sur les revenus (1964) (actuellement article 376 du Code des impôts sur les revenus 1992), 267 à 286 inclus du Code des impôts sur les revenus (1964) (actuellement articles 366 à 385 inclus du Code des impôts sur les revenus 1992) (...) ;

- que ces impôts ont été perçus sur des revenus qui, sur la base du régime matrimonial adopté, étaient propres au conjoint de la défenderesse ;

- que, eu égard à l'article 295, § 1er, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus (1964), actuellement article 394, § 1er, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, les sommes provenant de la vente d'un bien propre à la défenderesse provenant d'une succession, ne pouvaient être utilisées par le demandeur pour recouvrer lesdits impôts (...) ;

- que, dès lors, ces sommes ont été payées indûment par la défenderesse.

Il ressort de ces constatations de l'arrêt attaqué que la demande de la défenderesse, qui selon l'arrêt attaqué était « une demande en restitution d'impôts », avait en réalité pour objet une action résultant d'un paiement indu, qui était soumise au délai de prescription de cinq ans de l'article 100, 1°, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat et pas à la prescription décennale de l'article 2262bis, § 1er, du Code civil comme il a été décidé à tort par l'arrêt attaqué.

5. Il s'ensuit que l'arrêt attaqué n'a pas légalement décidé qu'eu égard à l'article 2262bis, § 1er, du Code civil, l'action de la défenderesse en restitution de la somme de 96.997,15 euros n'était pas encore prescrite lorsqu'elle a été introduite par citations des 5 et 6 septembre 2001, alors que cette action avait pour objet un paiement indu qui a été introduite en dehors du cadre fiscal « d'une restitution d'impôts » et était, dès lors, soumise à la prescription quinquennale de l'article 100, 1°, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat de sorte que l'action de la défenderesse a été introduite en dehors du délai de prescription applicable (violation des articles 172 de la Constitution, 100, 1°, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat, 1235, 1376, 1377, 2262bis, § 1er, du Code civil, 211, § 2, 267 à 286 inclus, 295, § 1er, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus (1964), 304, 366 à 385 inclus du Code des impôts sur les revenus 1992, 394, § 1er, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992).

(...)

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la troisième branche :

1. L'article 100 des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat dispose que : « Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, sans préjudice des déchéances prononcées par d'autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sur la matière :

1° les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l'ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées ;

2° les créances qui, ayant été produites dans le délai visé au 1°, n'ont pas été ordonnancées par les Ministres dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles ont été produites ;

3° toutes autres créances qui n'ont pas été ordonnancées dans le délai de dix ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles sont nées.

Toutefois, les créances résultant de jugements restent soumises à la prescription décennale ; elles doivent être payées à l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations ».

2. Le délai de prescription de l'article 100, alinéa 1er, 1°, vaut pour toutes les créances qui ne constituent pas des dépenses fixes pour l'Etat, sauf s'il s'agit de créances qui sont soumises à un délai de prescription spécial en vertu d'une disposition légale dérogatoire.

Cet article exclut l'application des délais de prescription de droit commun parmi lesquels celui de l'article 2262bis, § 1er.

3. La restitution d'une somme perçue en violation de l'article 295, § 1er, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus (1964) et de l'article 394, § 1er, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 ne constitue pas une dépense fixe pour l'Etat.

4. Les juges d'appel n'ont pu décider légalement que la prescription de l'action litigieuse, qui tendait à obtenir la restitution de la somme payée par la défenderesse dans le cadre des impositions litigieuses, était soumise à l'application du délai de prescription de l'article 2262bis, § 1er, précité.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs :

Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il déclare l'appel recevable ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, les conseillers Eric Dirix, Eric Stassijns, Alain Smetryns et Geert Jocqué, et prononcé en audience publique du dix septembre deux mille dix par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Dirk Thijs, avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Sylviane Velu et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,