Cour de cassation: Arrêt du 14 mai 2010 (Belgique). RG F.09.0018.F

Datum :
14-05-2010
Taal :
Frans Nederlands
Grootte :
11 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20100514-4
Rolnummer :
F.09.0018.F

Samenvatting :

Une partie au procès ne peut critiquer en cassation une décision sur la procédure rendue en conformité avec ses conclusions (1). (1) Voir les conclusions du ministère public; Cass., 31 janvier 2008 (aud. plén.), RG C.05.0372.N, Pas., 2008, n° 74, avec les conclusions de M. l'avocat général G. DUBRULLE publiées à leur date dans les A.C.

Arrest :

Voeg het document toe aan een map () om te beginnen met annoteren.

N° F.09.0018.F

RÉSIDENCE CHRISTALAIN, société anonyme dont le siège social est établi à Jette, avenue des Démineurs, 2,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

RÉGION DE BRUXELLES-CAPITALE, représentée par son gouvernement, en la personne du ministre chargé des Finances, du Budget, des Relations extérieures et de l'Informatique, et citée au cabinet de son ministre-président, établi à Bruxelles, rue Ducale, 7-9,

défenderesse en cassation,

représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile.

La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 29 juin 2007 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.

L'avocat général André Henkes a conclu.

Les moyens de cassation

La demanderesse présente deux moyens libellés dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions légales violées

- articles 569, 32°, et 703, alinéa 1er, du Code judiciaire ;

- article 38 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises ;

- article 82, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ;

- article 2 de l'arrêté de l'exécutif de la Région de Bruxelles-Capitale du 25 janvier 1990 portant délégation de compétence relative aux procédures devant les juridictions ;

- articles 2 et 6 de l'arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 16 juillet 1999 fixant la répartition des compétences entre les ministres du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale ;

- articles 2, 3 et 8 de l'arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 19 juillet 2004 fixant la répartition des compétences entre les ministres du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale ;

- pour autant que de besoin, articles 3, spécialement § 1er, a) et c), 4, spécialement 3, 3° et 5°, 8, § 1er, 1°, 12, spécialement § 1er, 13 et 14 de l'ordonnance du conseil de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt « déclare les appels principal et incident recevables ; déclare l'appel principal seul fondé ; en conséquence, réforme le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a accueilli partiellement la demande relative à la taxe régionale litigieuse de l'exercice fiscal 2001 et condamné aux dépens ; statuant à nouveau, déclare non fondée la demande originaire de la [demanderesse] relative à la taxe régionale ‘propriétaire' de l'exercice fiscal 2001 enrôlée sous l'article 003.1.952914.47 pour un montant de 8.093,92 euros ; déclare la demande nouvelle de la [demanderesse] non fondée, [et] condamne la [demanderesse] aux dépens des deux instances, liquidés en degré d'appel en ce qui la concerne à 485,88 euros et en ce qui concerne [la défenderesse] à 485,88 euros ».

Toutes ces décisions sont les conséquences de la décision de l'arrêt déclarant recevable l'appel principal de la défenderesse.

Griefs

L'arrêt déclare recevable l'appel de la défenderesse introduit par requête du 15 juin 2004, déposée à cette même date au greffe de la cour d'appel et émanant de « la Région de Bruxelles-Capitale, représentée par son gouvernement, en la personne de son ministre-président, dont le cabinet est situé à Bruxelles, rue Ducale, 7-9 ».

L'article 703, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose que les personnes morales agissent en justice à l'intervention de leurs organes compétents.

Cette règle s'applique à toutes les personnes morales.

En vertu de l'article 82 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, applicable à la défenderesse conformément à l'article 38 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, le gouvernement représente la Région dans les actes judiciaires et extrajudiciaires et les actions de la Région, en demandant ou en défendant, sont exercées au nom du gouvernement, poursuites et diligences du membre désigné par celui-ci.

Aux termes de l'article 2 de l'arrêté de l'exécutif de la Région de Bruxelles-Capitale du 25 janvier 1990 portant délégation de compétence relative aux procédures devant les juridictions, dans le cadre de leurs attributions respectives, délégation est accordée aux membres du gouvernement, chacun en ce qui le concerne, pour exercer, au nom de ce dernier, toute action devant les juridictions de l'ordre judiciaire, le Conseil d'État et toutes autres juridictions administratives tant en demandant qu'en défendant, ainsi que pour accomplir tout acte concernant ces procédures.

L'arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 16 juillet 1999 fixant la répartition des compétences entre les ministres du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, dans sa version applicable le 15 juin 2004, n'a pas attribué au ministre-président la compétence des finances (article 2 dudit arrêté).

Il attribue cette compétence à M. Guy Vanhengel, ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Finances, du Budget, de la Fonction publique et des Relations extérieures (article 6 dudit arrêté du 16 juillet 1999 visé au moyen).

L'arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 19 juillet 2004 visé au moyen, dont l'article 8 abroge l'arrêté susdit du 16 juillet 1999, confirme la répartition de compétences opérée par l'arrêté abrogé entre le président du gouvernement de la Région et le ministre Vanhengel : la compétence des finances reste attribuée au ministre Vanhengel (article 3 de l'arrêté du 19 juillet 2004) et ne rentre pas dans les compétences attribuées au ministre-président de la Région (article 2 de l'arrêté du 19 juillet 2004).

Il s'ensuit que l'appel, dirigé contre le jugement du tribunal de première instance de Bruxelles statuant sur l'application de dispositions, visées au moyen, de l'ordonnance du conseil de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 1992 relative à une taxe régionale (litige de la compétence du tribunal de première instance en vertu de l'article 569, 32°, du Code judiciaire), et introduit par une requête de la défenderesse, représentée par son gouvernement, en la personne de son ministre-président qui était sans compétence pour interjeter appel, est irrecevable.

Les compétences respectives des membres du gouvernement de la défenderesse touchant à l'ordre public, l'arrêt devait soulever d'office cette irrecevabilité.

A défaut de le faire, il n'est pas légalement justifié (violation de toutes les dispositions visées au moyen).

Second moyen

Dispositions légales violées

- articles 10 et 11 de la Constitution ;

- articles 2, 3, § 1er, a), et, spécialement, 3, § 1er, c), de l'ordonnance du 23 juillet 1992 de la Région de Bruxelles-Capitale relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles, ledit article 3, § 1er, c), dans sa version antérieure à sa modification par l'article 2 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 1er mars 2007 ;

- principe général du droit suivant lequel les lois d'impôt sont de stricte interprétation ;

- article 1er du décret de la Communauté française du 10 mai 1984 relatif aux maisons de repos pour personnes âgées ;

- article 2, 2°, c), de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 17 janvier 1992 relative aux établissements hébergeant des personnes âgées ;

- article 3, 1°, a), du décret de la Commission communautaire française du 22 mars 2007 relatif à la politique d'hébergement et d'accueil à mener envers les personnes âgées.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt déclare fondé l'appel principal limité à l'exercice d'imposition 2001 interjeté par la défenderesse contre le jugement rendu le 10 mars 2004 par le tribunal de première instance, aux motifs que :

« 1. La (demanderesse) soutient que la taxe ‘propriétaire' ne pouvait pas être établie à sa charge pour les exercices 1995 à 2000 (sur une partie de l'immeuble hors celles qui sont affectées à de la résidence) et pour l'exercice 2001 (sur tout l'immeuble après rectification) sur pied de l'article 3, § 1er, c), au motif qu'elle sortirait de son champ d'application puisque son immeuble à Jette est affecté à l'usage visé au a), s'agissant d'un immeuble affecté à la résidence de personnes âgées.

2. La (demanderesse) n'établit pas cependant une affectation de son immeuble telle que celle qui est visée au littera a) de l'article 3, § 1er, qui implique une affectation à la résidence principale ou secondaire d'un ou de plusieurs chefs de ménage.

Suivant l'article 3, § 1er, a), alinéa 2, ‘constitue un ménage au sens de la présente ordonnance soit une personne vivant seule, soit la réunion de deux ou plusieurs personnes qui résident habituellement dans le même logement et qui y ont une vie commune', et l'alinéa 3 précise qu'‘en cas de contestation quant à la composition du ménage, la production d'un certificat de composition du ménage, délivré par l'administration communale, pourra être exigée à titre de preuve'.

La (demanderesse) a toujours déclaré que l'immeuble était affecté à une maison de repos. Contrairement à une seigneurie, les personnes hébergées collectivement dans l'immeuble de la (demanderesse) à Jette ne vivent pas seules dans des résidences séparées au sein d'un même immeuble ; elles ne sont pas non plus des personnes ayant une vie commune dans un même logement sous l'autorité d'un chef de ménage. Ces personnes hébergées collectivement dans l'immeuble de la (demanderesse) ne répondent pas à la définition du littera a) visé ci-dessus.

Le premier juge a, à l'encontre des termes mêmes de l'article 3, § 1er, a), de l'ordonnance, considéré à tort que la notion de ménage était sans influence sur la notion de résidence, en méconnaissance totale du libellé de l'article définissant, précisément en son alinéa 2, la notion de ménage, la taxe étant à charge du chef de ménage dans le cadre du littera a).

3. Contrairement à ce qu'estime à tort la (demanderesse), l'exonération prévue à l'article 4, § 3, 5°, de l'ordonnance du 23 juillet 1992 [dont il a été décidé ci-dessus que la (demanderesse) ne pouvait bénéficier] n'a de sens que parce qu'en tant que tel, l'hébergement collectif de personnes âgées ne relève pas des cas d'occupation prévus à l'article 3, § 1er, a), et que le propriétaire d'un immeuble affecté à pareil hébergement tombe dans le champ d'application de l'article 3, § 1er, c).

4. Les considérations de la (demanderesse) pour dénoncer une prétendue discrimination injustifiée et inconstitutionnelle qu'opérerait l'ordonnance régionale entre des catégories de citoyens qu'elle ne détermine pas clairement, apparemment, d'une part, les chefs de ménage occupant un immeuble à titre de résidence principale ou secondaire visés au littera a) et qui paient une taxe et, d'autre part, les pensionnaires âgés de maisons de repos qui n'en paient pas, ne sont pas fondées, alors que le critère du ménage est objectif et proportionné au but poursuivi par la taxe, étant la protection accrue de l'habitat à Bruxelles et des activités qui y sont liées pourvu qu'elles ne relèvent pas du secteur commercial, comme les exonérations à la taxe le font apparaître.

5. La rectification de la déclaration opérée régulièrement pour l'exercice fiscal 2001 l'a été à bon droit, en ce qu'elle a soumis à la taxe l'ensemble de l'immeuble où se trouve le siège social de la (demanderesse) et qu'elle a affecté à l'exploitation de son objet social en y installant une maison de repos.

L'appel principal limité à l'exercice 2001 est fondé ».

Griefs

Première branche

1. L'arrêt, après avoir expressément constaté que les personnes vivant dans une maison de repos y sont « hébergées collectivement », considère que l'immeuble abritant une telle maison de repos n'est pas affecté à l'usage visé au littera a) de l'article 3, § 1er, de l'ordonnance du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles, au motif essentiellement que cet usage suppose l'existence d'une résidence principale ou secondaire d'un ou plusieurs chefs de ménage, alors que les personnes hébergées collectivement dans la maison de repos ne répondraient pas à cette condition. Partant, il décide que la taxe prévue par l'ordonnance du 23 juillet 1992 est à charge du propriétaire de la maison de repos par application du littera c) de l'article 3, § 1er, de cette ordonnance.

2. En vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 23 juillet 1992, qui a pour objet de définir l'assiette de la taxe, « à partir de l'exercice 1993, il est établi une taxe annuelle à charge des occupants d'immeubles bâtis situés sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et de titulaires de droits réels sur des immeubles non affectés à la résidence ».

3. Par ailleurs, en vertu de l'article 3, § 1er, de l'ordonnance précitée, qui trouve sa place dans le chapitre II de cette ordonnance relatif à la définition des redevables de la taxe, « la taxe est à charge :

a) de tout chef de ménage occupant, à titre de résidence principale ou secondaire, tout ou partie d'un immeuble bâti situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.

Constitue un ménage au sens de la présente ordonnance soit une personne vivant seule, soit la réunion de deux ou plusieurs personnes qui résident habituellement dans le même logement et y ont une vie commune.

En cas de contestation quant à la composition du ménage, la production d'un certificat de composition de ménage, délivré par l'administration communale, pourra être exigée à titre de preuve.

(...)

c) du propriétaire en pleine propriété ou, à défaut d'un propriétaire en pleine propriété, de l'emphytéote, de l'usufruitier, du superficiaire ou du titulaire du droit d'usage pour tout ou partie d'immeuble bâti, situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, non affecté à l'usage sous a) ci-dessus ».

Le propriétaire d'un immeuble n'est donc tenu au paiement de la taxe que dans la mesure où l'immeuble n'est pas affecté à l'usage sous a).

4. A défaut de définition légale dans l'ordonnance du 23 juillet 1992, le terme « résidence » doit s'entendre au sens usuel et courant. Ce terme désigne ainsi le lieu où une personne habite effectivement pendant un certain temps (Le Nouveau Petit Robert) ou celui où une personne demeure habituellement (Le Larousse).

Une maison de repos répond à cette définition.

Il suit en effet tant de l'article 1er du décret de la Communauté française du 10 mai 1984 relatif aux maisons de repos pour personnes âgées que de l'article 2, 2°, c), de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 17 janvier 1992 relative aux établissements hébergeant des personnes âgées et de l'article 3, 1°, a), du décret de la Commission communautaire française du 22 mars 2007 relatif à la politique d'hébergement et d'accueil à mener envers les personnes âgées, qui tous trois s'appliquaient à la date de la prononciation de l'arrêt et, pour les deux premiers, à l'époque de l'enrôlement de la taxe litigieuse, que les maisons de repos hébergent collectivement des personnes âgées qui y habitent et y ont leur résidence habituelle. Les maisons de repos regroupent ainsi un ensemble de résidences occupées par autant de ménages individuels, composés d'une ou deux personnes (dans le cas d'hébergement de couples).

5. La circonstance que les résidents soient hébergés collectivement dans la maison de repos et ne résident pas sous l'autorité d'un chef de ménage unique est sans incidence.

L'article 3, 1°, a), alinéa 2, de l'ordonnance du 23 juillet 1992 prévoit en effet expressément qu'un ménage peut être composé d'une seule personne.

Aucune disposition de l'ordonnance du 23 juillet 1992 n'impose par ailleurs qu'un ménage réside dans un local séparé des autres ménages et que plusieurs personnes ayant leur résidence en un même endroit aient un chef de ménage unique.

6. Partant, le texte de l'article 3, § 1er, c), de l'ordonnance du 23 juillet 1992, lu conjointement avec celui de l'article 3, § 1er, a), et de l'article 2 de cette ordonnance, devait être interprété en ce sens que devait être exclue du calcul de la taxe la partie de la surface de la maison de repos et de soins de la demanderesse qui était affectée à la résidence des pensionnaires accueillis au sein de celle-ci.

7. Il suit de ces considérations qu'en décidant que « la (demanderesse) soutient que la taxe ‘propriétaire' ne pouvait pas être établie à sa charge pour les exercices 1995 à 2000 (sur une partie de l'immeuble hors celles qui sont affectées à de la résidence) et pour l'exercice 2001 (sur tout l'immeuble après rectification) sur pied de l'article 3, § 1er, c), au motif qu'elle sortirait de son champ d'application puisque son immeuble à Jette est affecté à l'usage visé au a), s'agissant d'un immeuble affecté à la résidence de personnes âgées. La (demanderesse) n'établit pas cependant une affectation de son immeuble telle que celle qui est visée au littera a) de l'article 3, § 1er, qui implique une affectation à la résidence principale ou secondaire d'un ou de plusieurs chefs de ménage. Suivant l'article 3, § 1er, a), alinéa 2, ‘constitue un ménage au sens de la présente ordonnance soit une personne vivant seule, soit la réunion de deux ou plusieurs personnes qui résident habituellement dans le même logement et qui y ont une vie commune' et l'alinéa 3 précise qu' ‘en cas de contestation quant à la composition du ménage, la production d'un certificat de composition du ménage, délivré par l'administration communale, pourra être exigée à titre de preuve'. La (demanderesse) a toujours déclaré que l'immeuble était affecté à une maison de repos. Contrairement à une seigneurie, les personnes hébergées collectivement dans l'immeuble de la (demanderesse) à Jette ne vivent pas seules dans des résidences séparées au sein d'un même immeuble ; elles ne sont pas non plus des personnes ayant une vie commune dans un même logement sous l'autorité d'un chef de ménage. Ces personnes hébergées collectivement dans l'immeuble de la (demanderesse) ne répondent pas à la définition du littera a) visé ci-dessus. Le premier juge a, à l'encontre des termes mêmes de l'article 3, § 1er, a), de l'ordonnance, considéré à tort que la notion de ménage était sans influence sur la notion de résidence, en méconnaissance totale du libellé de l'article définissant précisément, en son alinéa 2, la notion de ménage, la taxe étant à charge du chef de ménage dans le cadre du littera a). Contrairement à ce qu'estime à tort la (demanderesse), l'exonération prévue à l'article 4, § 3, 5°, de l'ordonnance du 23 juillet 1992 [dont il a été décidé ci-dessus que la (demanderesse) ne pouvait bénéficier] n'a de sens que parce qu'en tant que tel, l'hébergement collectif de personnes âgées ne relève pas des cas d'occupation prévus à l'article 3, § 1er, a), et que le propriétaire d'un immeuble affecté à pareil hébergement tombe dans le champ d'application de l'article 3, § 1er, c). Les considérations de la (demanderesse) pour dénoncer une prétendue discrimination injustifiée et inconstitutionnelle qu'opérerait l'ordonnance régionale entre des catégories de citoyens qu'elle ne détermine pas clairement, apparemment, d'une part, les chefs de ménage occupant un immeuble à titre de résidence principale ou secondaire visés au littera a) et qui paient une taxe et, d'autre part, les pensionnaires âgés de maisons de repos qui n'en paient pas, ne sont pas fondées, alors que le critère du ménage est objectif et proportionné au but poursuivi par la taxe, étant la protection accrue de l'habitat à Bruxelles et des activités qui y sont liées pourvu qu'elles ne relèvent pas du secteur commercial, comme les exonérations à la taxe le font apparaître. La rectification de la déclaration opérée régulièrement pour l'exercice fiscal 2001 l'a été à bon droit, en ce qu'elle a soumis à la taxe l'ensemble de l'immeuble où se trouve le siège social de la (demanderesse) et qu'elle a affecté à l'exploitation de son objet social en y installant une maison de repos. L'appel principal limité à l'exercice 2001 est fondé », l'arrêt donne des termes « tout ou partie d'immeuble bâti (...) non affecté à l'usage sous a) ci-dessus », utilisés par l'article 3, § 1er, c), de l'ordonnance du 23 juillet 1992, une interprétation qui est contraire aux articles 2, 3, § 1er, a), et 3, § 1er, c), de cette ordonnance et, partant,

1° viole ces dispositions légales (violation des articles 2, 3, § 1er, a), et spécialement 3, § 1er, c), de l'ordonnance du 23 juillet 1992 de la Région de Bruxelles-Capitale relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles, ledit article 3, § 1er, c), dans sa version antérieure à sa modification par l'article 2 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 1er mars 2007) ainsi que, pour autant que de besoin, les articles 1er du décret de la Communauté française du 10 mai 1984 relatif aux maisons de repos pour personnes âgées, 2, 2°, c), de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 17 janvier 1992 relatif aux établissements hébergeant des personnes âgées et 3, 1°, a), du décret de la Commission communautaire française du 22 mars 2007 relatif à la politique d'hébergement et d'accueil à mener envers les personnes âgées, et méconnaît le principe général du droit suivant lequel les lois d'impôt sont de stricte interprétation ;

2° méconnaît la notion légale de maison de repos telle qu'elle est définie par les articles 1er du décret de la Communauté française du 10 mai 1984 relatif aux maisons de repos pour personnes âgées, 2, 2°, c), de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 17 janvier 1992 relatif aux établissements hébergeant des personnes âgées et 3, 1°, a), du décret de la Commission communautaire française du 22 mars 2007 relatif à la politique d'hébergement et d'accueil à mener envers les personnes âgées (violation des articles 1er du décret de la Communauté française du 10 mai 1984 relatif aux maisons de repos pour personnes âgées, 2, 2°, c), de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 17 janvier 1992 relatif aux établissements hébergeant des personnes âgées et 3, 1°, a), du décret de la Commission communautaire française du 22 mars 2007 relatif à la politique d'hébergement et d'accueil à mener envers les personnes âgées).

Seconde branche

Subsidiairement, s'il fallait par impossible considérer que la notion de « résidence » visée à l'article 3, § 1er, a), et 3, § 1er, c), de l'ordonnance du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles doit être interprétée en ce sens que seuls les immeubles affectés à l'hébergement individuel de personnes vivant sous l'autorité d'un chef de ménage sont affectés à l'usage visé par le littera a) de l'article 3, § 1er, de l'ordonnance du 23 juillet 1992, encore l'article 3, § 1er, c), de l'ordonnance du 23 juillet 1992, lu en combinaison avec l'article 3, § 1er, a), de cette même ordonnance, et pour autant que de besoin, ledit article 3, § 1er, a), seraient-ils contraires aux articles 10 et 11 de la Constitution.

Dans cette interprétation, les propriétaires d'immeubles sortiraient, en effet, du champ d'application de l'ordonnance si leur bien abrite des résidences placées sous l'autorité d'un seul chef de ménage mais non s'il est affecté dans un hébergement collectif à la résidence de personnes formant plusieurs ménages, les propriétaires de ces derniers biens étant taxés en vertu du point c) de l'article 3, § 1er, de l'ordonnance du 23 juillet 1992.

Or, tant les premiers que les seconds exercent leur droit sur un bien recevant un usage d'habitation et partant résidentiel, tant au sens légal donné à ce terme par les articles 1er du décret de la Communauté française du 10 mai 1984 relatif aux maisons de repos pour personnes âgées, 2, 2°, c), de l'ordonnance du 17 janvier 1992 de la Commission communautaire commune relatif aux établissements hébergeant des personnes âgées et 3, 1°, a), du décret de la Commission communautaire française du 22 mars 2007 relatif à la politique d'hébergement et d'accueil à mener envers les personnes âgées, qu'au sens courant de ce terme qui désigne le « lieu où une personne habite effectivement durant un certain temps (ou a un centre d'activités), sans y avoir nécessairement son domicile » (Le Nouveau Petit Robert de langue française 2009), ou le « fait de demeurer habituellement en un lieu déterminé ; cette habitation elle-même » (Le Larousse).

Partant, dans l'interprétation que retient l'arrêt, l'article 3, § 1er, c), de l'ordonnance du 23 juillet 1992, lu en combinaison avec l'article 3, § 1er, a), de cette même ordonnance et, pour autant que de besoin, ledit article 3, § 1er, a), emporteraient une discrimination injustifiée et sans rapport de proportion avec les objectifs de l'ordonnance du 23 juillet 1992 entre, d'une part, les propriétaires ou titulaires de droits réels sur une maison de repos et les propriétaires ou titulaires de droits réels sur un autre type de résidence -notamment les seigneuries qui hébergent également des personnes âgées -, les premiers étant seuls soumis à la taxe et non les seconds.

Si, par impossible, la première branche du moyen devait être écartée, quod non, il y aurait partant lieu de poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :

L'article 3, § 1er, c), de l'ordonnance du 23 juillet 1992 de la Région de Bruxelles-Capitale relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles, dans sa version antérieure à sa modification par l'article 2 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 1er mars 2007, lu en combinaison avec l'article 3, § 1er, a), de ladite ordonnance et, pour autant que de besoin, l'article 3, § 1er, a), de ladite ordonnance violent-t-ils les articles 10 et 11 de la Constitution s'ils sont interprétés comme excluant, d'une part, du champ d'application de la taxe prévue par l'ordonnance du 23 juillet 1992 les propriétaires ou titulaires de droits réels sur des seigneuries et autres établissements d'habitation collective mais comme mettant, d'autre part, cette taxe à charge des propriétaires ou titulaires de droits réels sur un immeuble bâti qui est affecté à l'hébergement collectif de personnes âgées qui résident dans cet immeuble, alors que tant les premiers que les seconds sont propriétaires de ou titulaires de droits réels sur un immeuble affecté à un usage d'habitation et donc résidentiel qu'entend favoriser ladite

ordonnance ?

La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et déduite du défaut d'intérêt :

Le moyen reproche à l'arrêt de déclarer recevable l'appel formé par la défenderesse représentée par son gouvernement, en la personne de son ministre-président, alors que ce dernier était sans compétence pour introduire cet appel, dirigé contre un jugement ayant statué sur l'application d'une ordonnance du conseil de la Région de Bruxelles-Capitale relative à une taxe régionale.

Une partie au procès ne peut critiquer en cassation une décision sur la procédure rendue en conformité avec ses conclusions.

Ayant demandé en conclusions à la cour d'appel de déclarer recevable l'appel formé par la défenderesse ainsi représentée, en se bornant à en contester le fondement, la demanderesse est sans grief contre l'arrêt qui, conformément à ces conclusions, dit l'appel de la défenderesse recevable.

La fin de non-recevoir est fondée.

Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

En vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 23 juillet 1992 de la Région de Bruxelles-Capitale relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles, il est établi, à partir de l'exercice 1993, une taxe annuelle à charge des occupants d'immeubles bâtis situés sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et de titulaires de droits réels sur des immeubles non affectés à la résidence.

L'article 3, § 1er, a), de cette ordonnance, dans sa version applicable en l'espèce, dispose que la taxe est à charge de tout chef de ménage occupant, à titre de résidence principale ou secondaire, tout ou partie de l'immeuble bâti situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et que constitue un ménage au sens de ladite ordonnance soit une personne vivant seule, soit la réunion de deux ou plusieurs personnes qui résident habituellement dans le même logement et y ont une vie commune.

Suivant l'article 3, § 1er, c), dans sa version applicable en l'espèce, la taxe est à charge du propriétaire en pleine propriété ou, à défaut d'un propriétaire en pleine propriété, de l'emphytéote, de l'usufruitier, du superficiaire ou du titulaire du droit d'usage pour tout ou partie d'immeuble bâti, situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, non affecté à l'usage sous a).

L'arrêt énonce que, « contrairement à une seigneurie, les personnes hébergées collectivement dans l'immeuble de la [demanderesse] à Jette ne vivent pas seules dans des résidences séparées au sein de l'immeuble [et qu'] elles ne sont pas non plus des personnes ayant une vie commune dans un même logement sous l'autorité d'un chef de ménage ».

L'arrêt, qui considère ainsi que, compte tenu du caractère collectif de leur hébergement, les personnes résidant dans l'immeuble de la demanderesse ne constituent pas des ménages au sens de l'article 3, § 1er, a), précité, ne viole aucune des dispositions légales visées au moyen, en cette branche, en décidant que la demanderesse est tenue au paiement de la taxe litigieuse sur la base de l'article 3, § 1er, c).

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

Sur la première fin de non-recevoir opposée au moyen, en cette branche, par la défenderesse et déduite de ce qu'il ne reproche pas à la cour d'appel d'avoir fait application d'une disposition inconstitutionnelle :

Le moyen, en cette branche, soutient que, « dans l'interprétation que retient l'arrêt, l'article 3, § 1er, c), de l'ordonnance du 23 juillet 1992, dans sa version antérieure à sa modification par l'article 2 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 1er mars 2007 », disposition dont l'arrêt fait application, « lu en combinaison avec l'article 3, § 1er, a), emporterait [la] discrimination » qu'il expose, en contravention avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Il reproche ainsi à la cour d'appel d'avoir fait application d'une disposition inconstitutionnelle.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur la seconde fin de non-recevoir opposée au moyen, en cette branche, par la défenderesse et déduite de ce que le moyen ne vise pas les article 170 et 172 de la Constitution alors que le litige est d'ordre fiscal :

D'une part, l'article 170 de la Constitution est étranger au principe d'égalité et de non-discrimination.

D'autre part, ce principe est inscrit dans les articles 10 et 11 de la Constitution, dont le moyen, en cette branche, invoque la violation.

L'article 172 se limitant à faire application de ce principe en matière d'impôts, la violation des articles 10 et 11 suffirait, si le moyen était fondé, à emporter la cassation.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le fondement du moyen, en cette branche :

La demanderesse soutient qu'interprétés comme il est dit en réponse à la première branche, les articles de l'ordonnance du 23 juillet 1992 cités dans la réponse à la première fin de non-recevoir violent les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils établissent une discrimination entre les propriétaires d'immeubles bâtis situés sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale ou des titulaires de droits réels sur de tels biens qui les affectent à un établissement d'habitation collective comportant des résidences séparées occupées chacune par un ménage, telle une seigneurie, et ceux qui affectent ces biens à l'hébergement collectif de personnes âgées.

Conformément à l'article 26, § 1er, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la Cour constitutionnelle statue, à titre préjudiciel, par voie d'arrêt, sur les questions relatives à la violation par une loi des articles 10 et 11 de la Constitution.

En vertu de l'article 26, § 2, de ladite loi spéciale, la Cour est tenue de poser à la Cour constitutionnelle la question libellée au dispositif du présent arrêt.

Par ces motifs,

La Cour

Sursoit à statuer jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle ait répondu à la question préjudicielle suivante :

L'article 3, § 1er, c), de l'ordonnance du 23 juillet 1992 de la Région de Bruxelles-Capitale relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles, dans sa version antérieure à sa modification par l'article 2 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 1er mars 2007, lu en combinaison avec l'article 3, § 1er, a), et, pour autant que de besoin, l'article 3, § 1er, a), de ladite ordonnance violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution dans l'interprétation suivant laquelle

- ils excluent, d'une part, du champ d'application de la taxe prévue par cette ordonnance les propriétaires d'un immeuble bâti situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale ou les titulaires de droits réels sur un tel bien qui l'affectent à un établissement d'habitation collective comportant des résidences séparées occupées chacune par un ménage, telle une seigneurie,

- mais mettent, d'autre part, cette taxe à charge des propriétaires ou titulaires de droits réels qui affectent ce bien à l'hébergement collectif de personnes âgées,

alors que tant les premiers que les seconds sont titulaires d'un droit de propriété ou d'autres droits réels sur un immeuble affecté à un usage d'habitation et donc à un usage résidentiel ?

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Christian Storck, les conseillers Albert Fettweis, Sylviane Velu, Martine Regout et Gustave Steffens, et prononcé en audience publique du quatorze mai deux mille dix par le président Christian Storck, en présence de l'avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.