Cour de cassation: Arrêt du 2 octobre 2002 (Belgique). RG P020643F

Datum :
02-10-2002
Taal :
Frans Nederlands
Grootte :
4 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20021002-9
Rolnummer :
P020643F

Samenvatting :

Les pouvoirs publics qui, suite à la faute d'un tiers, doivent continuer à payer la rémunération et les charges grevant la rémunération en vertu d'obligations légales ou réglementaires qui leur incombent, sans bénéficier de prestations de travail en contrepartie, ont droit à une indemnité dans la mesure où ils subissent ainsi un dommage (1); le fait qu'un agent volontaire à la Protection civile n'est pas tenu de prester un nombre d'heures de travail fixe et prédéterminé mais fournit, en raison de la nature même de ses fonctions, des prestations plus ou moins importantes de jour ou de nuit suivant les nécessités et les urgences de son service, n'empêche pas que l'autorité est privée, pendant les périodes des incapacités de travail d'un tel agent, de toutes les prestations de travail que celui-ci aurait pu fournir pendant lesdites périodes et qui aurait constitué la contrepartie des rémunérations et charges décaissées par l'autorité pour cet agent pendant ces périodes. (1) Cass., 19 février 2001, RG C.99.0183.N, n° 98; 19 février 2001, RG C.99.0228.N, n° 99; 19 février 2001, RG C.00.0242.N, n° 100.

Arrest :

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N° P.02.0643.F
1. G. F., prévenu,
2. AXA BELGIUM, société anonyme dont le siège est établi à Watermael-Boitsfort, Boulevard du Souverain 25,
partie intervenue volontairement,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Adolphe Houtekier, avocat à la Cour de cassation
contre
ETAT BELGE, représenté par le ministre de l'Intérieur dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Royale, 66, et par le ministre des Finances dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la loi, 12,
partie civile,
représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Les pourvois sont dirigés contre un jugement rendu le 15 mars 2002 par le tribunal correctionnel de Liège, statuant en degré d'appel.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Albert Fettweis a fait rapport.
L'avocat général Raymond Loop a conclu.
III. Les moyens de cassation
Les demandeurs présentent un moyen ainsi libellé :
Dispositions violées
- Articles 1382, 1383, du Code civil ;
- Article 14, ,§3, de la loi du 3 juillet 1967 sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public ;
- Article 1er de l'arrêté royal du 24 janvier 1969 " relatif à la réparation, en faveur de ses membres du personnel des administrations et des autres services de l'Etat et de certains membres du personnel des établissements d'enseignement subventionnés, des dommages résultant des accidents du travail et des accidents survenus sur le chemin du travail ".
Décisions et motifs critiqués
Le jugement attaqué de modification partielle a condamné les demandeurs à payer à l'Etat belge, ministre de l'Intérieur, 14.875,59 euros, correspondant aux indemnités versées au sieur S. pour les périodes d'incapacité temporaire du 27 décembre 1993 au 31 décembre 1994, et ministre des Finances, 6.232,54 euros, correspondant à la capitalisation de la rente, aux motifs " qu'il n'est pas contestable, en fonction de ce qui précède, que l'Etat belge entende récupérer, en application de l'article 1382 du Code civil, l'intégralité des sommes décaissées en faveur de M. S.; qu'il importe peu que ces sommes aient été versées à titre d'indemnités pour les différentes périodes d'incapacité ou à titre de rente, à dater du mois de janvier 1995, puisqu'il est établi et non contestable, sur base de pièces produites, que ces sommes ont été effectivement payées à la victime de l'accident litigieux ; que la faute à l'origine du dommage n'est pas contestée ni contestable ; qu'en ce qui concerne le dommage, il ne peut être soutenu, comme tente de le faire la société anonyme Axa Royale belge et le prévenu F. G., que l'Etat belge n'aurait pas subi de préjudice au motif que M.
S. n'exerçait pas ses fonctions à la Protection civile et comme facteur des Postes ; qu'il résulte en tout cas de manière certaine qu'à la date de l'accident, M. S. était bien en activité à la Protection civile, à la suite d'inondations intervenues à Hony ; qu'en son arrêt du 9 mars 1999, la Cour de cassation a estimé que : "la perte temporaire de prestations d'un travailleur, à la suite des blessures encourues par celui-ci à la suite d'un accident, est en soi un dommage dans le chef de l'employeur même si celui-ci peut compenser cette perte en chargeant momentanément d'autres de ses propres travailleurs, qu'il aurait même éventuellement engagés au préalable en vue d'une telle circonstance, de l'exécution de ces prestations " ; qu'il est certain que, sans la faute de M. G.F., le dommage tel qu'il s'est produit 'in concreto' ne se serait pas réalisé puisque les décaissements de l'Etat belge auraient été compensés par leur contrepartie normale, à savoir l'accomplissement par son agent de ces prestations de travail et l'avantage économique qu'en retire nécessairement celui-ci ; qu'à juste titre, le premier juge a souligné que le dommage était propre à l'Etat belge , s'agissant des sommes qu'il a effectivement décaissées, pièces justificatives à l'appui, ce qui est différent des sommes perçues par l'agent-victime ; que les montants réclamés ont été réellement déboursés, alors que la partie civile Etat belge n'a pu profiter des prestations correspondantes de l'agent, même toute temporaires qu'elles puissent avoir été et pas nécessairement hypothétiques comme le soutiennent la S.A. Axa Royale belge et le prévenu G.; que les montants réclamés par l'Etat belge ne doivent pas être limités à ce que M. S. aurait pu réclamer lui-même, sur base des conclusions du rapport d'expertise médicale amiable ; que sur base de l'article 1382 du Code civil, l'Etat belge peut réclamer la totalité de son dommage et, partant, de l'ensemble de ses décaissements ; qu'il est établi que M. S.
a été dans l'incapacité de reprendre son travail jusqu'à la fin de l'année 1994, date à laquelle il a été admis légalement à la pension ; que si l'emploi de facteur des Postes n'a pu être exercé, il en était de même en ce qui concerne son activité volontaire à la Protection civile ; que les décaissements effectués sont de manière évidente en relation étroite avec les incapacités qui sont elles-mêmes la conséquence de l'accident litigieux, dont la responsabilité incombe au sieur G. ; que l'Etat belge n'a pas effectué ces décaissements seulement parce qu'il y a été obligé mais parce qu'une faute commise à l'origine par le sieur G., lors de l'accident litigieux, a engendré la nécessité de ces paiements ; qu'il en résulte, indubitablement, que sans la faute de l'auteur de l'accident, il n'y aurait pas eu ces décaissements et que l'Etat belge n'aurait pas dû supporter le dommage dont il demande réparation ; qu'il résulte des pièces produites que l'Etat belge a dû payer à la victime, M. S., les indemnités correspondantes aux périodes d'incapacités temporaires et une rente pour l'incapacité permanente, en application des articles 13 et 32 de l'arrêté royal du 24 janvier 1969 ; que l'Etat belge n'a fait que se soumettre au calcul effectué légalement par les ministères de l'Intérieur et des Finances ; que dans le cadre de l'application de l'article 1382 du Code civil, l'Etat belge ne peut voir sa réclamation limitée à concurrence des sommes qui auraient pu être réclamées par M. S., en droit commun ; qu'il " est certain que l'Etat belge qui retient, en l'espèce, le précompte (des services publics), et qui le verse à l'institution compétente peut en réclamer le remboursement à la partie responsable de l'accident, comme constituant une partie de ce qui a été payé à titre d'indemnités légales (...) " ; qu'en se basant sur la notion avérée de sommes décaissées, il n'y a pas lieu de rechercher en ce qui concerne l'indemnisation de l'incapacité permanente une rémunération nette ou de calculer l'incidence d'un précompte professionnel dû à l'administration fiscale sur la rente perçue par M. S..
Griefs
Première branche
Le fait que la victime, qui était agent volontaire à la Protection civile, effectuait le 24 décembre 1993 des opérations de pompage suite aux inondations rue du Canal à Esneux, n'implique pas que la Protection civile aurait eu des interventions à proposer au sieur S. pendant toute la période de son incapacité temporaire.
Il s'ensuit qu'il n'est pas légalement justifié que le dommage de l'Etat aurait été équivalent aux rémunérations qui auraient pu être allouées à la victime pendant la période de son incapacité temporaire. Il n'est en effet pas démontré que la victime aurait été constamment occupée par des interventions volontaires pendant toute cette période, l'activité de la victime à la protection civile n'était en effet pas à temps plein ; il s'ensuit que le dommage subi par l'Etat ne s'élève donc pas nécessairement à la hauteur des sommes que celui-ci a déboursées et qui font l'objet de sa réclamation (violation des articles 1382, 1383 du Code civil),
Deuxième branche
La somme de 851.500 fr., réclamée par l'Etat défendeur, était composée de 600.080 fr. correspondant aux indemnités versées à la victime pour la période d'incapacité temporaire totale du 27 décembre 1993 au 31 décembre 1994 et de 251.420 fr. correspondant à la capitalisation de la rente annuelle versée à la victime. Les demandeurs ne peuvent, dans ces conditions, être condamnés à payer plus que les dommages-intérêts auxquels la victime elle-même avait droit en droit commun en vertu de son incapacité temporaire, abstraction faite des payements effectués par le défendeur. Le dommage réclamé par le défendeur est en effet lié à l'incapacité subie par la victime et ne peut excéder le dommage subi de ce fait par la victime elle-même et l'Etat, par l'effet de la subrogation, n'a pas plus de droits que la victime elle-même en a en droit commun (violation des articles 1382, 1383 du Code civil, 14, ,§ 3, de la loi du 3 juillet 1967, 1er , de l'arrêté royal du 24 janvier 1969).
IV. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
Attendu que dans la mesure où il invoque une violation de l'article 1er de l'arrêté royal du 24 janvier 1969 " relatif à la réparation, en faveur de ses membres du personnel des administrations et des autres services de l'Etat et de certains membres du personnel des établissements d'enseignement subventionnés, des dommages résultant des accidents du travail et des accidents survenus sur le chemin du travail ", (lire : relatif à la réparation, en faveur de membres du personnel du secteur public, des dommages résultant des accidents du travail et des accidents survenus sur le chemin du travail) le moyen est irrecevable à défaut de précision ;
Attendu que, pour le surplus, il ressort des pièces de la procédure que le défendeur a dirigé son action contre les demandeurs, à titre principal, sur la base de l'article 1382 du Code civil en vue d'obtenir réparation de son préjudice propre, à savoir les décaissements opérés sans la contrepartie des prestations de travail de son agent J.S., consécutivement à l'accident litigieux du 24 décembre 1993 et que c'est sur la base de cette disposition que le jugement attaqué a fait droit à cette action ;
Attendu qu'en considérant que le défendeur a agi en lieu et place de son agent S.sur la base de la subrogation prévue à l'article 14, ,§3, de la loi du 3 juillet 1967 sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public, et qu'il a été indemnisé sur la base de cette subrogation, le moyen, en cette branche, procède d'une interprétation inexacte du jugement attaqué et, partant, à cet égard, manque en fait ;
Quant à la première branche :
Attendu qu'en vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, celui qui cause à autrui un dommage par sa faute est tenu d'indemniser intégralement ce dommage, ce qui implique le rétablissement du préjudicié dans l'état où il serait demeuré si l'acte dont il se plaint n'avait pas été commis ;
Que les pouvoirs publics qui, à la suite de la faute d'un tiers, doivent continuer à payer à l'un de leurs agents la rémunération et les charges grevant la rémunération en vertu d'obligations légales ou réglementaires qui leur incombent, sans bénéficier de prestations de travail en contrepartie, ont droit à une indemnité dans la mesure où il subissent ainsi un dommage ;
Attendu que le fait qu'un agent volontaire à la Protection civile n'est pas tenu de prester un nombre d'heures de travail fixe et prédéterminé mais fournit, en raison de la nature même de ses fonctions, des prestations plus ou moins importantes de jour ou de nuit suivant les nécessités et les urgences de son service, n'empêche pas que l'autorité est privée, pendant les périodes des incapacités de travail d'un tel agent, de toutes les prestations de travail que celui-ci aurait pu fournir pendant lesdites périodes et qui aurait constitué la contrepartie des rémunérations et charges décaissées par l'autorité pour cet agent pendant ces périodes ;
Attendu qu'en allouant au défendeur une indemnité égale à la totalité des rémunérations et charges grevant cette rémunération décaissées pendant les incapacités de travail de son agent, aux motifs que " les montants réclamés ont été réellement déboursés, alors que (le défendeur) n'a pu profiter des prestations correspondantes de l'agent, même toutes temporaires qu'elles puissent avoir été et pas nécessairement hypothétiques comme le soutiennent (les demanderesses) ", les juges d'appel ont légalement justifié leur décision ;
Que le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés à la somme de cent quatre-vingt un euros quatre centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Marc Lahousse, président de section, Francis Fischer, Jean de Codt, Frédéric Close et Albert Fettweis, conseillers, et prononcé en audience publique du deux octobre deux mille deux par Marc Lahousse, président de section, en présence de Raymond Loop, avocat général, avec l'assistance de Jacqueline Pigeolet, greffier.