Cour de cassation: Arrêt du 20 janvier 2004 (Belgique). RG P031189N

Datum :
20-01-2004
Taal :
Frans Nederlands
Grootte :
10 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20040120-16
Rolnummer :
P031189N

Samenvatting :

La règle de l'article 2, alinéa 2, du Code pénal selon laquelle si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquée, est également applicable lorsqu'une nouvelle loi abroge la sanction de l'infraction, pour autant que cette nouvelle loi ne vise pas incontestablement à voir appliquer cette cause exclusive de peine aux infractions commises sous l'empire de l'ancienne loi, ce qui peut ressortir notamment du régime de la loi (1). (1) Cass., 3 octobre 2000, RG P.00.0432.N, n° 511.

Arrest :

Voeg het document toe aan een map () om te beginnen met annoteren.
N° P.03.1189.N
I.
PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'ANVERS,
contre
1. S. H. A. I. B.,
2. H. J. M. E.,
Me Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,
3. D. B. J. G. M.,
4. D. B. P. J. M. I.,
prévenus,
le troisième et le quatrième, Mes Raf Verstraeten et Bart Spriet, avocats au barreau de Bruxelles,
II.
H. J.,
prévenu,
Me Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. COMMUNE DE VILLERS-LA-VILLE,
2. REGION WALLONE,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
3. L. A.,
4. V. V.,
5. S. B.,
6. B. M.,
7. W. C.,
8. D. B.,
9. G. F.,
10. C. J.,
11. D. C.,
12. C. S.,
13. C. G.,
14. C. R.,
15. V. C. A.,
D. V.,
16. V. C. C.,
17. D. S. L. S.,
parties civiles,
III.
H. J.,
prévenu,
Me Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. COMMUNE DE VILLERS-LA-VILLE,
2. REGION WALLONE,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
3. L. A.,
4. V. V.,
5. S. B.,
6. B. M.,
7. W. C.,
8. D. B.,
9. G. F.,
10. C. J.,
11. D. C.,
12. C. S.,
13. C. G.,
14. C. R.,
15. V. C. A.,
D. V.,
16. V. C. C.,
17. D. S. L. S.,
parties civiles,
IV.
1. REGION WALLONE,
2. COMMUNAUTE FRANCAISE,
parties civiles,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. S. H.,
2. C. W. C. M. L.,
3. H. J.,
Me Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,
4. D. B. J.,
5. D. B. P.,
prévenus,
6. LES SABLIERES REUNIES, société anonyme,
7. DE BLOCK, société anonyme,
8. GEBROEDERS DE BLOCK, société privée à responsabilités limités,
parties civilement responsables,
la quatrième, la cinquième, la septième et la huitième parties, Mes Raf Verstraeten et Bart Spriet, avocat au barreau de Bruxelles,
V.
1. C. J.,
2. D. C.,
3. C. S.,
4. C. G.,
5. C. R.,
6. L. A.,
7. V. V.,
8. V. L. M.,
V. L. D.,
9. S. B.,
10. B. M.,
11. W. C.,
12. D. B.,
13. G. F.,
14. V. C. A.,
15. D. V.,
16. V. C. A.,
D. V.,
17. V. C. C.,
18. V. L. M.,
V. L. D.,
19. D. S. L. S.,
20. P. C.,
P. R.,
P. J.,
P. M.-A.,
P. B.,
P. M.,
P. B.,
P. D.,
parties civiles,
contre
1. S. H.,
2. H. J.,
3. D. B. J.,
4. D. B. P.,
prévenus,
5. LES SABLIERES REUNIES, société anonyme,
6. DE BLOCK, société anonyme,
7. DE BLOCK GEBROEDERS, société privée à responsabilités limités,
parties civilement responsables.
I. La décision attaquée
Le pourvoi du demandeur sub I est dirigé contre (la décision rendue sur l'action publique de) l'arrêt rendu le 30 juin 2003 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le pourvoi du demandeur sub II est dirigé contre les dispositions rendues au civil "ainsi que contre toutes les considérations et décisions à charge" dudit arrêt.
Le pourvoi du demandeur sub V est dirigé contre ce même arrêt, "contre toutes les dispositions qui produisent un dommage (dans le chef des demandeurs)" ;
Les pourvois des demandeurs sub III et IV sont dirigés contre les arrêts rendus les 23 juin 1995, 2 juin 1997, 18 septembre 1998, 26 mai 1999 et 30 juin 2003 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Etienne Goethals a fait rapport.
L'avocat général Patrick Duinslaeger a conclu.
III. Les moyens de cassation
IV. La décision de la Cour
A. Sur le désistement :
1. Région wallonne et Communauté française
Attendu que Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, déclare, au nom des demandeurs sub IV, se désister du pourvoi sans acquiescement, dans la mesure où il a été statué sur leur action civile dirigée contre le prévenu H. S., cette décision en ce qui le concerne ayant été rendue par défaut ;
Attendu qu'il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que des conclusions aient été prises par les demandeurs à l'audience du 4 juin 2003 sur des points litigieux au sujet desquels le défendeur H. S. n'a pu préalablement se défendre ; qu'à cet égard, les juges d'appel ont constaté "que toutes les parties ont toujours pu d'abord exposer leurs griefs avant que la possibilité leur soit offerte de répliquer, de sorte que, quelle que fut la partie à prendre d'abord la parole pour plaider, il a toujours été loisible de répliquer (...) (p. 133). Les prévenus ont eu la parole en dernier lieu et ont eu la possibilité de répondre aux conclusions en réponse versées préalablement par le ministère public et par d'autres parties et, s'ils le souhaitaient, ont encore pu déposer des conclusions à ce propos à l'audience du 4 juin 2003" (p. 134) ;
Que, comme l'ont constaté les juges d'appel, l'arrêt du 30 juin 2003 a été rendu contradictoirement, même en ce qui concerne ce défendeur ;
Qu'il n'y a pas lieu de décréter ce désistement ;
2. Région wallonne
Attendu que Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, déclare, au nom du demandeur sub IV, 1, se désister du pourvoi sans acquiescement, dans la mesure où la décision sur l'étendue du dommage ne constitue pas une décision définitive ;
Attendu que les juges d'appel n'ont rien réservé pour statuer ultérieurement ;
Qu'il n'y a pas lieu de décréter ce désistement ;
3. J. H.
Attendu que Me Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation, déclare, au nom du demandeur sub II et III, se désister du pourvoi sans acquiescement, dans la mesure où aucune décision définitive n'a été rendue sur les actions civiles de la commune de Villers-la-Ville, la Région wallonne, A. V. C., V. D., J. C., C. D., D. et M. V. L. en leur qualité de successeurs légaux de leurs parents décédés, et S. de S. L., parties civiles ;
Attendu que, cependant, le demandeur a été condamné à payer, à concurrence de 3/5, à :
- la commune de Villers-la-Ville : 1 euro à titre provisionnel ;
- la Région wallonne : 750.000 euros à titre provisionnel ;
Que les juges d'appel n'ont rien réservé pour statuer ultérieurement ;
Que ces décisions constituent des décisions définitives susceptibles d'un pourvoi en cassation, de sorte qu'il n'y a pas lieu, dans cette mesure, de décréter le désistement ;
Attendu que, pour le surplus, le désistement peut être décrété ;
B. Sur la recevabilité des pourvois :
1. J. H.
Attendu qu'en application de l'article 438 du Code d'instruction criminelle, le pourvoi du demandeur sub II et III du 14 juillet 2003 est irrecevable dans la mesure où il est également dirigé contre la décision "rendue au civil ainsi que contre toutes les considérations et décisions à charge" par l'arrêt du 30 juin 2003, ce qui faisait déjà l'objet du pourvoi du 10 juillet 2003 ;
2. Les demandeurs sub V
Attendu que la signification des pourvois ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard ;
Que ces pourvois sont irrecevables ;
C. Sur les moyens du demandeur sub I :
Attendu que les défendeurs H. et De B. allèguent l'irrecevabilité des moyens du procureur général parce que l'action publique exercée pour les préventions concernées L, O, P, Q et R est éteinte par prescription ;
Attendu que les préventions L et P se prolongent "jusqu'au 8 janvier 1992", à savoir une date de commencement, dans le calcul de la prescription, ultérieure à la date du 12 décembre 1990 admise par les juges d'appel ;
Attendu qu'est imprécise la fin de non-recevoir du défendeur H. rejetant la prescription sans mentionner d'actes suspensifs ou interruptifs ;
Attendu que les défendeurs De B. allèguent également la prescription par le motif que la décision du 22 juin 1995 de reporter l'examen de l'affaire en vue de l'accomplissement d'actes d'instruction complémentaires a été prétendument prise d'office par la cour d'appel, mettant ainsi un terme dès le 23 juin 1995 à la suspension de la prescription, et sans que la décision du 26 juin 1998 de reporter la décision n'interrompe la prescription, de sorte que la prescription ait été quoi qu'il en soit acquise le 28 mai 2003 à 24 h ;
Attendu que la décision par laquelle la juridiction de jugement remet la cause également à la demande d'une partie autre que le ministère public en vue de l'accomplissement d'actes d'instruction complémentaires concernant le fait mis à charge ne peut être considérée comme une décision de la juridiction de jugement rendue d'office ou sur requête du ministère public au sens de l'article 24, 1°, alinéa 2, deuxième tiret, du Code d'instruction criminelle ; qu'à cet effet, il suffit que la demande adressée au juge par cette partie soit aussi déterminante pour l'instruction complémentaire, sans qu'il soit toutefois requis que la juridiction de jugement n'ordonne que l'acte d'instruction qui est demandé par la partie concernée ;
Attendu qu'il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir fondée sur le caractère 'd'office' de la décision de sursis rendue par la juridiction de jugement en vue de l'accomplissement d'actes d'instruction complémentaires en raison du fait qu'elle concerne principalement des éléments non compris dans la demande formulée par les parties autres que le ministère public ;
Attendu que les moyens sont dirigés contre l'arrêt du 30 juin 2003 qui a décidé le renvoi des poursuites du chef des préventions L, O, P, Q, R.1 et R.2 parce que les agissements punissables ont cessé de l'être ;
Attendu que l'article 2, alinéa 2, du Code pénal prévoit que si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquée ; que cette règle est également applicable lorsqu'une nouvelle loi abroge la sanction de l'infraction, pour autant que cette nouvelle loi n'ait pas incontestablement pour objectif de ne pas voir appliquer cette cause exclusive de peine aux infractions commises sous l'empire de l'ancienne loi, ce qui peut ressortir notamment du régime de la loi ;
Attendu qu'il ressort de la combinaison des articles 8, 3°, 11, 64, 65 et 76 du décret de la Région wallonne du 27 juin 1996 relatif aux déchets, que la suspension de l'obligation d'obtenir un permis pour l'implantation et l'exploitation d'une installation de regroupement ou d'élimination des déchets prévue à l'article 11, n'est que temporaire dans l'attente de règles à déterminer par le gouvernement en vue de l'application de cet article et la détermination d'une date d'entrée en vigueur ;
Attendu qu'il ressort de la circonstance que cette suspension de l'obligation d'obtenir un permis est subordonnée à l'absence temporaire d'arrêtés d'exécution pris à cet effet, circonstance qui n'existait pas à l'époque de la loi abrogée, que la nouvelle disposition légale n'a incontestablement pas pour objectif que cette abrogation serait applicable aux infractions commises sous l'empire de l'ancienne loi ;
Que les moyens sont fondés ;
D. Sur les moyens du demandeur sub II et III :
1. Premier moyen
1.1. Première branche
Attendu que l'abrogation du caractère punissable des faits entraîne uniquement l'extinction de l'action publique ; que, cependant, cette modification n'a pas pour conséquence que ces faits ne constitueraient plus une faute ni que le juge pénal devant lequel l'action civile a été intentée au moment où les faits étaient encore punissables, perdrait ainsi sa compétence ;
Qu'en cette branche, le moyen manque en droit ;
1.2. Seconde branche
Attendu qu'il n'est pas contradictoire de décider, d'une part, que les préventions O, P et R.1 ne sont plus punissables en application de l'article 2, alinéa 2, du Code pénal et de l'article 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de sorte qu'il y a lieu d'accorder le renvoi des poursuites à leur égard, et, d'autre part, que les faits de ces préventions constituent une faute établie pour laquelle des dommages et intérêts doivent être accordés ;
Qu'en cette branche, le moyen manque en fait ;
2. Deuxième moyen
Attendu que, par les motifs énoncés dans le moyen, les juges d'appel ont répondu à la défense du demandeur qui ne concerne que l'action publique ;
Que le moyen manque en fait ;
3. Troisième moyen
Attendu qu'il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le demandeur a invoqué dans ses conclusions un partage de responsabilité en raison de la faute qu'aurait commise la Région wallonne elle-même, partie défenderesse, et qui aurait contribué à provoquer le dommage subi par cette dernière ; que cela ne constitue pas un moyen d'ordre public, de sorte que les juges d'appel ne pouvaient eux-mêmes soulever ce moyen ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
E. Sur les moyens des demandeurs sub IV :
1. Premier moyen
1.1. Deuxième branche
Attendu que les juges d'appel n'ont pas fondé leur décision déclarant irrecevable l'action publique exercée du chef des préventions K, M et N, sur la dangerosité des déchets au sens de la directive 84/631/CE, mais sur l'origine étrangère de ces déchets et sur l'incompatibilité qu'ils ont constatée entre, d'une part, les articles 1er et 2 des arrêtés de l'Exécutif wallon du 17 mai 1983 et du 19 mars 1987 qui interdisent fondamentalement et formellement le dépôt en Région wallonne de déchets étrangers et, d'autre part, la directive susmentionnée qui permet la circulation transfrontalière de déchets dangereux ;
Qu'en cette branche, le moyen manque en fait ;
1.2. Troisième branche
Attendu que les juges d'appel n'ont pas décidé que la directive 84/631/CE a eu un effet immédiat le 1er octobre 1985 ; qu'ils ont uniquement déclaré que le principe de cette directive permettant la circulation transfrontalière de déchets dangereux a eu un effet immédiat à cette date ;
Qu'en cette branche, le moyen manque en fait ;
1.3. Quatrième branche
Attendu que, par son arrêt du 9 juillet 1992, la Cour de justice des Communautés européennes a décidé en la cause C2/90, notamment en ce qui concerne l'arrêté de l'Exécutif wallon du 19 mars 1987 :
- qu'il convient d'observer concernant la directive 84/631/CE, qu'un système a été instauré sur la base duquel les autorités nationales concernées ont la faculté de soulever des objections et donc d'interdire un transfert transfrontalier de déchets dangereux déterminé, exclusivement pour faire face aux problèmes relatifs, d'une part, à la protection de l'environnement et de la santé et, d'autre part, à l'ordre et à la sécurité nationale ;
- que, cependant, cette réglementation ne laisse aucune possibilité d'instaurer une interdiction générale sur ce transport ;
- que, dès lors, il y a lieu de constater que la réglementation belge contestée, dans la mesure où elle introduit une interdiction absolue d'importer des déchets dangereux en Wallonie, n'est pas conforme à la directive en question ;
Attendu que, forts de cette constatation, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision selon laquelle il résulte de la primauté de la directive 84/631/CE sur le droit national que l'arrêté de l'Exécutif wallon du 19 mars 1987 ainsi que l'arrêté du 17 mai 1983 instaurant une interdiction générale analogue, ne peuvent être appliqués ;
Qu'en cette branche, le moyen ne peut être accueilli ;
1.4. Sixième branche
Attendu qu'en cas d'incompatibilité avec le droit communautaire, le juge ne peut que refuser l'application de la disposition légale interne, sans pouvoir lui-même adapter cette disposition au droit communautaire à la place du législateur ;
Attendu que les arrêtés de l'Exécutif wallon du 17 mai 1983 et du 19 mars 1987 interdisent formellement le dépôt de déchets étrangers en Région wallonne, en ce compris les déchets dangereux ; que, par conséquent, sur la base de l'incompatibilité qu'ils ont constatée entre ces dispositions, et le droit communautaire qui permet la circulation transfrontalière de déchets dangereux, les juges d'appel étaient tenus d'écarter l'application de ces dispositions telles quelles ;
Attendu que les juges d'appel n'ont pas décidé que toute condamnation sur la base de ces arrêtés de l'Exécutif wallon du 17 mars 1983 et du 19 mars 1987 était inconciliable avec le droit communautaire ; qu'ils ont uniquement conclu à l'inadmissibilité d'une condamnation du chef d'infraction à l'interdiction formulée dans ces arrêtés de mettre en dépôt des déchets étrangers ; que, plus précisément, une telle interdiction, du fait de son caractère général et non nuancé, est inconciliable avec la directive 84/631/CE qui autorise la circulation transfrontalière de déchets dangereux ;
Attendu que, partant, les juges d'appel n'ont pas déclaré que l'article 2 de la directive précitée est applicable à tous les déchets sans distinction, ni ne limitent le champ d'application des arrêtés précités aux déchets dangereux, visés dans cette directive ;
Que, dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait ;
Attendu que, pour le surplus, dans la mesure où il est totalement déduit de cette lecture erronée de l'arrêt, le moyen, en cette branche, est dès lors irrecevable ;
1.5. Septième branche
Attendu qu'en cette branche, le moyen allègue que, pour appliquer rétroactivement la loi pénale, il ne peut être tenu compte du droit communautaire qui ne contient pas de dispositions pénales, mais uniquement des principes de droit interne ;
Que, notamment, une application rétroactive ne peut être opérée lorsque les arrêtés successifs portent tous exécution d'une même loi-cadre, sans modifier l'infraction qu'elle qualifie ;
Que le caractère temporaire ou permanent, variable ou invariable du droit environnemental relatif à la circulation transfrontalière des déchets n'influence pas l'application de ce principe ;
Attendu que la transposition tardive du droit communautaire dans le droit interne entraîne un état d'impunité du fait que, d'une part, le juge ne peut appliquer aucune disposition de droit interne qui n'est pas conciliable avec ce droit communautaire, y compris les dispositions pénales, d'autre part, la nouvelle incrimination ne vaut qu'à partir de l'entrée en vigueur tant de la norme européenne que de la disposition interne qui la rend punissable ;
Attendu que ladite impunité résulte de la primauté du droit européen sur la loi interne, et ne peut être rendue sans effet par cette dernière, de quelque manière que ce soit ; que, par conséquent, ni un règlement interne de sanction entre la loi et les dispositions d'exécution, ni le caractère temporaire ou variable du droit environnemental n'y font obstacle ;
Attendu que l'article 2, alinéa 2, du Code pénal, prévoit que si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquée ; que cette règle est également applicable si, entre le moment de l'infraction et le moment du jugement, aucune peine ne peut être appliquée pour cause d'incompatibilité de la loi interne avec la norme européenne ;
Qu'en cette branche, le moyen manque en droit ;
1.6. Huitième branche
Attendu qu'en cette branche, le moyen invoque que, de manière analogue au droit interne qui établit qu'un arrêté pris en exécution d'une loi antérieure reste applicable tant que la nouvelle loi n'y fait pas obstacle, il n'a pas été légalement décidé "que les faits concernés ne sont pas restés punissables selon les nouvelles normes comprises dans le Règlement 259/93 du Conseil des Communautés européennes", dès lors que cette réglementation ne fait que développer et préciser davantage le transfert transfrontalier de déchets, ainsi que le prévoyait précédemment la directive 84/631/CE ;
Attendu que les juges d'appel n'étaient pas tenus d'examiner l'application ultérieure d'une transposition par ailleurs inexistante de la directive 84/631/CE dans la législation nationale et régionale ensuite de l'entrée en vigueur d'une norme européenne postérieure ; qu'ils devaient uniquement examiner dans quelle mesure l'arrêté du gouvernement wallon du 9 juin 1994 pris en exécution du règlement 259/93, par lequel l'interdiction de mettre en dépôt des déchets étrangers a été supprimée, pouvait être appliquée rétroactivement aux faits commis antérieurement comme disposition pénale plus favorable conformément à l'article 2, alinéa 2, du Code pénal ;
Qu'en cette branche, le moyen ne peut être accueilli ;
1.7. Première, cinquième, neuvième et dixième branches
Attendu que les juges d'appel ont décidé qu'en application de l'article 2, alinéa 2, du Code pénal, les préventions K, M et N ne sont plus punissables en raison de incompatibilité de la loi interne et du droit communautaire, et de la transposition tardive de ce droit communautaire dans le droit pénal interne, pour une période courant du 1er octobre 1985 au 29 juillet 1994 ; que ces griefs sont irrecevables dans la mesure où, biens que fondés, ils ne critiquent pas ces motifs et ne sauraient ainsi entraîner une cassation ;
2. Deuxième moyen
2.1. Première branche
Attendu que l'arrêt fonde non seulement l'irrecevabilité de l'action publique exercée du chef des préventions K et M relatives au dépôt en Région wallonne de déchets étrangers, sur l'incompatibilité des arrêtés applicables de l'Exécutif wallon avec l'Union économique belge, mais également sur leur incompatibilité avec les normes européennes relatives à la circulation transfrontalière des déchets, ainsi que sur l'abrogation des dispositions pénales applicables par l'arrêté postérieur du 9 juin 1994 ;
Qu'est irrecevable le moyen, en cette branche, qui, bien que fondé, ne saurait entraîner une cassation ;
2.2. Deuxième branche
Attendu que, par son arrêt du 9 juillet 1992, la Cour de justice des Communautés européennes a décidé en la cause C2/90, notamment en ce qui concerne l'arrêté de l'Exécutif wallon du 19 mars 1987 :
- qu'il convient d'observer concernant la directive 84/631/CE, qu'un système a été instauré sur la base duquel les autorités nationales concernées ont la faculté de soulever des objections et donc d'interdire un transfert transfrontalier de déchets dangereux déterminé, exclusivement pour faire face aux problèmes relatifs, d'une part, à la protection de l'environnement et de la santé et, d'autre part, à l'ordre et à la sécurité nationale ;
- que, cependant, cette réglementation ne laisse aucune possibilité d'instaurer une interdiction générale sur ce transport ;
- que, dès lors, il y a lieu de constater que la réglementation belge contestée, dans la mesure où elle introduit une interdiction absolue d'importer des déchets dangereux en Wallonie, n'est pas conforme à la directive en question ;
Attendu que, lue dans le contexte des points litigieux soulevés alors devant la Cour de justice, la décision précitée concerne également l'article 3 de l'arrêté susmentionné de l'Exécutif wallon ;
Qu'il y a lieu de lire l'interdiction énoncée dans cette disposition d'entreposer, de déposer ou de déverser, de faire entreposer, de faire déposer ou de faire déverser des déchets provenant d'une région autre que la Région wallonne, conjointement avec l'interdiction de l'article 1er existant toujours à l'époque, avant le 29 juillet 1994, et l'article 5, alinéa 2, non encore modifié alors, de ce même arrêté, qui prévoyait que "si le déchet est issu d'un processus ou sont intervenus deux ou plusieurs Etats ou régions, il est réputé provenir de l'Etat ou de la région ou a eu lieu la dernière transformation substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet" ;
Qu'étaient ainsi interdits non seulement le dépôt direct de déchets d'origine étrangère, mais également le dépôt de déchets d'origine étrangère ayant subis dans une autre région une transformation économique substantielle ;
Que, par conséquent, combiné aux articles 1er et 5 de l'arrêté du 19 mars 1987, l'article 3 a instauré une interdiction générale sur l'importation de déchets dangereux en Wallonie, ce en contradiction avec la directive 84/631/CE ;
Qu'ainsi, pour des raisons d'ordre public, la disposition précitée ne peut être appliquée ;
Qu'en cette branche, le moyen, fût-il fondé, ne saurait entraîner une cassation et est, dans cette mesure, irrecevable ;
2.3. Troisième branche
Attendu qu'en cette branche, le moyen est totalement déduit de la deuxième branche du moyen invoquée à tort, selon laquelle les arrêtés de l'Exécutif wallon du 17 mai 1983 et du 19 mars 1987 ne sont pas contraires à la notion d'Union économique belge ;
Qu'en cette branche, le moyen est irrecevable ;
3. Troisième moyen
Attendu qu'en condamnant le défendeur S. à des dommages et intérêts de 300.000 euros, les juges d'appel n'ont pas déclaré que ces dommages et intérêts "concernent simplement les faits faisant l'objet de la prévention R.1.", mais ont uniquement décidé dans quelle mesure la faute de ce défendeur a contribué au dommage né de la concordance de ces faits avec les faits des autres préventions O, P et S, pour constater sur cette base sa participation dans le dédommagement ;
Que, dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait ;
Attendu que, pour le surplus, il ne peut être décidé que les différents prévenus sont tenus solidairement, en vertu de l'article 50 du Code pénal, en raison du dommage non provoqué par la même infraction du chef de laquelle ils ont été condamnés, mais né de la concordance de cette infraction avec encore d'autres faits du chef desquels seuls certains d'entre eux ont été condamnés ;
Que, dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en droit ;
F. Sur l'étendue de la cassation :
Attendu que la cassation de la décision rendue sur l'action publique concernant notamment les préventions L et P, dont les faits se sont poursuivis "jusqu'au 8 janvier 1992", entraîne l'annulation de la décision constatant la prescription de l'action publique concernant les préventions A.I, 1 et 2, A.II, G, J et les préventions faisant l'objet des citations directes, en raison du lien étroit existant entre ces décisions ;
G. Sur l'examen d'office des décisions rendues sur l'action publique :
Attendu que, pour le surplus, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète les désistements précisés ci-dessus ;
Annule l'arrêt du 30 juin 2003 en tant qu'il statue sur l'action publique concernant les préventions A.I.1, A.I.2, A.II, G, J, L, O, P, Q, R et S, les faits sub J, L et Q limités au dépôt de peinture et les préventions énoncées dans les citations directes ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt du 30 juin 2003 partiellement cassé ;
Condamne les défendeurs H. S., J. H., J. De B. et P. De B. respectivement à un quart des frais du pourvoi du ministère public ;
Condamne les demandeurs sub II, III, IV et V aux frais de leur pourvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Edward Forrier, les conseillers Ghislain Dhaeyer, Etienne Goethals, Paul Maffei et Luc Van hoogenbemt, et prononcé en audience publique du vingt juin deux mille quatre par le président de section Edward Forrier, en présence de l'avocat général Patrick Duinslaeger, avec l'assistance du greffier adjoint principal Paul Van den Abbeel.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Close et transcrite avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.
Le greffier délégué, Le conseiller,