Cour de cassation: Arrêt du 3 octobre 2016 (Belgique). RG S.14.0109.F

Datum :
03-10-2016
Taal :
Frans Nederlands
Grootte :
11 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20161003-1
Rolnummer :
S.14.0109.F

Samenvatting :

Il suit de l'article 23 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites que le cours des intérêts n'est arrêté qu'à l'égard de la masse et non à l'égard du failli; cet article n'interdît pas à la cour du travail, saisie d'une contestation relative au contrat de travail entre le travailleur et un employeur failli, représenté par le curateur, d'octroyer des intérêts pour la période postérieure au jugement déclaratif de faillite.

Arrest :

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N° S.14.0109.F

1. Maître Christian VAN BUGGENHOUT, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106,

2. Maître Alain D'IETEREN, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de la Hulpe, 187,

3. Maître Ilse VAN DE MIEROP, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106,

agissant en qualité de curateurs à la faillite de la société anonyme Sabena,

demandeurs en cassation,

représentés par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

J.-P. N.,

défendeur en cassation,

représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 juin 2014 par la cour du travail de Bruxelles.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat général Jean Marie Genicot a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Il ressort des conclusions d'appel des demandeurs reproduites au moyen, en cette branche, que la défense opposée par les demandeurs à la demande du défendeur, déduite de l'obligation d'interpréter la notion de critère économique, employée dans la lettre du 23 août 2000, selon le sens donné par la convention collective du travail du 9 septembre 1982 entérinant le protocole d'accord relatif au bidding, concernait la situation d'un membre d'équipage faisant acte de bidding.

L'arrêt considère qu' « au point 2°, b, [du] protocole d'accord [entériné par la convention collective du 9 septembre 1982], il est précisé que : ‘l'agent [de la Sabena] en détachement à la Sobelair gardera sa convention collective et [son] contrat Sabena (afin de sauvegarder ses avantages sociaux) », qu' « en la cause, les deux parties considèrent que le contrat de travail entre [le défendeur] et la Sabena n'a pas été suspendu mais a été rompu », que « c'est à juste titre que [le défendeur] plaide que son transfert à la Sobelair n'est pas régi par la convention collective de travail relative au ‘bidding' », que, « sans être contredit sur ce point par les [demandeurs], [le défendeur] expose qu'il n'a pas demandé d'être affecté à la Sobelair mais s'est vu offrir, avec l'accord de la Sabena, de remplir une mission à durée indéterminée mais de nature temporaire et risquée », qu' « à raison, [le défendeur] soutient également que la promesse de réengagement du 23 août 2000 démontre précisément que les parties ne se trouvaient pas dans le cadre d'un ‘bidding' classique », que, « dans cette hypothèse, le retour à la Sabena aurait été de droit en cas de demande de la part [du défendeur], sans qu'il soit nécessaire de le mentionner dans un écrit particulier », et que, « si le transfert à la Sobelair avait été opéré dans le cadre du ‘bidding', la promesse de réengagement n'avait pas de sens ».

Il suit de ces énonciations que l'arrêt considère que le défendeur n'a pas fait acte de bidding.

Il n'était dès lors pas tenu de répondre aux conclusions des demandeurs reproduites au moyen, en cette branche, que sa décision privait de pertinence.

Quant à la seconde branche :

L'arrêt constate que la lettre du 23 août 2000 adressée au défendeur énonce que « la Sabena vous donne la garantie de revenir au sein de Flight Operations pour accomplir un critère économique de minimum quatre ans dans une fonction de TRE Long Haul avec un package salarial identique à celui que vous avez actuellement dans votre fonction de Fleet Manager B737 ».

Il considère que, « malgré cette formulation alambiquée et liée aux pratiques et jargon des deux sociétés d'aviation, il n'est pas contesté par les parties qu'il faut par ‘accomplir un critère économique de minimum quatre ans', entendre ‘travailler pendant quatre ans au minimum' ».

Pour décider que la Sabena avait souscrit une obligation de réengagement du défendeur pendant une période de quatre ans, la cour du travail, non seulement s'est fondée sur cette interprétation non contestée par les parties des termes « accomplir un critère économique de minimum quatre ans » stipulés dans la lettre du 23 août 2000, mais elle a également recherché la commune intention des parties en ayant recours à des éléments extrinsèques à cet acte.

L'arrêt ne donne pas ainsi de cette lettre une interprétation inconciliable avec ses termes, partant, ne viole pas la foi qui lui est due.

Par ailleurs, dès lors que l'arrêt ne considère pas que les termes de la lettre précitée sont susceptibles de deux sens, ambigus ou douteux, il n'est pas tenu de faire application des articles 1158, 1159 et 1162 du Code civil.

Enfin, l'arrêt, qui reconnaît à la lettre du 23 août 2000 les effets qu'elle a dans l'interprétation qu'il en donne, ne viole pas la force obligatoire de l'engagement que la Sabena y a souscrit.

Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut être accueilli.

Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

L'arrêt considère que le défendeur a droit à « l'indemnisation d'une obligation effective non observée par la Sabena, à savoir d'engager et rémunérer [le défendeur] pendant quatre ans » et que son dommage consiste notamment en « l'équivalent de la rémunération auquel il aurait pu prétendre pendant quatre ans, à charge de la Sabena, diminué des rémunérations perçues pendant cette période auprès d'autres employeurs ».

Il considère que « l'estimation du dommage peut s'effectuer à partir de montants bruts » aux motifs que, « si [le défendeur] avait été réengagé par la Sabena, la rémunération aurait été due en montants bruts », que « la détermination des montants nets dépend d'éléments étrangers au rapport employeur/employé, éléments liés à la situation personnelle du travailleur et des membres de sa famille », et que « les dommages et intérêts alloués constituent un avantage de toute nature obtenu en raison ou à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle, avantage imposable au sens de l'article 31, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992 ».

Il ne ressort pas de ces énonciations que l'arrêt considère que le montant des charges à supporter sur l'indemnité est équivalent au montant des cotisations de sécurité sociale qui auraient grevé la rémunération du défendeur.

L'arrêt, qui ne déduit pas ces cotisations de l'indemnité qu'il octroie, ne justifie pas légalement sa décision de condamner la Sabena en faillite à la somme de 539.053 euros.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Quant à la seconde branche :

L'article 23 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites dispose qu'à compter du jugement déclaratif de la faillite, le cours des intérêts de toute créance non garantie par un privilège spécial, par un nantissement ou par une hypothèque est arrêté à l'égard de la masse seulement et que les intérêts des créances garanties ne peuvent être réclamés que sur les sommes provenant des biens affectés au privilège, au nantissement ou à l'hypothèque.

Il suit de cette disposition que le cours des intérêts n'est arrêté qu'à l'égard de la masse et non à l'égard du failli.

Il résulte de l'article 24, alinéa 1er, de la même loi, en vertu duquel à partir du même jugement, toute action mobilière ou immobilière ne peut être suivie, intentée ou exercée que contre les curateurs, que, lorsqu'il comparaît pour contester une créance alléguée contre le débiteur en faillite devant le tribunal matériellement compétent en vertu du droit commun pour connaître de l'existence et du montant de cette créance, le curateur agit comme représentant du débiteur en faillite.

Dès lors, l'article 23 précité n'interdit pas à la cour du travail, saisie d'une contestation relative au contrat de travail entre un travailleur et un employeur failli, représenté par le curateur, d'octroyer des intérêts pour la période postérieure au jugement déclaratif de faillite.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il fixe la créance du défendeur à l'égard de la Sabena en faillite à la somme de 539.053 euros au titre de dommages et intérêts compensant l'obligation de réengagement et qu'il statue sur les dépens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;

Condamne les demandeurs à la moitié des dépens ; en réserve l'autre moitié pour qu'il soit statué sur celle-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Liège.

Les dépens taxés à la somme de trois cent nonante-six euros onze centimes envers les parties demanderesses.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Martine Regout, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du trois octobre deux mille seize par le président de section Martine Regout, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

L. Body S. Geubel M. Lemal

M. Delange D. Batselé M. Regout

Requête

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

-article 149 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994,

-articles 1158, 1159, 1162, 1134, 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Décision entreprise

Par l'arrêt entrepris du 10 juin 2014 la Cour du travail de Bruxelles fixe le montant de la créance du défendeur à l'égard de la Sabena, en faillite, au titre de dommages et intérêts compensant l'obligation de réengagement à 539.053,00 euros, augmentés des intérêts aux taux légaux successifs depuis le 1er janvier 2006, et au titre de dommages et intérêts compensant la perte de l'indemnité de fin de carrière à 54.472,25 euros, augmentés des intérêts aux taux légaux successifs depuis le 2 août 2010, et condamne la Sabena en faillite à payer au défendeur les frais et dépens des procédures d'instance et d'appel, et, partant, déclare l'appel des demandeurs non fondé, ce après avoir considéré que:

« 2. « La Sabena vous donne la garantie de revenir au sein de Flight

Grief

Première branche

Les demandeurs exposaient dans leurs conclusions d'appel addi-tionnelles et de synthèse, prises en degré d'appel, aux pages 16 et suivantes, y contestant l'existence d'une garantie d'emploi de quatre ans :

En résumé, les demandeurs exposaient dans leurs conclusions que, même si la convention collective du travail du 9 septembre 1982 entérinant le protocole d'accord relatif au ‘bidding' ne s'appliquait pas en l'espèce, encore fallait-il interpréter la notion de ‘critère économique', employée dans la lettre du 23 août 2000, au sens qui y est donné dans cette convention collective, à savoir celui d'un critère indiquant la durée pendant laquelle le membre de l'équipage désigné pour remplir une fonction déterminée s'engage à remplir cette fonc-tion, s'interdisant de solliciter avant la fin de cette durée tout autre emploi, ledit critère n'impliquant dans le chef de la Sabena aucune garantie d'emploi pendant cette même durée.

Or, la constatation faite par la cour du travail qu' « à raison, le défendeur soutient également que la promesse de réengagement du 23.08.2000 démontre précisément que les parties ne se trouvent pas dans le cadre d'un « bidding » classique » et que « la promesse de réengagement n'avait pas de sens si le transfert à la Sobelair avait été opéré dans le cadre du ‘bidding' » ne dispensait pas celle-ci de l'obligation de répondre au moyen précité, développé précisément dans l'hypothèse où la cour du travail déciderait que la convention collective du travail relative au ‘bidding' ne s'appliquait pas.

Partant, la cour du travail, qui ne répond par aucune des considé-rations de l'arrêt entrepris au moyen précité, n'a pas régulièrement motivé sa décision (violation de l'article 149 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994).

Deuxième branche

Aux termes de l'article 1134 du Code civil les conventions légale-ment formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Si le juge du fond interprète en principe de manière souveraine les textes qui lui sont soumis et sur lesquels il s'appuie, il doit toutefois respecter la foi due à ces textes, tout comme la force obligatoire de l'engagement y exprimé.

Méconnaît la foi due à un document, le juge qui en donne une in-terprétation inconciliable avec ses termes, soit en ignorant une affirmation qui y figure, soit en lui attribuant une affirmation que celle-ci ne contient pas.

De même méconnaît la force obligatoire d'un contrat ou d'un en-gagement unilatéral, le juge qui ajoute à l'engagement des conditions qui n'ont pas été convenues ou stipulées.

L'interprétation d'un texte se fait à l'aide des règles prescrites par les articles 1156 à 1164 du Code civil.

Aux termes de l'article 1158 du Code civil les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat.

L'article 1159 du Code civil dispose quant à lui que ce qui est ambigu s'interprète par ce qui est d'usage dans le pays où le contrat est passé.

L'article 1162 du Code civil précise finalement que dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.

En l'occurrence, il fut précisé dans l'écrit du 23 août 2000, adres-sé au défendeur, que « La Sabena vous donne la garantie de revenir au sein de Flight Operations pour accomplir un critère économique de minimum 4 ans dans une fonction de TRE Long Haul avec un package salarial identique à celui que vous avez actuellement dans votre fonction de Fleet Manager B737. »

S'agissant d'un document qui, comme le relève la cour du travail elle-même, était formulé dans des termes liés aux pratiques et au jargon des deux sociétés d'aviation, il s'ensuit que les termes y employés sont à interpréter dans le sens qui y est donné dans ledit jargon.

Le terme ‘critère économique' est, dans le jargon des sociétés d'aviation, un terme indiquant la durée du poste qu'un membre du personnel devra occuper obligatoirement avant de pouvoir postuler pour un autre poste, ainsi qu'il ressort de la convention collective du travail d'entreprise, conclue le 9 septembre 1982 au sein de la Sabena, entérinant le protocole d'accord relatif au ‘bidding', qui détermine les règles de priorité entre les membres d'équipage candidats à un emploi vacant en interne.

Le terme ‘critère économique' se rapporte ainsi à la durée de la fonction que le membre du personnel s'engage à remplir envers la Sabena.

Ceci est illustré par les articles suivants de ladite convention col-lective.

L'article 6.1 de la convention collective du travail, conclue le 9 septembre 1982, dispose notamment relativement à l'attribution des emplois qu'un membre du PNM ne peut exercer son choix qu'à l'égard d'une vacance d'emploi survenant après la fin de sa période d'engagement telle que fixée à l'annexe IV.

L'article 7 de la même convention collective dispose quant à la durée de l'engagement que le membre d'équipage qui fait acte de ‘bidding' positif s'engage, par là-même, à remplir sa fonction sur le même type d'appareil pendant une durée minimum, définie en annexe IV. Les durées d'engagement dues aux critères économiques telles que prévues en annexe IV seront raccourcies dans deux cas seulement précisés dans ce même article.

L'annexe IV, auquel réfèrent ces articles, concerne les durées d'engagement dues aux critères économiques. L'annexe I précise quant à lui que la « durée d'engagement » est la période correspondant à l'amortisse-ment des frais découlant pour la Société, de la formation et de l'entraînement, dits critères économiques.

Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que le ‘critère écono-mique' est en fait un critère qui indique la durée de la période, pendant laquelle le membre du personnel devra occuper obligatoirement le poste qui lui est attribué sans pouvoir postuler pour un autre poste, toute idée de garantie d'emploi pour une durée équivalente dans le chef de la société y étant étrangère.

Le terme ‘critère économique' a dès lors un contenu bien précis.

En l'espèce, rien n'indique que dans la lettre précitée du 23 août 2000 ledit terme n'y a pas été utilisé dans le même sens que dans celui de la convention collective du travail précitée, reflétant le jargon et les pratiques des sociétés d'aviation.

Il s'ensuit que, si dans la lettre du 23 août 2000, émanant de la Sabena, il est précisé que celle-ci garantissait au défendeur de revenir au sein de Flight Operations « pour accomplir un critère économique de minimum 4 ans dans une fonction de TRE Long Haul avec un package salarial identique à celui que vous avez actuellement dans votre fonction de Fleet Manager B737 », cette lettre ne contient pas d'autre engagement dans le chef de la Sabena que celui de permettre à ce dernier de revenir dans la société pour y occuper un poste, dont le critère économique correspondrait à 4 ans contre un package salarial spécifique.

La Sabena ne s'y engageait nullement, en cas de retour, à em-ployer le défendeur effectivement pendant quatre ans.

Il n'y est, en effet, point dit que la Sabena, qui était celle contre qui il était stipulé, s'engageait à ne pas licencier le défendeur avant l'arrivée du terme des quatre ans.

Partant, dans la mesure où la cour du travail considère en son ar-rêt entrepris que « la SABENA a donc souscrit une obligation de réengagement (du défendeur) pendant une période de 4 ans », dont l'inexécution entraînait en son chef une obligation de payer une indemnité correspondant à quatre années de salaire ainsi qu'une indemnité de fin de carrière, et, partant, admet que la Sabena avait garanti au défendeur une stabilité d'emploi de quatre ans, la cour du travail donne à la lettre du 23 août 2000 une interprétation inconciliable avec ses termes en y lisant quelque chose qui n'y figure point, à savoir un engagement d'employer le défendeur pendant une durée de quatre ans, et, partant, en a méconnu la foi (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil), interprète ledit document en violation des règles d'interprétation, notamment celles, dont il ressort que les mots d'un texte s'interprètent dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat et des usages du pays (violation des articles 1158 et 1159 du Code civil) et qu'un texte s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obligation (violation de l'article 1162 du Code civil), et viole la force obligatoire dudit engagement en y ajoutant dans le chef de la société faillie une obligation que celui ne contient pas, à savoir celui d'employer le défendeur pendant une durée de quatre ans (violation de l'article 1134 du Code civil).

DEVELOPPEMENTS

1. Dans leurs conclusions d'appel additionnelles et de synthèse les demandeurs exposaient aux pages 16 et suivantes que même si la convention collective du travail du 9 septembre 1982 relative au bidding ne s'appliquait pas en l'espèce, il fallait néanmoins interpréter la notion de ‘critère économique' dans le même sens que dans cette convention collective.

Or, dans cette convention collective le critère économique indique la durée pendant laquelle le membre d'équipage, qui postule pour un certain poste, devra exercer ledit poste avant de pouvoir solliciter pour un autre poste vacant dans la société. Toute idée de garantie d'emploi envers le membre de l'équipage y est étrangère.

En l'espèce, la cour du travail constate qu' « à raison, le défen-deur soutient également que la promesse de réengagement du 23.08.2000 démontre précisément que les parties ne se trouvent pas dans le cadre d'un « bidding » classique » et que « la promesse de réengagement n'avait pas de sens si le transfert à la Sobelair avait été opéré dans le cadre du ‘bidding' .

De la sorte elle ne répond toutefois pas au moyen précité, déve-loppé précisément dans l'hypothèse où elle déciderait que la convention collective relative au ‘bidding' ne s'appliquait pas.

Or, le fait que cette convention ne s'appliquait pas n'implique pas encore que les termes utilisés dans la lettre du 23 août 2000 n'y ont pas le même sens que dans cette convention.

Partant, l'arrêt entrepris n'est pas régulièrement motivé.

2. Dans la mesure où la cour du travail considère en son arrêt entrepris que « la SABENA a donc souscrit une obligation de réengagement (du défendeur) pendant une période de 4 ans », dont l'inexécution entraînait en son chef une obligation de payer une indemnité correspondant à quatre années de salaire ainsi qu'une indemnité de fin de carrière, et admet ainsi l'existence d'une garantie d'emploi de quatre ans, elle donne à la lettre du 23 août 2000 une interprétation inconciliable avec ses termes en y lisant quelque chose qui n'y figure point, à savoir un engagement d'employer le défendeur pendant une durée de quatre ans.

En effet, les mots de cette lettre doivent s'interpréter en ayant égard au sens que ceux-ci revêtent dans le jargon de l'aviation.

Ainsi, en est-il du terme « critère économique », qui ne dit rien à un laïc.

Il s'agit ici en effet d'un terme qui est propre au jargon des socié-tés d'aviation et aux pilotes et dont le sens est clairement indiqué dans la convention collective du travail d'entreprise, conclue le 9 septembre 1982 au sein de la Sabena, entérinant le protocole d'accord relatif au ‘bidding'.

Il en ressort effectivement que ledit terme sert uniquement à indi-quer la durée minimum que le membre du personnel s'engage à remplir une fonction déterminée avant de pouvoir se porter candidat pour une autre fonction. Ce terme n'implique aucune obligation dans le chef de la société d'aviation de maintenir ladite personne dans cette fonction pendant cette durée minimum.

Rien n'indique que ce terme a reçu un autre sens dans la lettre du 23 août 2000.

Partant, si cette lettre exprime dans le chef de la Sabena une obligation de réengager le défendeur, il n'y est nullement dit que la Sabena s'engageait à l'employer pendant quatre ans. Selon les termes de ce document, elle s'y engage uniquement à le réengager pour « accomplir un critère économique de minimum 4 ans dans une fonction de TRE Long Haul avec un package salarial identique à celui que vous avez actuellement dans votre fonction de Fleet Manager B737 », autrement dit pour exercer une fonction par rapport à laquelle le demandeur ne pourrait pas demander de changement pendant une période de quatre ans.

En y lisant une clause de garantie d'emploi de quatre ans, la cour du travail a dès lors méconnu la foi due à la lettre du 23 août 2000 ainsi que la force obligatoire dudit engagement en y ajoutant dans le chef de la société faillie une obligation que celui-ci ne contient pas, à savoir celui d'employer le défendeur pendant une durée de quatre ans.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

-articles 1142, 1147, 1149, 1150 et 1151 du Code civil,

-article 23, 1° de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs,

-articles 23 et 24 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.

Décision attaquée

Par l'arrêt entrepris du 10 juin 2014 la Cour du travail de Bruxelles fixe le montant de la créance du défendeur à l'égard de la Sabena, en faillite, au titre de dommages et intérêts compensant l'obligation de réengagement à 539.053,00 euros, augmentés des intérêts aux taux légaux successifs depuis le 1er janvier 2006, au titre de dommages et intérêts compensant la perte de l'indemnité de fin de carrière à 54.472,25 euros, augmentés des intérêts aux taux légaux successifs depuis le 2 août 2010, et condamne la Sabena en faillite à payer au défendeur les frais et dépens des procédures d'instance et d'appel, et, partant, déclare l'appel des demandeurs non fondé, et ce après avoir considéré que:

Grief

Première branche

Aux termes de l'article 1142 du Code civil toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur.

Selon l'article 1147 du Code civil le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'article 1149 du Code civil dispose que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

Selon l'article 1150 du Code civil le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.

L'article 1151 du Code civil stipule que dans le cas même où l'inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre, à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention.

L'indemnité ne peut toutefois pas être cause d'enrichissement.

En l'occurrence, le défendeur postulait l'octroi de dommages et intérêts en raison de la non-exécution de la promesse de réengagement pendant quatre ans.

En application des dispositions précitées cette indemnité ne pou-vait comprendre que ce qui constituait une perte de gain en son chef.

Les demandeurs faisaient valoir devant la cour du travail à la page 21 de leurs conclusions d'appel additionnelles et de synthèse que le défendeur ne pouvait point faire valoir des droits aux cotisations sociales, qui devaient être déduites de l'indemnité demandée, tout comme le montant correspondant aux précomptes professionnels.

Il ressort, en effet, de l'article 23, 1° de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs que sont imputées sur la rémunération du travailleur: les retenues effectuées en application de la législation fiscale, de la législation relative à la sécurité sociale et en application des conventions particulières ou collectives concernant les avantages complémentaires de sécurité sociale.

Si la cour du travail constate que l'indemnité sera elle-même im-posable comme un avantage au sens de l'article 31, 2° du Code de l'impôt sur les revenus, ce qui peut justifier la décision de ne pas déduire de celle-ci le montant correspondant aux précomptes professionnels, elle ne constate pas qu'il en est même du montant correspondant aux cotisations de la sécurité sociale qui, aux termes de l'article précité, auraient été retenues de ladite rémunération.

Partant, la cour du travail, qui accorde au défendeur une indemni-té correspondant au montant brut des rémunérations qui auraient dû être payées au défendeur pendant quatre ans, en ce compris le montant correspondant aux cotisations sociales, accorde au défendeur une indemnité qui englobe plus que le dommage réellement subi par celui-ci et, partant, ne motive pas légalement en droit sa décision (violation des articles 1142, 1147, 1149, 1150 et 1151 du Code civil et 23, 1° de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs).

Seconde branche

Aux termes de l'article 23 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, à compter du jugement déclaratif de la faillite, le cours des intérêts de toute créance non garantie par un privilège spécial, par un nantissement ou par une hypothèque, est arrêté à l'égard de la masse seulement. Les intérêts des créances garanties ne peuvent être réclamés que sur les sommes provenant des biens affectés au privilège, au nantissement ou à l'hypothèque.

L'article 24 de ladite loi dispose qu'à partir du même jugement, toute action mobilière ou immobilière, toute voie d'exécution sur les meubles ou immeubles, ne peut être suivie, intentée ou exercée que contre les curateurs. Le tribunal peut néanmoins recevoir le failli partie intervenante. Les décisions rendues sur les actions suivies ou intentées contre le failli personnellement ne sont pas opposables à la masse.

En l'occurrence, l'action du défendeur était exercée contre les curateurs.

Il s'ensuit que celle-ci ne pouvait tendre à l'octroi d'intérêts, sauf l'hypothèse d'une créance privilégiée.

Partant, dans la mesure où la cour du travail fixe le montant de la créance du défendeur à l'égard de la Sabena, en faillite, au titre de dommages et intérêts compensant l'obligation de réengagement, à 539.053,00 euros, augmentés des intérêts aux taux légaux successifs depuis le 1er janvier 2006, et, au titre de dommages et intérêts compensant la perte de l'indemnité de fin de carrière, à 54.472,25 euros, augmentés des intérêts aux taux légaux successifs depuis le 2 août 2010, alors que seuls les curateurs étaient à la cause, elle ne motive pas légalement en droit sa décision (violation des articles 23 et 24 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites).

DEVELOPPEMENTS

1. Les demandeurs faisaient valoir devant la cour du travail à la page 21 de leurs conclusions d'appel additionnelles et de synthèse que le défendeur ne pouvait point faire valoir des droits aux cotisations sociales, qui devaient être déduites de l'indemnité demandée, tout comme le montant correspondant aux précomptes professionnels.

L'article 23, 1° de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs dispose en effet que sont imputées sur la rémunération du travailleur: les retenues effectuées en application de la législation fiscale, de la législation relative à la sécurité sociale et en application des conventions particulières ou collectives concernant les avantages complémentaires de sécurité sociale.

Partant, en incluant dans le montant de l'indemnité également les cotisations sociales, la cour du travail accorde au défendeur une indemnité qui excède le dommage réellement subi par celui-ci.

2. La cour du travail viole également les articles 23 et 24 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites en fixant le montant de la créance du défendeur à l'égard de la Sabena, en faillite, au titre de dommages et intérêts compensant l'obligation de réengagement à 539.053,00 euros, augmentés des intérêts aux taux légaux successifs depuis le 1er janvier 2006, au titre de dommages et intérêts compensant la perte de l'indemnité de fin de carrière à 54.472,25 euros, augmentés des intérêts aux taux légaux successifs depuis le 2 août 2010, alors que seuls les curateurs étaient à la cause et qu'à compter du jugement déclaratif de la faillite, le cours des intérêts de toute créance non garantie par un privilège spécial, par un nantissement ou par une hypothèque, est arrêté à l'égard de la masse seulement.

PAR CES CONSIDERATIONS

Conclut pour les demandeurs, l'avocat à la Cour de cassation soussignée, qu'il Vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt entrepris, renvoyer la cause et les parties à une autre cour du travail ; dépens comme de droit.

Bruxelles, le 29 décembre 2014

Pièces jointes au présent pourvoi:

1) une copie de l'exploit de signification du 29 septembre 2014 de l'arrêt entrepris, en lequel le défendeur a fait élection de domicile en l'étude des huissiers de justice Michel et Dominique Leroy, Marc Verjans ainsi que Thierry Van Diest, établie à 1050 Ixelles, avenue de la Couronne, 358,

2) une copie déclarée conforme par l'avocat à la Cour de Cassation soussignée de la lettre du 23 août 2000, adressée par Sabena au défendeur,

3) une copie déclarée conforme par l'avocat à la Cour de Cassation soussignée de la convention collective du travail du 9 septembre 1982, entérinant le protocole d'accord relatif au ‘Bidding' PNM