Cour d'appel: Arrêt du 27 mai 2010 (Bruxelles). RG RG : 2005/AR/946

Datum :
27-05-2010
Taal :
Frans
Grootte :
5 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20100527-2
Rolnummer :
RG : 2005/AR/946

Samenvatting :

L'absence de devis a pour conséquence qu'en principe c'est le prestataire de services qui apprécie la valeur de son travail. Le juge exerce toutefois un contrôle marginal chaque fois que le prestataire de services applique de mauvaise foi des prix anormalement élevés (Jan Ronse, Le contrôle marginal dans le droit privé, T.P.R., 1977, p.215).

Arrest :

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N°: LA COUR d'APPEL DE BRUXELLES

7ième chambre,

R.G. N°: 2005/AR/946 siégeant en matière civile,

N° rép.: 2010/ après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

EN CAUSE DE :

Mme Danielle A., cadre de direction, domiciliée à

appelante,

représentée par Maître Antonella RASA loco Maître Jean-Pierre MAHAUX, avocat à 1050 BRUXELLES, rue du Tabellion, 58,

CONTRE :

La S.A. ROBIX, dont le siège social est établi à 4400 FLEMALLE, rue des Semailles 30/1, inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises sous le numéro 0461.328.931.,

intimée,

représentée par Maître Hannes VERVENNE loco Maître Marie DEBONGNIE, avocat à 1000 BRUXELLES, rue du Congrès, 49,

ARRET DEFINITIF

Appel très partiellement

fondé

Vu les pièces de la procédure, notamment :

- le jugement dont appel prononcé contradictoirement le 24 janvier 2005 par le tribunal de première instance de Bruxelles, décision dont il n'est pas produit d'acte de signification,

- la requête d'appel déposée au greffe de la cour le 8 avril 2005,

Le litige porte principalement sur la question de savoir si la facturation des travaux de plomberie (chauffage) et de sanitaire exécutés par la SA ROBIX dans la maison de Danielle A. n'a pas été anormalement élevée.

I. Le contexte du litige

Le 13 décembre 2000, la SA ROBIX a commencé à remplacer le boiler dans l'urgence et sans devis. Ce remplacement a été poursuivi le 21 décembre 2000.

Selon la SA ROBIX ce travail a pris beaucoup de temps en raison de la difficulté d'accès à la cave : il a été nécessaire de démonter et de remonter l'escalier de la cave, ce qui a nécessité beaucoup de main d'œuvre.

Le 9 janvier 2001, les travaux se sont terminés par le placement de la porte pliante de la douche et la finition des sanitaires (fiches de chantier - voir pièce 9 de la SA ROBIX).

Diverses pièces pour les sanitaires ont été fournies (2 mitigeurs, 4 robinets, 1 flexible pour la douche).

La SA ROBIX expose qu'elle a envoyé sa facture après la fin des travaux, en janvier 2001, mais elle a daté celle-ci au 29 décembre 2000 pour des raisons de comptabilité. Les matériaux avaient été achetés en décembre 2000.

La grande majorité des prestations, soit 42 heures sur 48, avait également été exécutée en décembre 2000.

La facture, qui s'élève à un montant de 168.304 BEF TVAC, mentionne les prestations et les fournitures suivantes :

- démontage de l'escalier de la cave

- vidange de l'installation de chauffage

- démontage et évacuation de l'ancien boiler

- fourniture et pose d'un nouveau boiler 200L

- fourniture et pose de 2 nouvelles têtes de vanne

- remplacement du vase d'expansion

- remplissage et remise en route de l'installation de chauffage

- remontage de l'escalier

- fourniture et pose dans les salles de bains et WC de :

- 2 mitigeurs lavabo

- 1 mitigeur bain/douche

- 2 pommeaux de douche Relaxa Grohé 4 jets

- 2 flexibles de douche Grohé 2M

- 2 supports de douchette Grohé Relaxa

- 1 siphon bouteille chromé 5/4 + crépine

- 10 robinets Schell

- 1 purgeur automatique ½ équerre

Le 13 février 2001, le compagnon de Danielle A. demande par courrier le détail de la facture.

La SA ROBIX déclare y avoir répondu par téléphone.

Le compagnon de Danielle A. insiste à nouveau, le 23 mars 2001, pour obtenir le détail des coûts. En outre il conteste les travaux non urgents exécutés d'initiative et sans devis préalable.

Par fax du 21 mai 2001, la SA ROBIX adresse au compagnon de Danielle A. le détail des prix poste par poste.

Le 20 août 2001, la SA ROBIX met Danielle A. en demeure de payer le montant facturé.

La citation en justice est signifiée à la requête de la SA ROBIX, le 3 janvier 2002, à Danielle A..

II. L'objet de l'action et de l'appel

L'action originaire introduite par la SA ROBIX tend à la condamnation de Danielle A. au paiement des montants suivants :

- la facture du 29/12/2000 : 4.172,14 euro

- des intérêts conventionnels de 12% par an : 500,65 euro

- la clause pénale de 15% : 625,82 euro

---------------

TOTAL : 5.298,61 euro

En cours de procédure, le 24 juin 2003, Danielle A. exécute un paiement de 2.775,61 euro , qui correspond à la somme dont elle reconnaît implicitement être redevable.

Par le jugement dont appel, le premier juge dit la demande de la SA ROBIX en paiement du solde de 1.396,53 euro en principal fondée. Ce montant en principal de la condamnation, augmenté des accessoires, a été consigné le 23 août 2005 par Danielle A., à la Caisse de Dépôts et Consignations à concurrence de 2.908,47 euro .

A défaut de preuve d'acceptation des conditions générales par Danielle A., les intérêts conventionnels et la clause pénale sont rejetés par le premier juge, qui en revanche, octroie des intérêts «moratoires» et judiciaires au taux légal.

* * * * *

L'appel a pour objet :

- de déclarer l'action originaire de la SA ROBIX non fondée,

- après avoir prononcé la nullité du contrat d'entreprise, de déclarer satisfactoire le paiement de 2.775,61 euro effectué le 24 juin 2003 par Danielle A. et de dire que le paiement a éteint sa dette envers la SA ROBIX,

- de réformer à tout le moins le jugement attaqué quant au double emploi des intérêts octroyés ,

- d'ordonner la restitution des sommes que Danielle A. a cantonnées.

La SA ROBIX ne forme pas d'appel incident quant à la non-application de ses conditions générales.

III. Quant au prix du matériel et de la main d'œuvre

1. Danielle A. reconnaît qu'il n'y a pas eu de devis pour la première phase des travaux exécutée dans l'urgence mais affirme que par la suite elle avait demandé un devis, qui ne lui est jamais parvenu.

La prétendue demande de devis pour la suite des travaux ne ressort pas cependant des éléments du dossier.

L'absence de devis en l'espèce n'a rien d'étonnant puisque, le compagnon de Danielle A., le docteur De L., connaissait la SA ROBIX à la suite de travaux effectués auparavant dans sa Nouvelle Clinique de la Basilique.

L'absence de devis a pour conséquence qu'en principe c'est le prestataire de services qui apprécie la valeur de son travail.

Le juge exerce toutefois un contrôle marginal chaque fois que le prestataire de services applique de mauvaise foi des prix anormalement élevés (Jan Ronse, Le contrôle marginal dans le droit privé, T.P.R., 1977, p.215).

Danielle A. soutient que le prix facturé par la SA ROBIX est anormalement élevé.

Elle invoque l'article 1 § 2 de la loi du 22 janvier 1945 sur la réglementation économique et les prix, qui interdit de vendre à des prix supérieurs aux prix normaux.

Selon Danielle A. la violation de cette interdiction entraîne la nullité du contrat en application de l'article 6 du Code civil.

La question de savoir si le prix réclamé par la SA ROBIX est un prix anormal sera examinée à la fin de l'arrêt sous le titre « conclusion », après avoir répondu aux diverses contestations soulevées par Danielle A..

Malgré l'absence de devis, Danielle A. ne peut sérieusement soutenir que la SA ROBIX aurait agi de sa propre initiative. Elle a donné accès aux lieux. Elle a eu l'occasion de suivre l'évolution des travaux. Dans la correspondance avant citation, ce point de la contestation n'a pas été soulevé.

2. Afin d'étayer sa thèse selon laquelle le prix facturé est exagéré, Danielle A. produit deux attestations, qu'elle a elle-même sollicitées.

Il s'agit de l'avis de l'architecte Pinto Goncalves, qui déclare notamment :

- qu'il lui est difficile de juger des prestations effectuées,

- que certains montants lui paraissent élevés,

- que le prix de 24.085 BEF pour une paroi de douche semble largement dépasser le prix d'une paroi ordinaire, qui s'élève à environ 12.000 BEF,

- que les montants liés à la main d'œuvre soit 48 heures lui semblent quelque peu exagérés.

Danielle A. produit également un avis de Mr Van de Vyver du Bureau Détangh SA, qui estime :

- qu'en ce qui concerne le matériel sanitaire les prix unitaires paraissent normaux pour des prix comprenant la pose, mais que compte tenu du fait que la main d'œuvre est comptabilisée séparément, tous les prix unitaires devraient être diminués de 15 à 20%,

- que le même raisonnement vaut pour le matériel du chauffage,

- que le nombre d'heures de prestations est exagérément élevé,

- que les cinq déplacements portés en compte n'étaient pas nécessaires,

- que le décompte de la SA ROBIX n'a pas été effectué avec tout le sérieux voulu.

Ces avis ont été rédigés à la requête de Danielle A. : ils sont unilatéraux et dès lors, inopposables à la SA ROBIX.

En tout état de cause, ces avis ne sont pas convaincants : ces deux experts techniques ne se sont même pas rendus sur les lieux des travaux, pour juger des prestations et du matériel fournis par la SA ROBIX.

3. La SA ROBIX conteste avoir facturé des prix pour le matériel, qui auraient inclus la pose de celui-ci.

Elle affirme que la main d'œuvre en sus du matériel est justifiée. Elle produit les factures de ses fournisseurs la SPRL H&P F. et la SA V., qui détaille les prix qu'elle a payés en amont (voir pièces 6 et 7 de Robix).

Danielle A. prétend que le coût du matériel serait anormalement élevé.

La SA ROBIX établit de manière détaillée avoir acheté ses fournitures auprès de ses grossistes :

1) la SPRL H&P F. à concurrence de 78.814 BEF (pièces 6 - 2 pages),

2) la SA V. à concurrence de 6.801 BEF.

Il y a également du petit matériel provenant de son stock à concurrence de 2.752 BEF.

Les experts techniques consultés par Danielle A. font des comparaisons qui n'ont pas de fondement suffisant.

La porte pliante pour douche a coûté 20.085 BEF à la SA ROBIX (prix de grossiste).

Prétendre qu'il y a déjà des portes à 12.000 BEF, n'est pas pertinent, puisqu'un autre modèle a été fourni. Le prix facturé de 24.085 BEF est suffisamment justifié.

4. Danielle A. conteste le nombre d'heures de main d'œuvre (48 heures) porté en compte.

Cependant les fiches de chantier justifient ce nombre d'heures (pièces reprises sous le numéro 9 dans le dossier de la SA ROBIX).

La SA ROBIX rappelle en conclusions (page 9 - seconde moitié) un certain nombre de travaux, dont certains exécutés avec difficulté.

La SA ROBIX précise que le patron Thomas B. a également presté 3 heures + 4 heures, qui en principe ne sont pas reprises dans les fiches de chantier.

5. Le nombre de 5 déplacements est suffisamment justifié par les fiches de chantier (pièce 9 de ROBIX) ( avec deux camionnettes pour le transport des ouvriers et pour aller chercher les fournitures).

6. Le montant facturé de 158.777 BEF HTVA est composé, des postes suivants :

- fournitures : 78.814 BEF + 6.801 BEF + 2.752 BEF = 88.367 BEF

- heures prestées : 48 selon 3 barèmes = 65.610 BEF

- déplacements : 5 x 960 BEF = 4.800 BEF

----------------

TOTAL de la facture HTVA = 158.777 BEF

(pour plus de détails voir la pièce 8 de la SA ROBIX).

IV. Conclusion

Danielle A. ne conteste pas la réalité des travaux, ni leur bonne exécution.

Les seules contestations portent sur le prix du matériel et la quantité de main d'œuvre lesquels sont cependant établis à suffisance devant la cour, par les pièces produites par la SA ROBIX.

Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'est pas établi que le prix facturé par la SA ROBIX à Danielle A. à la date du 29 décembre 2000 serait anormalement élevé. La prétendue nullité du contrat n'est dès lors pas prouvée.

Le montant de 2.775,61 euro payé par Danielle A. n'est pas satisfactoire. Le premier jugement doit être confirmé quant au solde dû en principal.

V. Quant aux intérêts

Le premier juge a condamné Danielle A. au paiement des intérêts sur le montant total de la facture, qui s'élève à 4.172,14 euro , entre le 20 août 2001 et le 24 juin 2003, date à laquelle Danielle A. a payé le montant qu'elle estimait devoir à la SA ROBIX soit 2.775,61 euro .

Il a également condamné Danielle A. aux mêmes intérêts sur le solde de la facture soit 1.396,53 euro , faisant toutefois courir ces intérêts à nouveau à partir du 20 août 2001 au lieu du 24 juin 2003.

Par son appel Danielle A. demande, à raison, de corriger ce double emploi des intérêts.

La SA ROBIX marque son accord sur ce point.

VI. Quant aux dépens

A l'audience du 21 janvier 2010, les parties se sont déclarées d'accord de liquider l'indemnité de procédure d'appel au montant de base de 900,00 euro .

VII. Quant à l'exécution provisoire et au cantonnement

A tort, la SA ROBIX sollicite que l'arrêt soit assorti de l'exécution provisoire alors que l'arrêt rendu contradictoirement en degré d'appel est exécutoire de plein droit.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande relative au cantonnement qui concerne l'exécution du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant contradictoirement;

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;

Reçoit l'appel et le dit non fondé, sauf en ce qui concerne la date de départ de certains intérêts;

Et statuant à nouveau sur ce point précis :

Dit que les intérêts judiciaires au taux légal sur la somme de 1.396,53 euro commencent à courir à partir du 24 juin 2003 et non à compter du 20 août 2001 comme mentionné dans le jugement dont appel;

Condamne Danielle A. aux dépens d'appel, liquidés pour la SA ROBIX à l'indemnité de procédure de base de 900,00 euro .

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique de la 7ème chambre de la cour d'appel de Bruxelles, le 27 MAI 2010

où étaient présents:

Dominique RUTSAERT, président,

Myriam REMION, conseiller,

Franklin HUISMAN, conseiller,

Jan VAN DEN BOSSCHE, greffier

VAN DEN BOSSCHE HUISMAN

REMION RUTSAERT