Cour du Travail: Arrêt du 5 janvier 2006 (Bruxelles). RG 46962

Datum :
05-01-2006
Taal :
Frans
Grootte :
5 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20060105-3
Rolnummer :
46962

Samenvatting :

xxxLa seule constatation de prestations de travail fournies sous l'autorité d'une autre personne par des ressortissants étrangers qui ne sont pas admis ou autorisés à séjourner plus de trois mois en Belgique ou à s'y établir, quel que soit le cadre juridique sous couvert duquel elles sont fournies, suffit pour infliger une amende administrative à l'employeur.

Arrest :

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Rep.N°_________ COUR DU TRAVAIL DE BRUXELLES
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ARRET
AUDIENCE PUBLIQUE DU CINQ JANVIER DEUX MILLE SIX.
2ème CHAMBRE
Amendes administratives
Contradictoire
Définitif
Notif. 583 C.J.
En cause de :
Monsieur E.O., , faisant élection de domicile en le cabinet de O.G., avocat,
appelant, comparant par M. L. loco M. G., avocats à Bruxelles,
Contre :
le SERVICE PUBLIC FEDERAL EMPLOI, TRAVAIL ET CONCERTATION SOCIALE, Monsieur le Directeur Général, Services du Président, Direction des amendes Administratives , rue Ernest Blérot, 1 à 1070 Bruxelles,
intimé, comparant par Maître J. Beauthier, avocat à Bruxelles,
La Cour, après en avoir délibéré, prononce l'arrêt suivant :
Vu, produites en forme régulière, les pièces de la procédure légalement requises et notamment :
- la copie certifiée conforme du jugement prononcé contradictoirement le 22 juin 2005 par la septième Chambre du Tribunal du Travail de Bruxelles ;
- la requête d'appel reçue le 22 juillet 2005 au greffe de notre Cour ;
- les conclusions déposées le 23 août 2005 par l'intimé ;
Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire ;
Entendu les parties en leurs dires et moyens à l'audience publique extraordinaire du 7 décembre 2005 ainsi que Monsieur PALUMBO M. , Avocat Général , en son avis oral conforme ;
Attendu que les parties n'ont pas formulé de réplique sur l'avis du Ministère Public ;
Attendu que l'appel introduit dans les formes et délais légaux est recevable ;
FAITS ET PROCEDURE.
Attendu que les faits peuvent se résumer de la manière suivante :
L'appelant a fait l'objet, sur le territoire de la Commune de Schaerbeek, de la part de la Police de Bruxelles, d'un procès-verbal n° BR.45.036192/02, daté du 5 avril 2002, ayant donné lieu à l'ouverture d'un dossier n° 2003/81070, à l'occasion d'une descente dans un immeuble appartenant à l'appelant, sis;
Il est reproché à l'appelant dans ce contexte, d' " avoir fait ou laissé travailler un ressortissant étranger qui n'est pas admis ou autorisé à séjourner plus de trois mois en Belgique ou à s'y établir sans avoir reçu au préalable l'autorisation requise de l'autorité compétente " ;
Six ressortissants de nationalité bulgare étaient concernés, à savoir Messieurs K. H., Y. I., R. R., Y.
A., S. S. et K. S .
L'appelant a par ailleurs fait l'objet, de la part du bureau régional de Bruxelles de l'Inspection sociale, d'un procès-verbal n° 09/39073, daté du 31 octobre 2002, ayant donné lieu à l'ouverture d'un dossier n° 2002/78107.
Il est reproché à l'appelant, à cette occasion, de " faire obstacle à la surveillance organisée en vertu de la loi mentionnée ci-dessous et de ses arrêtés d'exécution " (loi du 16 novembre 1972 concernant l'inspection du travail).
Monsieur l'Auditeur du travail près le Tribunal du travail de Bruxelles ayant décidé de ne pas intenter de poursuites pénales à l'encontre de l'appelant, le dossier a été transmis en date du 23 décembre 2002, à la partie intimée, en vue de l'application éventuelle d'amendes administratives.
La partie intimée a infligé à l'appelant une amende administrative de neuf mille euros (9.000,00 EUR), en vertu de l'article 12,1°, a de la loi du 30 avril 1999 relative à l'occupation de travailleurs étrangers, et de l'article 1er bis , ,§ 1er, 1°, a de la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives.
L'intimé estime que l'appelant a agi en qualité d' " employeur " vis- à-vis de trois des six ressortissants bulgares énumérés ci-dessus, à savoir Messieurs R. R., S. S. et K. H.
La décision litigieuse reproche à l'appelant d'avoir " occupé au travail " lesdites trois personnes, en violation de l'article 4, ,§ 1er, alinéa 1er de la loi du 30 avril 1999 relative à l'occupation des travailleurs étrangers (Infraction " A ").
En ce qui concerne les trois autres personnes visées par le procès-verbal du 5 avril 2002, à savoir Messieurs Y.I., Y.A. et K.S., ladite décision a jugé que le " lien de subordination " entre l'appelant et lesdites trois personnes n'était pas " suffisamment " établi.
Après admission de circonstances atténuantes, il a été infligé à l'appelant par cette même décision, une amende administrative chiffrée à trois mille euros (3.000,00 EUR) par personne occupée irrégulièrement, soit neuf mille euros (9.000,00 EUR) au total.
La même décision a par contre considéré que l'infraction " B ", relative aux entraves mises à l'exercice de la mission de surveillance confiée à l'Inspection sociale, n'était pas établie.
L'appelant a introduit un recours à l'encontre de cette décision administrative, devant le Tribunal du travail de Bruxelles, par requête du 23 juillet 2004.
La septième Chambre du Tribunal du travail de Bruxelles a rendu, en date du 22 juin 2005, un jugement confirmant la décision administrative litigieuse et condamnant l'actuel appelant aux dépens.
Dans la requête d'appel qu'il a déposée le 22 juillet 2005, Monsieur E.Ypostule la réformation du jugement attaqué et, à titre principal, de le décharger de la condamnation à une quelconque amende administrative, et à titre subsidiaire, de ne retenir contre lui que les charges en ce qui concerne Monsieur Kirov Hristo et de réduire l'amende de 9.000 à 3.000 euros.
DISCUSSION
Attendu que l'appelant fait valoir qu'il n'aurait jamais agi en qualité " d'employeur " ;
Qu'entre lui et Messieurs R.R. et S.S. il existait un bail de rénovation ;
Que Monsieur H. K. n'était qu'un ami ;
Attendu que Monsieur E. invoque fort opportunément avoir signé un contrat de bail le 4 avril 2002 ( soit la veille du contrôle) avec Messieurs R.R. et S.S. ; il soutient qu'ils avaient loué le 3ème étage pour un montant de 10.000 BEF par mois, mais avoir accepté la gratuité pendant trois mois pour les travaux qu'ils effectueraient ;
Que le bail invoqué porte sur une période de trois mois, prenant cours le 4 avril 2002 ;
Que contrairement à ce qui a été indiqué par l'appelant dans son audition, ce bail prévoyait le paiement d'un loyer de 10.000 BEF par mois, outre 10.000 BEF de garantie ;
Attendu que le premier juge, dans un jugement particulièrement bien motivé, souligne que l'immeuble était délabré et insalubre, alors que la loi exige qu'un bien loué réponde aux exigences élémentaires de sécurité, de salubrité et d'habitabilité (loi du 20 février 1991, article 2) ;
Qu'il poursuit en disant qu'en outre, si l'on en croit l'appelant, ce bail a été signé la veille du contrôle or il suffit de lire l'audition (identique) des deux travailleurs bulgares concernés, pour constater que ceux-ci cherchaient un travail et qu'aucun bail (simple ou de rénovation) n'est mentionné : " (...) Je voulais trouver du travail en Hollande, mais finalement il y a environ 15 jours, je suis venu en Belgique accompagné de S. S. Nous espérions trouver du travail ici. (...) Il y a deux jours j'ai rencontré E.O., dans un café, et il nous a proposé de travailler chez lui dans sa maison et entretemps comme une sorte de paiement nous pourrions avoir une chambre dans cette maison pour une durée de deux mois sans payer de loyer. Après, je devais me débrouiller. (...) " ;
Attendu que le premier juge en conclut donc que la thèse de " bail de rénovation " est venue plus tard et ne résiste pas à l'analyse ;
Attendu que le contrat de bail invoqué par l'appelant ne peut être considéré comme un bail dit " de rénovation " ;
Qu'ainsi l'article 8 de la loi du 20 février 1991 précitée invoqué par l'appelant précise que : " Les parties peuvent convenir par écrit à tout moment que le preneur s'engage à réaliser à ses frais dans le bien loué des travaux déterminés, qui incombent au bailleur. Elles doivent fixer le délai dans lequel ces travaux doivent être exécutés.
Dans ce cas, il peut être dérogé à l'article 2 (c'est-à-dire aux conditions élémentaires de salubrité) à la condition que les travaux envisagés visent à mettre le bien loué en conformité avec les exigences de cet article, que ces travaux soient décrits avec précision, que le début des travaux soit fixé dans un délai raisonnable et qu'aucun loyer ne soit exigible pendant la durée convenue pour ceux-ci, étant entendu que cette durée ne peut être inférieure à celle qui est raisonnablement nécessaire pour les effectuer.
En contrepartie des travaux, le bailleur s'engage à renoncer pendant une période déterminée et qui peut être supérieure à neuf années, à la faculté de mettre fin au bail ou à la faculté de demander la révision du loyer, ou il s'engage à concéder au preneur une diminution ou une remise de loyer.
A la demande de la partie la plus diligente, il est procédé à une réception contradictoire des travaux au terme de leur réalisation. "
Attendu que le bail produit ne répond manifestement pas à ces conditions ;
Qu'il résulte dès lors de l'analyse précitée que les dénégations de l'appelant tentent vainement de masquer le fait que, sous le couvert d'un prétendu " bail de rénovation ", il a en réalité fait exécuter une partie non négligeable de travaux d'aménagement de son immeuble par des ressortissants étrangers, en séjour illégal en Belgique, travaillant sous son autorité ;
Attendu que, comme le précise à juste titre le premier juge, l'occupation illégale de travailleurs étrangers est réprimée par l'article 12,1° de la loi du 30 avril 1999 ; que cette infraction vise toute prestation de travail fournie sous l'autorité d'une autre personne; qu'elle s'applique non seulement aux personnes occupées sous contrat de travail mais également, par la technique de l'assimilation, à toute personne qui ne possède pas la nationalité belge et qui, autrement qu'en vertu d'un contrat de louage de travail, fournit des prestations de travail sous l'autorité d'une autre personne ;
Attendu à ce sujet que la loi du 30 avril 1999 relative à l'occupation de travailleurs étrangers, qui a remplacé l'arrêté royal n° 34 du 20 juillet 1967, reprend exactement la qualification des faits tel qu'ils étaient incriminés par cet arrêté royal ;
Que, comme les juridictions du travail l'ont déjà précisé, le champ d'application dudit arrêt royal, et donc de la loi du 30 avril 1999 précitée, a été défini de façon large, son article 1er, alinéa 2 (l'article 3, 1° de la loi du 30 avril 1999) assimilant aux travailleurs les ressortissants étrangers qui, autrement qu'en vertu d'un contrat de travail, fournissent des prestations de travail sous l'autorité d'une autre personne ;
Que cette conception extensive de la notion de subordination par la technique de l'assimilation, traditionnelle en matière de sécurité sociale (voir par exemple l'article 2, ,§ 1er de la loi du 27 juin 1969) s'explique par la volonté du législateur de lutter contre le travail clandestin ;
Qu'ainsi, la seule constatation de prestations de travail effectuées sous l'autorité d'une autre personne, quel que soit le cadre juridique sous couvert duquel elles sont effectuées, rentre dans le champ d'application de la loi du 30 avril 1999 ;
Attendu qu'en ce qui concerne Monsieur H. K. , la Cour de céans estime que c'est à juste titre que le premier juge a rejeté l'argumentation de l'appelant invoquant des liens d'amitié ;
Qu'à ce sujet, le premier juge précise d'ailleurs à bon droit que le précité effectuait des prestations pour l'appelant et que même s'il ignore l'exacte contrepartie de ces prestations (espèces ou nature), il n'en reste pas moins que ces prestations étaient effectuées (avec l'aide de trois autres personnes) sous l'autorité et pour le compte de l'appelant ;
Qu'il poursuit en disant que ce constat suffit pour établir l'infraction et que la décision querellée est correctement motivée sur ce point également ;
Attendu que Monsieur K. H. se trouvait au rez-de-chaussée de l'immeuble ; qu'il était en train d'évacuer des détritus et qu'il est évident qu'il accomplissait ce travail pour le compte de l'appelant;
Que comme rappelé dans la décision litigieuse, les liens amicaux et l'absence de rémunération ne sont pas exclusifs d'une relation de travail ;
Qu'en effet, il convient de préciser que l'intéressé est venu travailler pour le compte de l'appelant accompagné d'une main-d'oeuvre importante , à savoir son frère et ses deux cousins ;
Que le travail considérable ainsi réalisé ne pouvait dès lors plus être considéré comme un simple service gratuit ; qu'en effet, les prestations effectuées par les personnes précitées rentrent bien dans le circuit économique des biens et des services et revêtent un caractère productif ;
Qu'il importe encore de préciser à ce sujet que ce n'est pas moins de six sujets de nationalité bulgare, séjournant en Belgique sans permis de séjour ni permis de travail, qui ont été trouvés au travail sur cet important chantier au moment du contrôle, oeuvrant tous dans le but de rénover l'immeuble de l'appelant ;
Que l'amende administrative est dès lors manifestement fondée;
Que, pour le surplus, la cour de céans se doit d'ajouter que Monsieur E. peut s'estimer heureux d'avoir bénéficié de circonstances atténuantes, l'amende administrative de 9.000 euros infligée pour l'infraction commise correspondant au minimum légal ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant contradictoirement,
Déclare l'appel recevable,
Le dit non fondé,
Confirme le jugement dont appel dans toutes ses dispositions ;
Condamne l'appelant aux dépens d'appel taxés à ce jour à 285,57 euros (deux cent quatre-vingt-cinq euros cinquante-sept eurocents) étant le montant de l'indemnité de procédure.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du cinq janvier deux mille six de la deuxième Chambre de la Cour du travail de Bruxelles, où étaient présents Messieurs
CLEMENT Ch, Conseiller présidant la chambre,
GALAND L. ., Conseiller social au titre d'employeur,
BINJE P., Conseiller social au titre de travailleur ouvrier,
Madame DE CEULAER J. , Greffier.
GALAND L.
DE CEULAER J.
BINJE P.
CLEMENT Ch.