Tribunal de première instance: Jugement du 27 octobre 1998 (Bruxelles). RG 98/1069/C

Datum :
27-10-1998
Taal :
Frans
Grootte :
4 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-19981027-8
Rolnummer :
98/1069/C

Samenvatting :

Aux termes de l'article 7 § 1er du C.G.C.E. (A.M du 10.8.1977), en cas d'inexécution totale ou partielle du marché, même s'il y a résiliation du marché, l'Administration prélève d'office sur le cautionnement les sommes qui lui reviennent. Cette disposition paraît bien instaurer un privilège dans le chef de l'Administration, qui peut donc disposer du cautionnement dans les hypothèses qui y sont visées (retard-inexécution partielle). Cette disposition est au demeurant indépendante du recours éventuel aux mesures d'office. Elle doit, d'autre part, se combiner avec l'article 20 § 7 (ancien) C.G.C.E. en sorte que la faculté de compensation ainsi offerte à l'Administration doit s'exercer d'abord sur les sommes encore dues à l'adjudicataire et ensuite seulement sur le cautionnement. Quand il n'apparaît pas que l'appel au cautionnement est manifestement abusif, le juge des référés ne peut faire défense à l'Administration de poursuivre sa demande de prélèvement adressée à la Caisse de dépôt et consignation et autoriser une banque à suspendre toute mesure d'exécution de cette demande de versement.

Vonnis :

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Vu :
- la citation signifiée par exploit de Me ...V..., huissier de justice, résidant à Uccle et par exploit de Me ...G... , huissier de justice, résidant à Nivelles, le 29 juin 1998;
- les conclusions et conclusions additionnelles de la demanderesse déposées au greffe le 13.8.1998 et à l'audience du 12.10.1998;
- les conclusions et conclusions additionnelles d'I.B.W. déposées au greffe les 28.7.1998 et 25.8.1998;
- les conclusions de la SOCIETE ...Y... déposées au greffe le 11.8.1998;
- le pli judiciaire sur base de l'article 803 du Code judiciaire notifié le 6.10.1998 à l'ETAT BELGE pour l'audience du 12.10.1998;
Attendu que la partie ETAT BELGE, bien que régulièrement avisée, ne comparaît ni en personne ni par avocat;
Entendu en leurs plaidoiries les conseils des parties S.A. ...X... , I.B.W. et SOCIETE ...Y... ;
I. OBJET DE L'ACTION :
Attendu que la demande tend à :
- faire défense à l'I.B.W. de poursuivre sa demande de prélèvement formulée par sa lettre du 3 juin 1998 adressée à la Caisse des Dépôts et Consignations;
- enjoindre à l'ETAT BELGE (Caisse des Dépôts et Consignations) de suspendre sa demande de versement de la somme de 44.381.000,- F. adressée par lettre du 12 juin 1998 à la SOCIETE ...Y... ;
- autoriser la SOCIETE ...Y... à suspendre toute mesure d'exécution de cette demande de versement;
le tout sous peine d'une astreinte égale à 44.381.000,F;
II. EN FAIT :
Attendu que la S.A. ...X... a été déclarée adjudicataire par l'I.B.W. des travaux de reconditionnement du four STEIN et travaux complémentaires de l'usine de VIRGINAL régis par le cahier spécial des charges VIR/02/93;
Que le marché portait sur un montant d'environ 443.810.000,- F. et que la S.A. ...X... a fourni un cautionnement donné par la GENERALE A... DE BANQUE, égal à 10 % du marché, soit 44.381.000,- F;
Qu'il s'agit d'un cautionnement régi par les articles 7 et 8 du C.G.C.E. (A.R. du 10 août 1977);
Que les travaux ont débuté en juin 1995 et devaient être achevés (après un report conventionnel de 10 semaines) le 10 février 1997;
Que la firme DE ...B... , qui sous-traitait pour ...X... une grande part des travaux, fut déclarée en faillite en 1996, ce qui occasionna diverses difficultés et retards;
Que la S.A. ...X... estima le surcoût consécutif à cette situation à 108 millions de francs et tenta d'obtenir une révision des conditions du marché par application de l'article 16 § 2 C.S.C.;
Que par ailleurs I.B.W. retint sur les états d'avancement de la S.A. ...X... un montant de 20 % en application de l'article 15 C.S.C., ce que contesta la S.A. ...X... qui soutint en conséquence avoir droit à une prolongation des délais en raison du non paiement intégral de ses états d'avancement;
Que les parties ne parvinrent pas à s'entendre, en sorte que le 4.mai 1998, la S.A. ...X... décida de suspendre ses prestations;
Que le 6 mai 1998, la S.C. I.B.W. adressa un P.V. de constat d'inexécution et le 25 mai, indiqua sa décision de recourir aux mesures d'office, soit en l'espèce l'exécution des travaux par la conclusion d'un marché pour compte ou, le cas échéant, de travaux en régie, aux frais, risques et périls de la S.A. ...X... ;
Que la S.A. ...X... a répondu, dans le délai imparti à ce courrier, soit le 27 mai 1998, faisant valoir de façon purement formelle qu'elle contestait les mesures ainsi adoptées par l'I.B.W.; qu'un courrier plus circonstancié fut adressé par elle à l'I.B.W. le 10 juin 1998, faisant notamment référence à un courrier qu'elle avait déjà adressé le 18 mai 1998, à la suite du P.V. de constat d'inexécution du 6 mai;
Que la S.C. I.B.W. demanda parallèlement la libération du cautionnement constitué par la SOCIETE GENERALE A... DE BANQUE, laquelle fut mise en demeure par la C.D.C. de verser le montant de 44.381.000,- F. pour la fin juin 1998 au plus tard;
III. QUANT A LA COMPETENCE TERRITORIALE :
Attendu que le déclinatoire de compétence soulevé par la défenderesse I.B.W. ne peut être reçu;
Que le tribunal de céans est bien territorialement compétent pour connaître de la demande, tant en raison du siège des 2ème et 3ème défenderesse qu'en raison du lieu d'exécution du cautionnement, objet du litige;
IV. DISCUSSION :
Attendu que le juge des référés ne pourrait faire droit à sa demande que si l'appel au cautionnement litigieux apparaissait manifestement abusif et s'il exposait la demanderesse à un préjudice grave et difficilement réparable;
Qu'en l'espèce il est constant que l'I.B.W. n'a pas eu recours à la mesure d'office prévue à l'article 48 § 4 al. 1, 1° C.G.C.E. consistant en la résiliation du marché, en sorte qu'elle ne pourrait se prévaloir de la faculté qui lui est donnée, pour cette seule hypothèse, de s'attribuer la totalité du cautionnement à titre de dommages et intérêts forfaitaires (art. 48 4 al. 5 C.G.C.E.);
Attendu que l'article 48 § 7 C.G.C.E. prévoit quant à lui que " le montant des amendes et pénalités, ainsi que " le montant des amendes, débours ou dépenses résultant ou à résulter de l'application des mesures d'office, peuvent être imputés sur les sommes qui sont dues à l'entrepreneur à quelque titre que ce soit ainsi que sur le cautionnement;
Que c'est apparemment à bon escient que la demanderesse fait valoir que l'I.B.W. ne pourrait fonder sur cette dernière disposition son appel actuel au cautionnement puisque :
- d'une part, il est douteux que le recours d'office puisse être poursuivi dès lors que l'entrepreneur a fait valoir ses moyens de défense en temps utile (voir Cass. 20 mai 1994, Pas., I, p. 497);
- d'autre part, même à admettre que le recours aux mesures d'office puisse se poursuivre, l'article 48 § 7 implique seulement que le cautionnement doit demeurer bloqué jusqu'à l'établissement des comptes entre parties, mais non que l'administration puisse y faire automatiquement appel (v. FLAMME, Commentaire pratique, 5ème éd., p. 987, n° 512.1 : " L'application du paragraphe 7 de l'article 48 n'entraîne normalement guère de difficultés : étant donné que les risques à mettre à la charge de l'entrepreneur défaillant ne seront connus qu'après l'achèvement, le défaillant doit attendre cet achèvement pour obtenir le paiement du cautionnement et de la retenue de garantie éventuelle. L'Administration imputera les frais entraînés par la réparation des malfaçons, les amendes pour le retard, l'excédent de dépenses résultant de la réadjudication, en tout premier lieu sur les sommes encore dues à l'entrepreneur ou à l'organisme de crédit cessionnaire de la créance en ensuite seulement, si ces sommes ne suffisent pas, sur le cautionnement." );
Attendu cependant que la défenderesse situe le débat non sur le terrain de l'application des mesures d'office, mais sur celui de l'article 7 § 1 du C.G.C.E. (A.R. du 10.8.1977) qui prévoit :
" En cas de retard dans l'exécution ou en cas d'inexécution totale ou partielle du marché, même s'il y a résiliation du marché, l'Administration prélève d'office sur le cautionnement les sommes qui lui reviennent ";
Que cette disposition paraît instituer un privilège du préalable dans le chef de l'Administration, qui peut donc disposer du cautionnement dans les hypothèses qui y sont visées retard - inexécution partielle);
Que cette disposition est au demeurant indépendante du recours éventuel aux mesures d'office, en sorte que, si elle trouve à s'appliquer en l'espèce, l'arrêt de la Cour de cassation du 20 mai 1994 est inopérant pour y faire obstacle;
Que, suivant la doctrine, cette disposition doit se combiner avec l'article 20 § 7 (ancien) G.C.E. en sorte que la faculté de compensation ainsi offerte à l'Administration doit s'exercer d'abord sur les sommes encore dues à l'adjudicataire et ensuite seulement sur le cautionnement (Flamme, op. cit., p. 161, n° 1);
Attendu qu'en l'espèce, ni le retard, ni l'inexécution ne paraissent, prima facie, sérieusement contestables;
Attendu que la S.C. I.B.W. évalue sa créance à charge de ...X... à un montant de 64.350.435,- F. (ses conclusions et ses secondes conclusions additionnelles, p. 9 avant dernier alinéa), au titre d'amendes de retard (maximales) consécutives au retard d'exécution (22.190.435,- F.), de frais supplémentaires liés à ce retard (1.360.000,- F.) et d'indemnités supplémentaires liées au dépassement de la durée d'arrêt de la ligne (40.800.000, F.);
Que ces montants sont contestés par ...X... et seront arbitrés par le juge du fond que ...X... a du reste saisi à Nivelles par citation non produite, mais postérieure à l'actuelle procédure en référé;
Qu'il n'appartient pas au juge des référés d'entrer dans les contestations complexes qui opposent les parties à ce sujet, sous peine de préjuger du fond du litige;
Que la S.C. I.B.W. reconnaît par ailleurs avoir retenu sur les montants facturés par la S.A. ...X... un montant d'environ 59.000.000,- F. (ses conclusions additionnelles p. 14 al. 2);
Que cette constatation amène ...X... à soutenir que l'appel au cautionnement est manifestement abusif, l'I.B.W. étant débitrice de montants environ équivalents à ceux dont elle se prétend créancière - indépendamment des conséquences financières des mesures d'office - et devant, avant tout appel au cautionnement, pratiquer la compensation avec les sommes dont elle est redevable envers la S.A. ...X... ;
Attendu toutefois que les montants ainsi retenus par l'I.B.W. l'ont été sur base de l'article 15.3 2ème alinéa du cahier spécial des charges VIR/02/93 qui prévoit : " Le paiement des ouvrages sous le régime de la réception technique à posteriori est soumis à une retenue de 20 % de leur montant jusqu'à ce que le résultat des essais et épreuves soit connu ";
Que le même cahier spécial des charges prévoit des essais de garantie de 1.000 heures de fonctionnement industriel et de 120 heures contrôlées par un organisme agréé;
Qu'il n'apparaît pas douteux que ces essais n'ont pas eu lieu, à tout le moins à la satisfaction de l'I.B.W.;
Que c'est donc, prima facie, avec pertinence que l'I.B.W. soutient que ces 59 millions ne constituent pas dans le chef de la S.A. ...X... une créance certaine, liquide et exigible susceptible de compensation;
Attendu, par conséquent, que l'appel au cautionnement ne paraît pas manifestement irrégulier ou abusif, au regard de l'article 7 § 1 C.G.C.E., nonobstant l'interprétation que lui donne la doctrine autorisée citée ci-avant puisqu'en l'espèce il ne paraît pas que la S.A. ...X... dispose de créances contre l'I.B.W. susceptibles de faire l'objet d'une compensation qui devrait intervenir préalablement à l'appel au cautionnement;
Que du reste, il faut observer qu'en l'espèce, le cautionnement est solidaire, avec renonciation au bénéfice de discussion et que la doctrine citée ci-avant n'examine pas si, en pareil cas, il faudrait encore exiger qu'il n'y soit fait appel que si et dans la mesure où l'entrepreneur ne serait pas en mesure de défrayer complètement l'Administration, par le jeu de la compensation avec ses propres créances;
Attendu qu'enfin, il faut observer que la crainte d'un préjudice grave et difficilement réparable n'est pas démontrée par la S.A. ...X... ;
Que, si l'importance du cautionnement est réelle, en valeur absolue, il faut cependant relativiser cette question au regard de l'importance de la société demanderesse et du fait, en particulier, qu'elle expose avoir supporté un surcoût de 108 millions de francs consécutif à la faillite de son sous-traitant;
Que la demanderesse ne tente pas de démontrer, pièces comptables à l'appui, que sa situation financière serait gravement hypothéquée par l'appel au cautionnement;
Qu'en toute hypothèse, " les prélèvements sur le cautionnement se font sous l'entière responsabilité des maîtres de l'ouvrage, qui s'exposent à des dommages-intérêts en cas d'abus " (Flamme, Comm. pratique, T. II, 6ème éd., 1996-1997, p. 164), en sorte que la demanderesse conserve tous ses droits à cet égard devant le juge du fond, si celui-ci devait estimer que l'appel au cautionnement était bien abusif en l'espèce;
PAR CES MOTIFS,
Vu les articles 4 § 1 et 42 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;
Nous, ... , Juge, désigné pour remplacer le président du tribunal de première instance séant à Bruxelles;
Assisté de Mme. ...V... , greffier;
Statuant au provisoire, par défaut à l'égard de l'ETAT BELGE et contradictoirement à l'égard des autres parties en cause;
Rejetant toutes conclusions autres plus amples ou contraires;
Recevons la demande mais la déclarons non fondée;
En déboutons la partie demanderesse;
Condamnons la partie demanderesse aux dépens, liquidés à 6.567,- F. + 5.635,- F. + 4.100,- F. pour elle-même, à 4.100,- F. pour la S.C. I.B.W. et à 4.100,- F. pour la SOCIETE ...Y... .
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique des référés du 21 octobre 1998.