Cour du Travail: Arrêt du 9 avril 2009 (Liège (Namur)). RG 7922/05

Datum :
09-04-2009
Taal :
Frans
Grootte :
6 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20090409-3
Rolnummer :
7922/05

Samenvatting :

L'indemnité de protection prévue par l'article 9, § 3, de la C.C.T n° 64 n'est pas due lorsque l'employeur apporte la preuve de l'existence d'un motif suffisant de rupture au sens de l'article 15, § 1er, de la Convention collective de travail n°64 conclue au sein du Conseil national du travail, instituant un droit de congé parental, à savoir en l'espèce une restructuration importante de ses services.A l'époque du licenciement, il était confronté à une réorganisation qui a entraîné une réduction importante de ses effectifs et le choix qui a conduit au départ de l'intéressée s'est porté sur elle alors qu'elle comptait, critère objectif et non contesté, l'ancienneté la moins importante.

Arrest :

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D.P./41/09

*Contrat de travail - Congé parental - Protection contre le licenciement - Articles 9 et 15, § 1er, de la Convention collective de travail n° 64 conclue au sein du Conseil national du travail, instituant un droit de congé parental, rendue obligatoire par arrêté royal du 29 octobre 1997 - Loi du 10 août 2001 relative à la conciliation entre l'emploi et la qualité de la vie, entrant en vigueur le 1er janvier 2002 (M.B. du 15 septembre 2001).

COUR DU TRAVAIL DE LIEGE

SECTION DE NAMUR

ARRET

Audience publique du 9 avril 2009

R.G. n° 7.922/05 12ème Chambre

EN CAUSE DE :

LA S.A REXEL BELGIUM.

APPELANTE AU PRINCIPAL,

INTIMEE SUR INCIDENT, comparaissant par Me Thierry STIEVENARD, Avocat,

CONTRE :

B Lucia.

INTIMEE AU PRINCIPAL,

APPELANTE SUR INCIDENT, comparaissant par Me André-Marie SERVAIS, Avocat,

Vu le dossier de la procédure, notamment l'arrêt rendu le 22 juin 2006 et les pièces qui s'y trouvent mentionnées;

Vu le procès-verbal des enquêtes directes du 16 octobre 2006;

Vu le procès-verbal des enquêtes contraires du 22 janvier 2007;

Vu l'ordonnance rendue le 4 novembre 2008 sur pied de l'article 747, § 2, du Code judiciaire, fixant des délais pour conclure et les plaidoiries au 12 mars 2009;

Vu les conclusions additionnelles de synthèse après enquêtes de l'appelante au principal reçues au greffe de la Cour le 1er décembre 2008;

Vu le dossier de l'appelante au principal reçu au greffe de la Cour le 10 décembre 2008;

Vu les conclusions additionnelles et de synthèse après enquêtes de l'intimée au principal reçues au greffe de la Cour le 2 février 2009;

Vu le dossier déposé par l'intimée au principal à l'audience du 12 mars 2009;

Entendu les parties en leur explications à l'audience du 12 mars 2009;

Ce jour, les débats ayant été clôturés, vidant le délibéré, il a été statué comme suit :

Antécédents - Rappel

L'intimée au principal, architecte d'intérieur de formation, est entrée, par contrat à durée indéterminée du 3 juin 1998, au service de la S.A. Henri GERNAY, ce en qualité d' "employée technico-commerciale au bureau d'études éclairage".

Sa tâche consistait, selon la description qu'elle a donnée en termes de conclusions du 26 octobre 2005, "à réaliser pour la clientèle des projets d'éclairage complet de tout type (bureau paysager, hall industriel, magasin, complexe sportif, etc)".

Le 28 octobre 1999, elle a sollicité de la S.A. Henri GERNAY, en raison de la naissance de son deuxième enfant, le bénéfice d'une réduction de son temps de travail.

Les parties ont convenu d'une réduction à trente-deux heures par semaine de son horaire de travail, ce pour la période du 1er janvier au 31 mars 2000.

L'intimée au principal a, le 1er avril 2000, repris son activité à temps plein, les parties convenant, le 7 août 2000, d'une nouvelle réduction à trente-quatre heures par semaine, ce pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2000.

Par courrier du 26 septembre 2000, elle a demandé, sur base de la Convention collective de travail n° 64 conclue au sein du Conseil national du travail, instituant un droit de congé parental, rendue obligatoire par arrêté royal du 29 octobre 1997, et de l'arrêté royal du 29 octobre 1997 relatif à l'introduction d'un droit au congé parental dans le cadre d'une interruption de la carrière professionnelle, à bénéficier d'un congé parental qui, eu égard de la naissance de son premier enfant, devait lui permettre l'exercice d'un travail à mi-temps pour la période de six mois s'étendant du 1er janvier au 30 juin 2001.

Elle annonçait, dans ce même courrier, une demande qui, fondée sur la naissance de son deuxième enfant, serait introduite, sur les mêmes bases, durant le premier congé parental et devrait lui permettre de travailler, toujours à mi-temps, durant la période du 1er juillet au 31 décembre 2001.

Le 13 octobre 2000, la S.A. Henri GERNAY a marqué son accord sur la première demande de congé parental sollicitée pour la période du 1er janvier au 30 juin 2001 et invité l'intimée au principal à réintroduire, conformément à l'article 9 de la C.C.T. n° 64, sa seconde demande de congé dans le délai de trois mois précédant la prise d'effet de celui-ci.

Le 19 mars 2001, l'intimée au principal a réintroduit cette seconde demande et, le 4 avril 2001, a obtenu l'accord de la S.A. Henri GERNAY pour une interruption de carrière à mi-temps durant la période du 1er juillet au 31 décembre 2001.

Le 28 septembre 2001, l'intimée au principal a adressé au directeur des ressources humaines de la S.A. REXEL BELGIUM, Monsieur Alain JONET, une demande visant à la prolongation de son occupation à mi-temps pour l'année 2002, ce sur base de la loi du 10 août 2001 relative à la conciliation entre l'emploi et la qualité de la vie, entrée en vigueur le 1er janvier 2002 (M.B. du 15 septembre 2001).

Une opération de fusion par absorption de la S.A. Henri GERNAY (M.B. du 11 janvier 2002) a été actée au procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la S.A. REXEL BELGIUM du 22 octobre 2001, tandis que la dissolution de ladite S.A. Henri GERNAY a été publiée au Moniteur du 22 janvier 2002 et que sa radiation du registre du commerce de Namur est intervenue le 1er décembre 2002.

Le 21 novembre 2001, le directeur des ressources humaines de la S.A. REXEL BELGIUM a, après l'avoir rencontrée et entendue (infra), notifié à l'intimée au principal, sur papier à en-tête de la S.A Henri GERNAY (Groupe GERNAY), son licenciement moyennant paiement d'une indemnité de rupture correspondant à trois mois de préavis.

La S.A. Henri GERNAY a délivré à l'intimée au principal, le 26 novembre 2001, un document C.4 renseignant, comme motif de licenciement, une réorganisation.

L'intimée au principal a, par citation du 29 août 2002, poursuivi la condamnation de la S.A. REXEL BELGIUM au paiement de l'indemnité forfaitaire égale à six mois de rémunération prévue par l'article 9, § 3, de la C.C.T n° 64 et chiffrée par elle au montant de (38.963 x 13,85/12 x 6) 296.818 francs, soit 6.688,63 euro .

Le premier juge a, par jugement du 25 septembre 2002, statuant par défaut à l'égard de la S.A. REXEL BELGIUM, condamné celle-ci au paiement de cette indemnité, soit le montant de 6.688,63 euro , dont à déduire les cotisations de sécurité sociale et fiscales.

La condamnation de l'appelante au principal au paiement de ce montant a été, sur opposition, confirmée par le jugement déféré du 22 mars 2005.

L'appelante au principal a formé appel de ce jugement au motif qu'elle ne saurait être redevable de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article 9, § 3, de la C.C.T n° 64, le licenciement de l'intimée au principal ayant, selon elle, été décidé pour un motif suffisant au sens de l'article 15, § 1er, de la dite C.C.T. n° 64, à savoir une réorganisation de l'entreprise qui a entraîné une réduction de l'effectif du personnel occupé sur son site de Naninne.

L'intimée au principal a, par voie de conclusions du 26 octobre 2005, formé appel incident du jugement déféré, l'indemnité forfaitaire qui lui a été allouée ne lui apparaissant pas devoir faire l'objet de retenues de sécurité sociale ou fiscales.

Il est apparu de l'organigramme produit aux débats par l'intimée au principal qu'en dehors d'elle-même, une seule employée, Madame VERLY, restée, après son départ, en fonction jusqu'en 2005, était, en 1998, chargée de "projets d'éclairage", mais que, par la suite, le délégué pour la région Namur-Hainaut, Monsieur MIRGUET, a été affecté à la division "projets" pour cette même région.

Figurait au dossier de l'intimée au principal une attestation délivrée le 13 mars 2006 par Madame VERLY, laquelle déclarait :

" (...) Je confirme qu'au moment de l'engagement de Madame B (juin 1998), le service "éclairage" à Naninne était composé de sept personnes travaillant à temps plein :

- Madame Sprumont,

- Monsieur Mirguet,

- Madame Bertozzi,

- Madame Verly,

- Monsieur De Greef,

- Madame Quinaux,

- Madame B.

Monsieur Buda occupait le poste de directeur gérant des achats "éclairage" pour Naninne.

En septembre 2002, le service "éclairage" à Naninne se compose toujours de six personnes travaillant à temps plein :

- Monsieur Mirguet,

- Madame Bertozzi,

- Madame Verly,

- Monsieur De Greef,

- Madame Quinaux,

- Madame Gielen (Kinet).

Monsieur Buda occupe toujours la même fonction en tant que directeur gérant des achats "éclairage" mais pour toute la Wallonie.

Je confirme qu'une pression morale était exercée sur tous les employés, les empêchant d'introduire toute demande de réduction de temps de travail. Dans les mois qui ont suivi le licenciement de Madame B, j'affirme avoir entendu de Monsieur Buda qu'il l'a licenciée parce que, je le cite : "elle était trop gourmande en congé" (...)".

L'article 15, § 1er, de la Convention collective de travail n° 64 conclue au sein du Conseil national du travail, instituant un droit de congé parental, rendue obligatoire par arrêté royal du 29 octobre 1997, dispose :

"L'employeur ne peut faire aucun acte tendant à mettre fin unilatéralement à la relation de travail sauf pour motif grave au sens de l'article 35 de la loi du 3 juillet 1978 (sur les contrats de travail) ou pour motif suffisant.

Par motif suffisant, il faut comprendre le motif qui a été reconnu tel par le juge et dont la nature et l'origine sont étrangères à la suspension du contrat de travail ou à la réduction des prestations de travail du fait de l'exercice du droit au congé parental.".

La déclaration délivrée par Madame Christine VERLY à propos des circonstances qui ont entouré le licenciement de l'intimée au principal - lesquelles, ainsi décrites, permettaient de s'interroger, a priori, au sujet de l'existence d'un motif suffisant au sens dudit article 15, § 1er, de la Convention collective de travail n° 64 -, a amené la Cour à ordonner que, sous la foi du serment, cette collègue de l'intimée au principal soit entendue à propos desdites circonstances, ainsi que de la structure du personnel employé avant et après le départ de cette dernière du service éclairage de Naninne et de l'incidence de la fusion par absorption de la S.A. Henri GERNAY sur cette structure.

Discussion

Ont été entendus dans le cadre des enquêtes d'office et contraires, d'une part, Madame Christine VERLY et, d'autre part, Monsieur Michel BUDA, prépensionné en 2006 et jusqu'alors responsable du service "éclairage" pour la Wallonnie et acheteur pour l'appelante au principal, et Monsieur Raymond JONET, directeur des ressources humaines jusqu'au 31 août 2002, date depuis laquelle celui-ci exerce les fonctions identiques au service de la FNAC.

Ce dernier a indiqué que, dans le cadre de la fusion par absorption des quatre sociétés existantes au sein du groupe REXEL-Belgique, il a été décidé de faire de S.A. Henri GERNAY un point de vente dépendant du siège, devenu unique, de Bruxelles, qu'il est apparu que des licenciements s'imposaient, que lorsqu'il a été discuté de la restructuration de Naninne, plus spécifiquement de la cellule éclairage, une série de critères ont été pris en considération, dont la rémunération et les possibilités de transferts de différentes personnes - c'est ainsi que Monsieur M. BUDA a été transféré au siège de Bruxelles - et que le choix s'est arrêté sur l'intimée au principal à laquelle il a été amené à expliquer que son licenciement était la conséquence de la mise en place de la nouvelle structure et n'avait aucun lien avec sa situation personnelle.

Enfin, celui-ci a tenu à préciser qu'il avait toujours été "très attentif à la protection des travailleurs en congé parental".

Monsieur M. BUDA a quant à lui, après avoir indiqué que l'intimée au principal et sa collègue, Madame Christine VERLY, ne pouvaient se voir adresser aucun reproche - ce que personne, actuellement encore, ne conteste -, a expliqué que le nombre des personnes à licencier avait été communiqué par la direction de Paris, que le personnel est passé d'un effectif de 480 à 360 unités, que lorsqu'il lui a fallu choisir celle des deux travailleuses seules occupées dans la "cellule décoration" qui serait licenciée, son choix s'est porté sur la moins ancienne. Celui-ci a ajouté qu'il n'avait pas le souvenir qu'après le départ de l'intimée au principal, il y ait eu un recrutement de personnel pour cette "cellule décoration", que si une travailleuse, Madame GIELEN, a été engagée avant ou après le départ de l'intimée au principal, elle l'a été pour le service devis, que si après le départ de l'intimée au principal il a été, pour ladite "cellule décoration", fait appel à une autre travailleuse, Madame QUINAUX, ce n'est qu'occasionnellement et enfin, que si l'intimée au principal a pu être amenée à travailler dans le service des devis, ce ne peut être que dans le cadre de dépannages.

Concernant les fonctions de Madame GIELEN, Madame Christine VERLY, a déclaré, sur interpellation du conseil de l'appelante au principal, que jamais avant le licenciement de l'intimée au principal il n'a été dit par Monsieur BUDA ou une autre personne que l'intimée au principal risquait un licenciement en raison de ses absences, qu'elle avait la certitude qu'à la suite de la fusion, elle-même ou l'intimée au principal serait licenciée, qu'après le départ de cette dernière, elle est restée, jusqu'en 2005, au sein de la société "la seule" à faire le travail qui était initialement celui réalisé en équipe par elle, Madame GIELEN et l'intimée au principal et enfin, que Madame GIELEN réalisait les cahiers des charges et venait en soutien en cas d'absences ou de surplus de travail.

L'intimée au principal affirme que l'appelante au principal aurait mal accueilli ses demandes successives de réduction de son temps de travail, lui imposant de réintroduire la demande de congé revendiqué pour la naissance de son deuxième enfant et ne réservant aucune suite à sa demande de renouvellement du 28 septembre 2001.

L'appelante au principal considère qu'au contraire, les suites favorables qu'elle n'a pas manqué de réserver aux demandes de l'intimée au principal visant les périodes du 1er janvier au 31 mars 2000, du 1er septembre au 31 décembre 2000, du 1er janvier au 30 juin 2001 et enfin, du 1er juillet au 31 décembre 2001, confirment qu'elle n'entendait pas s'opposer aux congés parentaux revendiqués par celle-ci.

Monsieur Raymond JONET, directeur des ressources humaines jusqu'au 31 août 2002, a par ailleurs tenu à préciser, lors de son audition par la Cour, qu'il avait toujours été "très attentif à la protection des travailleurs en congé parental".

En tout état de cause, il est établi à suffisance qu'à l'époque du licenciement, le 26 novembre 2001, l'appelante au principal était confrontée à une réorganisation qui a entraîné une réduction importante de ses effectifs, que, sauf cas de remplacements occasionnels, Madame Christine VERLY est seule restée, jusqu'en 2005, occupée au sein de la "cellule décoration" de Naninne, ce qui confirme que l'intimée au principal n'a pas été remplacée, et enfin, que le choix qui a conduit au départ de cette dernière s'est porté sur elle alors qu'elle comptait, critère objectif et non contesté, l'ancienneté la moins importante au sein de cette "cellule décoration".

La preuve étant rapportée d'un motif suffisant de rupture au sens de l'article 15, § 1er, de la Convention collective de travail n° 64 conclue au sein du Conseil national du travail, instituant un droit de congé parental, à savoir une restructuration importante des services de l'appelante au principal, l'appel principal doit être dit fondé.

L'appel incident est, par voie de conséquence, non fondé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Après en avoir délibéré,

Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire ;

Statuant publiquement et contradictoirement,

Dit l'appel principal fondé et l'appel incident non fondé;

Réformant le jugement déféré du 22 mars 2005,

Déboute l'intimée au principal de l'action introduite par elle par voie de citation du 29 août 2002;

Condamne l'intimée au principal aux entiers dépens d'instance et d'appel;

Liquide pour l'appelante au principal lesdits dépens comme suit : indemnité de procédure d'instance, 205,26 euro , complément pour opposition, 55,78 euro (conclusions du 7 mars 2006), indemnité de procédure d'appel, 900,00 euro (conclusions du 1er décembre 2008);

Ainsi jugé par :

Monsieur Pol DELOOZ, Président de Chambre,

Monsieur Philippe LAPIERRE, Conseiller social au titre d'employeur,

Monsieur François-Régis DOHOGNE, Conseiller social au titre d'employé,

qui ont assisté aux débats de la cause et signé l'arrêt, assistés de Monsieur Frédéric ALEXIS, Greffier,

lequel arrêt a été prononcé en langue française à l'audience publique de la douzième Chambre de la Cour du travail de Liège, section de Namur, au Palais de Justice de Namur, le NEUF AVRIL DEUX MILLE NEUF par Monsieur Pol DELOOZ, Président de Chambre, assisté de Monsieur Frédéric ALEXIS, Greffier en Chef.