Cour d'appel: Arrêt du 22 avril 2009 (Liège). RG 2008/RG/1357

Datum :
22-04-2009
Taal :
Frans
Grootte :
4 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20090422-8
Rolnummer :
2008/RG/1357

Samenvatting :

Le partage provisoire des meubles peut toujours être sollicité par les époux, l'un et l'autre souhaitant ne pas devoir faire les frais d'un renouvellement total de mobilier. Il appartient à celui qui entend récupérer des meubles à les réclamer lors de la séparation et il se conçoit difficilement que l'époux qui les conserve par la force des choses, se voit obligé à une indemnisation alors que, par une situation de fait voulue par celui qui ne réclame rien, il a été obligé d'en être constitué gardien. Le mobilier courant, en outre, n'a d'ailleurs, en soi aucune « valeur locative » sauf à démontrer des circonstances particulières à l'espèce.

Arrest :

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Antécédents

Les faits de la cause et son objet ont été correctement relatés par le premier juge à l'exposé duquel la cour se réfère.

Pour la compréhension du litige il suffit de rappeler :

Les parties se marient le 23 juin 1970 sous le régime de la séparation de biens pure et simple. Elles ont deux enfants : Fabien, né le 1er avril 1974 et Nancy, née le 2 août 1983.

Elles se séparent en septembre 2002 suite à une ordonnance du juge de paix du 25 juillet 2002 qui fixe la résidence séparée de l'intimée au domicile conjugal à partir du 1er septembre 2002.

Le divorce est prononcé sur la base de l'article 232 du Code judiciaire par jugement du 25 janvier 2005 suite à la citation en divorce lancée par l'appelant le 21 septembre 2004. Ce jugement est signifié le 18 avril 2005. Un jugement du 8 mars 2005 ordonne la liquidation et le partage de l'indivision ayant existée entre les époux.

Un procès-verbal de dires et difficultés intermédiaire est déposé le 3 octobre 2006, portant sur 2 points : la date de prise de cours de l'indemnité d'occupation et la débition d'une indemnité de jouissance du mobilier indivis.

Le jugement dont appel décide que l'indemnité d'occupation prend cours à la date de la citation en divorce et déboute l'appelant de sa demande d'une indemnité de jouissance des meubles meublants à défaut d'établir le quantum de cette indemnité de perte de jouissance.

L'appelant critique la décision sur ces deux points et forme dès lors appel.

Discussion

Date de prise de cours des effets du divorce et indemnité d'occupation

Selon l'article 1278 al.2 du Code judiciaire les effets du divorce entre époux quant à leurs biens remontent au jour de la demande, soit la citation en divorce - soit en l'espèce le 21 septembre 2004 - l'article 1278 ne faisant aucune distinction entre les époux mariés sous le régime de la communauté ou en séparation de biens.

La question qui se pose en l'espèce est en réalité relative aux comptes entre époux antérieurs à cette date.

Ces comptes doivent être faits pour cette période en fonction des termes de leur contrat de mariage, soit la séparation de biens, et du régime primaire.

Les époux étaient en indivision quant à l'immeuble conjugal, dans lequel la résidence séparée de l'intimée fut fixée par le juge de paix lors des mesures prises dans le cadre de leur séparation provisoire.

L'appelant fait valoir qu'en vertu de l'article 577-2§3, l'indivisaire qui occupe exclusivement l'immeuble est tenu d'indemniser l'autre indivisaire de cette jouissance privative par une indemnité équivalant à la valeur de rapport du bien.

Si ce postulat est exact, il doit cependant se combiner avec les règles du régime primaire qui sont impératives et notamment l'article 217 du Code civil selon lequel les revenus des époux sont affectés en priorité aux charges du mariage, l'excédent seul étant soumis aux règles du régime matrimonial.

C'est donc avec raison que le premier juge a estimé que la jouissance de l'immeuble indivis devait être affectée par priorité à la satisfaction des charges du mariage et plus particulièrement en l'espèce au logement de l'épouse et de l'enfant commun, l'épouse ne bénéficiant quant à elle d'aucun revenu, l'appelant étant le seul à avoir des revenus professionnels, par ailleurs non négligeables.

Les décisions prises en vertu des articles 221 et 223 du Code civil sont des mesures provisoires et elles ne préjugent pas des comptes à faire en exécution du régime de séparation de biens des époux et du régime primaire et en cela elle ne lie pas le juge de la liquidation. Toutefois il faut analyser les mesures que le tribunal, en appel du juge de paix, a organisées en fonction des principes de l'article 221- régime primaire - selon lequel chacun des époux contribue aux charges du mariage selon ses facultés.

Le juge du fond, lors des opérations de liquidation et de partage, peut décider - lorsque rien n'a été expressément tranché en justice de paix ou en référé - en fonction de tous les éléments de la cause, si un des ex-époux n'était pas éventuellement tenu de laisser à son ex-conjoint pendant la durée de la procédure en divorce la jouissance gratuite de l'immeuble commun à son profit ou au profit des enfants, compte tenu des revenus respectifs des parties, du coût de l'entretien des enfants et du montant de la pension alimentaire versée par l'ex-conjoint, l'occupation totale ou partiellement gratuite de l'immeuble (voy. à ce sujet la note de J.L . Renchon sous Cass. 27.4.2001, RTDF ; voy. également JL Renchon, « La jouissance du logement familial après la séparation du couple » in Le logement familial, Actes du 5ième colloque de l'Association Famille et Droit, Liège 27-28.11.1998,p . 157 et s.) .

On admet que « l'indemnité, équivalente au loyer normal du bien, peut être diminuée lorsque l'occupant héberge les enfants - essentiellement parce qu'il en la garde - auxquels la jouissance des lieux est un droit - pour les enfants - et une charge pesant sur les ex-époux. Il y a lieu d'évaluer la « part » d'occupation qu'implique la présence et les besoins légitimes - de ces enfants et de la soustraire de la valeur locative du bien pour fixer la part « nette » de cette valeur incombant à l'ex-époux occupant » ( Ph. De Page, Questions d'actualités de droit familial, Session 1994,Problèmes de liquidation entre ex-époux » p. 14 et s. et références citées).

En l'espèce, l'intimée - qui ne disposait d'aucun revenu - devait être logée tout comme l'enfant du couple. Dans ses conclusions devant le tribunal de première instance l'appelant écrivait d'ailleurs (pages 6 et 7), pour tenter de diminuer le secours alimentaire, que l'enfant logeait dans l'immeuble indivis et que l'intimée jouissait exclusivement de l'habitation commune. Dans ses revenus ne figuraient pas la moitié potentielle de la valeur locative de l'immeuble indivis mais par contre dans ses charges était comptabilisé un loyer. L'intimée quant à elle ne voyait comptabiliser dans ses charges que ce qu'elle payait effectivement, soit précompte immobilier et assurance incendie, mais non pas la potentialité de la moitié d'une indemnité d'occupation, laquelle, selon les parties, est élevée puisqu'ils invoquent l'un 1.100 euro et l'autre 900 euro par mois.

Si le tribunal avait pris en compte une charge de logement entre 450 euro et 550 euro , il aurait certes alloué plus qu'un secours alimentaire de 625 euro , car sinon l'intimée, qui faisait valoir 440 euro de charges fixes, auxquels serait venu s'ajouter la charge de logement, se serait retrouvée avec 175 euro ou 75 euro pour vivre, ce qui ne se peut. En effet le tribunal relevait que l'intimée devait conserver dans la mesure du possible le même train de vie, qu'elle ne travaillait pas durant la vie commune suite à un choix des époux et à 54 ans ne pourrait retrouver du travail, qu'elle avait en outre des charges de uniquement 440 euro . Le montant du secours alimentaire est déterminé notamment en fonction de ce montant de charges, ce qui implique qu'elle ne devait supporter aucune charge de loyer et que son occupation doit être considérée, au moment de la liquidation du régime matrimonial, comme gratuite, d'autant plus que cet immeuble logeait aussi la fille du couple.

Les notaires devront donc appliquer ces règles et constater qu'aucune indemnité d'occupation n'est due avant la citation en divorce.

Indemnité pour jouissance du mobilier meublant.

L'appelant demande à être indemnisé en raison de ce qu'il n'a pas pu jouir des meubles meublant le domicile conjugal parce qu'ils sont restés dans l'immeuble indivis occupé exclusivement par l'intimée. Il estime que les règles relatives aux immeubles s'appliquent également aux meubles et qu'il a droit aussi à « une indemnité d'occupation » des meubles laissés au domicile conjugal.

La question des meubles meublants est cependant différente de celle d'un immeuble - qu'on ne peut partager en deux - et qui, en général, ne produisent pas de revenus.

En outre, le partage provisoire des meubles peut toujours être sollicité par les époux, l'un et l'autre souhaitant ne pas devoir faire les frais d'un renouvellement total de mobilier. Il appartient à celui qui entend récupérer des meubles à les réclamer lors de la séparation et il se conçoit difficilement que l'époux qui les conserve par la force des choses, se voit obligé à une indemnisation alors que, par une situation de fait voulue par celui qui ne réclame rien, il a été obligé d'en être constitué gardien (voy. sur la question, note F.Buysenss, Vergoeding voor het exclusief gebruik van een wagen tijdens echtsscheildingsprocedure, sous Gand, 20.1.1995,E.J.,p.105) .

Le mobilier courant, en outre, n'a d'ailleurs, comme relevé ci-dessus, en soi aucune « valeur locative » sauf à démontrer des circonstances particulières à l'espèce, ce que l'appelant ne soutient pas.

Il lui appartenait de solliciter au besoin son mobilier propre et sa part de mobilier indivis - ce qu'il n'a pas fait - le tribunal durant la séparation actant qu'il ne réclamait que ses effets personnels.

De toute façon, force aussi est de constater que ce n'est pas l'intimée seule qui a utilisé ce mobilier mais bien aussi, au quotidien, la fille des parties.

En tout état de cause, au vu de la disparité de situation financière des parties et des principes dégagés ci-avant pour l'indemnité d'occupation de l'immeuble, cette jouissance devait être gratuite.

Il importe peu pour l'application des principes relatifs aux questions litigieuses que l'intimée ait pu racheter sa part de l'immeuble lors de la vente de celui-ci puisqu'elle n'a pu le faire que grâce à l'aide de tierces personnes, étrangères au couple, soit les parents de l'intimée. Les donations des parents à leur fille n'ont aucune incidence sur le présent litige.

PAR CES MOTIFS

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935,

La cour statuant contradictoirement,

Reçoit l'appel,

Confirme la décision entreprise mais partiellement pour d'autres motifs,

Condamne l'appelant uniquement aux dépens d'appel liquidés à l'indemnité de procédure de 1.200 euro , indemnité de base pour les litiges non évaluables en argent.

Ainsi fait et prononcé, en langue française, au palais de justice à l'audience publique de la DIXIEME chambre de la Cour d'appel de LIÈGE, le VINGT-DEUX AVRIL DEUX MILLE NEUF.

Présents :

Madame Marie-Antoinette DERCLAYE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Tamara KONSEK, Conseiller

Monsieur Robert GÉRARD, Conseiller

Monsieur Willy REYNDERS, Greffier