Cour d'appel: Arrêt du 3 avril 2014 (Liège). RG 2012/rg/1853

Datum :
03-04-2014
Taal :
Frans
Grootte :
4 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20140403-2
Rolnummer :
2012/rg/1853

Samenvatting :

Sommaire 1

Arrest :

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Vu les feuilles d'audiences des 22 janvier 2013, 12 février 2013,

6 mars 2014 et de ce jour.

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APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :

Vu la requête du 24 décembre 2012 par laquelle Me Albert Grondal, agissant en qualité de curateur à la faillite de la SPRL RENÉ GEORGES RALLY SPORT (en abrégé RGRS), interjette appel du jugement rendu le 9 août 2012 par le tribunal de commerce de Verviers, son appel étant dirigé contre la SA ECOSUN et la SA CBC BANQUE.

Vu la requête en intervention volontaire formée le 15 janvier 2013 par René Georges.

Vu l'appel incident implicite formé par CBC BANQUE par conclusions du 17 juin 2013 (page 4), celle-ci « estim(ant) que le jugement dont appel doit être réformé pour les raisons suivantes : (...) ».

Vu l'acte de reprise d'instance déposé le 31 juillet 2013 par Me Vincent Troxquet, agissant en sa qualité de curateur à la faillite de René Georges, déclarée le 27 juin 2013 (dossier de la procédure, pièce 16).

Procédure

L'acte de reprise d'instance de la curatelle de René Georges est sans objet, la faillite n'entraînant pas d'interruption de l'instance (Dominique Mougenot, « Principes de droit judiciaire privé, Rép. Not., Tome XIII, livre 0, n° 337, page 254).

Antécédents et objet de l'appel

L'objet du litige et les circonstances de la cause ont été correctement relatés par les premiers juges, à l'exposé desquels la cour se réfère.

Il suffit de rappeler que le litige porte sur le point de savoir si, dans le cadre de la faillite de RGRS, ECOSUN peut valablement invoquer

une clause de réserve de propriété ou un privilège du vendeur impayé ainsi qu'un privilège pour frais de justice.

Les données de fait utiles à la solution du litige sont les suivantes :

- Le 18 mai 2009, ECOSUN facture à RGRS 26.400 euro à titre d'« acompte de 50 % à la commande suivant devis 2008/09/02 », pour une « installation solaire photovoltaïque de 8,8 KW/P » (dossier Me Grondal, pièce A) ;

- L'article 5 des conditions générales d'ECOSUN contient une clause de réserve de propriété qui sera examinée ci-après (ibidem, pièce B) ;

- Le 30 avril 2010, ECOSUN pratique une saisie conservatoire en mains de CBC BANQUE (ibidem, pièces G et H) ;

- Le 3 juin 2010, le tribunal de commerce de Verviers condamne RGRS à payer à ECOSUN 22.800 euro en principal, à majorer des intérêts réduits au taux légal depuis la date d'exigibilité, d'une clause pénale de 10 % et des dépens liquidés à 1.237,59 euro ; ce jugement est signifié le 28 juin 2010 (ibidem, pièces D et E) ;

- Le 10 juin 2010, ECOSUN pratique une saisie-arrêt conservatoire en mains de la Région Wallonne (ibidem, pièces I et J) ;

- RGRS est déclarée en faillite le 31 mai 2011 (conclusions de la curatelle de RGRS, page 1) ;

- Le 28 juin 2011, ECOSUN adresse à la curatelle une déclaration de créance de 29.232,84 euro (22.800 euro en principal, 1.878,03 euro en intérêts, 2.280 euro de clause pénale et 2.274,91 euro de frais de justice) (dossier Me Grondal, pièce C).

Discussion

Observation préliminaire

D'emblée, il convient d'observer que les parties s'accordent sur un point : le jugement dont appel doit en toute hypothèse être réformé.

En effet, les premiers juges ne pouvaient en même temps reconnaître à ECOSUN le bénéfice de la clause de réserve de propriété et le privilège du vendeur impayé, ces deux notions étant exclusives l'une de l'autre : le privilège ne trouve à s'appliquer que si le débiteur est propriétaire de l'assiette, alors que la clause de réserve de propriété empêche le débiteur d'en devenir propriétaire.

Quant à la clause de réserve de propriété

L'article 5 des conditions générales d'ECOSUN dispose :

« Le délai de livraison indiqué dans la confirmation de commande est indicatif. Les livraisons peuvent être échelonnées. Le lieu de livraison est indiqué dans la commande (...) La propriété des produits vous est transférée après payement intégral du prix. Jusque là, vous devez assurer et entreposer nos produits séparément, sans les modifier, les mettre en gage ou les vendre ; et ECOSUN peut venir les reprendre. Si vous les vendiez avant transfert de propriété, vous deviendriez notre mandataire et le fruit de cette vente nous reviendra. Si vous refusez la livraison sans notre accord, vous devrez payer nos frais et pertes en résultant (...) Le transfert des risques a lieu lorsque nous vous livrons le produit ».

Cette disposition fait suite à l'article 4, lequel prévoit que le prix des produits et services fournis par ECOSUN est payable à raison de 50 % à la commande, 30 % à la livraison et le solde (20 %) à la date figurant sur la facture.

À l'évidence, l'article 5 précité vise à prémunir ECOSUN, aussi longtemps que celle-ci n'est pas payée, contre le risque de revente ou de détérioration des panneaux solaires vendus et livrés, mais non encore placés en toiture. Aussi longtemps que les panneaux n'ont pas été mis en œuvre, ils constituent en effet des biens qui peuvent être facilement endommagés ou négociés.

La curatelle de RGRS conteste l'applicabilité de cette clause en l'espèce (ses conclusions, page 5) au motif « qu'il est constant (...) que le matériel fut livré au siège d'exploitation (et) que ce matériel qui n'était pas payé ne fut pas entreposé séparément, mais que, au contraire, il fut installé par le personnel d'ECOSUN sur la toiture de l'atelier » avant tout payement.

Ces affirmations ne sont pas contestées par ECOSUN, laquelle confirme que « (les) panneaux (commandés par RGRS) ont été livrés et placés par la concluante » (ses conclusions, page 3). Il importe encore d'observer que la facture litigieuse ne porte pas sur la vente de panneaux photovoltaïques, mais sur une « installation solaire photovoltaïque de 8,8 KW/P ».

Ainsi, la manière dont le contrat a été exécuté par ECOSUN ne correspond pas à ce qui est prévu par les articles 4 et 5 de ses conditions générales. À partir du moment où ECOSUN a décidé de

réaliser l'installation avant même que la première tranche du prix (50 %) ait été payée et que les autres tranches (30 % et 20 %) aient été facturées, on aperçoit mal comment RGRS pouvait encore « assurer et entreposer nos produits séparément, sans les modifier, les mettre en gage ou les vendre » et comment « ECOSUN peut venir les reprendre ».

L'article 5 des conditions générales ne peut donc plus trouver à s'appliquer par le fait même d'ECOSUN.

En estimant que « s'il était imposé que les panneaux soient entreposés séparément, et donc ne soient pas placés sur le toit ni raccordé au système électrique et de chauffage, avant le payement intégral du prix, il n'y aurait aucune utilité pour l'acheteur à bénéficier d'un payement en plusieurs tranches du prix d'achat », les premiers juges fondent leur décision sur une interprétation qui ne peut être conciliée avec les termes de la clause litigieuse.

La curatelle de RGRS en conclut à bon droit qu'« ECOSUN elle-même a dérogé aux règles contractuelles qu'elle fixa dans ses propres conditions générales » (conclusions, page 5) et qu'elle « doit accepter les termes, mais aussi les conséquences issues de ses propres activités (;) (...) en ordonnant à son personnel de procéder à la pose des panneaux sur la toiture de l'atelier (,) la société ECOSUN a, de ce fait, anéanti la réserve de propriété conventionnelle qu'elle invoque (...) » (ibidem, pages 5-6).

Le jugement dont appel sera réformé sur ce point.

Quant au privilège du vendeur impayé et à l'accession

Pour analyser la question du droit de superficie, de l'accession immobilière et de l'incorporation, la cour doit avant toute chose disposer d'informations complètes.

La curatelle de RGRS a déposé le 21 août 2013 un dossier de pièces dont l'inventaire annonce, en pièces K et L, un « acte notarié de renonciation à l'accession » et un « acte notarié de concession du droit de superficie ». Or ces pièces K et L ne figurent pas dans le dossier, ce dont mention a été faite de manière manuscrite lors de son dépôt (voir dossier de la procédure d'appel, pièce 19, cachet dateur du 21 août 2013, la greffière ayant précisé que « manque(nt) Pièces K et L »).

La cour se trouve donc placée dans l'impossibilité de vérifier l'identité des parties contractantes et le contenu de ces actes notariés, qui sont au cœur du litige.

Il convient dès lors de rouvrir les débats afin que la curatelle de RGRS complète son dossier sur ce point et que les parties s'expliquent sur l'incidence de ces conventions - étant précisé que les débats seront repris ab initio en raison d'un changement de siège.

Quant aux frais de justice

ECOSUN revendique encore le bénéfice du privilège des frais de justice faits dans l'intérêt commun des créanciers (Art. 17 et 19, 1°, de la Loi hypothécaire du 16 décembre 1851).

La curatelle de RGRS verse à son dossier les pièces justificatives des frais des saisies conservatoires et saisies-exécution qui ont été exposés par ECOSUN ; elle reconnaît qu'« ECOSUN (est) effectivement le premier saisissant ». Il importe peu, à cet égard, que ces mesures d'exécution aient permis de récupérer des actifs ou non.

La curatelle soutient par contre à juste titre que le privilège des articles 17 et 19, 1°, de la Loi hypothécaire du 16 décembre 1851 ne peut être reconnu « qu'à concurrence des montants de 233,84 euro + 163,73 euro + 229,74 euro + 168,88 euro soit au total 796,19 euro », s'agissant des frais de saisie et de dénonciation (son dossier, pièces G à J), ce qui correspond d'ailleurs au montant revendiqué par ECOSUN (ses conclusions, page 5).

Il y sera dès lors fait droit.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant contradictoirement,

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,

Réformant le jugement dont appel,

Dit pour droit qu'ECOSUN ne peut opposer à la faillite de RGRS une clause de réserve de propriété.

Ordonne l'admission de la créance d'ECOSUN au passif privilégié de la faillite de RGRS à concurrence de 796,19 euro au titre des frais de justice.

Réserve à statuer pour le surplus.

Ordonne la réouverture des débats conformément aux motifs qui précèdent.

Fixe date à cet effet au 3 juin 2014 à 10 heures 50' pour 1 heure de débats, lesquels seront repris ab initio.

Réserve les dépens.

Ainsi jugé et délibéré par la SEPTIÈME chambre de la cour d'appel de Liège, où siégeaient le président faisant fonction Ariane JACQUEMIN et les conseillers Xavier GHUYSEN et Thierry PIRAPREZ, et prononcé en audience publique du 3 AVRIL 2014 par le président faisant fonction Ariane JACQUEMIN, avec l'assistance du greffier Guy BASTIN.