Cour d'appel: Arrêt du 11 octobre 2016 (Mons (Mons)). RG 2015/RG/568 ( 12ème chambre )

Datum :
11-10-2016
Taal :
Frans
Grootte :
4 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20161011-5
Rolnummer :
2015/RG/568 ( 12ème chambre )

Samenvatting :

LA TRANSACTION PENALE HOMOLOGUEE PAR LE JUGE VAUT A L 'EGARD DE TOUS. En effet, le sort des impôts litigieux doit donc être réglé entre le Parquet et l'administration fiscale avant d'entériner la transaction. La transaction pénale a été validée, sans aucune réserve, par le jugement rendu le 23 mai 2012 par le tribunal correctionnel de Bruxelles (61ème chambre), coulé en force de chose jugée, aucun recours n'ayant été exercé à l'égard de J.V.Partant la transaction homologuée par ce jugement s'impose à tous, y compris à l'ETAT BELGE, notamment à l'administration fiscale, qui ne peut plus en contester les termes, à défaut d'avoir exercé un recours dans les délais légaux. Il s'en déduit que l'administration fiscale est présumée avoir donné son accord préalable à la transaction et ne peut pas exiger a posteriori que J.V. apporte lui-même la preuve de cet accord.

Arrest :

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EN CAUSE DE :

1. C.D. domiciliée à 7700 MOUSCRON,

2. J.V., domicilié à 7700 MOUSCRON,

partie appelante au principal, intimée sur incident,

représentée par Maître MEURISSE Gil, avocat, remplaçant son collègue Maître SCHAMPS Alain, avocat à 7700 MOUSCRON, Drève Gustave Fache, 3.

CONTRE :

L'ETAT BELGE, représenté par Monsieur le Ministre des Finances, poursuites et diligences de Monsieur le Directeur régional à Mons (nouvellement Directeur du Centre PME MONS, dont les bureaux sont établis à 7000 MONS, avenue Melina Mercouri, 1,

partie intimée au principal, appelante sur incident,

représentée par Maître Olivier POLLET, avocat, remplaçant son confrère Maître DENEVE Marc, avocat à 6061 MONTIGNIES-SUR-SAMBRE, Rue T' Serclaes de Tilly, 49-51

*

* *

La Cour, après en avoir délibéré, prononce l'arrêt suivant :

Vu régulièrement produites, les pièces de la procédure prescrites par la loi, et notamment :

- la requête d'appel déposée au greffe de la cour le 30 juillet 2015

- la copie certifiée conforme du jugement dont appel rendu contradictoirement le 14 avril 2015 par la chambre fiscale du tribunal de première instance du Hainaut (Division Mons)

- les conclusions de synthèse et les dossiers de pièces déposés pour les parties appelante et intimée ;

Entendu les conseils des parties à l'audience du 13 septembre 2016 à laquelle les débats ont été déclarés clos et la cause prise en délibéré.

I. Antécédents de fait et de procédure

Le litige porte sur les conséquences fiscales d'une transaction pénale conclue sur la base de l'article 216bis C.I.Cr., modifié par les lois des 14 avril 2011 et 11 juillet 2011, entrées en vigueur les 16 mai 2011 et 11 août 2011.

La demande tend à obtenir le dégrèvement des cotisations à l'impôt des personnes physiques enrôlées au nom de J.V. et K.D. sous les articles de rôle suivants :

• article 709.463.064 - exercice d'imposition 2004

• article 709.463.065 - exercice d'imposition 2005.

Il convient de se référer à l'exposé du premier juge quant aux faits et à l'objet du litige.

Il suffit de rappeler que J.V., employé dans un magasin de vente de matériel informatique et multimédia dénommé ACTION SHOP LOSVELD à Mouscron, a été impliqué dans un trafic de vente d'objets détournés au préjudice de l'ETAT BELGE, Ministère de la Défense nationale, et poursuivi, de ce chef, devant le tribunal correctionnel de Bruxelles.

Par avis de rectification du 15 octobre 2010, le fisc a manifesté son intention, après consultation du dossier répressif, de modifier les bases imposables par l'ajout aux rémunérations de J.V. des sommes détournées de 31.408,01 EUR pour l'exercice d'imposition 2004 et de 8.800 EUR pour l'exercice d'imposition 2005, au titre d'avantages de toute nature.

Nonobstant le désaccord des contribuables, le fisc a maintenu sa décision de taxation et enrôlé les cotisations litigieuses le 15 décembre 2010.

J.V. et K.D. ont introduit des réclamations administratives le 2 mai 2011.

Un procès pénal s'est ouvert le 16 janvier 2012 devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, 31 personnes étant prévenues.

J.V. était poursuivi, comme auteur ou co-auteur, du chef des préventions suivantes :

- Émission de fausses factures

- Détournement d'effets appartenant à des militaires ou à l'ETAT BELGE

- Faux et usage de faux

- Corruption

- Association de malfaiteurs

- Vol domestique

- Fraude informatique

- Entrave à la liberté des enchères ou des soumissions.

En exécution d'une transaction conclue avec l'ETAT BELGE, tant sur le plan pénal que civil, J.V. a versé la somme de 10.000 EUR au Service public fédéral Finances (1er Bureau de recettes d'amendes pénales de Bruxelles) le 13 février 2012 et de 32.000 EUR au conseil du Ministère de la Défense nationale le 14 février 2012, faisant abandon de la somme de 8.340,80 EUR consignée à l'O.C.S.C.

Par jugement du 23 mai 2012, le tribunal correctionnel de Bruxelles (61ème chambre) a constaté que J.V. avait conclu, in extremis, avant la clôture des débats, une transaction avec l'Office du Parquet fédéral sur la base de l'article 216bis C.I.Cr. de sorte que l'action publique était éteinte à son égard et qu'il ne saurait donc être question de confiscation en ce qui le concerne ; au civil, il a été réservé à statuer quant à la répartition de la somme de 40.000 EUR, à majorer des intérêts et frais, réclamée à charge de J.V. et du co-prévenu CARLIER, in solidum ou l'un à l'exclusion de l'autre, suite à la transaction conclue par le premier.

Par décision directoriale du 24 juillet 2012, le Directeur régional, sans avoir été informé de ce jugement, a rejeté les réclamations introduites le 2 mai 2011.

Les contribuables ont introduit un recours devant le tribunal de première instance de Mons par requête du 17 octobre 2012.

Le jugement dont appel, rendu contradictoirement le 14 avril 2015,

- Déclare la demande recevable et partiellement fondée

- Dit que les sommes de 31.408,01 EUR pour l'exercice d'imposition 2004 et de 8.800 EUR pour l'exercice d'imposition 2005 sont imposables à titre de revenus divers visés à l'article 90, 1° CIR 92

- Dit que les accroissements d'impôts seront réduits à 50 % pour l'exercice d'imposition 2004 et à 100 % pour l'exercice d'imposition 2005

- Ordonne le dégrèvement à due concurrence des cotisations enrôlées à l'impôt des personnes physiques à charge de J.V. et K.D. pour l'exercice d'imposition 2004 sous l'article 709.463.064 et pour l'exercice d'imposition 2005 sous l'article 709.463.065

- Condamne, pour autant que de besoin, l'ETAT BELGE à leur rembourser toutes sommes éventuellement perçues du chef des cotisations partiellement dégrevées, majorées des intérêts moratoires au taux légal, conformément aux articles 418 et suivants CIR 92

- Déboute J.V. et K.D. de leur demande pour le surplus

- Compense les frais et dépens de l'instance.

Les contribuables ont interjeté appel par requête du 30 juillet 2015.

L'appel, régulier en la forme et introduit dans le délai légal à défaut de signification, est recevable.

L'appel incident de l'ETAT BELGE, régulièrement formé par conclusions, est également recevable.

II. Griefs

- Les appelants, J.V. et K.D., reprochent au premier juge de les avoir déboutés de leur demande alors que des transactions ont été conclues avec l'ETAT BELGE, tant sur le plan pénal que civil, et que les sommes détournées ont été remboursées.

Ils sollicitent de mettre à néant le jugement entrepris, de déclarer leur demande initiale fondée et d'ordonner l'annulation et/ou le dégrèvement des cotisations querellées, subsidiairement, de dire que les sommes de 31.408,01 EUR pour l'exercice d'imposition 2004 et de 8.800 EUR pour l'exercice d'imposition 2005 sont imposables à titre de revenus divers, plus subsidiairement à titre de revenus professionnels , mais que, dans l'un ou l'autre cas, les montants restitués doivent être déduits des montants détournés pris en compte afin de déterminer la base imposable et les accroissements doivent être réduits à néant.

- L'intimé, l'ETAT BELGE, reproche au premier juge d'avoir dit que les sommes de 31.408,01 EUR pour l'exercice d'imposition 2004 et de 8.800 EUR pour l'exercice d'imposition 2005 étaient imposables à titre de revenus divers visés à l'article 90, 1° CIR 92, et non à titre de revenus professionnels.

Il forme un appel incident et demande à la cour de réformer le jugement entrepris sur ce point.

III. Discussion

L'art. 216bis C.I.Cr. stipule :

§ 1. Lorsque le procureur du Roi estime que le fait ne paraît pas être de nature à devoir être puni d'un emprisonnement correctionnel principal de plus de deux ans ou d'une peine plus lourde, y compris la confiscation le cas échéant, et qu'il ne comporte pas d'atteinte grave à l'intégrité physique, il peut inviter l'auteur à verser une somme d'argent déterminée au Service public fédéral Finances.

Le procureur du Roi fixe les modalités et le délai de paiement et précise, dans l'espace et dans le temps, les faits pour lesquels il propose le paiement.

[...]

Le procureur du Roi invite l'auteur de l'infraction passible ou susceptible de confiscation à abandonner, dans un délai qu'il fixe, les biens ou avantages patrimoniaux saisis ou, s'ils ne sont pas saisis, à les remettre à l'endroit qu'il fixe.

Les paiements, abandon et remise effectués dans le délai indiqué éteignent l'action publique.

Les préposés du Service public fédéral Finances informent le procureur du Roi du versement effectué.

§ 2. La faculté accordée au procureur du Roi au paragraphe 1er peut également être exercée lorsque le juge d'instruction est déjà chargé d'instruire ou lorsque le tribunal ou la cour est déjà saisi du fait, si le suspect, l'inculpé ou le prévenu manifeste sa volonté de réparer le dommage causé à autrui, pour autant qu'aucun jugement ou arrêt définitif n'ait été rendu au pénal.

[...]

Conformément au paragraphe 1er, l'action publique s'éteint dans le chef de l'auteur qui aura accepté et observé la transaction proposée par le procureur du Roi. Toutefois, la transaction ne porte pas atteinte à l'action publique contre les autres auteurs, coauteurs ou complices, ni aux actions des victimes à leur égard.

[...]

Quand une transaction est exécutée dans une affaire pendante et que l'action publique n'a pas encore fait l'objet d'un jugement ou d'un arrêt passé en force de chose jugée, le procureur du Roi ou le procureur général près la cour d'appel ou la cour du travail, selon le cas, en avise officiellement sans délai le tribunal de police, le tribunal correctionnel et la cour d'appel saisies et, le cas échéant, la Cour de Cassation.

Sur réquisition du procureur du Roi et après avoir vérifié s'il est satisfait aux conditions d'application formelles du § 1er, alinéa 1er, si l'auteur a accepté et observé la transaction proposée, et si la victime et l'administration fiscale ou sociale ont été dédommagées conformément au § 4 et au § 6, alinéa 2, le juge compétent constate l'extinction de l'action publique dans le chef de l'auteur.

[...]

§ 3. Le droit prévu aux paragraphes 1er et 2 appartient aussi, pour les mêmes faits, [...] au procureur fédéral [...]

§ 4. Le dommage éventuellement causé à autrui doit être entièrement réparé avant que la transaction puisse être proposée. Toutefois, elle pourra aussi être proposée si l'auteur a reconnu par écrit, sa responsabilité civile pour le fait générateur du dommage, et produit la preuve de l'indemnisation de la fraction non contestée du dommage et des modalités de règlements de celui-ci. En tout état de cause, la victime pourra faire valoir ses droits devant le tribunal compétent. Dans ce cas, le paiement de la somme d'argent par l'auteur constitue une présomption irréfragable de sa faute.

§ 5. [...]

§ 6. [...]

Pour les infractions fiscales ou sociales qui ont permis d'éluder des impôts ou des cotisations sociales, la transaction n'est possible qu'après le paiement des impôts ou des cotisations sociales éludés dont l'auteur est redevable, en ce compris les intérêts, et moyennant l'accord de l'administration fiscale ou sociale