Cour du Travail: Arrêt du 18 octobre 2010 (Mons (Mons)). RG 2009/AM/21842

Datum :
18-10-2010
Taal :
Frans
Grootte :
6 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20101018-4
Rolnummer :
2009/AM/21842

Samenvatting :

Lorsque l'article 20, alinéa 1er de la loi du 3 juillet 1967, vise l'acte juridique administratif contesté en tant que point de départ du délai de 3 ans pour saisir le tribunal du travail d'une action en paiement des indemnités prévues par cette législation, l'acte visé n'est pas exclusivement la décision de l'autorité visée à l'article 10 de l'arrêté royal du 13 juillet 1970 mais peut, lorsque la demande en paiement des indemnités est introduite avant que la décision précitée n'ait été prise, consister en la proposition du service médical visée aux articles 8 et 9 dudit arrêté. Il existe ainsi deux actes distincts susceptibles de constituer le point de départ de la prescription, la victime se voyant, ainsi, offrir la possibilité de contester en justice la proposition du MEDEX dans l'hypothèse où elle saisirait le tribunal du travail d'une demande en paiement des indemnités avant que la décision de l'autorité (art. 9 A.R.. 13/7/1970) ne soit prise.

Arrest :

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COUR DU TRAVAIL DE MONS

ARRET

AUDIENCE PUBLIQUE DU 18 OCTOBRE 2010.

R.G.: 2009/AM/21.842

2ème Chambre

Accident de travail. - Secteur public. - Agent communal.

Incapacité permanente- Procédure administrative en révision suivie par la victime conformément à l'A.R. du 13/07/70.

Respect du délai de révision par l'agent. - Action en justice dirigée contre la proposition du Medex.

Délai de prescription de l'action en justice fixé à 3 ans par l'article 20 de la loi du 03/07/1967 prenant cours à dater de la proposition du Medex faute de décision prise par l'autorité administrative compétente.

Recevabilité de l'action.

Art. 579, 1° du Code judiciaire.

Arrêt contradictoire, définitif renvoyant la cause au premier juge pour lui permettre de mettre en mouvement la mesure d'expertise médicale ordonnée par ses soins.

EN CAUSE DE :

La VILLE DE M., représentée par son Collège des Bourgmestre et Echevins,

Appelant, comparaissant par son conseil Maître PIETTE loco Maître HAENECOUR, avocat à Le Roeulx,

CONTRE :

M.ieur F.G.,

Intimé, comparaissant par son conseil Maître MOURY, avocat à Boussu.

*******

La Cour du Travail, après en avoir délibéré, rend ce jour l'arrêt suivant :

Vu produites en forme régulière les pièces de la procédure légalement requises et notamment la copie du jugement entrepris ;

Vu l'appel interjeté contre le jugement prononcé contradictoirement le 10 août 2009 par le Tribunal du Travail de M., section de M., appel formé par requête déposée au greffe de la Cour le 30 octobre 2009 ;

Vu l'ordonnance de mise en état consensuelle prise le 16 novembre 2009 sur pied de l'article 747 §1er du Code judiciaire et notifiée le 17 novembre 2009 aux parties ;

Vu, pour M.ieur F.G., ses conclusions de synthèse déposées au greffe le 16 juin 2010 ;

Vu, pour la VILLE DE M., ses conclusions additionnelles d'appel reçues au greffe le 17 août 2010 ;

Entendu les conseils des parties, en leurs dires et moyens, à l'audience publique du 20 septembre 2010 ;

Vu les dossiers des parties ;

*******

RECEVABILITE.

Par requête d'appel déposée au greffe le 30 octobre 2009, La VILLE DE M. a relevé appel d'un jugement contradictoire prononcé le 10 août 2009 par le Tribunal du Travail de M., section de M..

L'appel élevé à l'encontre de ce jugement, dont il n'est pas soutenu qu'il ait été signifié, est recevable.

FONDEMENT.

1. Les faits de la cause et les rétroactes de la procédure.

Il appert des éléments auxquels la Cour de céans peut avoir égard que M.ieur F.G., né le ............1971, a été victime d'un accident du travail, le 19/11/2001, ayant entraîné une déchirure du muscle grand pectoral gauche alors qu'il était occupé pour le compte de la VILLE DE M. en qualité d'ouvrier affecté au service de la voirie.

Suite à cet accident, M.ieur F.G. fut reconnu en incapacité temporaire totale du 20/11/2001 au 31/01/2002.

M.ieur F.G. fut victime d'une rechute le 30/04/2002 jusqu'au 01/07/2002.

Par décision prise le 17/03/2003, le service de santé administratif fixa à 1% l'incapacité permanente partielle dont était victime M.ieur F.G., la date de consolidation étant, quant à elle, arrêtée au 28/10/2002.

En date du 06/01/2004, M.ieur F.G. marqua son accord sur les propositions définitives de règlement qui lui furent adressées par la VILLE DE M. le 06/01/2004 (IPP de 1% avec une consolidation fixée au 28/10/2002).

Prenant acte de cet accord, ETHIAS - ACCIDENTS DU TRAVAIL s'engagea, par décision signée conjointement avec la VILLE DE M. le 25/02/2004, à exécuter l'intégralité du règlement prévu par la décision de reconnaissance d'une invalidité permanente telle que proposée à M.ieur F.G. et acceptée par celui-ci le 06/01/2004.

M.ieur F.G. introduisit le 22/06/2006 une demande de révision qui conduisit le MEDEX (successeur du Service Santé administratif) à fixer, par décision du 07/09/2006, l'incapacité permanente de travail lui reconnue à 5%.

Cependant, il semble que M.ieur F.G. ait refusé de marquer son accord sur ces conclusions dans la mesure où le MEDEX, statuant en degré d'appel, décida, par décision subséquente du 14/02/2007, de maintenir à 1% l'incapacité permanente partielle reconnue originairement au profit de M.ieur F.G..

Ne pouvant se satisfaire de pareilles conclusions, M.ieur F.G. lança citation le 06/06/2007 à l'encontre de la VILLE DE M. aux fins d'entendre dire pour droit qu'il avait subi une aggravation de son état de santé suite à l'accident de travail dont il avait été victime le 19/11/2001, sollicitant, partant, la condamnation de la VILLE DE M. à l'indemniser sur base de la loi du 10/04/1971 (en réalité il s'agit de la loi du 03/07/1967) avec la désignation préalable d'un expert médecin investi de la mission de déterminer si son état de santé s'était aggravé et d'indiquer le nouveau taux d'incapacité permanente partielle ainsi que la date de prise de cours de celui-ci.

Aux termes du jugement dont appel, le premier juge après avoir relevé que l'action était recevable et que le litige était d'ordre médical, ordonna avant dire droit plus avant, une mesure d'expertise médicale confiée au Docteur HEUREUX, ce dernier étant investi de la mission suivante : « Visiter la partie demanderesse, décrire son état relativement aux blessures reçues lors de l'accident du travail du 19/11/2001, dire s'il résulte de cette comparaison qui s'est produite durant le délai de révision de 3 ans une aggravation de l'état de la victime et fixer le taux de la nouvelle incapacité en ayant soin de préciser la date à partir de laquelle ce taux nouveau doit prendre cours ».

La VILLE DE M. interjeta appel de ce jugement.

GRIEFS ELEVES A L'ENCONTRE DU JUGEMENT QUERELLE.

La VILLE DE M. estime que la demande originaire formulée par citation du 06/06/2007 est irrecevable ayant été formulée après l'expiration du délai de révision de 3 ans dont la prise de cours doit être fixée au 05/03/2004 (date de la notification par recommandé de la décision de l'autorité administrative du 25/02/2004) sur pied de l'article 11 de l'AR du 13/07/1970.

En effet, observe la VILLE DE M., le délai de révision ne constitue pas un délai de prescription mais un délai préfix de forclusion qui ne peut ni être étendu ni être prorogé même de l'accord des parties.

La VILLE DE M. sollicite la réformation du jugement dont appel.

POSITION DE M.IEUR F.G..

M.ieur F.G. estime qu'il est incontestable que la demande en révision fut introduite dans le délai utile puisque les décisions du MEDEX (lesquelles n'ont, toutefois, pas été entérinées par la VILLE DE M.) ont été arrêtées avant l'expiration du délai de prescription.

Ainsi, fait valoir M.ieur F.G., la demande en révision a été formulée par la voie administrative dans les délais impartis, seule demeurant soumise à la Cour l'analyse du fondement de la décision administrative de refus de reconnaissance de l'aggravation prise par le MEDEX le 14/02/2007.

Surabondamment, M.ieur F.G. se réfère à l'arrêt de la Cour Constitutionnelle prononcé le 18/06/2009 qui a considéré que le délai de recours dont bénéficie la victime d'un accident du travail dans le secteur public pour intenter une action en révision est un délai de prescription et non un délai préfix, tout comme le délai visé par l'article 72 de la loi du 10/04/1971, de telle sorte que ce délai est susceptible d'être interrompu ou suspendu : tel est assurément le cas en l'espèce, selon M.ieur F.G., en raison des décisions prises par le MEDEX.

M.ieur F.G. sollicite, partant, la confirmation du jugement dont appel.

DISCUSSION - EN DROIT.

La loi du 3/7/1967 qui organise la réparation des accidents du travail et des accidents sur le chemin du travail constitue une loi-cadre : elle énumère les autorités auxquelles elle s'adresse mais n'est applicable à ces autorités et à leurs agents que moyennant un arrêté royal spécifique, en l'espèce l'A.R. du 13/7/1970 relatif à la réparation en faveur notamment des agents des communes des dommages résultant des accidents du travail et des accidents survenus sur le chemin du travail

L'agent qui est victime d'un accident du travail est tenu de se soumettre à une procédure administrative laquelle est fixée par les articles 6 et suivants de l'A.R. du 13/7/1970 dont question supra.

La procédure administrative implique l'intervention du service médical (en l'espèce le MEDEX) pour l'examen du dossier sous ses aspects médicaux lequel aboutit à une appréciation ou à un avis qui doit être soumis à l'autorité compétente (en l'espèce la VILLE DE M.). Le service compétent vérifie si les conditions d'octroi des indemnités sont réunies et, dans l'affirmative, examine les éléments du dommage subi et apprécie s'il y a lieu d'augmenter le pourcentage d'invalidité permanente fixée par le MEDEX. Le paiement d'une rente est alors proposé à l'accord de la victime par courrier recommandé. Cette proposition doit mentionner la rémunération servant de base au calcul de la rente, la nature de la lésion, la réduction de la capacité et la date de consolidation.

En l'espèce, M.ieur F.G. a été victime le 19/11/2001, d'un accident du travail alors qu'il était occupé au service de la VILLE DE M..

En date du 06/01/2004, M.ieur F.G. a marqué son accord sur les propositions de règlement lui adressées par la VILLE DE M. soit la reconnaissance d'un taux d'incapacité permanente fixé à 1% par le MEDEX, la consolidation étant fixée au 28/10/2002.

Par courrier du 27/02/2004, la VILLE DE M. a avisé M.ieur F.G. qu'elle avait marqué son accord sur la proposition d'ETHIAS et porté à sa connaissance que « le délai de 3 ans pour la révision éventuelle de son taux d'invalidité prenait cours à partir de ce jour ».

En date du 22/06/2006, M.ieur F.G. a introduit une demande en révision (non produite au dossier) laquelle conduisit le MEDEX à lui notifier, en date du 07/09/2006 une décision portant à 5% le taux d'IPP, décision qui fut transmise au service compétent (en l'occurrence la VILLE DE M.) le 07/10/2006.

M.ieur F.G., poursuivant toujours la procédure administrative en révision prévue par les articles 11 et suivants de l'AR du 13/07/1970, interjeta appel de la décision prise par le MEDEX le 07/10/2006 et, par décision arrêtée le 14/02/2007, ce dernier décida, in fine, de maintenir le taux de l'IPP à 1%.

Refusant de se soumettre à pareilles conclusions (à noter que la VILLE DE M. n'a, à nouveau, pas soumis à M.ieur F.G. de proposition d'indemnisation sur base de l'avis médical du MEDEX), M.ieur F.G. lança citation le 06/06/2007 à l'encontre de la VILLE DE M..

Les demandes en révision doivent pour être recevables - s'agissant du personnel relevant du champ d'application de l'AR du 13/07/1970 - avoir été introduites dans le délai de 3 ans qui prend cours le jour de la notification visée à l'article 10 dudit arrêté royal soit le 27/02/2004, conformément au prescrit de l'article 13 de l'AR du 13/07/1970.

Dans le cadre du présent litige soumis à la Cour de céans, la demande en révision a été introduite le 22/06/2006 dans le respect des formes et délais prévus aux articles 10 et 12 de l'AR du 13/07/1970.

Contrairement au délai de révision, en l'occurrence respecté, l'action visant à contester la proposition notifiée par le MEDEX le 14/02/2007 en application de l'article 13 de l'AR du 13/07/1970 est soumise, quant à elle, à la prescription prévue à l'article 20 de la loi du 03/07/1967.

Tel que modifié par l'article 7 de la loi du 20/05/1997 et en vertu de l'article 8 de ladite loi applicable à la présente espèce, l'article 20 de la loi du 03/07/1967 prévoit que « les actions en paiement des indemnités se prescrivent par 3 ans à dater de la notification de l'acte administratif contesté ».

Il y a lieu d'entendre par acte juridique administratif contesté « toute décision qui serait prise par l'employeur ou par le service de santé administratif (actuellement MEDEX) pendant la durée de la procédure administrative » (Exposé des motifs du projet de loi portant diverses mesures en matière de fonction publique. Doc. Parl., Ch., S.O., 1995-1996, n° 645/1, p.6).

Pour la Cour de cassation (Cass., 4/6/2007, www.juridat.be), l'autorité administrative n'est nullement liée par l'avis du MEDEX et elle devra prendre une décision sur l'existence d'un accident du travail ou d'un accident sur le chemin du travail ouvrant à indemnisation, sur l'invalidité permanente éventuelle (en augmentant s'il y a lieu le pourcentage d'IPP) et sur le montant de la rémunération de base.

En cas d'accord de la victime, cette proposition sera reprise intégralement dans une décision de l'autorité elle-même notifiée sous pli recommandé.

En conséquence, pour la Cour de cassation, lorsque l'article 20, alinéa 1er de la loi du 3 juillet 1967, vise l'acte juridique administratif contesté en tant que point de départ du délai de 3 ans pour saisir le tribunal du travail d'une action en paiement des indemnités prévues par cette législation, l'acte visé n'est pas exclusivement la décision de l'autorité visée à l'article 10 de l'arrêté royal du 13 juillet 1970 mais peut, lorsque la demande en paiement des indemnités est introduite avant que la décision précitée n'ait été prise, consister en la proposition du service médical visée aux articles 8 et 9 dudit arrêté.

Il existe, ainsi, selon la Cour de cassation, deux actes distincts susceptibles de constituer le point de départ de la prescription, la victime se voyant, ainsi, offrir la possibilité de contester en justice la proposition du MEDEX dans l'hypothèse où elle saisirait le tribunal du travail d'une demande en paiement des indemnités avant que la décision de l'autorité (art. 9 A.R.. 13/7/1970) ne soit prise.

En l'espèce, M.ieur F.G. pouvait parfaitement renoncer à contester en justice l'avis médical du MEDEX lui notifié le 14/02/2007 (le rapport au Roi précédant l'AR du 13/07/1970 (Pasin., 1970, p. 1081) envisage, d'ailleurs, expressément un recours judiciaire en cas de contestation de la décision de l'autorité administrative sur la révision) et attendre, ainsi, la décision de la VILLE DE M. puisqu'à la différence des autres arrêtés d'exécution de la loi du 03/07/1967, celui du 13/07/1970, en son article 10, autorise les pouvoirs locaux, à augmenter le taux d'incapacité permanente fixé par le MEDEX : ainsi, M.ieur F.G. aurait peut-être vu ses prétentions être rencontrées par la VILLE DE M. (à savoir voir son taux d'IPP être porté à 10%) [s'il avait attendu la décision de la VILLE DE M.] ce qui lui aurait permis de faire l'économie d'une procédure judiciaire.

Cela étant, la Cour de céans constate que l'action judiciaire, introduite par citation du 06/06/2007, a, ainsi, été diligentée dans le délai de 3 ans prenant cours à dater de la proposition de MEDEX notifiée à M.ieur F.G. le 14/02/2007, de sorte que le premier juge a pu, à bon droit, déclarer qu'elle était recevable.

Dès lors que la Cour de céans confirme le jugement dont appel qui a ordonné une mesure d'expertise médicale (son opportunité n'a pas été contestée à titre subsidiaire par la VILLE DE M. dès lors que cette dernière avait proposé pareille mesure d'instruction à titre subsidiaire devant le premier juge), la Cour de céans est tenue, indépendamment même de la volonté des parties (Cass., 05/01/2006, Pas., I, p. 28), par application des dispositions de l'article 1068, alinéa 2 du Code judiciaire, sauf le cas (quod non en l'espèce) où le premier juge a déjà statué à la suite et sur base de la mesure d'instruction (Cass., 31/10/1985, J.T., 1986, p. 75) de renvoyer la cause devant ce juge aux fins de lui permettre de mettre en mouvement la mesure d'expertise médicale ordonnée par ses soins.

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PAR CES MOTIFS,

La Cour du travail,

Statuant contradictoirement,

Vu la loi du 15 juin 1935 relative à l'emploi des langues en matière judiciaire,

Déclare la requête d'appel recevable mais non fondée ;

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions en y substituant toutefois une motivation plus adéquate ;

Par application des dispositions de l'article 1068 alinéa 2 du Code judiciaire, renvoie la cause devant le premier juge aux fins de lui permettre de mettre en mouvement la mesure d'expertise médicale ordonnée par ses soins aux termes du jugement dont appel ;

Vidant sa saisine, condamne, en application de l'article 1017, alinéa 1 du Code judiciaire, l'appelante aux frais et dépens de l'instance d'appel liquidés par M.ieur F.G. à la somme de 145,78 euro étant l'indemnité de procédure de base.

Ainsi jugé et prononcé, en langue française, à l'audience publique du 18 octobre 2010 par le Président de la 2ème Chambre de la Cour du travail de M., composée de :

M.ieur X. VLIEGHE, Conseiller, présidant la Chambre,

Madame M. DISCEPOLI, Conseiller social au titre d'employeur,

M.ieur A. WINS, Conseiller social au titre de travailleur ouvrier,

Madame Ch. STEENHAUT, Greffier,

qui en ont préalablement signé la minute.