Cour du Travail: Arrêt du 19 février 2013 (Mons (Mons)). RG 2011/AM/438

Datum :
19-02-2013
Taal :
Frans
Grootte :
3 pagina's
Sectie :
Rechtspraak
Bron :
Justel F-20130219-8
Rolnummer :
2011/AM/438

Samenvatting :

Pour que soit soulevée à bon escient l'exception d'irrecevabilité de la demande en application de la présomption légale de l'autorité de la chose jugée, il est requis qu'il soit satisfait à la règle de la triple identité de partie, d'objet et de cause. Tel n'est pas le cas lorsqu'il n'a été statué par un précédent jugement que sur la reconnaissance du droit à une indemnité alors que l'action nouvelle vise à la détermination du montant de celle-ci.

Arrest :

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COUR DU TRAVAIL DE MONS

ARRET

AUDIENCE PUBLIQUE DU 19 FEVRIER 2013

R.G. 20111/AM/438

3ème Chambre

Contrat de travail (employé)

Clause de non-concurrence, indemnisation définitive.

Droit judiciaire : autorité de chose jugée.

Article 578 C.J.

Arrêt contradictoire,

définitif.

EN CAUSE DE :

La S.A. HÖGANAS BELGIUM, dont le siège social est établi à .............

Appelante au principal, intimée sur incident, comparaissant par son conseil, Maître Claude Wantiez, avocat à Bruxelles.

CONTRE :

Monsieur Jean-Paul E., domicilié à ........

Intimé au principal, appelant sur incident, comparaissant par son conseil, Maître Marjorie Rigo, substituant Maître Pierre Vanhaverbeke, avocat à Bruxelles.

* * * * *

La cour du travail, après en avoir délibéré, rend ce jour l'arrêt suivant :

Vu, en original, l'acte d'appel présenté en requête déposée au greffe de la cour le 18.11.2011 et visant à la réformation d'un jugement contradictoirement rendu en cause d'entre parties par le tribunal du travail de Tournai, section de Tournai, y siégeant le 28.10.2011.

Vu les pièces de la procédure légalement requises et notamment, la copie conforme du jugement dont appel.

Vu les conclusions de Monsieur E., principales et de synthèse, respectivement déposées au greffe le 27.2.2012 et le 25.6.2012, ainsi que celles de la S.A. HÖGANAS BELGIUM, y reçues le 26.4.2012.

Entendu les parties, par leur conseil, en leurs explications à l'audience publique du 15.1.2013.

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L'appel est régulier quant la forme et au délai d'introduction.

Pour le surplus, sa recevabilité n'a pas été contestée.

Il est recevable.

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Les faits et antécédents de la cause sont les suivants :

- Après avoir été en relation de travail dans le cadre d'un contrat de travail salarié durant une vingtaine d'années, de 1987 à 2007, Monsieur Jean-Paul E. et la S.A. HÖGANAS BELGIUM ont soumis, à l'initiative du premier, au tribunal du travail de Tournai un différend les opposant à propos de l'applicabilité à leur situation de fin des relations professionnelles d'une clause de non concurrence.

- Statuant le 25.6.2010, le tribunal saisi a décidé ce qui suit :

« Déclare la clause de non-concurrence contenue dans l'avenant au contrat d'emploi du 27 novembre 1986 opposable à la partie défenderesse et, en conséquence, la condamne au paiement d'un montant provisionnel de UN EURO à titre d'indemnité compensatoire forfaitaire correspondant à 6 mois bruts de rémunération suite à l'application effective de la clause de non-concurrence, montant à majorer des intérêts légaux et judiciaires ; »

- Ce jugement à été signifié à la S.A. HÖGANAS BELGIUM le 20.7.2010. Il n'a pas fait l'objet d'un appel.

- Par exploit introductif d'instance du 15.2.2011, invoquant l'autorité de la chose jugée du jugement du 25.6.2010 en tant qu'il consacre son droit à l'indemnité compensatoire de clause de non-concurrence, monsieur Jean-Paul E. a saisi le même tribunal en paiement de ce chef, de la somme de 37.508,22 euro bruts à majorer des intérêts légaux et judiciaires.

- Statuant le 28.10.2011 par le jugement dont appel, après avoir rejeté les exceptions soulevées par la S.A. HÖGANAS BELGIUM, déduites de l'autorité de la chose jugée et de la prescription, le tribunal a fait droit à la demande.

- La S.A. HÖGANAS BELGIUM a relevé appel de cette décision, réitérant par devant la cour, l'argumentation déjà développée en instance, laquelle sera examinée ci-après tandis que monsieur Jean-Paul E. conclut à la confirmation du jugement.

A. Quant à l'exception déduite du principe de l'autorité de la chose jugée.

La S.A. HÖGANAS BELGIUM soulève à tort l'exception d'irrecevabilité de la demande en application de la présomption légale de l'autorité de la chose jugée.

Il est constant qu'aux termes de l'article 23 du Code judiciaire, « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet de la décision. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ». Il s'agit de la règle de la triple identité de partie, d'objet et de cause (voyez : notamment, Georges de Leval, Éléments de procédure civile, Larcier, 2ème édition, p. 247, n° 171).

Il n'y a pas en l'espèce d'identité d'objet dès lors que la première demande sur laquelle il fut statué par le jugement du 25.6.2010 avait pour objet la reconnaissance du droit de Monsieur Jean-Paul E. au paiement à charge de la S.A. HÖGANAS BELGIUM d'une indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence tandis que la seconde demande porte sur le quantum de celle-ci.

Lorsqu'une juridiction condamne, comme demandé, au paiement d'UN EURO à titre PROVISIONNEL, elle consacre le droit à l'indemnisation mais ne se prononce pas sur le montant définitif de celle-ci, lequel est généralement réservé.

Il est indifférent qu'en l'espèce, à la requête de la partie demanderesse, ce prolongement logique de la demande n'ait pas été réservé par le tribunal qui, agissant de la sorte et statuant sur les dépens de l'instance a épuisé sa saisine.

C'est en raison de cet épuisement de la saisine du tribunal et non pas à cause de l'autorité de la chose jugée, qu'il n'a pas pu être fait droit à la demande de fixation sur base de l'article 747, §2, al. 5 du Code judiciaire par laquelle Monsieur Jean-Paul E. aurait voulu faire revenir la cause (pièce 8 du dossier de la S.A.).

Il n'en reste pas moins qu'il n'a pas été statué sur le montant définitif de l'indemnité pour clause de non-concurrence sur lequel les parties n'ont d'ailleurs pas débattu.

L'autorité de la chose jugée ne s'étend pas à un point qui n'a pas été soumis au débat et sur lequel, par conséquent, le juge n'a pas statué définitivement (Cass. 8.1.2001, RCJB 2002, p. 231 et note G. Closset-Marchal).

B. Quant à l'exception de prescription.

L'exception de prescription déduite de l'article 15 de la loi du 3.7.1978 relative aux contrats de travail n'est pas plus soulevée à bon escient.

Par identité des motifs développés au jugement entrepris et tenus ici pour intégralement reproduits et qu'elle adopte, la cour considère que la demande visant à la détermination du montant définitif de l'indemnité compensatrice de clause de non-concurrence était virtuellement comprise dans la demande première visant à la reconnaissance du droit et à l'octroi d'une somme provisionnelle (UN EURO) et qu'ainsi, elle a bénéficié de l'effet interruptif de prescription inhérent à l'exercice de la première action en justice.

En effet, aux termes de l'article 2244, alinéa 2 du Code civil, une citation en justice interrompt la prescription jusqu'au prononcé d'une décision définitive.

Le droit de Monsieur Jean-Paul E. d'agir en justice en vue d'obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence a donc été interrompu le 22.12.2008 par le premier exploit introductif d'instance jusqu'au moment du prononcé du jugement du 25.6.2010, date à laquelle un nouveau délai de prescription annal a commencé à courir, lequel n'était pas abouti le 15.2.2011 lors de l'introduction du second exploit.

Celui-ci a à nouveau interrompu la prescription et cette interruption est toujours en cours.

C. Quant au fondement.

En vertu de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 25.6.2010, il est définitivement acquis que Monsieur Jean-Paul E. a droit, à charge de la S.A. HÖGANAS BELGIUM et à titre d'indemnité compensatoire de clause de non-concurrence, à une indemnité forfaitaire de 6 mois bruts de rémunération, à majorer des intérêts légaux et judiciaires.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, ces questions afférentes au principe du droit étant définitivement tranchées, il n'y avait plus lieu d'en débattre.

Dans les limites de sa saisine, le tribunal ne pouvait que fixer le montant définitif de l'indemnité forfaitaire correspondante à 6 mois bruts de rémunération, à majorer des intérêts légaux et judiciaires.

Ce montant a été fixé par référence à la fiche de paie de décembre 2007 à la somme de 37.508, 22 euro qui ne fait du reste l'objet d'aucune contestation spécifique.

Il n'y a donc pas lieu à réformation du jugement entrepris.

D. Quant aux frais et dépens.

Monsieur Jean-Paul E. formule, pour autant que de besoin, un appel incident visant à la majoration du montant de l'indemnité de procédure qui lui fut allouée par le tribunal jusqu'à concurrence du montant maximum et ce, en raison de l'attitude qu'il qualifie de déloyale de la partie adverse.

La cour considère toutefois que la nécessité dans laquelle l'intéressé s'est trouvé de devoir entamer une deuxième procédure est tout autant la conséquence de son attitude propre que celle de son adversaire dès lors que pas plus que celui-ci, il n'a pris la précaution de faire acter le prétendu accord intervenu entre parties sur la fragmentation de la procédure.

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PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement,

Ecartant toutes conclusions autres,

Vu la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, notamment l'article 24 ;

Reçoit l'appel principal mais le dit non fondé ;

Reçoit l'appel incident mais le dit non fondé ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamne la S.A. HÖGANAS BELGIUM aux frais et dépens de l'instance d'appel liquidés dans le chef de Monsieur Jean-Paul E. à la somme de 4.400 euro mais ramenés à 2.200 euro (indemnité de procédure) et lui délaisse les siens propres.

Ainsi jugé par la 3ème chambre de la cour du travail de Mons, composée de :

Monsieur A. CABY, président,

Monsieur P. VANHEULE, conseiller social suppléant au titre d'employeur,

Monsieur Th. JOSEPHY, conseiller social au titre de travailleur employé,

qui en ont préalablement signé la minute,

et prononcé, en langue française, à l'audience publique du 19 février 2013 par le président A. CABY, avec l'assistance du greffier V. HENRY