Commission d'indemnisation de la détention préventive: Décision du 18 mai 2010 (Belgique). RG 350F
Summary :
Dès lors que l'article 28, § 1er, de la loi du 13 mars 1973 ne vise pas l'indemnité du dommage causé par une faute, il n'y a pas lieu d'octroyer un intérêt compensatoire, ni pour le dommage moral, ni pour le dommage matériel.
Decision :
W. B., ayant pour conseil Maître Alain Genotte, avocat au barreau de Mons, dont le cabinet est établi à 7850 Enghien, Grand'Place P. Delannoy, 70,
contre
LE MINISTRE DE LA JUSTICE, dont le cabinet est établi à 1000 Bruxelles, boulevard de Waterloo 115, représenté par Madame Aline Jeandrain, attachée au service public fédéral Justice.
I. La décision entreprise
Le ministre de la Justice a pris le 19 mai 2009 la décision entreprise.
II. Les faits
B. W. a été privé de liberté le 10 avril 2001 et mis sous mandat d'arrêt le 11 avril 2001 par le juge d'instruction près le tribunal de première instance de Mons. Il a été inculpé d'avoir à H....., section R..., arrondissement de M...., le 10 mars 2001, comme auteur, coauteur ou complice, volontairement, avec intention de donner la mort et avec préméditation, commis un homicide sur les personnes de C. D. et R.W..
Le requérant a été mis en liberté le 13 décembre 2001 suite à l'arrêt de la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle et a bénéficié d'un non-lieu le 28 novembre 2007 par l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal correctionnel de Mons.
B. W. a été détenu préventivement 247 jours.
III. La procédure
A. devant le ministre de la Justice
Le requérant a introduit une requête en indemnisation datée du 25 novembre 2008, entrée au service public fédéral Justice le 26 novembre 2008.
Par décision du 19 mai 2009, le ministre de la Justice a fait connaître au conseil du requérant qu'il lui accordait une indemnité de 6.200 euro à titre de dommage moral et 15.233 euro à titre de dommage matériel, soit un total de 21.433 euro .
B. devant la Commission
Le conseil du requérant a introduit au secrétariat de la Commission un recours le 20 juillet 2009.
Le ministre de la Justice a déposé au secrétariat de la Commission un mémoire en réponse le 14 août 2009.
Le requérant a déposé par télécopie au secrétariat de la Commission un mémoire en réplique le 11 septembre 2009 et déposé en original le 14 septembre 2009 au secrétariat de la Commission.
Par décision du 13 octobre 2009, la Commission a prorogé le délai jusqu'au 14 février 2011.
Le recours, le mémoire en réponse et le mémoire en réplique ont été introduits dans les délais prescrits par la loi et sont dès lors recevables.
Le président a fait rapport.
Maître Pascal Lamon, avocat au barreau de Bruxelles, loco Maître Alain Genotte, avocat au barreau de Mons, pour le requérant, et Madame Aline Jeandrain, préqualifiée, pour le ministre, ont été entendus en leurs dires et moyens.
Monsieur Jean-Marie Genicot, avocat général, a été entendu en son avis.
IV. La décision de la Commission
1. Pour la détention subie du 10 avril 2001 au 13 décembre 2001, la décision entreprise accorde une indemnité de 15.233 euros pour le dommage matériel et de 6.200 euros pour le dommage moral. Le recours porte sur le montant de l'indemnité à accorder au requérant pour le dommage matériel et, en ce qui concerne le dommage moral, uniquement sur les intérêts compensatoires et judiciaires au taux légal à dater de septembre 2001. Le requérant demande une indemnité de 523.344 euros à titre de dommage matériel, à majorer des intérêts compensatoires et judiciaires au taux légal à dater de septembre 2001. Dans le mémoire en réplique, il demande, à titre subsidiaire, la désignation d'un expert judiciaire ayant pour mission d'apprécier les pertes patrimoniales, mobilières et immobilières, subies à la suite de la détention préventive inopérante.
2. Dès lors que l'article 28, § 1er, de la loi du 13 mars 1973 ne vise pas l'indemnisation du dommage causé par une faute, il n'y a pas lieu d'octroyer un intérêt compensatoire ou judiciaire, ni pour le dommage moral, ni pour le dommage matériel.
3. L'indemnité de 15.233 euros vise la réparation de la perte de revenus nets pendant la période de détention. Ce calcul n'est pas contesté par le requérant.
4. Le dommage consécutif à la perte de valeur de l'exploitation agricole peut être imputé partiellement à la détention subie.
La déclaration d'impôt du requérant pour l'exercice 2002 (revenus 2001) fait état de "l'aide bénévole de voisins et amis venus aider les parents".
Il en ressort que l'exploitation agricole n'a été abondonnée qu'en partie.
Le montant supplémentaire couvrant le dommage matériel subi peut être accordé à concurrence de 10.000 euros.
A cet égard, la demande est partiellement fondée.
5. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'expertise judiciaire.
Dispositif
La Commission, statuant en audience publique, après avoir siégé à huis clos pour l'instruction,
Reçoit le recours, le déclare partiellement fondé.
Fixe le montant à accorder à 6.200 euros pour le dommage moral et à 25.233 euros pour le dommage matériel.
Ainsi prononcé par la Commission, instituée par l'article 28, § 4, de la loi du 13 mars 1973 relative à l'indemnité en cas de détention préventive inopérante, en séance publique du 18 mai 2010, séant à Bruxelles, où sont présents : Messieurs Ivan Verougstraete, président de la Cour de cassation, président ; Robert Andersen, premier président du Conseil d'Etat ; Luc-Pierre Maréchal, président de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, membres ; Monsieur Jean-Marie Genicot, avocat général près la Cour de cassation ; Madame Fabienne Gobert, greffier à la Cour de cassation, secrétaire.