Commission pour l'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence et aux sauveteurs occasionnels: Décision du 17 septembre 2007 (Belgique). RG M50451/4749

Date :
17-09-2007
Language :
French
Size :
3 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20070917-1
Role number :
M50451/4749

Summary :

Sommaire 1

Decision :

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Saisine de la Commission

(...)

Par courrier du 24/10/2006, le conseil de la requérante précise que sa cliente reprend l'instance à son nom, vu sa majorité.

Exposé des faits

Le 21 février 1998, à ..., une première plainte est déposée pour des faits d'abus sexuels (viols) commis par le père, Z. sur Shirley ( 10 ans au moment des faits) . Cette plainte fait suite aux confidences que Shirley a faites à sa tante, Patricia Y., la sœur de sa mère. Madame Y. explique dans sa déclaration que Shirley lui aurait formulé les mêmes plaintes il y plus de six mois en août 1997, mais que, à la suite du questionnement de sa tante, elle aurait tout démenti.

Les faits se déroulent en journée lorsque la mère de Shirley part au travail et que Monsieur Z. reste à la maison. A la suite de ces déclarations, Madame X. (mère de Shirley) décide de se séparer du père. Ce dernier ira vivre à ... dans une maison d'accueil mais, bien vite, Madame X. ira le rejoindre à ... avec Shirley et son frère. De part sa proximité géographique, Shirley renoue les contacts avec son père. La mère habitant dans le même immeuble confie pendant le week-end de Toussaint les enfants à leur père, Z..

En novembre 1998, d'autres faits d'atouchements sont dénoncés par Shirley aurprès d'une amie de sa mère.

En 1999, la mère étant hospitalisée, les deux enfants sont placés dans une maison d'accueil. En 2000, les enfants sont réintégrés dans leur famille.

A la fin 2001, les parents sont cité à comparaître devant le Tribunal de ....

Suites judiciaires

En date du 4 juin 2002, passé en force de chose jugée, le tribunal correctionnel de ... condamne le prévenu Z. à une peine d'emprisonnement de 4 ans avec un sursis, pendant 5 ans et à payer solidairement avec Madame X. la somme de 2.500 euro à titre provisionnel à Maître Georges RIGO, en sa qualité de tuteur ad hoc de la mineure d'âge Shirley. Le Dr DONNAY est désigné comme expert.

Le même jugement requalifie les accusations d'attentat à la pudeur à charge de Madame X., en abstention de porter secours et ordonne la suspension du prononcé de la condamnation pendant 3 ans.

Séquelles médicales

Dans son rapport du 29/04/2005, l'expert judiciaire DONNAY conclut que :

Shirley est âgée de 15 ans et 4 mois (moment de l'expertise)

- elle se trouve dans l'enseignement professionnel, section hôtellerie, en 3ème année, après une scolarité primaire médiocre, perturbée par de nombreux changements d'école ;

- elle apparaît comme une adolescente fonctionnant dans l'agi et l'opératoire, intolérante à toute frustration, avec un fond impulsif caractériel essentiellement imputable aux carences d'encadrement du milieu familial ;

- il est impossible d'obtenir de Shirley une appréciation cohérente de son vécu par rapport aux faits d'abus sexuel, ni même une description claire de ceux-ci ;

- elle présente une personnalité pathologique : pauvreté intellectuelle, pauvreté des capacités de symbolisation, personnalité archaïque fonctionnant sur un mode caractériel peu élaboré avec évacuation immédiate des tensions dans le passage à l'acte ;

- il ne semble pas que ce soit les abus en eux-mêmes qui sont responsables de cette évolution, mais bien le contexte parental extrêmement carencé dans lequel ils ont pu prendre place ;

- les faits d'abus dans ce contexte ont été particulièrement invalidant dans la mesure où ils ont été posés par la seule personne de l'environnement chez qui Shirley trouvait sans doute attention et étayage. On peut alors comprendre une profonde ambivalence et une position conflictuelle dont Shirley elle-même ne peut sortir que par la transgression et le refus des règles, par un fonctionnement caractériel.

- les faits d'abus ne peuvent être considérés comme seuls en cause sans le fonctionnement pathologique développé par Shirley, mais ils y ont certainement contribué, à côté de la gravité des carences maternelles ;

- le mode de fonctionnement dans le passage à l'acte et la structuration de Shirley selon une organisation caractérielle ne constituent pas une indication de psychothérapie : cette organisation ne permet pas l'émergence d'une souffrance et Shirley n'éprouve pas celle-ci qui pourrait pourtant constituer un moteur de changement ;

- le taux d'incapacité imputable aux abus proprement dits est faible à côté de la profondeur de carence familiale ; il peut être évalué à 20% pendant la période infractionnelle, soit de août 1997 à novembre 1998, si on se base sur l'impact scolaire et l'ambiguïté des attitudes paternelles dispensatrices de support mais aussi de danger et de menaces liées à la transgression ;

- les preuves projectives utilisées dans cette expertise ne mettent d'ailleurs pas en évidence de problématique sexuelle ou traumatique, mais bien une grande carence d'étayage dans les relations aux deux figures parentales ;

- le taux d'incapacité peut alors être ramené à 10% pendant la période qui suit la période infractionnelle, soit de novembre 1998 à février 2002 , moment du placement au B..., en référence essentiellement au fait que Shirley est restée pendant cette période exposée à l'emprise de son abuseur ;

- la situation peut être consolidée sans séquelle imputable aux faits d'abus.

- Vu le dossier de la procédure,

- Vu le mémoire en réponse du Délégué du Ministre déposé en date du 29 mars 2007 et le mémoire en réplique déposé par le conseil de la requérante en date du 7 mai 2007,

- Vu le rapport établi le 1er mars 2007 ,

- Vu les notifications aux parties des divers actes ;

Vu la feuille d'audience du 23 août 2007 ,

Entendus à cette audience :

Madame A. DELHEZ, présidente en son rapport,

Me DIRICK loco Me GABRIEL, en ses moyens et explications

Le délégué du Ministre de la Justice n'était pas présent et pas représenté.

Recevabilité de la demande

Il résulte des éléments du dossier que les conditions de recevabilité pour une demande d'aide principale sont remplies.

Fondement de la décision

Tenant compte d'une part,

- de ce que la requérante était mineure au moment des faits et a subi un acte intentionnel de violence de la part de son père ;

- de ce qu'il faut tenir compte de la nature des faits (viols), de leur répétition et de la longueur de la période durant laquelle ils ont été commis ;

- de ce que la requérante a doublé deux années de scolarité;

et d'autre part,

- de ce que l'article 31bis 5° de la loi du 1er août 1985 consacre le principe de subsidiarité de l'aide ;

- de ce qu'en l'espèce la commission tient à souligner que des démarches en vue d'indemnisation restent envisageables vu que l'auteur des faits dispose de revenus ;

- de ce que la commission considère cependant que l'indemnisation par l'auteur des faits reste à ce jour hypothétique et sera limitée ;

la Commission statuant ex aequo et bono, estime devoir accorder à la requérante une aide principale de 25.000 euro.

PAR CES MOTIFS :

Vu les articles 30 à 41 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres modifiée par les lois des 26 mars et 22 avril 2003, les articles 28 à 32 de l'arrêté royal du 18 décembre 1986 relatif à la Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, les articles 39 à 42 des lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative,

La Commission, statuant contradictoirement à l'égard de la requérante et par défaut à l'égard du délégué du Ministre, en audience publique,

- déclare la demande recevable et fondée ;

- alloue à la requérante une aide principale de 25.000 euro.

Ainsi fait, en langue française, le 17 septembre 2007.

Le secrétaire, a.i. La présidente,

O. LAUWERS A. DELHEZ