Cour de cassation: Arrêt du 10 décembre 2009 (Belgique). RG F.08.0041.N

Date :
10-12-2009
Language :
French Dutch
Size :
3 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20091210-1
Role number :
F.08.0041.N

Summary :

Une taxe locale qui est fondée sur un des composants essentiels qui déterminent directement la base des impôts sur les revenus, constitue une "taxe similaire" interdite au sens de l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (1). (1) Voir les conclusions du M.P. publiées à leur date dans A.C.

Arrêt :

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N° F.08.0041.N

VILLE DE LOUVAIN,

Me Bert Beelen, avocat au barreau de Louvain,

contre

STUDIO FILMTHEATERS, société anonyme,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2008 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le président Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat général Dirk Thijs a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Disposition légale violée

Article 464 du Code des impôts sur les revenus 1992

Décisions et motifs critiqués

Les juges d'appel déclarent irrégulières les impositions établies par la demanderesse à charge de la défenderesse et, sur cette base, déclarent non fondé l'appel formé par la demanderesse contre le jugement rendu en première instance, pour l'essentiel aux motifs que la taxe sur les représentations cinématographiques est établie sur la base du chiffre d'affaires réalisé par la défenderesse et que le bénéfice imposable, qui constitue l'assiette de l'impôt des personnes physiques ou de l'impôt des sociétés, consiste en ce chiffre d'affaires, diminué des frais.

Selon les juges d'appel, le chiffre d'affaires constitue dès lors l'une des composantes essentielles qui déterminent directement l'assiette de l'impôt des personnes physiques ou de l'impôt des sociétés. Selon eux, cette taxe sur les représentations cinématographiques est donc une taxe qui est similaire à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des sociétés, dès lors qu'elle est établie sur l'une des composantes essentielles qui déterminent directement l'assiette de l'impôt des personnes physique ou de l'impôt des sociétés. Par ce motif, cette taxe sur les représentations cinématographiques est contraire à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992.

Les juges d'appel fondent leur décision sur les considérations suivantes :

« b) Quant à l'autonomie fiscale constitutionnelle de la commune et la prétendue violation de l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 en ce qui concerne les exercices 2001 et 2002.

[La demanderesse] relève que l'autonomie fiscale communale est fort large. Sous réserve de ce que le législateur soustrait explicitement, implicitement ou indirectement à sa compétence fiscale, la commune peut en principe établir quelque taxe que ce soit.

L'interdiction spécifique majeure est énoncée à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, qui interdit aux communes d'établir des centimes additionnels à l'impôt des personnes physiques (I.P.P.), à l'impôt des sociétés (I.Soc.), à l'impôt des personnes morales et à l'impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts, sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier.

Cette interdiction a été instaurée par l'article 34 de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales. [La demanderesse] demande l'application de l'interprétation téléologique de l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 de manière à déceler l'intention du législateur, en l'espèce le législateur de 1948. [La demanderesse] estime qu'il ressort clairement des travaux préparatoires de la loi de 1948 que le législateur a entendu écarter la taxe sur les spectacles et divertissements, telle que la taxe sur les représentations cinématographiques, de l'application de l'interdiction prévue à l'article 464, 1°, du Code de l'impôt sur les revenus 1992.

Dès lors que le jugement dont appel méconnaît la ratio legis de l'actuel article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 et lui donne une portée tout à fait contraire à celle que le législateur de 1948 a entendu lui conférer, [la demanderesse] estime qu'il y a lieu de réformer cette décision.

L'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 porte interdiction aux communes d'établir des taxes qui sont similaires à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des sociétés et qui sont établies sur la même base.

En l'espèce, la taxe sur les représentations cinématographiques levée par [la demanderesse] est établie sur le chiffre d'affaires réalisé par [la défenderesse], diminué de la T.V.A.

A juste titre, le premier juge a relevé que le bénéfice imposable, qui forme l'assiette de l'établissement de l'impôt des personnes physiques ou de l'impôt des sociétés, consiste en ce chiffre d'affaires, chiffre d'affaires dont les frais sont portés en déduction. Il est incontestable que ce chiffre d'affaires constitue l'une des composantes essentielles qui déterminent directement l'assiette de l'impôt des personnes physiques ou de l'impôt des sociétés.

Partant, la taxe sur les représentations cinématographiques levée par [la demanderesse] constitue une taxe qui est similaire à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des sociétés, dès lors qu'elle est établie sur l'une des composantes essentielles qui déterminent directement l'assiette de l'impôt des personnes physique ou de l'impôt des sociétés. Par ce motif, cette taxe sur les représentations cinématographiques est contraire à l'article 464, 1°, du Code des impôts 1992.

La cour se réfère pour le surplus aux considérations judicieuses du premier juge, qu'elle s'approprie.

Avec raison, le premier juge a décidé, sur la base de l'article 159 de la Constitution, de ne pas appliquer le règlement-taxe de l'appelante du 26 novembre 2001 concernant les représentations cinématographiques, qui est contraire à la loi, et que les taxes sur les représentations cinématographiques levées sur la base de ce règlement-taxe de l'appelante pour les exercices 2001 et 2002 ont été établies à tort.

Griefs

En tant qu'ils considèrent que la taxe sur les représentations cinématographiques est établie sur le chiffre d'affaires réalisé par la défenderesse et que le bénéfice imposable, qui constitue l'assiette de l'impôt des personnes physiques ou de l'impôt des sociétés, consiste en ce chiffre d'affaires qui, selon les juges d'appel, constitue dès lors l'une des composantes essentielles qui déterminent directement l'assiette de l'impôt des personnes physiques ou de l'impôt des sociétés et que cette taxe sur les représentations cinématographiques, établie sur l'une des composantes essentielles qui déterminent directement l'assiette de l'impôt des personnes physiques ou de l'impôt des sociétés, est par conséquent une taxe qui est similaire à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des sociétés et est ainsi contraire à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, les juges d'appel violent l'article 464,1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 en ce sens qu'une taxe établie sur des revenus bruts dont les frais (professionnels) ne peuvent être déduits, comme c'est le cas pour la taxe sur les représentations cinématographiques levée par la demanderesse, n'est pas contraire à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992.

Eu égard à la ratio legis de l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, à savoir la simplification fiscale, il y a lieu d'interpréter restrictivement l'assiette des impôts sur les revenus, c'est-à-dire comme étant le résultat chiffré de l'application des dispositions du Code des impôts sur les revenus 1992. Cette assiette, soit le résultat chiffré de l'application des dispositions du Code des impôts sur les revenus 1992, est toujours un revenu net, composé de tous les revenus imposables diminués des frais déductibles. Par conséquent, les taxes communales et provinciales levées sur une base forfaitaire sur des revenus bruts (comme la taxe sur les représentations cinématographiques établie par la demanderesse) ou sur une assiette autre que des revenus (p.ex. la superficie) n'est pas contraire à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992.

Etant donné qu'ils n'ont pas correctement interprété l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas interprété restrictivement l'assiette des impôts sur les revenus, c'est à tort que les juges d'appel ont déclaré contraire à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 la taxe sur les représentations cinématographiques établie par la demanderesse sur des revenus bruts (dont les frais ne peuvent être déduits).

III. La décision de la Cour

Appréciation

1. En vertu de l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, les provinces, les agglomérations et les communes ne sont pas autorisées à établir des centimes additionnels à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés, à l'impôt des personnes morales et à l'impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts, sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier.

2. Une taxe locale qui est fondée sur une des composantes essentielles qui déterminent directement l'assiette des impôts sur les revenus, constitue une taxe similaire interdite.

3. Une taxe communale sur les spectacles et divertissements, calculée sur le chiffre d'affaire réalisé, diminué de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée sur celui-ci, constitue une taxe similaire interdite dans la mesure où le chiffre d'affaire constitue un élément essentiel qui est pris en considération pour fixer l'assiette de l'impôt sur les revenus à charge du débiteur de cette taxe.

4. Les juges d'appel constatent que la taxe sur les représentations cinématographiques levée par la demanderesse est établie sur le chiffre d'affaires réalisé par la défenderesse, diminué de la taxe sur la valeur ajoutée et que ce chiffre d'affaires constitue une des composantes essentielles qui déterminent directement l'assiette de l'impôt des personnes physiques ou de l'impôt des sociétés.

5. Les juges d'appel ont pu décider légalement, sur la base de ces constatations, que la taxe levée par la demanderesse est contraire à l'article 464, 1°, précité.

Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux dépens.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, les conseillers Paul Maffei, Eric Stassijns, Alain Smetryns et Geert Jocqué, et prononcé en audience publique du dix décembre deux mille neuf par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Dirk Thijs, avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Paul Mathieu et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le président de section,