Cour de cassation: Arrêt du 15 mars 1991 (Belgique). RG 7365

Date :
15-03-1991
Language :
French Dutch
Size :
3 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-19910315-7
Role number :
7365

Summary :

L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à ce que le juge a décidé sur un point litigieux et à ce qui, en raison de la contestation portée devant lui et dont les parties ont pu débattre, constitue, fût-ce implicitement, le fondement nécessaire de sa décision. ( Code judiciaire, art. 23. )

Arrêt :

Add the document to a folder () to start annotating it.
LA COUR; - Vu les arrêts attaqués, rendus les 19 septembre 1989 et 27 mars 1990 par la cour d'appel d'Anvers;
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 1319, 1320, 1322 du Code civil, 19, alinéa 1er, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 807, 1138, 2°, du Code judiciaire, et du principe dispositif en vertu duquel les parties déterminent les limites du litige et le juge ne peut modifier ni la cause ni l'objet de la demande, ni soulever une contestation exclue par les parties dans leurs conclusions,
en ce que l'arrêt du 19 septembre 1989 ordonne d'office la réouverture des débats afin de permettre aux parties de donner leur avis quant à la validité d'un acte du 29 juillet 1982 relatif à un divorce par répudiation prononcé entre les parties par application du droit marocain et concernant ses effets éventuels sur la cause dont est saisi le juge belge, et qu'ensuite l'arrêt du 27 mars 1990 rejette l'exception de chose jugée opposée par la demanderese et décide que le jugement rendu le 2 octobre 1984 par le tribunal de première instance de Malines, n'a pas autorité de chose jugée en ce qui concerne le fait que le divorce par répudiation prononcé entre les partie en application du droit marocain est contraire à l'ordre public international belge, par les motifs que ledit jugement "ne considère que dans sa motivation que la répudiation est contraire à l'ordre public international belge de sorte qu'elle ne peut avoir aucun effet, mais ne décide rien à cet égard dans le dispositif (...) et autorise uniquement la demanderesse à obtenir une délégation de salaire et ordonne la réouverture des débats en ce qui concerne le droit de garde, le droit de visite, et la pension alimentaire de l'enfant", et ensuite dit pour droit "que, conformément au droit marocain, les parties sont déjà divorcées en vertu d'un acte de répudiation du 29 juillet 1982 et d'un jugement d'homologation du 3 août 1982" et "que, dès lors, le divorce par répudiation prévu par le droit marocain a déjà sorti ses effets en vertu d'un acte de divorce du 3 août 1982 inscrit dans le registre des divorces 109, page 44, volume 86",
alors que ...
seconde branche, en ce qui concerne le divorce par répudiation accordé dans le cadre de la procédure marocaine, le tribunal de première instance de Malines a décidé par son jugement du 2 octobre 1984, passé en force de chose jugée "que la répudiation constitue une procédure unilatérale ignorant les droits de la défense et que, dès lors, la répudiation est contraire à l'ordre public international belge et ne peut avoir aucun effet"; qu'il est certes requis, pour que l'exception de chose jugée soit opposée valablement, que la décision antérieure statue sur une demande dont l'objet et la cause soient les mêmes et qu'elle soit formée entre les mêmes parties en leur même qualité; que le défaut d'identité de l'objet et de la cause n'exclut toutefois pas nécessairement toute autorité de chose jugée d'une décision, celle-ci ne s'étendant en effet pas uniquement à ce que le juge a décidé sur un point litigieux mais aussi à ce qui, en raison de la contestation portée devant lui et dont les parties ont pu débattre, constitue, fût-ce implicitement, le fondement nécessaire de sa décision; que, lors de la demande de la demanderesse tendant à l'obtention d'une pension alimentaire en application de l'article 221 du Code civil, sur laquelle le tribunal de première instance de Malines a statué définitivement par son jugement du 2 octobre 1984, le défendeur a invoqué comme défense que cette demande était sans objet, un divorce par répudiation ayant déjà été admis dans le cadre de la procédure marocaine; que par son jugement du 2 octobre 1984 précité, le tribunal de première instance de Malines a expressément rejeté la défense du défendeur en considérant "que la répudiation constitue une procédure unilatérale ignorant les droits de la défense et que, dès lors, la répudiation est contraire à l'ordre public international belge et ne peut avoir aucun effet"; que, partant, l'autorité de la chose jugée de ce jugement s'étend à la décision suivant laquelle le divorce par répudiation ne peut avoir aucun effet, cette décision constituant le fondement nécessaire de la décision accueillant la demande tendant à l'obtention d'une pension alimentaire entre époux; que n'y change rien la circonstance que cette décision ne figure que dans les motifs du jugement et non dans le dispositif; que, en considérant "que, conformément au droit marocain, les parties sont déjà divorcées en vertu d'un acte de répudiation du 29 juillet 1982 et du jugement d'homologation du 3 août 1982", l'arrêt du 27 mars 1990, interprète le jugement précité du 2 octobre 1984 rendu par le tribunal de première instance de Malines, d'une manière inconciliable avec ses termes (violation des articles 1319. 1320 et 1322 du Code civil) et méconnaît l'autorité de la chose jugée dudit jugement (violation des articles 19, alinéa 1er, 23, 24, 25, 26, 27, 28 du Code judiciaire) :
Attendu qu'il ressort du jugement du 2 octobre 1984 rendu en degré d'appel par le tribunal de première instance de Malines que la demande de la demanderesse tendait, en application de l'article 221 du Code civil, à obtenir une délégation de salaire et à faire ordonner des mesures relatives au droit de garde, au droit de visite et à la pension alimentaire de l'enfant mineur des parties; qu'il constate que, dans le cadre de cette demande, le défendeur a invoqué "que le mariage a été régulièrement dissous par la répudiation devant un juge et deux notaires à Nador, de sorte que la demande de la demanderesse, fondée sur l'article 221 du Code civil, est irrecevable"; que le jugement rejette ce moyen de défense en considérant "que la répudiation constitue un acte unilatéral ignorant les droits de la défense" et "que, dès lors, la répudiation est contraire à l'ordre public international belge et ne peut avoir aucun effet"; qu'en outre, il examine la demande de la demanderesse sur la base des dispositions de l'article 221 du Code civil, constate qu'il n'est pas établi que la séparation de fait serait due à la demanderesse, accorde à cette dernière une délégation de salaire et ordonne la réouverture des débats en ce qui concerne les mesures réclamées pour l'enfant;
Attendu que, dans le procès en divorce, l'arrêt du 19 septembre 1989 constate que "le dossier déposé par le défendeur contient une traduction, établie par un traducteur assermenté, d'un acte de divorce (par répudiation), du 29 juillet 1982, passé entre les parties conformément au droit marocain"; qu'en outre, l'arrêt relève que "les parties n'ont pas fait valoir leurs moyens concernant la validité de ce divorce en Belgique et ses effets éventuels sur la présente instance et que, pour leur permettre de le faire, il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats";
Attendu que, dans ses conclusions prises après la réouverture des débats, le défendeur a soutenu devant la cour d'appel que le jugement précité du 2 octobre 1984, passé en force de chose jugée, du tribunal de première instance de Malines "a rejeté la validité de la répudiation";
Que l'arrêt du 27 mars 1990 rejette le soutènement du défendeur par les motifs que "dans sa motivation, le jugement du 2 octobre 1984, passé en force de chose jugée, considère la répudiation comme étant contraire à l'ordre international belge de sorte qu'elle ne peut avoir aucun effet, mais ne décide rien à ce propos dans le dispositif";
Attendu que l'autorité de la chose jugée s'attache à ce que le juge a décidé sur un point litigieux qui a été porté, explicitement ou implicitement, devant lui par les parties et dont elles ont pu débattre, indépendamment du fait que cette décision figure dans le dispositif ou dans la motivation; que cette même autorité s'attache aux motifs sur lesquels ladite décision se fonde nécessairement;
Attendu que fait partie de la motivation du jugement précité du tribunal de première instance de Malines, la décision du juge sur la validité en Belgique du divorce par répudiation accordé aux parties au Maroc, la question de savoir si les parties étaient encore liées par les liens du mariage constituant un litige à propos duquel le juge devait nécessairement se prononcer avant de statuer sur la demande fondée sur l'article 221 du Code civil;
Qu'en statuant de manière différente sur le même point litigieux, l'arrêt du 27 mars 1990 méconnaît l'autorité de la chose jugée attachée à ces motifs;
Que, dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé;
Par ces motifs, et sans examiner plus avant le second moyen qui ne peut entraîner une cassation plus étendue; rejette le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt attaqué du 19 septembre 1989; casse l'arrêt attaqué du 27 mars 1990; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond; renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Gand.