Cour de cassation: Arrêt du 17 septembre 2007 (Belgique). RG S.06.0084.N

Date :
17-09-2007
Language :
French Dutch
Size :
9 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20070917-2
Role number :
S.06.0084.N

Summary :

Ne respecte pas ses obligations au sens de l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 revisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, l'employeur qui, usant de la possibilité prévue à l'article 34, alinéa 2, de l'arrêté royal précité de réduire la provision à un montant inférieur au montant de 30 % des cotisations dues pour l'avant-dernier trimestre échu, paie une provision égale à 30 % des cotisations probables du trimestre en cours, qui, ultérieurement, se révèle être inférieure au montant de 30 % des cotisations réellement dues pour le trimestre en cours et, en conséquence, se révèle être insuffisante (1). (1) L'article 34, alinéa 2, de l'arrêté royal du 28 novembre 1969, dans la version antérieure à sa modification par l'arrêté royal du 14 octobre 2005.

Arrêt :

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N° S.06.0084.N

OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE,

Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,

contre

COBELFRET LOGISTICS, société anonyme,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.

La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 20 janvier et 16 décembre 2005 par la cour du travail d'Anvers.

Le président de section Robert Boes a fait rapport.

L'avocat général Ria Mortier a conclu.

Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen dans sa requête.

Dispositions légales violées

- articles 34, 54 et 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs (dit arrêté royal du 28 novembre 1969), l'article 34, dans la version antérieure à sa modification par l'arrêté royal du 14 octobre 2005, l'article 54, dans la version antérieure à sa modification par l'arrêté royal du 22 juin 2006 ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- principe général du droit suivant lequel l'erreur invincible constitue une cause de justification.

Décisions et motifs critiqués

1. L'arrêt interlocutoire attaqué rendu le 20 janvier 2005 décide que le demandeur a erronément infligé la sanction de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969, par les motifs que :

« Les parties admettent également que (la défenderesse) relève de la catégorie des employeurs redevables de provisions visés à l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969.

L'article 34 précité énonce la règle générale suivant laquelle la provision trimestrielle est égale à trente pour cent du montant des cotisations dues pour l'avant-dernier trimestre échu.

(...)

Toutefois, l'employeur est autorisé à réduire le montant de la provision fixée en application de la règle générale précitée, lorsque ce montant excède le montant de trente pour cent des cotisations probables du trimestre en cours. Dans ce cas, l'employeur peut réduire la provision jusqu'à trente pour cent du montant des cotisations probables du trimestre en cours.

(...)

Selon (la défenderesse), le quatrième trimestre de 2001 ne peut servir de référence pour le trimestre litigieux, soit le deuxième trimestre de 2002, dès lors que, plusieurs membres du personnel ayant été licenciés à la fin de l'année 2001, le pécule de vacances dû en cas de licenciement a dû être payé en sus des primes de fin d'année.

(La cour du travail) considère que, dans ces circonstances, la décision de (la défenderesse) de ne pas prendre le quatrième trimestre de 2001 en compte comme trimestre de référence est très pertinente. On ne peut comparer des pommes et des citrons.

Il y a lieu de déduire de la disposition de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 que l'employeur calcule le montant des provisions mensuelles au début du trimestre pour lequel les provisions sont dues.

Ainsi, en l'espèce, il incombait à (la défenderesse) de calculer les provisions mensuelles pour le deuxième trimestre de 2002 au début du mois d'avril 2002.

Il (lui) appartenait d'évaluer à ce moment le montant des cotisations probables du deuxième trimestre de 2002.

L'employeur doit procéder à cette évaluation « en bon père de famille », en tenant compte de tous les éléments disponibles à ce moment afin de prévoir plus exactement possible le montant finalement dû.

Quels étaient, au début du mois d'avril 2002, les éléments qui importaient à (la défenderesse) pour l'évaluation des cotisations de sécurité sociale probables du deuxième trimestre de 2002 ?

Le premier élément auquel (la défenderesse) pouvait avoir égard était l'accord apparemment marqué par (le demandeur) à la dérogation apportée à la règle générale de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 pour le premier trimestre de 2002 en ce que les provisions pour ce trimestre n'avaient pas davantage été calculées en fonction des cotisations dues pour l'avant-dernier trimestre échu. (Le demandeur) n'avait en effet émis aucune objection à cette dérogation.

(La défenderesse) pouvait raisonnablement croire qu'elle pouvait se fonder sur les mêmes principes pour l'évaluation des cotisations probables du deuxième trimestre de 2002.

Pour le surplus, (la défenderesse) pouvait et devait tenir compte de tous les paramètres propres à l'effectif du personnel occupé au début du mois d'avril 2002. Aucun élément n'indique que (la défenderesse) ne l'aurait pas fait.

En ce qui concerne plus spécialement l'effectif du personnel, (la défenderesse) ne pouvait raisonnablement prévoir que les membres du personnel menacés d'un licenciement collectif à ce moment auraient définitivement quitté l'entreprise avant la fin du trimestre, donnant lieu au paiement des indemnités de licenciement.

Au début du mois d'avril 2002, la probabilité du licenciement collectif était encore bien trop incertaine.

Ainsi, il y a lieu de conclure qu'au début du mois d'avril 2002, (la défenderesse) a évalué les cotisations probables du deuxième trimestre en bon père de famille. Elle est restée dans les limites des dispositions de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969. Cet article n'a pas été violé.

La correction de (la défenderesse) ressort également du fait que, par mesure de prudence, elle a porté le montant des provisions mensuelles de 40.000 euros à 50.000 euros alors que, strictement parlant, cette mesure n'était pas nécessaire.

En ce qui concerne le deuxième trimestre de 2002, (la défenderesse) a rempli les obligations qui lui incombent en vertu de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969.

Par l'article 34 précité, le législateur accorde à l'employeur la possibilité de déroger à la règle générale. Il confie l'appréciation de cette opportunité à l'employeur. En d'autres termes, il appartient à l'employeur de décider s'il déroge à la règle générale. Le législateur a clairement utilisé les termes « est autorisé ». L'employeur qui applique la dérogation a intérêt à évaluer les cotisations probables du trimestre en cours le plus exactement possible. En effet, le législateur a prévu à l'article 54 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 la sanction de la majoration des cotisations en cas d'insuffisance des provisions ainsi évaluées par l'employeur. Tel est le risque couru par l'employeur qui déroge à la règle générale en application de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969.

Il est manifeste qu'en l'espèce, les provisions mensuelles évaluées par (la défenderesse) pour le deuxième trimestre de 2002 sont insuffisantes. Elles sont en effet inférieures à trente pour cent des cotisations finalement dues pour ce trimestre.

La cause en est que les implications financières du licenciement collectif de treize travailleurs et, notamment, du paiement immédiat des indemnités de congé, n'ont été connues qu'aux tout derniers jours du deuxième trimestre de 2002.

Ce 'deus ex machina' a influé sur tous les calculs de provisions auxquels l'employeur, (en l'espèce, la défenderesse) s'est risqué. Tel est le revers de la médaille lorsqu'il déroge au régime des provisions réglé à l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969.

Le texte de la loi ('en cas d'insuffisance des provisions ainsi payées') ne permet pas qu'il soit obvié à 'l'insuffisance' par la voie de ses causes, en l'espèce, le 'deus ex machina' précité. Le texte de la loi est formel : dès qu'il apparaît que les provisions sont insuffisantes, pour quelque cause que se soit, la sanction prévue par le législateur est applicable et donne en principe lieu à l'imputation de la majoration des cotisations prévue à l'article 54 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969.

Toutefois, le problème en l'espèce est que (le demandeur) ne réclame pas la majoration des cotisations et qu'en conséquence, celle-ci ne fait pas l'objet de la contestation.

En effet, (le demandeur) a infligé une sanction autre que la sanction prévue à l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 et a imputé l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 54bis du même arrêté royal.

Est-ce à bon droit que (le demandeur) a imputé l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 ?

Les parties admettent également que (la cour du travail) est compétente pour statuer sur cette nouvelle question.

La réponse est négative.

En effet, la sanction prévue à l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 n'est applicable que lorsque l'employeur ne respecte pas les obligations prévues à l'article 34 du même arrêté royal.

Or, il ressort de ce qui précède que (la défenderesse), l'employeur, a respecté ses obligations.

Elle a évalué les cotisations probables du deuxième trimestre de 2002 en bon père de famille, en tenant compte de tous les éléments disponibles au moment précis où elle y était tenue par la loi.

L'insuffisance considérable, nonobstant une évaluation correcte, des cotisations finalement dues par rapport aux provisions évaluées est imputable non à un manquement de (la défenderesse) à ses obligations mais à un fait imprévisible qu'(elle) ne pouvait connaître au moment où elle remplissait les obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 et qu'en conséquence, elle ne pouvait prendre en considération.

La condition d'application de l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 n'étant pas remplie, la sanction prévue à cet article n'est pas davantage applicable à (la défenderesse).

(La cour du travail) se rallie à cet égard à l'avis du ministère public.

(Le demandeur) soutient à cet égard que la sanction prévue à l'article 34, alinéa 2, in fine, de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 n'exclut pas l'application de l'article 54bis du même arrêté royal.

Ce n'est pas exact. L'article 54bis précité n'est applicable que si l'employeur remplit les conditions prévues à cet article, c'est-à-dire qu'il manque à ses obligations. Ce n'est pas le cas en l'espèce.

(...)

L'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 n'est pas applicable en l'espèce de sorte que (la défenderesse) ne peut être obligée de payer l'indemnité forfaitaire prévue à cet article.

(...)

C'est à bon droit que (la défenderesse) relève qu'à l'époque, elle a « indûment » payé ce montant au (demandeur) de sorte qu'elle a droit au remboursement de cette somme.

(...)

C'est à bon droit que le ministère public a relevé dans son avis qu'à la suite de la décision du 21 octobre 2002 du (demandeur) [pièce 8 de (la défenderesse)], la moitié de cette somme a été imputée au bénéfice de (la défenderesse).

Ainsi, (la défenderesse) a encore droit au remboursement de la somme de : 4.957, 87 euros moins 2.478, 93 euros = 2.478, 94 euros » (...).

En conséquence, l'arrêt interlocutoire attaqué rendu le 20 janvier 2005 a condamné le demandeur à rembourser à la défenderesse le montant effectivement retenu de l'indemnité forfaitaire, savoir 2.478, 94 euros, majoré des intérêts de retard à partir du 3 décembre 2002 et des intérêts judiciaires.

2. Considérant que le demandeur a commis une faute en appliquant erronément l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969, l'arrêt interlocutoire attaqué rendu le 20 janvier 2005 ordonne la réouverture des débats en vue de permettre aux parties d'établir contradictoirement si cette faute du demandeur avait eu des conséquences dommageables dans le chef de la défenderesse :

« (La défenderesse) impute notamment au (demandeur) la faute d'avoir écarté et refusé de répondre à ses moyens de défense circonstanciés exposés dans la lettre du 3 décembre 2002 de son conseil.

Après avoir examiné ces moyens de défense, (la cour du travail) constate que la contestation de la décision du (demandeur) d'infliger la sanction de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 est pertinente, correcte et exhaustive.

Ceci signifie qu'en tant qu'institution publique, (le demandeur) disposait de toute la documentation et des tous les arguments justifiant une rétractation de sa décision en raison de l'application erronée de l'article 54bis précité.

(Le demandeur) n'apporte pas la preuve de ce qu'il a sérieusement examiné les moyens de défense de (la défenderesse). Il (lui) incombait de le faire et de prendre position quant à ces moyens de défense qui, il y a lieu de le répéter, sont très pertinents et circonstanciés. (Sa) réponse du 9 décembre 2002 ne satisfait pas à cette demande.

Par cette omission, (le demandeur) a commis une faute. En tant qu'institution publique, (le demandeur) est notamment tenu au devoir de motivation et de précaution.

(La cour du travail) constate que c'est également l'opinion du ministère public.

Toutefois, (le demandeur) et le ministère public relèvent que (la défenderesse) ne prouve pas le dommage qui résulte de cette faute.

En outre, (le demandeur) reproche à (la défenderesse) d'avoir développé ce chef de la demande au fond dans les conclusions en réplique déposées au greffe le 4 novembre 2004, violant ainsi ses droits de défense.

(La cour du travail) considère qu'effectivement, les arguments invoqués par (la défenderesse) à l'appui de sa demande en dommages-intérêts n'ont pas fait l'objet de débats contradictoires.

(La cour du travail) ordonne la réouverture des débats en vue de ces débats contradictoires » (...).

3. Par l'arrêt définitif attaqué rendu le 16 décembre 2005, la cour du travail confirme que le demandeur a commis une faute en infligeant la sanction prévue à l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 :

« Ainsi, c'est à bon droit que le ministère public relève dans son avis que, outre le fait de n'avoir pas répondu aux moyens de défense de (la défenderesse), (le demandeur) a aussi erronément infligé la sanction à la suite d'une application incorrecte de la loi : en effet, les conditions d'application de l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 ne sont pas remplies.

La faute du (demandeur) à cet égard est d'autant plus manifeste qu'il a persisté dans l'application erronée de l'article 54bis précité alors que son erreur avait été démontrée, illustrations et documents à l'appui, dans les moyens de défense du 3 décembre 2002 et qu'en conséquence, il était parfaitement éclairé quant à son erreur dans l'application de la loi.

Aucune personne sensée ne persiste dans une erreur ou dans un comportement fautif lorsqu'une argumentation exhaustive et pertinente lui révèle son erreur d'opinion ou de comportement.

Cette persistance dans l'erreur contribue à aggraver la faute du (demandeur).

Cette persistance a également contraint (la défenderesse) à entamer les procédures en l'espèce » (...).

4. Finalement, l'arrêt définitif attaqué décide que le lien de causalité entre la faute du demandeur et le dommage de la défenderesse est établi (...), condamne le demandeur à payer à la défenderesse des dommages-intérêts s'élevant à la somme provisionnelle de 2.500 euros, majorée des intérêts judiciaires, et accorde les réserves demandées.

Griefs

Première branche

1. Aux termes de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969, l'employeur qui, au cours d'un trimestre déterminé, a déclaré des cotisations dont le montant dépasse 6.197, 34 euros (250.000 francs), est tenu de verser, pour le trimestre suivant, au plus tard le cinq du mois qui suit chacun des mois de ce dernier trimestre, une provision égale à trente pour cent du montant des cotisations dues pour l'avant-dernier trimestre échu.

Cette même disposition prévoit que, lorsque le montant de ces trente pour cent excède le montant de trente pour cent des cotisations probables du trimestre en cours, l'employeur est autorisé à réduire la provision à ce dernier montant, sans préjudice de l'application de la majoration visée à l'article 54 de l'arrêté royal en cas d'insuffisance des provisions ainsi payées.

En vertu de l'article 54bis du même arrêté royal, l'employeur qui, pour un trimestre, est redevable de provisions au sens des articles34, alinéas 2 et 4, et 34bis de l'arrêté royal et qui ne respecte pas ses obligations en la matière, est redevable au demandeur d'une indemnité forfaitaire qui est fonction de la « tranche » de cotisations déclarées au trimestre concerné.

Ainsi, par exemple, lorsque le montant des cotisations déclarées se situe entre 495.787, 07 euros et 743.680, 59 euros, le montant de l'indemnité forfaitaire est de 4.957, 87 euros.

L'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 a été modifié par l'arrêté royal du 14 octobre 2005 en ce sens qu'à partir du 1er octobre 2005, la seule sanction applicable en cas d'insuffisance des provisions est l'indemnité forfaitaire.

Ainsi, avant le 1er octobre 2005, le demandeur pouvait infliger à l'employeur qui a payé des provisions insuffisantes, comme c'est le cas en l'espèce, tant la sanction de la majoration des cotisations prévue à l'article 54 de l'arrêté royal que la sanction de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 54bis du même arrêté royal.

En l'espèce, seule la sanction de l'article 54bis précité et les conditions d'application de cette disposition sont en contestation.

2. L'obligation de payer des provisions suffisantes prévue à l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 est une obligation de résultat dans le chef de l'employeur qui donne lieu à l'application de la sanction de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 54bis du même arrêté royal par le simple fait de l'insuffisance des provisions.

Ainsi, l'employeur qui ne respecte pas ses obligations au sens de l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969, est l'employeur qui ne remplit pas l'obligation de résultat précitée.

La sanction de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 54bis précité est applicable de plein droit dès que l'insuffisance des provisions est établie.

En d'autres termes, l'insuffisance des provisions, en soi, implique que l'employeur n'a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969.

Ainsi, pour l'application de la sanction prévue à l'article 54bis de l'arrêté royal précité, il n'est pas requis que l'insuffisance des provisions résulte d'un manquement fautif ou d'une négligence de l'employeur.

3. L'employeur qui, en application de la disposition dérogatoire de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969, paie au demandeur des provisions mensuelles qui se révèlent insuffisantes par le motif qu'elles sont inférieures à trente pour cent des cotisations des cotisations finalement dues pour le trimestre en cours, ne remplit pas son obligation de résultat.

Ainsi, la sanction prévue à l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 est également appliquée à cet employeur par le motif qu'il a payé des provisions mensuelles dont le montant est inférieur à trente pour cent des cotisations dues pour le trimestre en cours.

L'application de la sanction forfaitaire à cet employeur n'est pas davantage subordonnée à la preuve d'une erreur flagrante de cet employeur dans l'évaluation des cotisations probables sur la base desquelles les provisions insuffisantes ont été payées.

4. L'arrêt interlocutoire attaqué a toutefois décidé que la sanction de l'indemnité forfaitaire a été infligée erronément à la défenderesse par le motif qu'au début du deuxième trimestre de 2002, celle-ci avait évalué les cotisations probables de ce deuxième trimestre en bon père de famille, en tenant compte de tous les éléments disponibles au moment précis où elle y était tenue par la loi (...).

Suivant l'arrêt interlocutoire, l'insuffisance considérable, nonobstant une évaluation correcte, des cotisations finalement dues pour le deuxième trimestre de 2002 par rapport aux provisions évaluées est imputable non à un manquement de la défenderesse à ses obligations mais à un fait imprévisible qu'elle ne pouvait connaître au moment où elle remplissait les obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 et qu'en conséquence, elle ne pouvait prendre en considération (...).

Ainsi, l'arrêt attaqué a fondé la décision qu'en ce qui concerne le deuxième trimestre de 2002, la défenderesse a rempli les obligations qui lui incombent en vertu de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 sur une appréciation des actes de la défenderesse faite à la lumière du critère de la précaution d'un « bon père de famille » alors que la sanction de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 54bis du même arrêté royal est applicable dès que les provisions sont insuffisantes, pour quelque cause que se soit.

5. Dans l'hypothèse où il considérerait que le fait imprévisible que la défenderesse ne pouvait connaître au moment où elle remplissait les obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 et qu'en conséquence, elle ne pouvait prendre en considération, à savoir les implications financières aux tout derniers jours du deuxième trimestre de 2002 du licenciement collectif de treize travailleurs et, notamment, du paiement immédiat des indemnités de congé, constitue un cas de force majeure ou une erreur invincible dans le chef de la défenderesse, l'arrêt attaqué viole le principe général du droit suivant lequel l'erreur invincible constitue une cause de justification.

Le juge peut considérer que, dans certaines circonstances, le cas de force majeure ou l'erreur sont invincibles, à la condition qu'il puisse se déduire de ces circonstances que la personne qui invoque la force majeure ou l'erreur a agi comme l'aurait fait toute personne raisonnable et prudente placée dans la même situation.

Les restructurations au sein de l'entreprise de la défenderesse et le licenciement collectif en résultant ne sauraient constituer dans son chef une erreur invincible justifiant le paiement de provisions insuffisantes et ce, à plus forte raison que la défenderesse a participé aux négociations à la suite desquelles la décision a été prise de procéder aux licenciements immédiats et au paiement immédiat du solde des indemnités de congé à la fin du deuxième trimestre de 2002 au lieu de laisser les travailleurs prester leur préavis (voir l'arrêt interlocutoire, (...), où la cour du travail considère qu'au début du mois d'avril 2002, certains membres du personnel étaient « menacés » d'un licenciement collectif).

6. Il s'ensuit que, dès lors qu'il est établi que les provisions payées étaient insuffisantes, l'arrêt interlocutoire attaqué ne décide pas légalement que les conditions d'application de l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 n'étaient pas remplies et que la sanction prévue à cet article ne pouvait être appliquée par le motif qu'à défaut de preuve par le demandeur d'une erreur d'évaluation flagrante dans le chef de la défenderesse et qu'eu égard au fait imprévisible que la défenderesse ne pouvait connaître, il y a lieu d'admettre que la défenderesse a rempli les obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 (violation des articles 34, 54, 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, 1382 et 1383 du Code civil, ainsi que du principe général du droit suivant lequel l'erreur invincible constitue une cause de justification).

(...)

La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

a En vertu de l'article 28, § 1bis, de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, inséré par l'article 64, 1°, de la loi du 25 janvier 1999, l'employeur qui ne verse pas les cotisations dans les délais fixés par le Roi est redevable envers l'Office national de sécurité sociale d'une majoration des cotisations dont le montant et les conditions d'application sont fixés par arrêté royal.

b En vertu de l'article 34, alinéa 2, de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, dans la version applicable en l'espèce, l'employeur qui, au cours d'un trimestre déterminé, a déclaré des cotisations dont le montant dépasse 250.000 francs est tenu de verser, pour le trimestre suivant, au plus tard le cinq du mois qui suit chacun des mois de ce dernier trimestre, une provision égale à trente pour cent du montant des cotisations dues pour l'avant-dernier trimestre échu. Lorsque le montant de ces trente pour cent excède le montant de trente pour cent des cotisations probables du trimestre en cours, l'employeur est autorisé à réduire la provision à ce dernier montant.

c L'article 54bis du même arrêté royal du 28 novembre 1969, dans la version applicable en l'espèce, dispose que l'employeur qui pour un trimestre est redevable de provisions au sens des articles 34, alinéas 2 et 4, et 34bis de l'arrêté royal et qui ne respecte pas ses obligations en la matière est redevable à l'Office national de sécurité sociale d'une indemnité forfaitaire qui est fonction de la « tranche » de cotisations déclarées au trimestre concerné.

d L'employeur qui, appliquant la réduction des provisions à un montant inférieur au montant de trente pour cent des cotisations dues pour l'avant-dernier trimestre échu autorisée par l'article 34, alinéa 2, de l'arrêté royal du 28 novembre 1969, paie une provision égale à trente pour cent des cotisations probables du trimestre en cours, qui, ultérieurement, se révèle être inférieure au montant de trente pour cent des cotisations réellement dues pour le trimestre en cours et, en conséquence, se révèle être insuffisante, ne respecte pas les obligations qui lui incombent en vertu de l'article 54bis du même arrêté royal.

e Par l'arrêt attaqué rendu le 20 janvier 2005, les juges d'appel constatent que :

- les provisions mensuelles pour le deuxième trimestre de 2002 évaluées par la défenderesse étaient insuffisantes, dès lors qu'elles étaient inférieures à trente pour cent des cotisations finalement dues pour ce trimestre, de sorte que la majoration des cotisations prévue à l'article 54 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 est applicable ;

- le demandeur a imputé non pas la majoration des cotisations prévue à l'article 54 de l'arrêté royal précité mais l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 54bis de ce même arrêté royal.

Ils considèrent que :

- eu égard aux circonstances, la décision de la défenderesse de ne pas prendre le quatrième trimestre de 2001 en compte comme trimestre de référence pour le deuxième trimestre de 2002, est très raisonnable ;

- au début du trimestre, c'est-à-dire au début du mois d'avril 2002, la défenderesse a évalué les cotisations probables de ce deuxième trimestre en « bon père de famille », en tenant compte de tous les éléments disponibles à ce moment afin de prévoir plus exactement possible le montant finalement dû, de sorte qu'en ce qui concerne le deuxième trimestre de 2002, elle a rempli les obligations qui lui incombent en vertu de l'article 34 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969.

f Par ces motifs, les juges d'appel ne décident pas légalement que la défenderesse ne remplissait pas les conditions de l'article 54bis de l'arrêté royal du 28 novembre 1969, de sorte que le demandeur a imputé erronément l'indemnité forfaitaire prévue à cette disposition.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.

g L'annulation partielle de l'arrêt du 20 janvier 2005 entraîne l'annulation de l'arrêt du 16 décembre 2005 qui en découle.

Sur les autres griefs :

h Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour,

Casse l'arrêt attaqué du 20 janvier 2005, sauf en tant qu'il déclare l'appel recevable ;

Annule l'arrêt attaqué du 16 décembre 2005 ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Bruxelles.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Robert Boes, président, le président de section Ernest Waûters, les conseillers Beatrijs Deconinck, Alain Smetryns et Koen Mestdagh, et prononcé en audience publique du dix-sept septembre deux mille sept par le président de section Robert Boes, en présence de l'avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Philippe Gosseries et transcrite avec l'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.

Le greffier, Le conseiller,