Cour de cassation: Arrêt du 19 juin 2006 (Belgique). RG S050108N

Date :
19-06-2006
Language :
French Dutch
Size :
4 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20060619-1
Role number :
S050108N

Summary :

Les allocations dues en matière d'accident du travail portent intérêt de plein droit à partir de leur exigibilité; les intérêts dus sur les allocations de péréquation sont également des indemnités au sens de l'article 69, alinéa 1er, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail et, en conséquence, sont soumis à la prescription triennale (1). (1) Cass., 30 janvier 1995, RG S.94.0010.N - S.94.0116.N, n° 53.

Arrêt :

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N° S.05.0108.N
ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITES CHRETIENNES,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
FONDS DES ACCIDENTS DU TRAVAIL,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre un arrêt rendu le 17 décembre 2004 par la cour du travail de Gand.
Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général Anne De Raeve a conclu.
Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen dans sa requête.
Dispositions légales violées
Article 69, alinéa 1er, première phrase, et, pour autant que de besoin, article 42, alinéa 3, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.
Décisions et motifs critiqués
Par la décision attaquée, la cour du travail déclare l'appel principal du défendeur fondé, l'appel incident de la demanderesse non fondé, en conséquence, annule le jugement du premier juge et, statuant à nouveau, déclare la demande originaire de la demanderesse irrecevable pour cause de prescription, par les motifs suivants :
" 5.2.2. La première contestation portée devant le premier juge concernait la question du délai de prescription applicable à la demande de (la demanderesse) tendant au paiement des intérêts sur les allocations de péréquation (payées entre-temps).
Les parties ne contestent plus, avec raison par ailleurs, que la prescription triennale de l'article 69 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail est applicable en l'espèce.
L'article 69 précité a une portée générale et est applicable à toutes les demandes qui tendent à obtenir la réparation d'un accident du travail, comme le prévoit la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail (Guide Social Permanent, Sécurité sociale : commentaires, T. I, livre II, titre VIII, chapitre III, 1-60).
Les allocations de péréquation prévues à l'article 58bis (anciennement article 58 voir ci-avant) tombent incontestablement dans le champ d'application de la loi du 10 avril 1971. Elles constituent effectivement des indemnités au sens de la loi (voir Cass., 30 janvier 1995, R.W., 1995-96, 324) qui tendent à réévaluer les petites indemnités pour incapacité de travail dues à long terme en adaptant celles-ci à l'indice.
En tant que telles, elles sont à considérer comme un élément constitutif de la réparation de l'accident du travail.
La demande tendant au paiement des intérêts légaux peut également être considérée comme une action en paiement des indemnités au sens de l'article 69 de la loi du 10 avril 1971. Elle est effectivement fondée sur cette loi et plus spécialement sur son article 42, alinéa 3, qui dispose que les indemnités prévues par la loi portent intérêt de plein droit à partir de leur exigibilité. Par ailleurs, les intérêts légaux constituent également une réparation, dès lors qu'ils réparent le préjudice résultant du paiement tardif par le débiteur des indemnités légales (C. Persyn, R. Janvier et W. van Eeckhoutte, Overzicht van rechtspraak arbeidsongevallen 1984-1989, T.P.R., 1990, p. 1350, n° 105 ; voir également l'article 1153 du Code civil et H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, Bruxelles, Bruylant, 1957, T. VII, p. 1172, n° 1323). Il est également à relever que la distinction faite entre les 'indemnités' et 'l'intérêt' à l'article 42, alinéa 3, ne figurent pas dans l'article 69 qui fait uniquement état 'd'indemnités'. Ceci confirme à nouveau la portée générale de la notion des indemnités.
Finalement, l'application de l'article 69 de la loi du 10 avril 1971 à la demande tendant au paiement des intérêts découle du principe général du droit suivant lequel la chose accessoire suit la chose principale (accessorium sequitur principale), à tout le moins, est justifiée par ce principe (en ce qui concerne le principe, voir A. Lindemans, De verjaring van de vordering tot betaling van de intresten, R.G.D.C., 2000, 254). Ceci implique concrètement que la demande tendant au paiement des intérêts est soumise au même régime de prescription que la demande concernant la somme principale, soit, en l'espèce, les allocations de péréquation.
Par ces considérations, la cour du travail décide que la prescription triennale de l'article 69 de la loi du 10 avril 1971 est applicable à la demande de l'intimée tendant au paiement des intérêts sur les allocations de péréquation.
5.2.3. On ne peut en revanche se rallier aux alternatives initialement proposées par (la demanderesse).
Ceci vaut, d'abord, pour la prescription trentenaire qui est applicable à l'exécution des jugements et arrêts. (...).
La prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du Code civil ne peut davantage être invoquée en l'espèce. En effet, la disposition spéciale de l'article 69 de la loi du 10 avril 1971, qui intéresse par ailleurs l'ordre public, prime la disposition générale du Code civil (A. Lindemans, Verjaring in het sociale zekerheidsrecht, Kluwer, Deurne, 1994, p. 155).
Par ailleurs, la disposition de l'article 2277 du Code civil vise essentiellement la protection des débiteurs en ce qu'il instaure un délai de prescription inférieur au délai général de prescription qui, initialement, était de trente ans (voir Cass., 23 avril 1998, A. C., 1998, n° 207). Dès lors que l'article 69 de la loi du 10 avril 1971 prévoit un délai de trois ans, il n'y a pas lieu d'appliquer le délai prévu à l'article 2277 du Code civil. En effet, l'application du délai quinquennal serait en l'espèce contraire à la ratio legis de l'article 2277 du Code civil.
5.2.4. Il suit de l'application de la prescription triennale de l'article 69 de la loi du 10 avril 1971 que la demande de (la demanderesse) est prescrite ".
et
" Il reste établi que la demande tendant au paiement des intérêts est prescrite ".
Griefs
L'article 69, alinéa 1er, première phrase, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, qui est d'ordre public, dispose que l'action en paiement des indemnités se prescrit par trois ans.
La cour du travail considère que non seulement les allocations de péréquation mais aussi les intérêts sur les allocations de péréquation constituent des indemnités au sens de cette loi.
Toutefois, les intérêts sur les allocations de péréquation ne peuvent être considérés comme des indemnités au sens de l'article 69, alinéa 1er, première phrase, de la loi du 10 avril 1971 et doivent au contraire être distingués des indemnités prévues par la loi sur lesquelles ils sont dus, de sorte que la demande tendant au paiement des intérêts sur les indemnités prévues par la loi du 10 avril 1971 ne se prescrit pas conformément à la disposition précitée de l'article 69, alinéa 1er, première phrase.
Le fait relevé par la cour du travail que la demande tendant au paiement des intérêts légaux est fondée sur la loi précitée et plus spécialement sur son article 42, alinéa 3, n'y porte pas atteinte. En effet, il ne résulte pas du fait qu'ils sont prévus par la loi du 10 avril 1971 que les intérêts légaux sur les indemnités pour accident du travail constituent des indemnités. Par ailleurs, l'article 42, alinéa 3, figure dans la loi à la section 5 " Paiement " du chapitre II " Réparation " et non aux sections 1, 2, 2bis et 3 qui définissent et règlent les indemnités en cas d'accident du travail. Ainsi, les intérêts légaux prévus en cas de paiement tardif par l'article 49, alinéa 3, de la loi du 10 avril 1971 constituent non pas des indemnités pour accident du travail mais une des modalités de paiement.
La considération de la cour du travail qu'il existerait un principe général du droit suivant lequel la chose accessoire suit la chose principale et que ceci impliquerait que la demande tendant au paiement des intérêts est soumise au même régime de prescription que la demande concernant la somme principale, ne peut davantage porter atteinte à la conclusion que les intérêts sur les allocations de péréquation ne peuvent être considérés comme des indemnités au sens de l'article 69, alinéa 1er, première phrase, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail. D'une part, l'adage suivant lequel la chose accessoire suit la chose principale ne constitue pas un principe général du droit. D'autre part, aucune règle ne prescrit que la demande tendant au paiement d'intérêts est soumise au même régime de prescription que la demande concernant la somme principale, bien au contraire.
Ainsi, la cour du travail ne décide pas légalement que la prescription triennale de l'article 69, alinéa 1er, première phrase, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail est applicable à la demande de la demanderesse et, en conséquence, ne déclare pas légalement cette demande irrecevable pour cause de prescription (violation de toutes les dispositions légales citées au début du moyen).
La décision de la Cour
1. En vertu de l'article 69, alinéa 1er, de la loi du 10 avril 1971, l'action en paiement des indemnités se prescrit par trois ans. Cette disposition, qui est d'ordre public, est applicable à toutes les indemnités, quels que soient leur dénomination ou leur mode d'octroi, dont un assureur ou le Fonds des accidents du travail est redevable en vertu de la loi.
Les allocations de péréquation visées à l'article 58bis, ,§1er, 2°, de la loi du 10 avril 1971 sont des indemnités au sens de l'article 69, alinéa 1er, de la même loi.
2. En vertu de l'article 42, alinéa 3, de la loi du 10 avril 1971, les indemnités prévues par la loi portent intérêt de plein droit à partir de leur exigibilité. Les intérêts dus sur les allocations de péréquation sont également des indemnités au sens de l'article 69, alinéa 1er, de la loi et, en conséquence, sont soumis à la prescription triennale.
3. Le moyen qui est fondé sur une autre interprétation du droit, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Robert Boes, les conseillers Ghislain Dhaeyer, Ghislain Londers, Eric Dirix et Eric Stassijns, et prononcé en audience publique du dix-neuf juin deux mille six par le président de section Robert Boes, en présence de l'avocat général Anne De Raeve, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Daniel Plas et transcrite avec l'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.
Le greffier, Le conseiller,