Cour de cassation: Arrêt du 21 septembre 2007 (Belgique). RG C.05.0229.F

Date :
21-09-2007
Language :
French Dutch
Size :
5 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20070921-1
Role number :
C.05.0229.F

Summary :

Est irrecevable à défaut d'intérêt le moyen, qui est dirigé contre des considérations surabondantes, la décision de l'arrêt étant légalement justifiée par les motifs vainement critiqués par l'autre moyen (1). (1) Voir Cass., 12 octobre 2006, C.04.0481.F, n° ...

Arrêt :

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N° C.05.0229.F

VILLE DE VISE, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, dont les bureaux sont établis en l'hôtel de ville,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

JMV SCREG BELGIUM, société anonyme venant aux droits de la société anonyme Joly-Matagne-Vandamme, dont le siège social est établi à Berchem-Sainte-Agathe, rue Nestor Martin, 313,

défenderesse en cassation,

représentée par Maître Philippe Gérard, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est fait élection de domicile.

La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2004 par la cour d'appel de Liège.

Le conseiller Didier Batselé a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

Les moyens de cassation

La demanderesse présente deux moyens libellés dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions légales violées

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- articles 12, § 1er, alinéa 2, 41, alinéa 2, et 43, §§ 1er et 3, alinéas 1er à 3, de l'arrêté ministériel du 10 août 1977 établissant le cahier général des charges des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt attaqué, réformant le jugement entrepris, dit à titre principal l'action originaire de la demanderesse prescrite par tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits et en particulier aux motifs

« Qu'il est exact que l'article 41 [du cahier général des charges régissant le marché litigieux], et ceci à l'inverse de l'article 18 du même cahier général des charges, ne vise pas le procès-verbal de réception mais la réception elle-même ;

Que, dans cette mesure, il est nécessaire de voir, en l'espèce, quelle est la date à retenir pour la réception provisoire ;

Que le procès-verbal de réception provisoire (...) a expressément mentionné une date conventionnelle pour l'achèvement des travaux, soit le 16 juin 1993, en précisant que cette date est celle ‘à partir de laquelle court le délai de garantie de deux ans stipulé pour la réception définitive' ;

Que, d'une part, dans ce cadre, les parties contractantes à un marché public peuvent convenir d'une date conventionnelle pour la date d'admission de la réception provisoire, la seule réserve étant que cette fixation conventionnelle doit rester dans des limites raisonnables car elle ne pourrait aboutir à priver une partie du droit d'agir en faisant une rétroactivité conventionnelle au-delà du délai de prescription ;

Que, dans cette logique, une comparaison avec l'article 18 du même cahier général des charges ne peut être retenue, cet article ne contenant pas les mêmes termes et visant, au surplus, un très court délai de forclusion et non une prescription de 10 ans ;

Que cette limite n'est pas dépassée en l'espèce dans la mesure où la date conventionnelle n'est que de quelques mois antérieure à la date du procès-verbal et que le délai en cause est de 10 ans ;

Que, d'autre part, la (défenderesse) invoque très justement (...) qu'on ne pourrait concevoir, dans le système légal adopté, que le délai de garantie séparant la réception provisoire et la réception définitive (délai d'épreuve de l'article 39, § 1er, du cahier général des charges) et le délai de la garantie décennale pourrai(ent) courir à partir de dates différentes, ce système impliquant que la première année du délai décennal se confond ‘avec le délai de garantie séparant les deux réceptions' ;

Que, pour la bonne compréhension de l'analyse, il n'est pas inutile de préciser que si le cahier général des charges applicable prévoyait qu'à défaut de précision, le délai de l'article 39 susvisé est d'un an, en l'espèce, le cahier spécial des charges prévoit un délai de deux ans ;

Que cette circonstance est évidemment sans importance, le raisonnement (...) restant identique dans sa cohérence quant à la conception du système qui ne peut prévoir qu'une même date de départ pour les deux délais susvisés ».

Griefs

La demanderesse faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la date du 16 juin 1993 avait été mentionnée dans le procès-verbal de réception provisoire uniquement pour faire courir le délai de garantie de deux ans stipulé pour la réception définitive, ajoutant qu'il ne fallait pas rechercher dans cette date autre chose que ce que les parties avaient voulu y indiquer et qu'elles n'avaient pas voulu faire de cette date le point de départ de la responsabilité décennale.

Première branche

La demanderesse mettait en cause la responsabilité décennale de la défenderesse, telle qu'elle est régie par les articles 1792 et 2270 du Code civil. En vertu de l'article 41, alinéa 2, de l'arrêté ministériel du 10 août 1977 établissant le cahier général des charges des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, c'est à partir de la réception provisoire que l'entrepreneur répond de la solidité des ouvrages et de la bonne exécution des travaux conformément aux dispositions précitées du Code civil.

L'article 12, § 1er, alinéa 2, du même arrêté ministériel définit la réception comme l'opération consistant à vérifier si les travaux effectués, les fournitures livrées ou prêtes à l'être, les produits à mettre en œuvre répondent aux conditions tant qualitatives que quantitatives imposées par le cahier spécial des charges.

Aux termes de l'article 43, § 1er, dudit arrêté ministériel, les ouvrages ne sont reçus qu'après avoir subi, aux frais de l'entrepreneur, les vérifications et épreuves prescrites. Le paragraphe 3 de ladite disposition dispose qu'il est, dans les quinze jours de calendrier qui suivent le jour fixé pour l'achèvement de l'ensemble des travaux, procédé à leur réception provisoire ou dressé un procès-verbal de refus de les recevoir. Dans l'hypothèse où, les travaux étant terminés avant ou après la date d'achèvement prévue, l'entrepreneur demande au fonctionnaire dirigeant de procéder à la réception provisoire, il est, dans les quinze jours qui suivent le jour de la réception de cette demande, dressé un procès-verbal de réception provisoire des travaux ou un procès-verbal de refus de les recevoir.

L'entrepreneur est, dès lors, responsable de la bonne exécution des travaux pendant dix ans à partir de la réception provisoire de ceux-ci. Cette réception provisoire suppose une décision du pouvoir adjudicateur, laquelle s'exprime dans un procès-verbal.

Aucune disposition du cahier général des charges établi par l'arrêté ministériel du 10 août 1977 n'impose de considérer que le délai de garantie séparant la réception provisoire de la réception définitive et le délai de responsabilité décennale doivent nécessairement prendre cours à la même date.

Pour déclarer prescrite l'action de la demanderesse, l'arrêt attaqué fait remonter la prise de cours de la responsabilité décennale de la défenderesse à la date conventionnellement stipulée pour l'achèvement des travaux, soit le 16 juin 1993, en retenant « qu'on ne pourrait concevoir, dans le système légal adopté, que le délai de garantie séparant la réception provisoire et la réception définitive (délai d'épreuve de l'article 39, § 1er, du cahier général des charges) et le délai de la garantie décennale pourrai(ent) courir à partir de dates différentes » et en évoquant « la conception du système qui ne peut prévoir qu'une même date de départ pour les deux délais susvisés ».

Il se déduit toutefois des articles précités du cahier général des charges établi par l'arrêté ministériel du 10 août 1977 que, d'une part, la responsabilité décennale prend cours à partir de la réception provisoire et que, d'autre part, ladite réception provisoire suppose une vérification des travaux après leur achèvement et fait l'objet d'un procès-verbal dans lequel se manifeste la volonté du pouvoir adjudicateur.

L'arrêt attaqué n'est, partant, pas légalement justifié (violation des articles 12, § 1er, alinéa 2, 41, alinéa 2, et 43, §§ 1er et 3, alinéas 1er à 3, de l'arrêté ministériel du 10 août 1977 établissant le cahier général des charges des marchés publics de travaux, de fournitures et de services).

Seconde branche

Le procès-verbal de réception provisoire du 15 octobre 1993 mentionne, d'une part, que « les travaux ont commencé le 1er octobre 1992 et ont été achevés le 17 août 1993 » et, d'autre part, que « la date d'achèvement des travaux, à partir de laquelle court le délai de garantie de deux ans stipulé pour la réception définitive, est fixée au 16 juin 1993 ».

Si l'arrêt attaqué, après avoir expressément constaté que le procès-verbal de réception provisoire du 15 octobre 1993 comportait ces précisions, y a également lu que la date du 16 juin 1993 constituait le point de départ de la garantie décennale de la défenderesse, il y lit autre chose que ce qui y est exprimé et viole, partant, la foi qui lui est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Second moyen

Dispositions légales violées

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- articles 12, § 1er, alinéa 2, 41, alinéa 2, et 43, §§ 1er et 3, alinéas 1er à 3, de l'arrêté ministériel du 10 août 1977 établissant le cahier général des charges des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt attaqué décide, à titre subsidiaire, que l'action originaire de la demanderesse était prescrite aux motifs :

« Que la cour [d'appel] peut encore faire remarquer que, même si on n'admettait pas que les parties puissent prévoir une fixation conventionnelle de la date qui serait différente de la date réelle d'achèvement des travaux, il faudrait encore faire remarquer que le procès-verbal (de réception provisoire) mentionne aussi la date réelle d'achèvement des travaux (‘Les travaux ont commencé le 1er octobre 1992 et ont été achevés le 17 août 1993') ».

Griefs

La demanderesse faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la date du 24 (lire : 17) août 1993 était mentionnée dans le procès-verbal de réception provisoire du 15 octobre 1993 comme date d'achèvement des travaux mais non comme date de point de départ de la garantie décennale, ce que les parties n'auraient pas manqué de signaler si telle avait été leur volonté.

Première branche

Il ressort des dispositions de l'arrêté ministériel du 10 août 1977 visées au moyen, dont le contenu a été exposé à la première branche du premier moyen et est tenu ici pour intégralement reproduit, d'une part, que c'est à partir de la réception provisoire que l'entrepreneur répond de la solidité de l'ouvrage et de la bonne exécution des travaux conformément aux articles 1792 et 2270 du Code civil et, d'autre part, que la réception provisoire suppose la vérification des travaux après leur achèvement et une manifestation de volonté du pouvoir adjudicateur extériorisée dans un acte.

La réception provisoire est, dès lors, nécessairement distincte de l'achèvement des travaux et ne peut y être assimilée.

Il s'en déduit que la circonstance que le procès-verbal de réception provisoire du 15 octobre 1993 mentionne que les travaux ont été achevés le 17 août 1993 n'implique pas que cette date soit également celle où prenait cours la responsabilité décennale de la défenderesse.

En assimilant la date réelle d'achèvement des travaux et la date de prise de cours de la garantie décennale, l'arrêt attaqué viole l'ensemble des dispositions de l'arrêté ministériel du 10 août 1977 visées au moyen.

Seconde branche

Si l'arrêt attaqué, après avoir constaté que le procès-verbal de réception provisoire du 15 octobre 1993 mentionnait que les travaux avaient été achevés le 17 août 1993, y a également lu que cette date constituait le point de départ de la garantie décennale de la défenderesse, il y lit autre chose que ce qui y est exprimé et viole, partant, la foi qui lui est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

La décision de la Cour

Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

L'article 41 de l'arrêté ministériel du 10 août 1977 établissant le cahier général des charges des marchés publics de travaux, de fournitures et de services dispose, en son second alinéa, qu'à partir de la réception provisoire et sans préjudice des dispositions de l'article 39, relatives à ses obligations pendant le délai de garantie, l'entrepreneur répond de la solidité des ouvrages et de la bonne exécution des travaux conformément aux articles 1792 et 2270 du Code civil.

En vertu de l'article 43, § 3, alinéas 2 et 5, du même arrêté, si les travaux sont terminés avant ou après le jour fixé pour l'achèvement de l'ensemble des travaux, il appartient à l'entrepreneur d'en donner connaissance, par lettre recommandée, au fonctionnaire dirigeant et de demander, par la même occasion, de procéder à la réception provisoire, et, dans ces cas, les travaux qui sont trouvés en état de réception provisoire sont présumés, jusqu'à preuve du contraire, l'avoir été à la date d'achèvement réel qu'a indiquée l'entrepreneur dans sa lettre recommandée.

L'arrêt, qui, d'une part, constate que la demande de la demanderesse fondée sur la responsabilité décennale de la défenderesse a été formée le 14 octobre 2003, d'autre part, considère que, les travaux n'ayant pas été achevés dans le délai convenu, celle-ci a demandé qu'il soit procédé à la réception provisoire et que la date du 17 août 1993 que le procès-verbal de cette réception mentionne comme celle de l'achèvement réel des travaux « devait figurer dans sa lettre recommandée », justifie légalement sa décision de dire la demande tardive.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

L'arrêt ne considère pas que le procès-verbal de réception provisoire du 15 octobre 1993 mentionne que la date du 17 août 1993 constitue le point de départ de la responsabilité décennale de la défenderesse.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le premier moyen :

Quant aux deux branches réunies :

La décision de l'arrêt que l'action est tardive étant légalement justifiée par les motifs vainement critiqués par le second moyen, le moyen, qui est dirigé contre des considérations surabondantes, est irrecevable à défaut d'intérêt.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de cinq cent cinq euros treize centimes envers la partie demanderesse et à la somme de deux cent huit euros soixante-quatre centimes envers la partie défenderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Albert Fettweis, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononcé en audience publique du vingt et un septembre deux mille sept par le président Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.