Cour de cassation: Arrêt du 24 mai 1995 (Belgique). RG P941247N

Date :
24-05-1995
Language :
French Dutch
Size :
2 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-19950524-8
Role number :
P941247N

Summary :

Lorsqu'une question visée à l'article 26, alinéa 1er, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage est soulevée par un moyen devant la Cour de cassation, celle-ci doit, en règle, demander à la Cour d'arbitrage de statuer sur cette question.

Arrêt :

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LA COUR,
Vu l'arrêt attaqué, rendu le 14 septembre 1994 par la cour d'appel d'Anvers;
Attendu que le demandeur se pourvoit en cassation contre toutes les dispositions civiles de l'arrêt attaqué;
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée par la défenderesse ASBL KFC Turnhout, partie civile, contre le demandeur prévenue :
Attendue que, par acte déposé le 20 décembre 1994 au greffe de la Cour, Me L. Schuermans et Me B. Spriet, avocats au barreau de Turnhout, déclarent au nom du demandeur se désister du pourvoi, sans acquiescement, en tant qu'il est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée par la défenderesse contre le demandeur;
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées par les défendeurs 1 à 5 inclus, contre le demandeur :
Attendu que ces décisions ne constituent pas des décisions définitives au sens de l'article 416 du Code d'instruction criminelle et ne statuent pas sur une contestation de compétence;
Que le pourvoi est irrecevable;
C. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée par le demandeur contre la défenderesse ASBL KFC Turnhout, partie citée en intervention forcée;
Sur le premier moyen, libellé comme suit : violation des articles 182 du Code d'instruction criminelle, 6 et 6bis - actuellement 10 et 11 - de la Constitution,
en ce que l'arrêt attaqué déclare irrecevable la demande en intervention et garantie introduite par le demandeur contre la défenderesse, sur la base des considérations "... qu'aucune disposition légale ne permet aux prévenus de citer les (prétendues) parties civilement responsables devant le juge pénal et que celui-ci n'a pas le pouvoir d'apprécier les demandes introduites par les prévenus contre les (éventuelles) parties civilement responsables; que seuls le ministère public et la partie civile peuvent citer les parties civilement responsables devant le juge pénal; que ce fait n'engendre pas de discrimination interdite par les articles 10 et 11 de la Constitution ...",
alors qu'il suit de l'article 182 du Code d'instruction criminelle que, le ministère public, l'inculpé, la partie civilement responsable et la partie civile étant les quatre parties au procès traditionnellement admises à la procédure pénale devant le tribunal correctionnel, toute personne autre que ces quatre parties doit être considérée comme étant un tiers au procès pénal; qu'il suit également de l'article 182 précité que le Code d'instruction criminelle permet que la partie civilement responsable soit mise en cause devant le tribunal correctionnel par voie de citation et que l'article 182 précité ne prévoit pas limitativement que la citation en question ne peut émaner que du procureur du Roi ou de la partie civile; qu'en d'autres termes, l'article 182 du Code d'instruction criminelle n'exclut pas la possibilité que le prévenu prenne l'initiative de mettre en cause la partie civilement responsable devant le tribunal correctionnel, siégeant en première instance; que, dès lors, en déclarant irrecevable la citation notifiée à la défenderesse en qualité de partie civilement responsable, à la requête du demandeur, l'arrêt attaqué viole l'article 182 précité; que par cette interprétation, le demandeur, prévenu et partie traditionnellement admise au procès pénal, est traité d'une manière manifestement discriminatoire dans sa défense globale et entière contre les actions publique et civile, par rapport aux autres parties au procès pénal qui introduisent et exercent ces actions publique ou civile contre lui; qu'en effet, par cette interprétation, le prévenu ne peut épuiser tous les droits et moyens de défense dont il dispose contre les actions publique et civile introduites, en vue de réduire sa responsabilité (pécuniaire) (frais de justice, indemnité et, le cas échéant, amende), alors que ni le ministère public ni la partie civile ne sont empêchés dans l'exercice de leurs droits, ce qui engendre une situation manifestement discriminatoire; que, dès lors, en décidant que la règle suivant laquelle la partie civilement responsable ne peut être citée que par le ministère public ou la partie civile n'engendre pas de discrimination interdite par la Constitution à l'égard du demandeur, en tant que prévenu, l'arrêt attaqué viole les règles constitutionnelles relatives à l'égalité et à la non-discrimination, et les dispositions légales citées par le moyen :
Attendu que l'article 182 du Code d'instruction criminelle ne permet pas au prévenu de faire citer la partie civilement responsable devant le juge pénal en des matières relevant de la compétence du tribunal correctionnel;
Attendu qu'aux termes de l'article 26, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, la Cour d'arbitrage statue, à titre préjudiciel, par voie d'arrêt, sur les questions relatives à la violation par une loi des articles 6 (actuellement 10) et 6bis (actuellement 11) de la Constitution;
Que, dès lors, une question telle que visée à l'article 26, alinéa 1er, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, se pose en l'espèce;
PAR CES MOTIFS,
Décrète le désistement du pouvoi en tant qu'il est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée par la défenderesse ASBL KFC Turnhout, partie civile, contre le demandeur; sans avoir égard aux deuxième et troisième moyens du mémoire déposé au nom du demandeur qui ne sont ni relatifs au pourvoi, en tant qu'il est dirigé contre l'ASBL KFC Turnhout en sa qualité de partie en intervention forcée, ni à la recevabilité du pourvoi, en tant qu'il est dirigé contre les défendeurs 1 à 5 inclus, rejette le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées contre le demandeur par les défendeurs 1 à 5 inclus;
Sursoit à statuer pour le surplus jusqu'à ce que la Cour d'arbitrage ait statué, par voie de décision préjudicielle, sur la question suivante : "L'article 182 du Code d'instruction criminelle viole-t-il' les articles 6 ou 6bis de la Constitution (actuellement 10 et 11 de la Constitution coordonnée le 17 février 1994), en tant qu'il fixe les modalités suivant lesquelles le tribunal correctionnel est saisi des demandes contre la personne civilement responsable et détermine ainsi les parties pouvant mettre en cause la personne civilement responsable devant le juge pénal, l'article 182 du Code d'instruction criminelle ayant plus spécialement pour effet que, contrairement au ministère public et à la partie civile, le prévenu n'est pas autorisé à mettre en cause la personne civilement responsable devant le juge pénal?";
Ordonne la transmission à la Cour d'arbitrage de l'expédition de la présente décision de renvoi, signée par le président et le greffier de la Cour;
Condamne le demandeur aux trois quarts des frais, à l'exclusion des frais de signification du pourvoi à l'ASBL KFC Turnhout, et sursoit à statuer sur le surplus des frais.