Cour de cassation: Arrêt du 3 mars 2015 (Belgique). RG P.13.1040.N

Date :
03-03-2015
Language :
French Dutch
Size :
2 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20150303-1
Role number :
P.13.1040.N

Summary :

L'abandon de déchets vise non seulement le déversement, mais également le défaut d'élimination des déchets déposés; il n'est pas requis que le prévenu soit pénalement responsable tant du déversement que du défaut d'élimination des déchets (1). (1) Cass. 11 janvier 2011, RG P.10.1276.N, Pas. 2011, n° 26; Cass. 22 février 2005, RG P.04.1346.N, AC 2005, n° 109, avec les conclusions du M.P.

Arrêt :

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N° P.13.1040.N

UCB, société anonyme,

prévenue,

demanderesse en cassation,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

INDUFLEX, société anonyme,

partie civile,

défenderesse en cassation,

Me Isabelle Larmuseau, avocat au barreau de Gand.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 3 mai 2013 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.

La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.

Elle déclare se désister, sans acquiescement, de son pourvoi, en tant que l'arrêt, statuant sur l'action civile, la condamne au paiement de dommages et intérêts et aux frais, mais réserve un préjudice et remet la cause afin qu'elle soit examinée ultérieurement.

Le conseiller Alain Bloch a fait rapport.

L'avocat général suppléant Marc De Swaef a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur la recevabilité du pourvoi :

1. L'arrêt prononce l'abandon des poursuites à l'égard de la demanderesse du chef de la prévention B.

Dans la mesure où il est dirigé contre cette décision, le pourvoi est irrecevable, à défaut d'intérêt.

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

2. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 12 et 56 du décret de l'Exécutif flamand du 2 juillet 1981, tel qu'applicable en l'espèce, 16.6.3 du décret du Conseil flamand du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement, 12, § 1er, et 69 du décret du Gouvernement flamand du 23 décembre 2011 relatif à la gestion durable de cycles de matériaux et de déchets : l'arrêt condamne la demanderesse en raison de la non élimination de déchets ayant été abandonnés en dehors de la période des faits pour laquelle elle fait l'objet de poursuites et à un moment où des personnes morales ne pouvaient encore être tenues pénalement responsables ; l'interdiction d'abandonner des déchets, en vigueur au moment des faits, impliquait non seulement le déversement, mais également le défaut de les éliminer, de sorte que l'infraction perdure tant que les déchets n'ont pas été éliminés et le déversement et l'omission d'éliminer les déchets doivent être considérés comme un seul acte ; la responsabilité pénale du chef d'omission d'élimination des déchets implique cependant que le contrevenant est ou peut également être responsable du chef du déversement ; une condamnation d'abandon de déchets n'est possible que si le juge constate que le prévenu est responsable tant du déversement que de l'omission ; l'arrêt condamne la demanderesse parce qu'elle a omis de mettre fin à la situation illégale, alors qu'il ne constate pas que la demanderesse est responsable d'avoir généré ou déposé des déchets ; l'arrêt n'est pas légalement justifié.

3. Aux termes de l'article 12 du décret de l'Exécutif flamand du 2 juillet 1981, il est interdit d'abandonner ou d'éliminer des déchets en violation des prescriptions du présent décret ou de ses arrêtés d'exécution.

Selon l'article 12 du décret du Gouvernement flamand du 23 décembre 2011, il est interdit d'abandonner ou de gérer des déchets en violation des prescriptions de cet arrêté ou de ses arrêtés d'exécution.

L'abandon de déchets vise non seulement le déversement, mais également le défaut d'élimination des déchets déposés.

Il n'est pas requis que le prévenu soit pénalement responsable tant du déversement que du défaut d'élimination des déchets.

Le moyen qui, en cette branche, est déduit d'une autre prémisse juridique, manque en droit.

(...)

Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

7. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 3, 4 de la loi du 17 avril 1878 contenant le Titre préliminaire du Code de procédure pénale et 1134 du Code civil, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit « fraus omnia corrumpit » : l'arrêt décide qu'un accord conclu entre des parties n'empêche pas la défenderesse de réclamer à la demanderesse des dommages et intérêts en raison des faits mis à sa charge ; il décide que l'interdiction de concours entre responsabilité contractuelle et responsabilité extra-contractuelle n'empêche pas qu'une indemnisation soit accordée à la défenderesse, lorsque la faute ne constitue pas un défaut d'exécution contractuelle et qu'il est établi que la demanderesse a commis intentionnellement une faute grave qui n'est pas couverte par la garantie contractuelle ; l'arrêt ne constate cependant pas de tricherie dans le chef de la demanderesse ; elle a conclu une convention avec la défenderesse pour lequel elle n'a donné aucune garantie quant à la pollution du sol et dont elle n'est donc pas responsable ; la défenderesse l'a reconnu et a renoncé à toute action ; l'arrêt ne peut décider que la garantie contractuelle ne vaut pas uniquement parce que la demanderesse aurait commis une faute grave, sans constater qu'elle a commis sciemment une faute dans l'intention de nuire à autrui ; il ne précise par cette faute grave intentionnelle et ne la situe pas dans le temps par rapport à la convention conclue entre les parties ; il ne constate pas davantage que la clause d'exonération de responsabilité rend l'exécution de l'obligation impossible entre les parties ou qu'un dommage a été intentionnellement causé à la défenderesse ; le fait que la demanderesse aurait abandonné des déchets, éventuellement avant la date de l'accord, ne prive pas les parties du droit de conclure un accord sur les conséquences en droit civil ; l'arrêt n'est pas légalement justifié et viole la force obligatoire de la convention conclue entre les parties.

8. En principe, les parties ont la possibilité de conclure un accord sur les conséquences préjudiciables d'une infraction.

Une clause libératoire n'exempte toutefois pas le responsable de la responsabilité de sa faute intentionnelle.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

9. L'arrêt (...) qui décide que la demanderesse a abandonné sciemment et volontairement des déchets, de sorte qu'il établit une faute intentionnelle dans son chef, justifie légalement la décision selon laquelle la clause d'exonération de responsabilité n'est pas valable et que la défenderesse peut réclamer des dommages et intérêts sur la base des faits mis à charge de la demanderesse.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

(...)

Le contrôle d'office

12. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Décrète le désistement, sans acquiescement, du pourvoi de la demanderesse ;

Rejette le pourvoi, pour le surplus ;

Condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Luc Van hoogenbemt, président de section, Alain Bloch, Peter Hoet, Antoine Lievens et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du trois mars deux mille quinze par le président de section Luc Van hoogenbemt, en présence de l'avocat général suppléant Marc De Swaef, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le conseiller,