Cour d'appel: Arrêt du 1 décembre 2004 (Bruxelles). RG 2001;AR;1931
- Section :
- Case law
- Source :
- Justel F-20041201-5
- Role number :
- 2001;AR;1931
Summary :
L'engagement comme caution solidaire d'une personne dans le cadre d'une ouverture de crédit consentie par une banque à des tiers ne peut faire foi contre elle que pour autant que cet engagement ait été, conformément à l'article 1326, alinéa 1 du code civil, écrit en entier de sa main ou, du moins, qu'outre sa signature, elle ait écrit de sa main un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose. L'engagement unilatéral de la caution, repris sur le même instrumentum que celui contenant la convention synallagmatique entre la banque et les crédités reste soumis à cet article 1326 du code civil. Il doit pouvoir, en effet, être vérifié, par le biais des formalités prescrites par cet article que l'engagement unilatéral de caution, personne physique étrangère à la convention synallagmatique conclue entre le banquier et les crédités, a été donné expressément et en parfaite connaissance de cause.
Arrêt :
- le jugement du tribunal de première instance de Bruxelles (8e chambre) prononcé contradictoirement le 17 mai 2001, signifié le 28 juin 2001;
- la requête d'appel de la s.a. KBC BANQUE, déposée le 24 juillet 2001 au greffe de la cour;
- les conclusions prises pour l'intimée Incoronata G., déposées le 29 octobre 2001 au greffe de la cour;
- les conclusions prises pour l'appelante s.a. KBC BANQUE, déposées le 31 décembre 2001 au greffe de la cour;
- les conclusions prises pour l'intimée Véronique D., déposées le 11 février 2002 au greffe de la cour;
- les conclusions en réplique prises pour l'intimée Incoronata G., déposées le 14 février 2002 au greffe de la cour;
- les conclusions additionnelles prises pour l'appelante s.a. KBC BANQUE, déposées le 3 avril 2002 au greffe de la cour;
- les avis de fixation adressés le 10 septembre 2004, et le nouvel avis de fixation adressé le 21 octobre 2004 à l'intimé Luc A., à sa nouvelle adresse, faisant état de la redistribution de la cause et de sa fixation pour l'audience du 2 novembre 2004, sous le bénéfice de l'article 747 ,§ 2 du Code judiciaire;
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Bien que régulièrement convoqué, M. Luc A. ne s'est pas présenté à l'audience du 2 novembre 2004, ni personne pour lui.
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LES FAITS ET LA PROCEDURE.
La cour se réfère à l'exposé des faits, tel que développé par le premier juge à la page 3 du jugement entrepris :
Par convention du 10 février 1989, la s.c. Cera Banque a consenti à M. Luc A. et à son épouse, Mme Véronique D., une ouverture de crédit d'un montant de 4.000.000 BEF;
Aux termes de ladite convention, Mme G. s'est portée caution solidaire et indivisible des engagements des crédités à l'égard de la banque, à concurrence de 4.000.000 BEF;
Par convention de crédit à tempérament du 30 janvier 1991, la s.c. Cera Banque a consenti à Mme D. un prêt personnel d'un montant de 500.000 BEF, remboursable en 60 mensualités;
Un second prêt à tempérament, d'un montant de 120.000 BEF, remboursable en 24 mensualités, a été consenti à Mme D. par la s.c. Cera Banque, en date du 16 octobre 1991;
Mme D. a été déclarée en faillite en date du 25 novembre 1992;
Par lettre du 14 décembre 1992, la s.c. Cera Banque a déclaré sa créance au passif de la faillite de Mme D.;
La s.c. Cera Banque a adressé à M. A., en date du 17 décembre 1992, une lettre de dénonciation du crédit consenti le 10 février 1989 et a, en conséquence, mis M. A. en demeure de rembourser la somme de 2.593.716 BEF;
Par courrier du même jour la s.c. Cera Banque a informé Mme G. de la dénonciation du crédit et l'a mise en demeure de lui rembourser, en sa qualité de caution, le montant de 2.593.716 BEF.
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La s.a. K.B.C. BANQUE a déclaré reprendre l'instance originairement mue par la s.c. CERA BANQUE; c'est à bon droit qu'il lui en a été donné acte.
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Le premier juge a implicitement reçu la demande de la s.a. KBC BANQUE en tant que dirigée contre Mme G.
mais l'a déclarée non fondée; il condamna la s.a. KBC BANQUE aux dépens de Mme G., liquidés à 12.900 BEF.
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Par sa requête d'appel, la s.a. KBC BANQUE limite son appel à " la question de l'engagement de Mme Incoronata G. comme caution solidaire et indivisible à l'égard de la requérante (la s.a. KBC BANQUE) pour le remboursement de toutes les sommes prélevées dans le cadre de l'ouverture de crédit n°X5-3735 d.d. 10 février 1989, à concurrence de 4.000.000 BEF ".
L'appelante fait grief au premier juge d'avoir considéré qu'alors que l'acte de cautionnement de Mme G.
est intégré dans la convention principale d'ouverture de crédit du 10 février 1989, cette convention ne fait cependant pas foi contre cette dernière, faute d'avoir respecté, en ce qui la concerne, le prescrit de l'article 1326 (alinéa 1) du Code civil qui aurait exigé que son engagement à payer une somme d'argent, ici en tant que caution, fût " écrit en entier de (sa) main; ou du moins (...) qu'outre sa signature (elle) ait écrit de sa main un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose ".
Selon l'appelante, si le souci du législateur a été, par cet article 1326 du Code civil, d'éviter que, dans le cadre d'actes unilatéraux, le créancier en possession de l'acte n'abuse d'une signature en blanc, ce risque n'apparaît pas lorsque, comme en l'espèce (1), l'acte unilatéral est compris dans l'instrumentum d'un contrat synallagmatique. Dès lors que la signature de Mme G. ne serait pas déniée, pas plus d'ailleurs que celle des deux crédités, M. Luc A. et Mme Véronique D., son engagement comme caution pour le remboursement de toutes les sommes prélevées dans le cadre de l'ouverture de crédit consentie, et ce, à concurrence de 4.000.000 BEF, doit être tenu pour valable.
Subsidiairement l'appelante conteste les allégations de Mme G. quant au fait que son consentement aurait été surpris par M. Luc A. qui, d'ailleurs, devant le premier juge, a qualifié ce récit de fantaisiste;
elle considère encore comme inacceptable la production, par Mme G., d'une attestation médicale rédigée neuf ans après la signature du contrat litigieux pour étayer ses dires.
Considérant qu'à tout le moins la convention litigieuse constitue un commencement de preuve par écrit, l'appelante sollicite d'ordonner, sur pied des articles 992 et suivants du Code judiciaire, la comparution personnelle des parties, soit pour la banque, la comparution du gérant Rony X., de même que le témoignage de M. Luc A. et de Mme Véronique D. " par rapport aux conditions précises dans lesquelles Mme G. a signé l'ouverture de crédit litigieuse (sic2)" ceci aux fins de démontrer que " Mme G. était bien consciente de son engagement, qu'elle a lit et approuvé l'ensemble de l'ouverture de crédit X5-3735, et qu'elle a signé en présence du gérant ".
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DISCUSSION.
A l'égard de l'intimée Incoronata G..
C'est à bon droit, et sans méconnaître pour autant l'enseignement de la cour de cassation qui tranche une situation de fait différente du cas d'espèce (3), que le premier juge a considéré que l'engagement unilatéral de Mme G. tel que repris sur le même instrumentum que celui contenant la convention synallagmatique entre la banque CERA, aujourd'hui KBC, et les crédités A. - D., restait soumis au prescrit de l'article 1326 du Code civil.
Il doit pouvoir, en effet, être vérifié, par le biais des formalités prescrites par cet article que l'engagement unilatéral de caution de Mme G., personne physique tierce à la convention synallagmatique conclue entre le banquier et les crédités, a été donné expressément et en parfaite connaissance de cause.
Tel n'est pas le cas en l'espèce. Le prescrit de l'article 1326 (alinéa 1er) ayant été méconnu, la caution donnée par Mme G. qui n'est pas commerçante ni l'une des personnes visées à l'alinéa 2 de cet article, est irrégulière.
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Si l'engagement de caution, daté du 10 février 1989, peut constituer un commencement de preuve par écrit, il n'y a cependant pas lieu d'ordonner la comparution personnelle des parties, leur position respective étant parfaitement connue et développée tant en termes de conclusions qu'à la barre, par la voix de leur conseil; on n'aperçoit pas, en effet, en quoi cette comparution pourrait s'avérer utile au débat, près de quinze ans après la signature litigieuse, dès lors notamment que les versions de l'appelante et de l'intimée G. s'opposent en fait, cette dernière maintenant, non sans vraisemblance, que son engagement fut surpris alors qu'elle connaissait de graves ennuis de santé, n'ayant d'ailleurs eu, pour sa part, aucune raison personnelle quelconque de se porter caution en faveur des consorts A.-D..
La décision du premier juge doit être confirmée.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant par défaut à l'égard de l'intimé Luc A., et contradictoirement pour le surplus,
Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,
Déclare l'appel recevable mais non fondé,
Confirme le jugement entrepris,
Condamne la s.a. KBC BANQUE aux dépens d'appel, liquidés,
dans son chef à 185,92 + 466,04 + 58,26 EUR,
à 466,04 EUR dans le chef de l'intimée G.,
à 466,04 EUR dans le chef de l'intimée D.,
non liquidés dans le chef de l'intimé A..
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Ainsi jugé et prononcé en audience publique civile de la 16ème chambre de la cour d'appel de Bruxelles, le 1-12-2004.
(1) Cf La requête, p. 3 : " Or en l'espèce, l'acte sous seing privé d'ouverture de crédit d.d. 10 février 1989 contient effectivement la convention de prêt passée entre la (s.a. Cera Banque) et les deux premiers défendeurs originaux et signée par ceux-ci en tant que crédités, ainsi que la convention de cautionnement solidaire et indivisible signée par les deux premiers défendeurs en tant que crédités, de même que par la troisième défenderesse (Mme G.) en tant que caution solidaire et indivisible ".
(2) Lire : son engagement de caution dans le cadre de l'ouverture de crédit.
(3) Cass. 27 octobre 2000, n° JC00 AR2_1; RG n° C 980482Nt