Cour d'appel: Arrêt du 6 novembre 2014 (Bruxelles). RG 2014 ar 1562
- Section :
- Case law
- Source :
- Justel F-20141106-1
- Role number :
- 2014 ar 1562
Summary :
L'article 1402 du Code judiciaire, selon lequel « les juges d'appel ne peuvent, en aucun cas, à peine de nullité, interdire l'exécution des jugements ou y faire surseoir », n'empêche pas que le juge d'appel annule l'exécution provisoire accordée par le premier juge lorsqu'elle n'a pas été demandée, lorsqu'elle n'est pas autorisée par la loi ou encore lorsque la décision a été prise en méconnaissance des droits de la défense. Un défaut de motivation ne permet toutefois pas au juge d'appel d'interdire cette exécution provisoire ou d'y surseoir (Cass., 1er juin 2006, disponible sur le site www.juridat.be et Larcier Cass., n° 964).
Arrêt :
En cause de :
M. Gérald B,
domicilié à,
partie appelante,
représentée par Maître Maxime GASPARD loco Maître Eddy PIETERAERENS, avocat à 1190 BRUXELLES, Avenue Brugmann, 169,
Contre :
1. La S.P.R.L. F.I.T. INVEST,
dont le siège social est établi à 1050 BRUXELLES, rue de Florence 39, inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises sous le numéro 464.461.833,
partie intimée,
représentée par Maître COLLON Laurent, avocat à 1160 BRUXELLES, avenue Tedesco 7
2. La S.P.R.L. SAND BAY HOUSE,
dont le siège social est établi à 1380 LASNE, chemin de bas Ransbeck 41, inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises sous le numéro 478.215.245,
partie intimée,
représentée par Maître Myriam Dhont loco Maître Laurent COLLON, avocat à 1160 BRUXELLES, avenue Tedesco, 7,
Vu les pièces de la procédure et notamment :
- le jugement entrepris, prononcé contradictoirement par le tribunal de commerce de Bruxelles, ci-après dénommé « le premier juge », le 27 mars 2014, décision dont les parties déclarent qu'elle fut signifiée le 16 juin 2014 avec commandement de payer ;
- la requête d'appel, déposée le 30 juin 2014, par M. B ;
- les conclusions de synthèse des parties limitées au débat relatif à l'exécution provisoire de la décision entreprise.
I. Objet du litige, antécédents de la procédure et demandes formées devant la cour
1.
Par exploit signifié le 24 janvier 2011, M. B a cité la SPRL F.I.T. INVEST et la SPRL SAND BAY HOUSE à comparaître devant le tribunal de commerce de Bruxelles afin d'entendre prononcer la résolution ou, à titre subsidiaire, la nullité du contrat portant sur la vente faite à M. B d'un penthouse non aménagé situé au 4ème étage de l'immeuble sis à 1180 Bruxelles, rue Meyerbeer, 130, et de la cave n° 4.
2.
Le premier juge a, tout d'abord, rendu, le 17 février 2011, un premier jugement prononçant la résolution de la vente litigieuse, tous droits saufs des parties.
Le premier juge a, ensuite, prononcé, le jugement dont appel aux termes duquel il (i) a rejeté la demande principale originaire, (ii) déclaré fondée la demande reconventionnelle originaire des venderesses, (iii) dit pour droit que la vente litigieuse était résolue aux torts exclusifs de l'acquéreur et (iv) condamné ce dernier au paiement de l'indemnité de résolution conventionnelle de 21.000,00 euro et des intérêts, ainsi qu'aux dépens.
Après avoir constaté que « les parties s'accordent à demander que le présent jugement soit déclaré exécutoire, nonobstant tout recours, sans caution ni cantonnement », celui-ci a assorti sa décision de l'exécution provisoire « sans toutefois exclure la faculté de cantonnement ».
3.
Monsieur B sollicite la mise à néant de la décision entreprise en ce qu'elle est assortie de l'exécution provisoire et demande à la cour de surseoir à statuer sur le surplus.
La SPRL F.I.T. INVEST et la SPRL SAND BAY HOUSE concluent au non-fondement de la demande de révocation de l'exécution provisoire et sollicitent, à titre subsidiaire, que les fonds actuellement cantonnés sur le compte ouvert au nom de l'huissier de justice BRULE soient libérés à concurrence de 21.000,00 euro entre les mains de leur notaire afin d'être consignés sur un compte rubriqué dans l'attente de l'arrêt à intervenir.
Les deux parties invitent la cour à fixer un calendrier d'échange de conclusions pour la mise en état au fond du litige.
II. Discussion
4.
L'article 1402 du Code judiciaire, selon lequel « les juges d'appel ne peuvent, en aucun cas, à peine de nullité, interdire l'exécution des jugements ou y faire surseoir », n'empêche pas que le juge d'appel annule l'exécution provisoire accordée par le premier juge lorsqu'elle n'a pas été demandée, lorsqu'elle n'est pas autorisée par la loi ou encore lorsque la décision a été prise en méconnaissance des droits de la défense. Un défaut de motivation ne permet toutefois pas au juge d'appel d'interdire cette exécution provisoire ou d'y surseoir (Cass., 1er juin 2006, disponible sur le site www.juridat.be et Larcier Cass., n° 964).
5.
Il ressort des écrits de procédure de première instance que les parties en litige ont sollicité, chacune pour ce qui les concerne, que la décision à intervenir soit assortie de l'exécution provisoire nonobstant tout recours, sans caution ni cantonnement.
Monsieur B a motivé cette demande par la circonstance que l'appel qui serait interjeté par ses adversaires ne pourrait être que dilatoire et que le cantonnement devrait être exclu, le retard apporté dans le paiement de la somme de 21.000,00 euro étant de nature à lui porter un préjudice difficilement réparable, celui-ci devant rechercher et financer un nouveau logement et souhaitant bénéficier des taux d'intérêts favorables du marché.
La SPRL F.I.T. INVEST et la SPRL SAND BAY HOUSE avaient, quant à elles, fait la même demande, selon les mêmes modalités, déclarant qu'elles partageaient l'avis de M. B quant à l'octroi de l'exécution provisoire.
6.
S'il est exact que la motivation du premier juge n'apparaît pas adéquate, dès lors qu'il paraît considérer que les parties auraient marqué leur accord sur l'exécution provisoire, alors qu'elles n'ont, en réalité, formé que des demandes croisées tendant à cette fin dans l'hypothèse où elles triompheraient dans le cadre de leurs demandes respectives formées au fond, il n'apparaît cependant pas que les droits de la défense de M. B auraient ainsi été méconnus.
En effet, le premier juge ne s'est pas prononcé sur une chose non demandée et M. B n'a pas contesté la demande d'exécution provisoire formée par ses adversaires, se limitant à motiver sa propre demande dans l'hypothèse où il obtiendrait gain de cause, ce qui ne fut pas le cas.
7.
Le premier juge n'avait pas davantage l'obligation de provoquer un débat spécialement sur ce point, dès lors que M. B a eu effectivement la possibilité de contester la demande d'exécution provisoire, ce qu'il est demeuré en défaut de faire, alors qu'il s'est employé à motiver sa propre demande.
Il ne peut être considéré non plus que l'exercice de ses droits de défense aurait été entravé par cela seul que la SPRL F.I.T. INVEST et la SPRL SAND BAY HOUSE n'ont pas motivé leur demande, dès lors que M. B n'a pas été, par ce seul fait, irrémédiablement empêché de faire valoir ses contestations et a, au contraire, eu la possibilité de provoquer un débat contradictoire (comp. Cass., 1er avril 2004,Pas., p. 557).
Par conséquent, le principe de la contradiction, pierre d'angle du principe du respect des droits de la défense et condition tout autant fondamentale qu'essentielle au droit à un procès équitable, n'a pas été méconnu par le premier juge.
8.
Monsieur B soutient qu'un défaut de motivation, qui n'ouvre pas le droit à la révocation ou à la suspension de l'exécution provisoire, ne peut être assimilé à une motivation inadéquate, dès lors qu'une telle motivation emporterait une violation manifeste du droit de défense et du droit à un procès équitable, consacré par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
Or, qu'il y ait absence de motivation ou inadéquation de celle-ci, la violation de l'obligation de motivation ne constitue pas une violation des droits de la défense (comp. Cass., 13 janvier 1999, Pas., I, p.45 ; Cass., 11 octobre 1999, Pas., I, p.1297 ; Cass., 9 octobre 2003, Pas., 1567) et ne peut, partant, fonder un appel-nullité portant sur le segment de la décision qui autorise l'exécution provisoire (comp. Cass., 1er juin 2006, Pas., I, p. 1252 et Cass., 1er juin 2006, Pas., I, p. 1264).
Si, certes, l'obligation de motivation fait partie des garanties à un procès équitable telles qu'elles ont été définies par la Cour européenne des Droits de l'Homme, il n'en demeure pas moins qu'une motivation inadéquate ne peut fonder un appel-nullité dont les conditions d'application demeurent très strictes au regard de l'enseignement de notre Cour suprême et conforme à la ratio legis de l'article 1402 du Code judiciaire qui consacre formellement l'interdiction faite au juge d'appel d'anéantir l'exécution provisoire ou d'y surseoir.
Au demeurant, les garanties à un procès équitable, parmi lesquelles figure l'obligation de motivation, sont susceptibles d'aménagement ou de dérogation par le droit interne dont l'article 1402 du Code judiciaire en est une expression, celui-ci faisant formellement interdiction au juge d'appel de restaurer une voie de recours légalement prohibée.
9.
Enfin, la circonstance que l'exécution provisoire constitue une exception notable au caractère en principe suspensif des voies de recours, comme l'appel et l'opposition, n'autorise pas davantage le juge d'appel à déroger à l'article 1402 du Code judiciaire en élargissant le champ d'application des exceptions strictement et exceptionnellement énoncées par la Cour suprême.
10.
Il ressort de ces constats et considérations que la demande de M. B, en ce qu'elle vise la mise à néant de la décision entreprise en ce qu'elle a accordé l'exécution provisoire, n'est pas fondée, d'autant que la faculté de cantonnement a été expressément réservée.
11.
En revanche, rien ne justifie la demande de la SPRL F.I.T. INVEST et de la SPRL SAND BAY HOUSE d'obtenir le transfert, sur un compte rubriqué de leur notaire, de la somme de 21.000,00 euro , actuellement cantonnée conformément aux articles 1403 et suivants du Code judiciaire.
C'est en vain que, se fondant sur le contrat dont la résolution a été prononcée le 17 février 2011, sans toutefois le dire formellement, la SPRL F.I.T. INVEST et la SPRL SAND BAY HOUSE prétendent que la somme de 21.000,00 euro devait demeurer « en principe » entre les mains de leur notaire.
Il est, par ailleurs, inexact d'affirmer, sans méconnaître les conséquences légales attachées au cantonnement organisé par les dispositions du Code judiciaire, que M. B soit à nouveau en possession des fonds précisément cantonnés.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant contradictoirement,
Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,
Avant dire droit au fond,
Dit l'appel, limité à son objet, recevable, mais non fondé ;
Dit n'y avoir lieu à ordonner le transfert de la somme de 21.000,00 euro , actuellement cantonnée, sur un compte rubriqué du notaire de la SPRL F.I.I. INVEST et de la SPRL SAND BAY HOUSE ;
Fixe le calendrier d'échange des pièces et conclusions des parties il comme il suit, celles-ci devant être déposées au greffe et communiquées au plus tard :
le 9 février 2015 pour la SPRL F.I.T. INVEST et la SPRL SAND BAY HOUSE ;
le 11 mai 2015 pour M. Gérald B ;
le 13 juillet 2015 pour la SPRL F.I.T. INVEST et la SPRL SAND BAY HOUSE (conclusions de synthèse) ;
le 14 septembre 2015 pour M. Gérald B (conclusions de synthèse) ;
le 14 octobre 2015 pour la SPRL F.I.T. INVEST et la SPRL SAND BAY HOUSE (ultimes répliques éventuelles) ;
Réserve le surplus et les dépens ;
Renvoie la cause à la liste d'attente de la 7ème chambre.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique de la 7ème chambre de la cour d'appel de Bruxelles, le 6 novembre 2014,
Où étaient présentes :
M. Charon, conseiller unique,
L. Willem, greffier,
L. Willem M. Charon