Cour du Travail: Arrêt du 27 mai 2010 (Bruxelles). RG 1999/AB/38662

Date :
27-05-2010
Language :
French
Size :
4 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20100527-1
Role number :
1999/AB/38662

Summary :

Lorsqu'une dépense d'un organisme de paiement est rejetée par l'ONEm parce que, indépendamment de toute faute ou négligence de l'organisme de paiement, XXX n'a pas droit aux allocations auxquelles correspondent ces dépenses, l'organisme de paiement peut en récupérer le montant auprès de l'assuré social.

Arrêt :

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Rep.N°

COUR DU TRAVAIL DE BRUXELLES

ARRET

AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 MAI 2010

8e Chambre

Chômage

Not. Art. 580, 2e du C.J.

Contradictoire

Définitif

En cause de:

CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS CHRÉTIENS, en abrégé CSC, dont le siège social est établi à 1030 BRUXELLES, Chaussée de Haecht, 579,

Appelante, représentée par Maître DANJOU Fr., avocat à LOUVAIN-LA-NEUVE.

Contre :

1. M. , domiciliée à [xxx]

Première intimée, qui comparaît en personne.

2. ONEM, dont le siège social est établi à 1000 BRUXELLES, Boulevard de l'Empereur, 7,

Second intimé, représenté par Maître DEPAS M. loco Maître COURTIN Patrice, avocat à BRUXELLES.

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La Cour, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

Par requête reçue au greffe de la Cour du travail 4 juin 1999, la CSC (Confédération des syndicats chrétiens), en sa qualité d'organisme de paiement (ci-après OP) a formé appel contre le jugement prononcé contradictoirement le 26 avril 1999 par la 15e chambre du Tribunal du travail de Bruxelles. Ce jugement a été notifié aux parties le 6 mai 1999.

La CSC a déposé des conclusions d'appel le 12 mars 2001, et les 27 et 28 janvier 2001. L'ONEM a déposé des conclusions le 27 juin 2000, le 14 octobre 2004, et le 8 octobre 2008. Madame M. a déposé des conclusions le 9 avril 2001.

Les parties ont comparu et ont été entendues à l'audience publique du 18 mars 2010. Madame G. COLOT, Substitut Général, a prononcé sur-le-champ un avis oral auquel Madame M. a répliqué, l'appelante et le second intimé renonçant à leur droit. La cause a été mise en délibéré.

Les dispositions du Code judiciaire et de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire ont été appliquées.

Objet de l'appel - demandes en appel

Le jugement dont appel a joint pour connexité trois recours introduits par Madame M.. Il dit les deux premiers recours fondés, et le troisième non fondé. Il décide :

«dit que les rejets sont correctement établis, les paiements indus réclamés dans les deux premiers cas résultent d'une faute ou négligence de l'OP et les indus relatifs aux mois de février et mars ne peuvent dont être réclamés à la demanderesse ; dans l'hypothèse où ils auraient été récupérés par l'OP, celui-ci doit les rembourser à la demanderesse ;

Dit que, pour ce qui concerne la récupération de l'allocation couvrant un jour de congé, elle est justifiée et condamne en conséquence la demanderesse à rembourser à l'OP la somme de 1158 Bef ;

Dit le présent jugement opposable à l'ONEM ».

La CSC demande la réformation du jugement en ce qu'il condamne la CSC à supporter la charge des sommes qui furent rejetées par l'ONEM en ne permettant pas que l'OP puisse les récupérer auprès de Madame M.. Elle demande de (dernières conclusions) :

Déclarer l'appel recevable et fondé,

Mettre à néant le jugement a quo,

Dire pour droit que la CSC peut procéder à la récupération des sommes litigieuses, soit les sommes de 229,65 euro et de 258,35 euro à titre de trop perçus pour les mois de février 1995 et mars 1995.

Madame M. demande de :

confirmer le jugement du 26 avril 1999,

déclarer l'appel téméraire et vexatoire et condamner la CSC à payer 50.000 Bef de dommages et intérêts.

L'ONEM demande de :

déclarer l'appel de la CSC irrecevable et à défaut non fondé,

confirmer le jugement dont appel et condamner la CSC aux dépens des deux instances, en ce compris l'indemnité de procédure.

Antécédents

Madame M. a été admise au bénéfice d'allocations de chômage le 1er janvier 1993 et le code « 54N1 » lui est attribué. Ce code correspond au taux journalier de l'allocation (1289 Bef) à laquelle elle a droit pendant la première période d'indemnisation. Il devait théoriquement être modifié et l'allocation réduite à 903 Bef à partir du 1er janvier 1994. Des reprises de travail au cours de l'année 2003 et encore en 2004 ont toutefois eu pour effet de prolonger la première période d'indemnisation et d'en reporter l'échéance au 1er février 2005, date à laquelle elle se voit attribuer le code « 54N2 » correspondant à la seconde période d'indemnisation.

Lors de la vérification des paiements, l'ONEM constate que la CSC a maintenu au cours des mois de février et mars 1995 des paiements sur la base du code 54N1. L'Office rejette en conséquence les montants correspondant à la différence entre les montants versés, et les montants dus, pour ces deux mois.

Le 23 janvier 1996, la CSC (deux décisions) réclame un indu de 9364 Bef pour le mois de février 1995 et de 12408 Bef pour le mois de mars. Par requêtes du 22 février 1996, Madame M. conteste ces décisions.

Par la suite, une troisième décision a été notifiée, contre laquelle Madame M. a également introduit un recours. La Cour n'en est pas saisie.

Position et moyens des parties

La CSC fait valoir, concernant les deux premières décisions (229,65 euro et 258,65 euro ) :

dans le cas visé par l'article 167, §1er, al.1er, 1° de l'arrêté royal, applicable à l'espèce, l'organisme de paiement peut récupérer l'indu.

En l'espèce, il y a eu une erreur de calcul et Madame M. n'avait pas droit aux montants versés en février 1995 et mars 1996 (différence entre deux codes : droit à 903 Bef par jour et non à 1289 Bef)

Par application de l'article 167, §2, al.1er, la CSC a le droit de récupérer l'indu.

Les erreurs sont dues à l'organisme de paiement et n'ont rien à voir avec une quelconque obligation de conseil.

Elle conteste qu'il y ait eu de sa part appel téméraire et vexatoire.

Madame M. expose les péripéties auxquelles elle a été confrontée entre mars 1994 et avril 1995, dans le cadre de son dossier d'allocations de chômage. Elle interpelle la Cour concernant l'obligation de conseil du syndicat auquel elle s'est affiliée. Elle estime que la CSC ne fait que reproduire en appel l'argumentation développée devant les premiers juges et réclame, pour ce motif, 50.000 Bef pour appel téméraire et vexatoire.

L'ONEM soulève l'irrecevabilité de l'appel à son égard et constate ne pas être concerné par la demande de Madame M. pour appel téméraire et vexatoire. L'Office demande de condamner la CSC aux dépens, et relève que l'article 1017, al.2 du Code judiciaire ne s'applique pas en l'espèce à son égard.

Examen de l'appel

1.

La contestation en appel oppose la CSC à Madame M..

La CSC ne forme aucune demande à l'encontre de l'ONEM.

A noter d'ailleurs que la requête d'appel mentionne l'ONEM uniquement comme partie présente.

2.

La contestation porte sur le droit de la CSC de récupérer l'indu résultant d'un paiement erroné effectué à Madame M.. Les faits sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la Charte de l'assuré social.

3.

L'article 167 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, tel qu'en vigueur à l'époque des faits, prévoit que l'organisme de paiement est responsable :

1°des erreurs qu'il a commises dans le calcul du montant des allocations revenant au chômeur ;

2°des paiements qu'il a effectués sans carte d'allocations valable qui accorde le droit aux allocations ;

3°des paiements qu'il a effectués en ne se conformant pas aux dispositions légales et réglementaires ;

4°des paiements qu'il a effectués et qui ont été rejetés ou dont la récupération a été ordonnée par le bureau du chômage exclusivement en raison d'une faute ou d'une négligence imputable à l'organisme de paiement, notamment lorsque les pièces ont été transmises au bureau du chômage en dehors du délai réglementaire.

Uniquement dans les trois premiers cas, l'organisme de paiement peut poursuivre à charge du chômeur la récupération des sommes payées indûment. Dans le 4e cas, il ne le peut pas.

Ainsi que le pose la CSC, la question est de savoir si l'erreur commise par elle relève du 1er ou du 4e cas.

4.

Dans le cas présent, la récupération dont il s'agit fait suite à une décision de rejet des paiements par l'ONEM au motif que les paiements ont porté sur un code 54/N2 au lieu d'un code 54/N1. En termes clairs (cf les faits ci-avant), l'organisme de paiement a versé un taux d'allocations correspondant à la première période d'allocations, alors que cette première période avait pris fin. Il s'agit d'une erreur de paiement de l'organisme de paiement ; la carte C2 était correcte.

Le trop perçu ne résulte pas d'un manque d'information du travailleur.

Le rejet de la dépense n'est pas ordonné par l'ONEM exclusivement en raison d'une faute ou d'une négligence de l'organisme de paiement. La dépense est rejetée parce que, indépendamment de toute faute ou négligence de l'organisme de paiement, Madame M. n'a pas droit aux allocations auxquelles correspondent ces dépenses. Les montants sont récupérables (voir en ce sens, sur la base d'une formulation similaire reprise à l'actuel article 167, §1er, de l'arrêté royal, l'arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2008, RG S070113F, sur juridat.be).

L'appel est fondé.

5.

L'appel n'est pas téméraire ni vexatoire. La demande de dommages et intérêts formulée, pour ce motif, par Madame M. n'est pas fondée.

6.

Les dépens n'ont pas été liquidés en première instance.

Les dépens de la CSC lui sont délaissés, pour les deux instances.

Il n'y a pas de dépens à liquider pour Madame M., qui se défend seule.

Les dépens d'appel de l'ONEM sont à la charge de la CSC, qui a mis l'ONEM inutilement à la cause en appel. Ceux de première instance lui sont délaissés.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR DU TRAVAIL,

Statuant contradictoirement,

I. Dit l'appel formé à l'égard de Madame M. recevable et fondé, dans la mesure suivante,

Réforme le jugement en ce qu'il dit que les deux premiers recours (RG 10449/96 et RG 10450/96) de Madame M. sont fondés et en ce qu'il que « les indus relatifs aux mois de février et mars ne peuvent dont être réclamés à la demanderesse ; dans l'hypothèse où ils auraient été récupérés par l'OP, celui-ci doit les rembourser à la demanderesse ».

Statuant à nouveau dans cette mesure,

Dit ces deux recours non fondés,

Dit que la CSC peut procéder à la récupération des sommes litigieuses, soit les sommes de 229,65 euro et de 258,35 euro à titre de trop perçus pour les mois de février 1995 et mars 1995.

II. Dit la demande incidente de Madame M. non fondée, et l'en déboute,

III. Met les dépens d'appel de l'ONEM à charge de la partie appelante liquidés à ce jour à la somme de 127, 91 euro  ; délaisse à l'ONEM ses dépens de première instance.

Constate l'absence de dépens pour Madame M..

Délaisse à la CSC ses propres dépens pour les deux instances.

Ainsi arrêté par :

. A. SEVRAIN Conseiller

. B. AUQUIER Conseiller social au titre d'employeur

. R. FRANCOIS Conseiller social au titre de travailleur employé

et assisté de B. CRASSET Greffier

B. CRASSET B. AUQUIER R. FRANCOIS A. SEVRAIN

et prononcé à l'audience publique de la 8e chambre de la Cour du travail de Bruxelles, le vingt-sept mai deux mille dix, par :

A. SEVRAIN Conseiller

et assisté de B. CRASSET Greffier

B. CRASSET A. SEVRAIN