Cour du Travail: Arrêt du 9 janvier 2008 (Bruxelles). RG 49.157

Date :
09-01-2008
Language :
French
Size :
5 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20080109-6
Role number :
49.157

Summary :

L'indemnité de protection des articles 16 et 17 de la loi du 19 mars 1991 portant le régime de licenciement des délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités pour la prévention et la protection au travail ne peut pas être payée par mensualités. Cette différence de traitement avec l'indemnité de préavis n'est pas discriminatoire parce que ces indemnités ne sont pas comparables.

Arrêt :

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Rép. N°

COUR DU TRAVAIL DE BRUXELLES

______________

ARRET

AUDIENCE PUBLIQUE DU 9 JANVIER 2008.

4ème Chambre

Contrat d'emploi

Contradictoire

Réouverture des débats : 21 mai 2008 à 14h30'

En cause de :

B. , domicilié à [xxx] ;

Partie appelante au principal, intimée sur incident, représentée par Maître S. Lacombe, avocat à Bruxelles.

Contre :

MANAGEMENT CENTRE EUROPE, succursale belge de l'association de droit de l'état de New York, AMERICAN MANAGEMENT ASSOCIATION, dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, rue de l'Aqueduc, 118 ;

Partie intimée au principal, appelante sur incident, représentée par Maître P. Sculier, avocat à Bruxelles.

*

* *

Le présent arrêt est rendu en application de la législation suivante :

Le Code judiciaire.

La loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

La loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail.

Le Tribunal du travail de Bruxelles a rendu le jugement attaqué après un débat contradictoire, le 16 janvier 2006.

Monsieur B. a fait appel le 25 octobre 2006.

Le MCE a déposé des conclusions le 16 juillet 2007 et des conclusions additionnelles et de synthèse le 19 octobre 2007. Monsieur B. a déposé des conclusions le 10 septembre 2007.

Les parties ont plaidé à l'audience publique du 21 novembre 2007.

I. LE JUGEMENT

1.

Par le jugement du 16 janvier 2006, le Tribunal du travail de Bruxelles a :

Condamné MCE à payer à Monsieur B. les intérêts (légaux) de retard calculés sur 141.095 EUR d'indemnité de protection, du 15 décembre 2003 au 28 juin 2004.

Débouté Monsieur B. de sa demande pour le surplus.

II. LES APPELS

2.

Monsieur B. fait appel, et il introduit une demande nouvelle en appel. Il demande de condamner le MCE à lui payer, outre la condamnation prononcée par le Tribunal du travail de Bruxelles :

1 EUR provisionnel de solde d'indemnité de protection et de refus de réintégration, et de délivrer les documents et informations nécessaires pour déterminer les cotisations patronales payées en sa faveur, à inclure dans la base de calcul des indemnités (appel).

Les intérêts légaux sur 16.074,98 EUR net d'indemnité de refus de réintégration à partir du 15 décembre 2003 jusqu'au jour du paiement (appel).

5.000 EUR d'indemnité pour frais de défense (demande nouvelle).

3.

Le MCE introduit un appel incident. Il demande de dire qu'il ne doit payer aucune somme à Monsieur B..

4.

Le dossier ne révèle pas que le jugement a été signifié. Introduits dans les formes et délais légaux, les appels sont recevables.

III. LES FAITS

5.

À partir 3 janvier 1973, Monsieur B. a travaillé pour le MCE en qualité d'employé, pour une durée indéterminée.

Monsieur B. était délégué au conseil d'entreprise et au comité pour la prévention et la protection du travail.

Par une lettre du 15 décembre 2003, le MCE l'a licencié avec effet immédiat.

Monsieur B. a demandé sa réintégration. Par une lettre du 5 janvier 2004 (datée par erreur du 5 janvier 2003), le MCE a refusé de le réintégrer.

6.

Du 15 décembre 2003 au 31 mai 2004, le MCE a payé 31.989,98 EUR brut (16.074,98 EUR net) d'indemnité de refus de réintégration sur la base de l'article 17 de la loi du 19 mars 1991 portant le régime de licenciement des délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités pour la prévention et la protection du travail. Il a en effet payé 5,5 mensualités de 5.816,36 EUR brut correspondant à la rémunération pour la période restant à courir jusqu'à la fin du mandat (5.816,36 EUR x 5,5 = 31.989,98 EUR).

Le 28 juin 2004, le MCE a payé 263.316,48 EUR brut (141.094 EUR net) d'indemnité de protection sur la base de l'article 16 de la loi du 19 mars 1991. Il s'agit de quatre ans de rémunération.

Pour calculer ces indemnités, de protection et de refus de réintégration, le MCE n'a pas pris en considération de cotisations payées à l'asbl de Fonds de pension.

7.

Monsieur B. bénéficiait d'un plan de pension, organisée par un Fonds de pension constitué sous la forme d'une asbl.

Le MCE expose qu'il payait au Fonds des primes déterminées de manière collective, primes qui n'étaient pas individualisées par travailleur. Du 15 décembre 2002 au 15 décembre 2003 expose le gestionnaire du Fonds, le MCE n'a effectué aucun versement.

La fiche de pension délivrée au 1er février 2003 indique, sur la base des versements effectués à cette date, un montant de réserves acquises de 75.752,55 EUR en cas de vie au 1er janvier 2016. La fiche de pension délivrée le 27 janvier 2004 indique des réserves réduites au 31 décembre 2003 à 72.267,81 EUR.

Suivant le règlement de pension, lorsque le contrat de travail prend fin et à certaines conditions, le Fonds transfère à FORTIS AG les réserves acquises.

En juin 2004, le Fonds a ainsi transféré à FORTIS AG des réserves de 89.662,94 EUR de réserves, en ce qui concerne Monsieur B..

Le 31 mai 2005, FORTIS AG a informé Monsieur B. que le montant à transférer se limitait en réalité à 73.685,18 EUR, et qu'elle avait remboursé au Fonds la différence de 15.977,76 EUR. Selon le gestionnaire du Fonds en effet, un nombre d'années trop important avait été pris en considération et le règlement du fonds de pension permettait seulement de prendre en considération les années prestées.

IV. DISCUSSION

A. La rémunération, base de calcul des indemnités de protection : les cotisations patronales au Fonds de pension

8.

L'indemnité de protection de l'article 16 de la loi du 19 mars 1991 est calculée sur la rémunération en cours au moment de la cessation du contrat de travail (Cass., 24 janvier 1994, Pas., 1194, p. 89).

Le paiement effectué par l'employeur pour constituer des assurances complémentaires constitue un avantage pour le travailleur. Quel que soit son mode de calcul en effet, il ouvre au travailleur le droit à des assurances complémentaires. Et l'employeur effectue ce paiement en contrepartie du travail fourni par le travailleur. Il s'agit donc d'un avantage payé en contrepartie du travail fourni, c'est-à-dire de rémunération (CT Anvers, 16 juin 2004, CDS, 2006, p. 73).

Cet avantage doit être évalué, à sa valeur réelle (même arrêt).

9.

Le MCE pourrait ne pas s'être engagé à payer des contributions définies, mais s'être engagé à ce que soient payées des prestations définies. Il aurait ainsi pris un engagement à prestation définie, selon le vocabulaire retenu aujourd'hui par l'article 3, §1er, 5° de la loi du 28 avril 2003 relative aux pensions complémentaires. Les contributions seraient ainsi calculées au cours de chaque période pour l'ensemble des travailleurs. Le MCE pourrait ne pas avoir fait de paiement au cours d'une période donnée, si les investissements effectués suffisent pour garantir la prestation

C'est ce que semble indiquer la fiche de pension au 1er février 2003. En effet suivant cette fiche, l'assurance de groupe promet un capital déterminé en cas de vie au 1er janvier 2016 et un autre capital déterminé en cas de décès avant cette date. D'après cette fiche toutefois, l'employeur paie une cotisation mensuelle en vue de l'assurance décès, de 107,49 EUR.

Lorsque l'employeur finance un régime de pension complémentaire de type « prestation définie », l'avantage doit être évalué sur la base de la réserve acquise par le travailleur (Somerijns, « Werkgeversbijdrage aan een aanvullend pensioenplan », CDS, 2006, p. 67 ; CT Anvers, 16 juin 2004 cité).

10.

La rémunération variable en cours au moment de la cessation du contrat peut en règle générale être évaluée au montant payé au cours des douze derniers mois d'exécution du contrat de travail, par analogie avec l'article 131 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail.

Toutefois, l'article 131 n'est pas obligatoire et le juge peut s'en écarter, si suivant les circonstances de l'espèce la rémunération des douze derniers mois ne constitue pas un critère satisfaisant d'évaluation de la rémunération variable en cours à la cessation du contrat de travail. L'article 131 ne règle pas en effet la détermination de la rémunération en cours au moment de la résiliation du contrat de travail (Cass., 24 octobre 2005, JTT, 2006, p. 183, note D. Votquenne).

11.

Les débats sont rouverts afin de permettre aux parties de s'expliquer de manière plus complète sur le montant de l'avantage formé par les paiements du MCE au fonds. Elles doivent pour cela déposer, entre autres :

Le règlement de pension : tant le MCE que Monsieur B. sont normalement en mesure de déposer cette pièce, qui est communiquée sur demande à l'affilié (article 5, §2 de la loi du 13 mars 2003). Si Monsieur B. ne peut l'obtenir en qualité d'ancien affilié, le MCE le lui transmettra.

La fiche de pension relative aux réserves acquises, que le Fonds de pension a délivrée à Monsieur B. en 2002 conformément à l'article 26 de la loi du 13 mars 2003.

Le Fonds gère les sommes que le MCE lui verse. Le Fonds doit donc normalement donner au MCE toutes les informations nécessaires. A défaut pour le MCE de faire une proposition plus précise, la Cour du travail pourrait admettre la proposition de Monsieur B., d'évaluer la réserve supplémentaire correspondant aux 53,5 (48 + 5,5) mois couverts par l'indemnité de protection, aux 15.977,76 EUR versés à FORTIS AG puis restitués au Fonds. Monsieur B. pourrait ainsi proposer une évaluation de l'avantage sur la base de ce montant de réserve supplémentaire (cf. C.T. Anvers, 16 juin 2004 cité).

Les mesures d'instruction ne sont pas nécessaires à ce stade.

B. Les intérêts de retard

9.

L'article 39bis de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail autorise l'employeur en difficulté au sens de cette disposition, à payer par mensualités « l'indemnité de congé visée à l'article 39 §1er », c'est-à-dire l'indemnité compensatoire de préavis.

Il n'autorise pas à payer par mensualités les indemnités de protection des articles 16 et 17 de la loi du 19 mars 1991 portant le régime de licenciement des délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités pour la prévention et la protection du travail - pas plus d'ailleurs que d'autres indemnités de protection contre le licenciement.

La différence de régime ainsi établie entre l'indemnité compensatoire de préavis d'une part et les indemnités de protection contre le licenciement d'autre part, ne constitue pas une discrimination parce que ces indemnités ne sont pas comparables. La première remplace la rémunération pendant la durée nécessaire pour permettre au travailleur licencié de retrouver un emploi équivalent. La seconde sanctionne le licenciement de travailleurs qui bénéficient d'un régime protecteur en matière de licenciement, pour leur permettre d'assurer de manière indépendante leurs fonctions de délégué du personnel.

10.

En conclusion, l'indemnité de protection de l'article 16 de la loi de 1991 était exigible dès la cessation du contrat de travail le 15 décembre 2003. Les intérêts sont dus sur 141.095 EUR net entre cette date sur et celle du paiement. Le jugement sera confirmé sur ce point.

L'indemnité de refus de réintégration de l'article 17 était exigible dès le refus de réintégration du 5 janvier 2004. Les intérêts sont dus entre cette date et celles du paiement des mensualités, c'est-à-dire au total sur 16.074,98 EUR net. Le jugement sera complété sur ce point.

C. L'indemnité pour frais de défense

11.

Aucune partie ne peut être tenue au paiement d'une indemnité pour l'intervention de l'avocat de l'autre partie au-delà du montant de l'indemnité de procédure, depuis le 1er janvier 2008 (article 1022 du Code judiciaire).

Quoiqu'il en soit, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution résultant du retard dans l'exécution de dettes de sommes comme les demandes de protection et de refus de réintégration, ne constituent que dans les intérêts légaux (article 1153 du Code civil).

MCE ne doit pas payer d'indemnité pour frais de défense.

POUR CES MOTIFS,

LA COUR DU TRAVAIL

Statuant contradictoirement :

Déclare l'appel principal de Monsieur B. : recevable et fondé.

Déclare l'appel incident du Management Center Europe (MCE), succursale de l'association de droit de l'Etat de New-York, U.S.A. : recevable mais non fondé.

Confirme le jugement attaqué en ce qu'il condamne le MCE à payer à Monsieur B. :

Les intérêts (légaux) de retard calculés sur 141.095 EUR, du 15 décembre 2003 au 28 juin 2004.

Les dépens devant le Tribunal du travail.

Réforme le jugement pour le surplus et, faisant droit à nouveau, condamne le MCE à payer en outre à Monsieur B. :

Les intérêts (légaux) de retard calculés sur 16.074,98 EUR net, du 5 janvier 2004 jusqu'aux jours des paiements.

1 EUR de complément d'indemnités de protection.

Rouvre les débats sur le montant définitif du complément d'indemnités de protection et sur les intérêts correspondants.

Fixe le calendrier d'échange de conclusions suivant :

MCE déposera et adressera à l'autre partie des conclusions après réouverture des débats au plus tard le 27 février 2008.

Monsieur B. déposera et adressera à l'autre partie des conclusions après réouverture des débats au plus tard le 2 avril 2008.

MCE déposera et adressera à l'autre partie d'éventuelles conclusions additionnelles après réouverture des débats au plus tard le 30 avril 2008.

Fixe la cause à l'audience publique du 21 mai 2008 pour une durée de 15 minutes de la quatrième chambre de la Cour du Travail siégeant place Poelaert, 3 à 1000 Bruxelles.

Réserve les dépens d'appel.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique de la quatrième chambre de la Cour du travail de Bruxelles le 9 janvier deux mille huit où étaient présents :

M. DELANGE, Conseiller

O. VAN WAAS, Conseiller social au titre d'employeur

R. PARDON, Conseiller social au titre d'employé

Ch. EVERARD, Greffier adjoint principal

R. PARDON O. VAN WAAS

Ch. EVERARD M. DELANGE.