Cour du Travail: Arrêt du 11 juillet 2016 (Liège, division Namur, 2014). RG 2015/AN/41

Date :
11-07-2016
Language :
French
Size :
9 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20160711-2
Role number :
2015/AN/41

Summary :

La nullité du préavis en raison d'une notification irrégulière est absolue et d'ordre public. Elle laisse subsister le congé, sauf la faculté pour les parties de renoncer à leur droit de se prévaloir du congé immédiat. Dès lors que le préavis est nul, l'engagement pris par le travailleur après le congé et dont le mobile déterminant est l'absence de prestation de ce préavis, est sans cause ou repose sur une fausse cause.

Arrêt :

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Numéro du répertoire

2016 /

R.G. Trib. Trav.

13/2238/A

Date du prononcé

11 juillet 2016

Numéro du rôle

2015/AN/41

En cause de :

CESAL ASBL

C/

H Martine

Cour du travail de Liège

Division Namur

Sixième Chambre

Arrêt

DROIT DU TRAVAIL - contrats de travail-employé

Arrêt contradictoire

Définitif

Contrats de travail - employé - rupture - congé moyennant préavis - nullité du préavis - effets - validité d'une convention dispensant le travailleur de prester le préavis et remplaçant ce denier par des congés légaux puis sans solde - cause; loi 3/7/78, art. 32 et 37 ; C. civ., art. 1108 et 1131

EN CAUSE :

CESAL ASBL, dont le siège social est établi à 5150 FLOREFFE, rue Oscar Kaisin, 1,

partie appelante,

représentée par Maître Claude WANTIEZ, avocat à 1150 BRUXELLES, Avenue de Tervueren, 412/5,

CONTRE :

Madame Martine H, domiciliée à,

partie intimée,

représentée par Maître Steve GILSON, avocat à 5000 NAMUR, place d'Hastedon 4 bte 1.

• •

INDICATIONS DE PROCEDURE

Vu en forme régulière les pièces du dossier de la procédure à la clôture des débats le 12 avril 2016, et notamment :

- le jugement attaqué, rendu contradictoirement entre parties le 27 janvier 2015 par le tribunal du travail de Namur, 2e Chambre (R.G. 13/2238/A) ;

- la requête formant appel de ce jugement, reçue au greffe de la Cour du travail de Liège, division Namur, le 3 mars 2015 et notifiée à la partie intimée par pli judiciaire le même jour invitant les parties à comparaître à l'audience publique du 21 avril 2015 ;

- l'ordonnance basée sur l'article 747 §2 du Code judiciaire fixant les plaidoiries à l'audience publique du 12 avril 2016 ;

- les conclusions de la partie intimée, déposées au greffe de la Cour le 23 juin 2015 ;

- le dossier de pièces de la partie intimée déposé au greffe le 4 décembre 2015 ;

- le dossier de pièces de la partie appelante déposé au greffe le 1er avril 2016.

Les parties ont comparu et été entendues à l'audience publique du 12 avril 2016 au cours de laquelle la cause a été prise en délibéré.

I LA DEMANDE ORIGINAIRE - LE JUGEMENT - L'OBJET DE L'APPEL

1.

En première instance, madame H, ci-après dénommée madame H., a demandé la condamnation de l'asbl Cesal, ci-après Cesal, à :

- lui payer 5.855,13 euros d'indemnité compensatoire de préavis correspondant à 3 mois de rémunération ;

- lui payer 702,66 euros de prime de fin d'année de 2013 ;

- lui payer 1 euro provisionnel pour tout somme restant due en raison de l'exécution du contrat de travail ;

- lui payer 2.500 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

2.

Par un jugement du 27 janvier 2015, le tribunal du travail a dit la demande partiellement fondée. Il a condamné Cesal à :

- payer 5.855,13 euros d'indemnité compensatoire de préavis, majorée des intérêts ;

- payer 702,66 euros de prime de fin d'année, majorée des intérêts ;

- payer 1.500 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- payer les dépens de madame H., liquidés à 990 euros.

Il s'agit du jugement attaqué.

3.

Par son appel, Cesal sollicite que la demande de madame H. soit déclarée intégralement non fondée et qu'elle soit condamnée aux dépens des deux instances.

Madame H. forme quant à elle un appel incident visant à voir porter à 2.500 euros les dommages et intérêts pour licenciement abusif. Elle demande également les dépens d'appel.

II LES FAITS

Les faits pertinents de la cause, tels qu'ils résultent des dossiers et pièces de procédure déposés par les parties, peuvent être résumés comme suit.

4.

Cesal est une asbl offrant aux employeurs des services du type de ceux d'un secrétariat social. Elle est dirigée par monsieur M.D.

5.

Le 29 octobre 2010, les parties ont conclu un contrat de travail d'employée à durée indéterminée et à temps plein. Madame H. était engagé en qualité de secrétaire.

6.

Le 13 mai 2013, au terme d'un long entretien, les parties ont signé le document rédigé comme suit :

« Par la présente, je, soussignée (madame H.), ne désirant pas prester mon préavis du fait de mon licenciement, préavis d'une durée de 3 mois prenant cours de 1er juin 2013, préavis qui m'est signifié par lettre recommandée envoyée ce jour après que mon employeur me l'ai signifié ce jour oralement, je demande expressément à prendre des jours de congés légaux du 14 au 31 mai 2013 inclus et à prendre des congés sans solde pour la période du 1er juin 2013 au 31 août 2013 inclus.

Fait en double exemplaire originaux dont un pour mon employeur Cesal asbl ».

7.

Le 21 mai 2013, madame H. a écrit à Cesal pour contester la forme du congé lui ayant été donné et réclamer, outre ses documents sociaux et somme dues à l'occasion de le rupture, une indemnité compensatoire de préavis correspondant à 3 mois de rémunération.

8.

Le 22 mai 2013, Cesal a écrit à madame H. un courrier libellé comme suit :

« Madame,

Par la présente, nous vous notifions notre décision de mettre fin à nos relations de travail moyennant un préavis de 3 mois qui débutera le 1er juin 2013, comme cela vous a été précisé lors de notre entretien du 13 mai 2013 au cours duquel nous avons voulu vous faire part oralement de notre décision avant que vous n'en soyez informée par ce courrier.

Suite à notre refus de recourir à cette autre modalité de licenciement qu'est l'indemnité de rupture, vous avez émis le désir de ne pas prester votre préavis, ce que nous avons accepté tout en vous précisant que dès lors ces jours d'absence seraient des jours de congé sans solde, à part les jours de mai à dater du 14, qui seront repris, selon votre demande, comme congés légaux ».

9.

Le 27 mai, madame H. a écrit à nouveau à Cesal pour maintenir sa demande d'une indemnité compensatoire de préavis. Elle faisait valoir que Cesal lui avait bien notifié un congé le 13 mai, celui-ci étant définitif et irrévocable. Elle soutenait que ce congé lui ouvrait le droit à une indemnité de rupture. Toujours dans le même courrier, madame H. faisait valoir que sa demande de congé sans solde avait été obtenue sous la contrainte.

10.

Les parties, puis leurs avocats, ont encore échangé plusieurs courriers, chacune restant sur sa position.

III LA POSITION DES PARTIES

La position de Cesal

11.

Cesal explique les faits en faisant valoir qu'un congé a été notifié oralement à madame H. lors de l'entretien du 13 mai 2013. Il lui a été indiqué qu'un préavis de 3 mois lui serait notifié. Cesal souligne que la réalité de cet entretien et du congé n'est pas contestée.

Cesal indique que, toujours lors du même entretien, madame H. a exprimé son souhait de ne pas prester de préavis. Les parties se sont alors accordées sur les modalités reprises dans le document signé le même jour. Madame H. n'a plus travaillé après ce moment.

12.

Cesal convient que le préavis doit être notifié par recommandé ou par exploit d'huissier. Par conséquent, le préavis donné oralement est nul. Il laisse cependant subsister le congé qui n'est soumis à aucune condition de forme.

Cesal souligne qu'une fois le congé donné, les parties ont la liberté de conclure toutes conventions sur les modalités du congé, en ce compris en renonçant à leurs droits tirés du congé.

13.

Concrètement, Cesal indique qu'un congé a été notifié verbalement le 13 mai 2013 et qu'il avait effet immédiat.

A la demande de madame H., qui ne voulait pas prester le préavis qui lui avait été annoncé, les parties ont conclu un accord régulier sur les modalités de ce congé. Ce faisant, madame H. n'a pas couvert la nullité du préavis, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.

Cesal conteste que madame H. ait été victime de contrainte morale comme elle le soutient. En signant cet accord, madame H. évitait de prester son préavis et conservait ses droits sociaux. C'est elle-même qui voulait éviter ce préavis et était demandeuse de l'accord trouvé. Elle serait donc très malvenue à invoquer ensuite un vice de consentement. Cesal indique que madame H. a tardé à invoquer cette violence morale. Elle aurait dû l'être immédiatement après avoir cessé. Cesal souligne que madame H. a du reste exécuté l'accord passé en ne venant plus travailler après le 13 mai 2013 et en ne proposant pas de rembourser les jours de congé légaux pris. L'attestation de madame D. qui est produite serait dépourvue de crédibilité. Madame D. est en effet une ancienne employée également en litige avec Cesal.

Cesal conteste également l'absence de cause que madame H. invoque également. Une nouvelle fois, c'est la volonté de madame H. de ne pas prester son préavis qui a justifié l'accord passé entre les parties. Il s'agit donc du mobile de cet accord. Il n'était pas ailleurs pas désavantageux ou disproportionné puisque madame H. était dispensée de prestations, tandis que Cesal se trouvait privé de secrétaire du jour au lendemain.

14.

Cesal fait valoir avoir bien payé la prime de fin d'année, ainsi que cela ressortirait clairement des extraits de compte déposés.

15.

Cesal conteste également l'abus du droit de licencier puisque aucune violence morale n'a été exercée sur madame H. Cesal conteste également que l'absence d'audition préalable ait pu mener à cette conclusion. D'une part, parce que l'absence d'audition préalable ne rend pas le licenciement abusif. D'autre part, parce que madame H. soutient elle-même avoir pris part à un entretien de près de deux heures au cours duquel elle a été amenée à s'expliquer sur des reproches divers.

Cesal estime que madame H. ne démontre pas non plus le dommage qu'elle entend voir réparer à ce titre.

La position de madame H.

16.

Madame H. explique que l'entretien du 13 mai 2013 a consisté en une mise en cause par son employeur. Monsieur M.D. lui a reproché d'être impliquée dans la disparition du chien de sa fille - retrouvé ultérieurement, ainsi que des prétendus propos islamophobes publiés sur sa page facebook. Madame H. explique avoir contesté formellement toutes ces accusations.

Monsieur M.D. lui a cependant notifié oralement la rupture de son contrat de travail et lui extorqué la signature du document signé le jour-même.

Madame H. indique avoir contesté presque immédiatement le prétendu accord et les conditions dans lesquelles il avait été obtenu.

Elle souligne que Cesal s'est alors montré d'une mauvaise foi caractérisée en lui notifiant une nouvelle rupture moyennant préavis le 22 mai, alors que le contrat avait déjà pris fin.

17.

Madame H. rappelle que le préavis doit être notifié par un écrit, recommandé ou signifié. Le préavis oral, ou donné de la main à la main, est donc nul. Cette nullité est absolue et ne peut être couverte. Elle souligne que Cesal admet ces principes et que le préavis annoncé le 13 mai 2013 était donc nul.

Madame H. en déduit que le congé donné le 13 mai était immédiat, et définitif. Elle pouvait prétendre à une indemnité de rupture dès ce moment.

Elle considère que l'accord conclu ce même 13 mai était nul également. D'une part, parce que la poursuite, même dans le cadre d'un congé sans solde, d'un contrat rompu par un préavis nul reviendrait à couvrir cette nullité, ce qui n'est pas possible.

Subsidiairement, cet accord serait nul à défaut de cause ou en raison de vice de consentement ayant altéré sa volonté. Cesal n'était en effet animé que par la volonté de ne pas payer madame H. et de pouvoir la remplacer sur le champ. A l'inverse, madame H. n'avait aucune raison de marquer son accord sur une formule qui la privait de toute rémunération pendant trois mois. Elle ne l'a fait que parce qu'elle était menacée de licenciement pour motif grave, fallacieux, par monsieur M.D. Cette menace injuste était également constitutive d'une contrainte morale. Elle est du reste attestée par une collègue de madame H. Madame H. estime n'avoir pas tardé à dénoncer cette contrainte morale puisqu'elle l'a fait après seulement huit jours.

Le jugement devrait donc être confirmé en ce qu'il lui a accordé une indemnité compensatoire de préavis.

18.

Madame H. fait valoir que sa prime de fin d'année de 2013 est due et ne lui a pas été payée. Le jugement devrait également être confirmé en ce qui concerne ce chef de demande.

19.

Madame H. estime également que Cesal a abusé de son droit de licencier.

Cet abus résulte de la violence morale exercée sur elle, contraire aux égards que se doivent employeur et travailleur, ainsi qu'au principe d'exécution de bonne foi des conventions.

Il résulte également de l'absence d'audition préalable au licenciement, de même que de son absence de motivation.

Madame H. évalue forfaitairement à 2.500 euros les dommages et intérêts qui devraient lui être accordés pour réparer le dommage causé par cet abus du droit de licencier, notamment par référence à un certain nombre de décisions comparables.

IV LA DECISION DE LA COUR

La recevabilité des appels

20.

Il ne résulte d'aucun élément que le jugement dont appel aurait été signifié, ce qui aurait fait courir le délai d'appel prévu à l'article 1051 du Code judiciaire.

Toutes les autres conditions de recevabilité de l'appel principal sont par ailleurs remplies. Il en va de même de l'appel incident de madame H.

21.

Les appels sont recevables.

Le fondement des appels

L'indemnité compensatoire de préavis

22.

Aux termes de l'article 32 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, les engagements résultant de ces contrats prennent fin, notamment, par la volonté de l'une des parties lorsque le contrat a été conclu pour une durée indéterminée ou qu'il existe un motif grave de rupture.

24.

Le congé est l'acte par lequel une partie au contrat de travail notifie à l'autre qu'elle entend que le contrat prenne fin .

Le congé est un acte unilatéral irrévocable. Il n'est soumis à aucune exigence de forme .

25.

Le préavis est l'acte par lequel une partie communique de manière préalable la date à laquelle le contrat doit prendre fin .

Selon l'article 37, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978, lorsque le contrat a été conclu pour une durée indéterminée, chacune des parties peut le résilier moyennant un préavis. A peine de nullité, la notification du congé doit mentionner le début et la durée du préavis. Lorsque le congé est donné par l'employeur, sa notification ne peut, à peine de nullité, être faite que par lettre recommandée à la poste, sortissant ses effets le troisième jour ouvrable suivant la date de son expédition, ou par exploit d'huissier de justice, étant entendu que cette nullité ne peut être couverte par le travailleur et qu'elle est constatée d'office par le juge.

Cette nullité du préavis irrégulier est absolue et d'ordre public. Elle n'affecte cependant pas la validité du congé . Celui-ci subsiste en sorte que le contrat de travail prend en principe immédiatement fin, sauf la faculté pour les parties de renoncer à leur droit de se prévaloir du congé immédiat (auquel cas le contrat se poursuit jusqu'à ce qu'il y soit autrement mis fin) .

26.

Selon l'article 1108 du Code civil, quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :

Le consentement de la partie qui s'oblige ;

Sa capacité de contracter ;

Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;

Une cause licite dans l'obligation.

L'article 1131 du même code énonce encore que l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. Sauf dans les cas où la loi admet que l'acte se suffit à lui-même et peut être abstrait de sa cause, la validité d'un acte juridique, qu'il soit unilatéral ou bilatéral, est subordonné à l'existence d'une cause . L'existence de la cause s'apprécie au moment de la conclusion de la convention .

Dans un contrat synallagmatique, la cause des obligations de l'une des parties ne réside pas exclusivement dans l'ensemble des obligations de l'autre partie, mais dans celui des mobiles qui a principalement inspiré son débiteur et l'a déterminé à contracter .

27.

En l'espèce, il n'est pas contesté que, le 13 mai 2013, Cesal a notifié verbalement à madame H. un congé assorti d'un préavis (qui aurait été de trois mois et destiné à prendre cours le 1er juin 2013).

Il n'est pas contesté que ce préavis, faute d'avoir été notifié par écrit et communiqué par courrier recommandé ou par exploit d'huissier, était nul en application de l'article 37, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978.

Il laissait cependant subsister le congé, lequel avait effet immédiat. Il n'est pas soutenu par les parties, et la cour ne constate pas, que les parties auraient convenu de renoncer à ce congé (au contraire, Cesal fait valoir que c'est l'effet immédiat de ce congé qui autorisait madame H. à conclure une convention sur les modalités de la rupture - voy. la page 9 de sa requête d'appel ; de même madame H. n'est plus venue travailler après le 13 mai et s'est prévalue à peine huit jours plus tard de la rupture immédiate intervenue à cette date).

28.

Il se déduit de ce qui précède que, dès le 13 mai 2013, madame H. pouvait faire valoir un droit à l'indemnité compensatoire de préavis litigieuse.

29.

La question qui oppose les parties est celle de savoir si madame H. a, par l'accord coulé dans l'écrit signé le même jour (voy. le point 6 du présent arrêt), valablement renoncé à cette indemnité compensatoire de préavis pour convenir d'autres modalités de rupture.

30.

La cour déduit de la formulation de l'accord conclu le 13 mai 2013 (je, soussignée (madame H.), ne désirant pas prester mon préavis du fait de mon licenciement, préavis d'une durée de 3 mois prenant cours de 1er juin 2013, préavis qui m'est signifié par lettre recommandée envoyée ce jour après que mon employeur me l'ai signifié ce jour oralement) que le mobile qui a principalement inspiré madame H. et l'a déterminée à contracter était l'absence de prestation du préavis notifié oralement. Cesal ne fait du reste pas une autre lecture de cette convention en affirmant en page 13 de sa requête d'appel que « le mobile qui a déterminé madame H. à signer une telle convention était : la dispense de prestations ».

C'est par ailleurs, au plan objectif cette fois, la renonciation à obtenir la prestation du préavis qui constitue l'engagement de Cesal que comporte cet accord et, partant, la contrepartie de l'engagement de madame H. A nouveau, Cesal insiste dans ses écrits de procédure sur cet engagement qu'il a pris de dispenser madame H. de prester son préavis.

En d'autres termes, l'absence de prestation du préavis constitue, tant objectivement que subjectivement dans le chef de madame H., la cause de la convention du 13 mai 2013.

31.

Dans la mesure cependant où ce préavis donné le 13 mai 2013 était nul de nullité absolue et donc nécessairement sans effet, l'engagement pris par madame H., et la renonciation que cet engagement comportait implicitement à une indemnité compensatoire de préavis, était sans cause ou reposait sur une fausse cause.

32.

En outre, ce qu'il serait interprété comme une convention sur les modalités du préavis donné le 13 mai 2013 (et auquel aurait été substitué un congé sans solde), cet accord comporterait une couverture de cette nullité et serait nul lui-même également.

33.

Par conséquent, l'accord renfermé dans l'écrit signé par les deux parties le 13 mai 2013 ne prive pas madame H. du droit, né le même jour, à une indemnité compensatoire de préavis.

34.

La circonstance que Cesal ait ultérieurement notifié, de manière formellement régulière cette fois, un nouveau congé moyennant préavis, est sans incidence. Dès lors que le contrat de travail était déjà rompu, ce nouveau congé était nécessairement dépourvu d'objet et d'effet.

Il en va de même du fait que madame H. n'ait jamais proposé le remboursement des jours de congés légaux. Il appartenait le cas échéant à Cesal de le solliciter le cas échéant.

35.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a statué sur l'indemnité compensatoire de préavis. L'appel de Cesal est non fondé sur ce point.

La prime de fin d'année

36.

Le montant de la prime de fin d'année à laquelle madame H. avait droit pour l'année 2013 n'est pas contesté. Il s'agit de 702,66 euros.

37.

Cesal démontre le paiement de cette somme à madame H. par la production de l'extrait de compte bancaire d'un virement d'une somme nette de 1.462,04 euros le 11 septembre 2013 (pièce 14 du dossier de Cesal). Le compte individuel de madame H. (pièce 13 du dossier de Cesal) met quant à lui en évidence que la prime de fin d'année en cause était incluse, avec d'autres sommes, dans ce montant global de 1.462,04 euros.

38.

Ce chef de demande est non fondé et le jugement doit être réformé sur ce point.

La demande de dommages et intérêts pour abus du droit de licencier

39.

En vertu du droit commun, le licenciement, même en l'absence de disposition légale spécifique, peut revêtir un caractère abusif.

Il en va ainsi lorsque le licenciement est donné d'une manière « qui excède manifestement les limites de l'exercice normal de ce droit par une personne normalement prudente et diligente » c'est-à-dire en excédant les limites de la bonne foi ou dans lesquelles le droit de rupture est accordé aux parties, notamment lorsqu'il est détourné de sa finalité, donné sans intérêt pour l'employeur ou en en retirant un avantage disproportionné par rapport à la charge corrélative pour le travailleur, dans l'intention de nuire, à titre de sanction disproportionnée, avec légèreté ou dans des circonstances fautives .

La doctrine a ainsi pu estimer que cette jurisprudence met en évidence deux obligations à charge de l'employeur qui met fin au contrat de travail : la loyauté et la modération , ou encore qu'est devenu inadmissible le licenciement donné de mauvaise foi, sans motif ou sans respect d'autrui, surtout de la partie faible au contrat .

40.

Il appartient à l'employé qui se prévaut d'un abus du droit de licencier d'en prouver l'existence, de même que celle de son dommage, lequel doit être distinct de celui couvert par l'indemnité de rupture. Celle-ci est réputée réparer l'entièreté du dommage, tant matériel que moral, résultant de la rupture du contrat de travail .

41.

En l'espèce, la cour rejoint l'appréciation du tribunal du travail selon laquelle Cesal a agi de mauvaise foi en faisant renoncer madame H. à toute indemnisation de son licenciement en contrepartie d'une prétendue renonciation à la prestation d'un préavis, alors que celui-ci était en réalité irrégulier, donc inexistant.

Ce faisant, Cesal ne s'est pas comporté comme un employeur normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances et a commis une faute.

42.

La cour fait également sienne l'évaluation faite par le tribunal du dommage résultant du caractère fautif des circonstances du congé. La somme forfaitaire de 1.500 euros de dommages et intérêts est justifiée et la cour n'aperçoit pas de motif de la majorer, même en tenant compte des autres fautes alléguées par madame H.

43.

Les appels principal et incident sont non fondés en ce qui concerne ce chef de demande.

Les dépens

44.

Dans la mesure où les parties succombent respectivement, les dépens doivent être compensés en vertu de l'article 1017, alinéa 4, du Code judiciaire, en délaissant à Cesal ses propres dépens et en la condamnant aux deux tiers des dépens de madame H.

45.

S'agissant du montant de ces dépens, limités à l'indemnité de procédure, la cour n'aperçoit pas de motif de s'écarter du montant de base de l'indemnité de procédure, soit 990 euros par instance conformément à l'article 2 de l'arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d'entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat

46.

En résumé, Cesal se voit délaisser ses dépens et est condamnée à payer à madame H. la somme de 1.320 euros (soit 660 euros de dépens par instance, étant les deux tiers du montant de base de l'indemnité de procédure).

PAR CES MOTIFS,

LA COUR DU TRAVAIL,

Statuant après un débat contradictoire et faisant application de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, spécialement de son article 24 ;

1.

Dit les appels recevables ;

2.

Dit l'appel principal partiellement fondé et l'appel incident non fondé ;

Réforme le jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'asbl CESAL à payer à madame Martine H. la somme de 702,66 euros de prime de fin d'année 2013 ;

Confirme le jugement attaqué pour le surplus, hormis pour ce qui concerne les dépens réglés ci-après;

3.

Délaisse à l'asbl CESAL ses propres dépens et la condamne à payer à madame Martine H. la somme de 1.320 euros de dépens.

Ainsi arrêté et signé avant la prononciation par :

Hugo MORMONT, conseiller faisant fonction de Président,

Eliane CHAIDRON, conseiller social suppléant au titre d'employeur,

Nicolas DINSART, conseiller social au titre d'employé,

Assistés de Frédéric ALEXIS, greffier

Conformément à l'article 785, alinéa 1, du Code judiciaire, l'arrêt n'est pas signé par Eliane CHAIDRON, conseiller social suppléant au titre d'employeur, qui s'est trouvé dans l'impossibilité de le faire.

Conformément à l'article 785, alinéa 2, du Code judiciaire, le Président de cette chambre constate l'impossibilité de signer de Monsieur Frédéric ALEXIS, greffier, qui a concouru à cet arrêt.

Nicolas DINSART, Hugo MORMONT,

et prononcé, en langue française à l'audience publique de la 6ème Chambre de la Cour du travail de Liège, division Namur, Place du Palais de Justice 5 à 5000, Namur, le ONZE JUILLET DEUX MILLE SEIZE, où étaient présents :

Hugo MORMONT, conseiller faisant fonction de Président,

Jonathan MONTALVO DENGRA, greffier,

Jonathan MONTALVO DENGRA, Hugo MORMONT.