Cour du Travail: Arrêt du 27 avril 2005 (Liège (Liège)). RG 32532-04

Date :
27-04-2005
Language :
French
Size :
11 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20050427-16
Role number :
32532-04

Summary :

Lorsqu'un étranger s'est déclaré réfugié et a demandé à être reconnu comme tel après le 3 janvier 2001, un centre d'accueil doit lui être désigné comme lieu obligatoire d'inscription, sauf dérogation expresse et motivée, dérogation qui s'impose lorsque l'étranger doit pouvoir vivre avec des personnes avec lesquelles il forme une famille et qui sont autorisées au séjour.L'aide sociale ne peut être fournie à l'étranger et aux enfants qui l'accompagnent que dans ce centre et ce aussi longtemps qu'une décision de recevabilité n'est pas prise sur la demande d'asile ou, en présence d'une décision négative du C.G.R.A., qu'un recours est pendant devant le Conseil d'Etat.Jusqu'au 11 juillet 2004, l'article 57, ,§ 2 de la loi du 8 juillet 1976 ne peut s'appliquer à un enfant mineur et celui-ci doit pouvoir recevoir une aide sociale conformément aux critères dégagés par l'arrêt n°106/2003 prononcé par la Cour d'Arbitrage le 22 juillet 2003.Conformément à ces critères, cette aide sociale ne peut en aucun cas consister en une aide financière qui serait à verser entre les mains des parents du mineur. Il ne peut s'agir que d'une aide en nature ou d'une aide versée en mains de tiers en remboursement de dépenses exposées au profit de l'enfant.

Arrêt :

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CODE JUDICIAIRE CALENDRIER AMIABLE DE MISE EN ETAT NON RESPECT DES DELAIS DE DEPOT DES CONCLUSIONS SANCTIONNE PAR L'ECARTEMENT DES CONCLUSIONS TARDIVES
AIDE SOCIALE DESIGNATION D'UN CENTRE D 'ACCUEIL DESIGNE COMME LIEU D'INSCRIPTION OBLIGATOIRE A UNE PERSONNE QUI S'EST DECLAREE REFUGIE APRÈS LE 03/01/2001 : SEUL LIEU D'OCTROI D'UNE AIDE SOCIALE AU PROFIT DE CETTE PERSONNE ET DE SES ENFANTS MINEURS.
AIDE SOCIALE DEMANDEE POUR DES ENFANTS MINEURS AVANT LE 10/07/2004 : OCTROI POSSIBLE D'UNE AIDE EN NATURE OU EN REMBOURSEMENT AU PROFIT DE TIERS DE FRAIS EXPOSE EN FAVEUR DES ENFANTS SELON LES CRITERES DEGAGES PAR L'ARRET N°106/2003 PRONONCE PAR LA COUR D'ARBITRAGE LE 22/07/2003
AH/SC
COUR DU TRAVAIL DE LIEGE
ARRÊT
Audience publique du 27 avril 2005
R.G. : 32.532/04 5ème Chambre
EN CAUSE :
L'ETAT BELGE, représenté par son Ministre de l'INTEGRATION SOCIALE, dont le cabinet est établi à 1040 BRUXELLES, rue de la Loi n° 51,
PARTIE APPELANTE, INTIME SUR INCIDENT
comparaissant par Maître Xavier CHARLES substituant Maître E.LEMMENS , avocat à Liège,
CONTRE :
I. Sanie,
PREMIERE PARTIE INTIMEE, APPELANTE SUR INCIDENT
comparaissant par Maître J.PH.RENAUD, avocat à Liège.,
ET
LE CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE (C.P.A.S.) de LIEGE, faisant élection de domicile chez son conseil Maître D.PIRE, avocat, rue de Joie n° 56, 4000 LIEGE,
SECONDE PARTIE INTIMEE,APPELANTE SUR INCIDENT,
comparaissant par Maître GRELLA substituant Maître D.PIRE, avocats à Liège.
Vu en forme régulière les pièces du dossier de la procédure à la clôture des débats le 12/1/2005, notamment :
- le jugement rendu entre parties le 15/6/2004 par le Tribunal du travail de Liège, 9ème chambre (R.G.
:332.943) ainsi que le dossier constitué par cette juridiction;
- la requête de l'appelante, déposée le 15/7/2004 au greffe de la Cour de céans et notifiée le 16/7/2004 aux intimés en exécution de l'article 1056, 2°, du Code judiciaire;
- le dossier de l'Auditorat général près la Cour du travail de Liège entré au greffe de la Cour le 29/7/2004;
- les conclusions du C.P.A.S. de Liège déposées au greffe de la Cour le 12/11/2004 et ses conclusions additionnelles déposées à l'audience le 12/1/2005,
- les conclusions de l'Etat belge y reçues le 1/12/2004,
- les dossiers des parties intimées déposés à l'audience du 12/1/2005 ;
Entendu à l'audience du 12/1/2005 les conseils des parties en leurs dires et moyens;
Vu l'avis écrit du Ministère public déposé au greffe le 3/2/2005;
Vu les notifications de l'avis adressées aux parties le 4/2/2005;
Vu l'absence de répliques;
Vu la requête en réouverture des débats de la partie appelante reçue au greffe de la Cour le 22/3/2005, régulièrement notifiée aux parties adverses 24/3/2005 ;
Vu la note d'observation du C.P.A.S. suite à la la requête en réouverture des débats déposée au greffe de la Cour le 29/3/2005 ;
Vu la note d'observation de l'Etat Belge suite à la requête en réouverture des débats déposée au greffe de la Cour le 29/3/2005
I.- RECEVABILITE DES APPELS
Le jugement frappé d'appel prononcé le 15/06/2004 a été notifié le 18/06/2004.
La requête d'appel a été reçue au greffe de la Cour le 15/07/2004.
L'appel principal , régulier en la forme et introduit dans le délai légal, est recevable.
II.- REQUETE EN REOUVERTURE DES DEBATS
L'article 772 du Code Judiciaire dispose :
" Si durant le délibéré, une pièce ou un fait nouveau et capital sont découverts par une partie comparante, celle-ci peut, tant que le jugement n'a pas été prononcé, demander la réouverture des débats.
L'article 773 alinéa 1er du Code Judiciaire dispose :
" Le demande est formée entre les mains du juge par une requête contenant, sans autres développements, l'indication précise de la pièce ou du fait nouveau. "
Madame I. expose qu'elle a découvert de nouvelles pièces " après l'expiration des délais qui lui étaient impartis pour conclure mais également après l'audience de plaidoiries "
Elle ne précise pas quelles sont ces nouvelles pièces ni en quoi elles consistent mais articule que ces pièces mettent en évidence un fait pertinent, notamment :
- qu'elle a effectué des démarches vis-à-vis de l'Office des étrangers en vue de la modification du code 207,
- l'impossibilité d'obtenir la désignation du CPAS de Liège comme CPAS compétent pour octroyer une aide.
Pour justifier du bien fondé de sa demande de réouverture des débats, il incombe à Madame I de justifier du moment où elle découvre la ou les pièces nouvelles et capitales, afin de permettre de situer cette découverte après la clôture des débats.
Il lui incombe également en vertu de l'article 773 précité d'indiquer de façon précise quelle est ou quelles sont ces pièces nouvelles.
Madame I ne rencontre aucune de ces deux exigences, elle ne justifie pas du moment, postérieur à la réouverture des débats, où elle aurait découvert ces pièces nouvelles dont elle ne précise nullement en quoi elles consistent.
Si Madame I. a effectué des démarches, comme elle le dit, en vue d'obtenir la levée du code 207 avant la date de clôture des débats, il ne s'agit pas d'un fait nouveau et si des pièces attestent de ces démarches, elles devaient être en sa possession avant la clôture des débats ; si par contre elle effectue ces démarches après la clôture des débats, il ne s'agit pas de faits ou pièces qu'elle découvre ou de faits ou pièces qui puissent avoir une influence sur la cause dont la Cour doit connaître.
Quant à l'impossibilité d'obtenir la désignation du CPAS de LIEGE comme CPAS compétent pour obtenir une aide, il ne s'agit nullement d'un fait nouveau ou qui pourrait être attesté par pièces nouvelles, mais précisément du fait connu dont il est débattu.
Enfin Madame I. articule qu'elle n'a pu obtenir l'accord des autres parties pour déposer des conclusions faisant état d'éléments nouveaux ; ceci indique que Madame I. cherche à obvier par la requête en réouverture des débats à la conséquence de ce qu'elle n'a pas respecté le calendrier de procédure établi entres parties.
La Cour estime que le procédé ne peut être admis et que Madame I. doit assumer les conséquences du fait qu'elle n'a pas respecté ce calendrier de mise en état. La requête en réouverture des débats ne peut être détournée du but que la loi lui assigne.
Les conditions d'application des articles 772 et 773 du Code Judiciaire n'étant pas remplies, il n'y a pas lieu d'ordonner la réouverture des débats.
II.- LES FAITS
Madame I, née le 02/05/1958, originaire d'Albanie est arrivée en Belgique en octobre 2001 accompagnée de ses deux enfants, Albana née le 14/10/1985 et Oliver né le 14/03/1989.
Madame I. a introduit une demande d'asile le 19/10/2001 ; le centre d'accueil de CHAUDFONTAINE lui a été désigné comme lieu d'inscription obligatoire.
Le 24/10/2001 une annexe 26 bis lui a été délivrée comportant un ordre de quitter le territoire.
Le 26/10/2001 elle a introduit un recours urgent auprès du C.G.R.A. qui le 12/12/2001 a dit sa demande recevable.
Elle a alors quitté le centre d'accueil de CHAUDFONTAINE et s'est installée à GRIVEGNEE.
Le 24/06/2002 le C.G.R.A. a statué relativement au fond de la demande et a refusé de reconnaître à Madame I. le statut de réfugié.
Le 11/09/2002 la Commission permanente de recours pour réfugié à rejeté le recours introduit contre la décision précitée du C.G.R.A.
Une annexe 13 contenant un ordre de quitter le territoire lui a été notifiée le 27/12/2002.
Madame I. a introduit une nouvelle demande d'asile le 04/12/2002 ; à ce moment le centre d'accueil de BOVIGNY lui a été désigné comme lieu d'inscription obligatoire; le 12/12/2002 elle a introduit une demande d'autorisation de séjour pour motifs exceptionnels fondée sur les dispositions de l'article 9 alinéa 3 de la loi du 15/12/1980.
Le 26/06/2003 sa nouvelle demande d'asile a été rejetée et une annexe 13 quater contenant un ordre de quitter le territoire lui a été notifiée le 07/07/2003.
Le 29/04/2003 le C.P.A.S. de LIEGE a pris une première décision de refus du revenu d'intégration sociale au taux famille monoparentale avec enfants à charge au 31/03/2003, au motif : " En application de l'article 54 de la loi du 15/12/1980 relative à l'accès au territoire, au séjour et à
l'éloignement des étrangers, le ministre de l'intérieur a désigné pour votre cas le centre d'accueil de BOVIGNY comme lieu d'inscription obligatoire.
En application de l'article 57de la loi du 08/07/1976 organique des CPAS, modifiée par la loi du 15/07/1976, parue au Moniteur le 05/10/1996, c'est ce centre d'accueil qui est compétent. "
Madame I. a pris recours contre cette décision le 28/05/2003.
Le 25/11/2003 le C.P.A.S. de LIEGE a pris une deuxième décision de refus d'aide sociale dite " non inscrit population au taux isolé majoré " à partir du 21/10/2003, au motif : " L'aide sociale demandée au nom de l'enfant I. Oliver ne peut être accordée en application de l'article 57 ,§ 2 "
Madame I. a introduit un recours contre cette décision le 05/01/2004.
III.- LE JUGEMENT DONT APPEL
Le premier juge ordonne la jonction des causes; il dit le recours introduit le 01/01/2004 irrecevable.
Le premier juge dit le recours introduit le 28/05/2003 recevable et partiellement fondé.
Il condamne le CPAS à payer pour Albana du 31/03/2003 au 14/10/2003 et pour Oliver du 31/03/2003 au 21/10/2003 à titre d'aide sociale un montant mensuel équivalent aux allocations familiales garanties, majorées d'un montant de 5 EUR par jour ainsi qu'un forfait de 100 EUR par an pour frais d'habillement ainsi que pour les frais scolaires, le paiement des frais scolaires et d'habilement se faisant sur base de production des justificatifs, Madame I. devant établir à la fin de chaque trimestre que les montants alloués ont été affectés à une dépense spécifique aux enfants.
Le premier juge constate que la décision prise le 25/11/2003 a été notifiée le 28/11/2003 de sorte que le recours introduit le 01/01/2004 est irrecevable.
Le premier juge détermine en conséquence que la période litigieuse s'entend du 31/03/2003 au 21/10/2003.
Le premier juge considère qu'il existe une interférence entre la loi du 15/12/1980, article 54 ,§ 1er et article 57 ter 1 loi du 08/07/1976. Considérant que la décision fait référence à l'article 54 le premier juge estime que la désignation et par conséquent le droit à l'aide sociale subsistent durant les recours au Conseil d'Etat contre la décision du C.G.R.A.
Le premier juge retient ensuite que Madame I. ne peut plus bénéficier d'une aide sociale depuis le 26/06/2003 date du rejet de sa deuxième demande d'asile en application de 57 ,§ 2 ni dans un centre ni de la part d'un C.P.A.S.. Pour la période du 22/03/2003 au 26/06/2003 le premier juge estime que Madame I. devait solliciter la modification du Code 207 et qu'elle ne peut non plus bénéficier d'une aide sociale.
Le premier juge considère ensuite que l'article 57 ,§ 2, tel qu'il a été interprété par la Cour d'Arbitrage ouvre le droit à l'aide sociale pour les enfants dont les parents séjournent illégalement en Belgique.
Le premier juge prend en considération la loi qui modifie l'article 57 ,§ 2 suite à l'arrêt de la Cour d'Arbitrage et estime que celle-ci doit être interprétée au regard de l'article 3.1 de la convention de New York.
Le premier juge estime que les enfants ne peuvent pâtir de la décision inappropriée d'exiger que la famille se rende au centre de BOVIGNY.
Le premier juge retient que l'aide sociale au profit des enfants doit couvrir les frais liés à la scolarité, les frais de nourriture et les frais de vêtements et à cette fin il détermine que l'aide au profit des enfants s'entend du montant des allocations familiales garanties majorées de 5 EUR par jour et d'un forfait de 100 EUR par an pour les frais d'habillement et les frais scolaires.
L'aide est accordée pour Albana jusqu'à sa majorité, le 14/10/2003 et pour Oliver jusqu'au 21/10/2003, date de prise d'effet de la décision définitive de rejet.
IV.- MOYENS ET DEMANDES DES PARTIES
L'Etat belge fait valoir que l'aide sociale au profit de l'enfant en séjour illégal, selon l'arrêt prononcé par la Cour d'Arbitrage le 22/07/2003, ne peut avoir pour effet , même involontaire, de favoriser le séjour des parents; il ne peut s'agir que d'une aide en nature ou de la prise en charge de dépenses au profit de tiers; l'aide octroyée par le jugement a quo n'est pas conforme à l'arrêt de la Cour d'Arbitrage.
L'Etat belge invoque ensuite les dispositions de la loi du 22/12/2003 modifiant l'article 57 ,§ 2 selon lesquelles l'aide au profit de l'enfant mineur en séjour illégal est exclusivement matérielle et octroyée dans un centre d'accueil fédéral. L'arrêté royal d'exécution du 24/06/2004 étant en vigueur depuis le 11/07/2004.
Enfin l'Etat belge observe que la guidance organisée par le jugement a quo ne peut s'opérer rétroactivement
Madame I. fait valoir que puisqu'elle a introduit un recours au Conseil d'Etat contre l'annexe 13 quater, l'article 57 ,§ 2 de la loi du 08/07/1976 ne lui est pas applicable.
Madame I. invite la Cour à écarter la décision qui lui désigne le centre d'accueil de BOVIGNY en raison de son illégalité, d'une part parce qu'elle viole l'article 4,§ 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et d'autre part parce qu'elle viole la loi sur la motivation formelle de l'acte administratif.
Elle demande l'octroi d'une aide sociale pour elle-même et subsidiairement la confirmation du jugement entrepris et l'octroi d'une aide sociale pour son enfant mineur
Le C.P.A.S invite la Cour à écarter les conclusions déposées par Madame I. en dehors des délais déterminé par la convention de mise en état intervenue entre les parties, d'autant que ces conclusions communiquées le dernier jour du délai de réplique imparti au C.P.AS. comportent un appel incident.
Le C.P.A.S. fait valoir que seul le centre d'accueil de BOVIGNY est compétent pour accorder l'aide sociale à Madame I. et à ses enfants.
Le C.P.A.S. estime que l'aide sociale accordée par le premier juge n'est pas conforme au prescrit de l'arrêt prononcé par la Cour d'Arbitrage le 22/07/2003.
Enfin il estime que l'aide ne peut être accordée pour une période révolue.
V.- DISCUSSION
5.1. application d'une convention de mise en état de la procédure
Les parties ont tracé entre elles une convention de mise en état de la procédure selon laquelle les conclusions de Madame I. devaient être reçues au greffe le 14/10/2004 au plus tard, celles du C.P.A.S. de LIEGE devaient être reçues au greffe le 14/11/2004 au plus tard, celles de l'Etat belge devaient être reçues au greffe pour le 29/11/2004 au plus tard, le C.P.A.S. de LIEGE et Madame I. disposant du droit de prendre des conclusions additionnelles qui devaient être reçues au greffe le 14/12/2004 au plus tard.
Si le C.P.A.S. de LIEGE a bien respecté le calendrier en déposant ses conclusions au greffe le 12/11/2004, tel n'est pas le cas de l'Etat belge qui a déposé les siennes le 01/12/2004 ni de Madame I. qui a déposé les siennes le 15/12/2004.
Le C.P.A.S. de LIEGE sollicite à juste titre que les conclusions déposées par Madame I. soient écartées par la Cour au motif qu'elle sont déposées tardivement en regard du calendrier de mise en état convenu entre parties.
L'article 747 ,§ 1er du Code Judiciaire donne aux parties le pouvoir de déterminer amiablement les délais impartis pour conclure alors que l'article 747 ,§ 2 du même Code permet à l'une des parties de solliciter du juge qu'il fixe d'autorité les délais impartis pour conclure, chacune des parties ayant la possibilité d'exprimer ses observations relativement à cette requête.
L'alinéa final de l'article 747 ,§ 2 détermine la sanction applicable en cas de non respect du calendrier de mise en état fixé d'autorité par le juge, sanction qui consiste dans l'écartement d'office des conclusions tardives.
La convention amiable de mise en état lie les parties qui l'ont conclue, conformément à l'article 1134 du Code Civil ; le juge a qui l'on présente cette convention doit veiller à son exécution et sanctionner son éventuel non-respect si et uniquement si l'une des parties le demande.
La sanction de ce qui a été convenu amiablement ne peut être différente de ce qui a été imposé après que chacun ait pu exposer ses observations ; elle doit consister également dans l'écartement des conclusions tardives.
La Cour de Cassation a arrêté :
" Attendu qu'en vertu de l'article 747, ,§2, alinéa 6, du Code judiciaire, sans préjudice de l'application des exceptions prévues à l'article 748, ,§,§ 1er et 2, du même code, les conclusions communiquées après l'expiration des délais visés à l'alinéa précédent sont d'office écartées des débats ;
Attendu que cette disposition n'exclut pas que les parties puissent s'accorder quant aux délais pour conclure et que la partie à l'égard de laquelle des conclusions ont été déposées en violation de ce règlement amiable puisse demander d'écarter celles-ci des débats. "
(Cass. 01/06/2001, 1ère Ch., R.G. n° C980405N)
Cette sanction s'impose d'autant plus en l'espèce que les conclusions prises par Madame I. sont déposées au delà même du délai fixé tant pour elle-même que pour le C.P.A.S. pour conclure additionnellement et qu'elles comportent un appel incident, ce qui, dans le respect du calendrier convenu amiablement prive le C.P.A.S. et l'Etat belge de la possibilité de répondre à cet appel incident et aux moyens qui le soutiennent.
La Cour de Cassation a arrêté :
Attendu que, lorsque le juge a fixé des délais pour conclure en application de l'article 747 ,§ 2 du Code Judiciaire, toutes les conclusions déposées après l'expiration de ces délais doivent être écartées d'office des débats ;
Que cet article ne tend pas à priver nécessairement la partie qui néglige de déposer des conclusions dans le délai prévu à cette fin du droit de conclure au cours du délai prévu pour les conclusions en réponse ;
Que ces conclusions ne peuvent invoquer des moyens nouveaux auxquels les autres parties ne peuvent plus répondre et, plus spécialement, elles ne peuvent contenir un appel incident qui élargit les débats devant le juge d'appel ;
Qu'en effet, il incombe au juge de sanctionner toute manoeuvre de procédure déloyale et d'écarter de telles conclusions des débats ;
Attendu qu'il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que :
1. le délai dont la première défenderesse disposait pour conclure expirait le 1er mai 1998 ;
2. la première défenderesse a laissé passer ce délai ;
3. le délai pour déposer des conclusions en réponse a été fixé à trois mois à compter du 1er novembre 1998 ;
4. le 9 novembre 1998, la première défenderesse a déposé des conclusions au greffe de la cour d'appel ;
5. ces conclusions tendaient à obtenir l'annulation du jugement dont appel ;
Attendu qu'après avoir constaté que les conclusions de la première défenderesse ont été déposées après l'expiration du délai fixé à cette fin mais avant l'expiration du délai prévu pour le dépôt des conclusions en réponse et que ces conclusions introduisent un appel incident, les juges d'appel décident que, les droits de défense n'ayant pas été violés, il n'y a pas lieu d'écarter ces conclusions des débats ;
Qu'en conséquence, les juges d'appel violent l'article 747, ,§ 2, dernier alinéa, du Code Judiciaire ;
Que le moyen est fondé ; "
(Cass. 14/03/2002, R.G. n° C000198N)
La Cour écarte des débats les conclusions déposées par Madame I. et en conséquence dit irrecevable l'appel incident que contienne ces conclusions.
5.2. Détermination de la période litigieuse.
Le C.P.A.S. de LIEGE signale qu'une nouvelle décision est intervenue qui prend effet le 25/06/2004, décision frappée d'ailleurs d'un recours actuellement pendant devant le Tribunal du Travail de LIEGE, de sorte qu'en tout cas la saisine de la Cour est limitée au 25/06/2004.
Le premier juge a retenu à juste titre que le recours dirigé contre la décision prise le 25/11/2003 est irrecevable en raison de sa tardiveté.
L'article 71 de la loi du 08/07/1976 dispose :
" Toute personne peut former un recours auprès du tribunal du travail contre une décision en matière d'aide individuelle prise à son égard par le conseil du centre public d'aide sociale ou l'un des organes auxquels le conseil a délégué des attributions
Il en est de même lorsqu'un des organes du centre a laissé s'écouler, sans prendre de décision, un délai d'un mois à compter de la réception de la demande
Le recours doit être introduit dans le mois soit de la date de dépôt à la poste du pli recommandé notifiant la décision, soit de la date de l'accusé de réception de la décision, soit de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent. "
La décision prise le 25/11/2003 a été déposée à la Poste en vue de son envoi recommandé le 28/11/2003, de sorte que le délai de recours commençait le 29/11/2003 pour se terminer le 28/12/2003 qui est un dimanche de sorte que l'échéance était reportée au lundi 29/12/2003.
Le recours formé contre cette décision par envoi recommandé du 02/01/2004 est en conséquence tardif et donc irrecevable.
Dès lors la décision qui refuse l'octroi d'une aide sociale au taux isolé majoré à dater du 21/10/2003 ne peut plus être remise en cause et aucune aide sociale ne peut être allouée à Madame I. ni pour elle-même, ni au profit de ses enfant au delà du 21/10/2003.
La période litigieuse s'étend en conséquence du 31/03/2003 au 21/10/2003.
5.3. De la compétence d'octroi de l'aide sociale du 31/03/2003 au 21/10/2003
A partir du 04/12/2002 le centre d'accueil de BOVIGNY a été désigné comme lieu d'inscription obligatoire pour Madame I ; dans la mesure ou, tout à fait légitimement, on considère que les enfants mineurs ne doivent pas être séparés de leurs parents, c'est également le centre d'accueil de BOVIGNY qui constitue le lieu d'inscription obligatoire des enfants mineurs de Madame I.
L'article 57 ter 1 de la loi du 08/07/1976, d'application à la date du 04/12/2002 (en vigueur depuis le 03/01/2001) dispose :
" ,§ 1er. A un étranger qui s'est déclaré réfugié et qui a demandé d'être reconnu comme tel, est désigné comme lieu obligatoire d'inscription, en application de l'article 54 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès du territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, un Centre que l'Etat, une autre autorité ou un ou plusieurs pouvoirs publics organise ou un lieu ou une aide est fournie à la demande de l'Etat et à ses frais:
1° tant que le Ministre de l'Intérieur ou son délégué, ou le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides ou un de ses adjoints n'ont pas décidé qu'un examen au fond de la demande d'asile est nécessaire;
2° si l'étranger a contesté, devant le Conseil d'Etat, la décision du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides ou d'un de ses adjoints, prise en application de l'article 63/3 de la loi précitée.
Dans des circonstances particulières le Ministre ou son délégué peut déroger aux dispositions de l'alinéa précédent.
La désignation, visée à l'alinéa 1er, produit ses effets aussi longtemps que le recours est pendant devant le Conseil d'Etat.
,§ 2. Les dispositions du ,§ 1er s'appliquent :
1° à l'étranger qui s'est déclaré réfugié après la date à laquelle la loi-programme du 2 janvier 2001 a été publiée au Moniteur belge et qui a demandé d'être reconnu comme tel;
2° à l'étranger qui, après la date visée au 1°, a contesté, devant le Conseil d'Etat, la décision du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides ou d'un de ses adjoints, prise en application de l'article 63/3.
L'article 54 de la loi du 15/12/1980, applicable au 29/04/2003 dispose :
Le Ministre ou son délégué peut déterminer un lieu obligatoire d'inscription) des étrangers :
",§1. 1° qui sont entrés dans le Royaume sans satisfaire aux conditions fixées à l'article 2 et ont demandé la qualité de réfugié;
2° qui se sont présentés à la frontière sans être porteurs des documents requis à l'article 2 et se déclarent réfugiés auprès des autorités chargées du contrôle aux frontières;
3° qui ont demandé la qualité de réfugié après l'expiration de leur autorisation de séjour;
4° qui se sont déclarés réfugiés et se sont trouvés en un lieu déterminé, situé dans la région frontalière ou dans des lieux y assimilés, conformément au titre III ter de la présente loi.
5° appartiennent aux catégories de personnes désignées par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres dans le cadre de mesures spéciales visant la protection temporaire de personnes
La désignation d'un lieu obligatoire d'inscription dure jusqu'à ce qu'une décision définitive concernant la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié soit prise ou jusqu'à ce que l'ordre de quitter le territoire soit exécuté.
,§2...
,§3. Le ministre ou son délégué peut désigner un centre organisé ou agréé par l'Etat comme lieu obligatoire d'inscription à chaque étranger qui a fait la déclaration ou la demande visées aux articles 50 et 51, à l'exception de l'étranger qui, au moment de cette déclaration ou demande, était admis ou autorisé à l'établissement ou au séjour pour une période de plus de trois mois.
La désignation de ce lieu obligatoire d'inscription prend fin lorsque l'intéressé donne suite à l'ordre de quitter le territoire, pris conformément à l'article 51/8, alinéa 2, ou a l'article 52, ou lorsque le Ministre ou son délégué, ou le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides ou un de ses adjoints, décident qu'un examen au fond de la demande d'asile s'impose.
Le texte de l'article 57 ter 1, détermine une règle de principe selon laquelle à partir du moment ou un étranger sollicite le statut de réfugié après la date du 03/01/2001, un centre d'accueil doit lui être désigné comme lieu obligatoire d'inscription, exception ne pouvant être faite à ce principe que sur dérogation expresse du Ministre en vertu de circonstances particulières.
Ce même texte détermine que la durée de la désignation de ce Centre d'accueil dure jusqu'à ce qu'une décision soit intervenue qui décide d'un examen au fond de la demande d'asile, c'est à dire jusqu'à ce que cette demande ait été déclarée recevable ou jusqu'à l'issue de la procédure de recours devant le Conseil d'Etat contre la décision du C.G.R.A. rejetant le recours urgent.
L'article 57 ter 1 doit être considéré, en matière d'aide sociale, comme primant les dispositions de l'article 54 de la loi du 15/12/1980 dans la mesure où celles-ci lui seraient contraires puisqu'il s'agit d'une disposition légale plus récente et qui est spécifique à la matière de l'aide sociale mais également parce qu'il comporte des dispositions impératives alors que l'article 54, plus ancien, donne au Ministre ou à son délégué un pouvoir : " Le Ministre ou son délégué peut déterminer... " dont il use à sa guise.
En l'espèce la décision intervenue doit être examinée en regard des dispositions de l'article 57 ter 1 et non en regard de celles de l'article 54 .
On observera que la Cour d'Arbitrage, dans son arrêt n° 169/2002 du 27/11/2002 a confronté l'article 57 ter 1 de la loi du 08/07/1976 aux dispositions des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, à celle de l'article 2 du Protocole additionnel n° 4 à la Convention Européenne des Droits de l'Homme, à l'article 12 du Pacte relatif aux droits civils et politiques ainsi qu'à l'article 8 de la Convention Européenne des droits de l'homme pour arriver à la conclusion qu'aucune de ces normes n'étaient violées par l'article 57 ter 1 pour autant qu'il soit interprété comme faisant obligation d'accorder la dérogation qu'il prévoit lorsque les personnes concernées doivent pouvoir vivre avec une ou plusieurs personnes avec lesquelles elles forment une famille et qui ont droit à l'aide sociale en Belgique ou qui ont été autorisées à y séjourner.
5.4. Du droit à l'aide sociale au profit des enfants mineurs de Madame I. durant la période du 31/03/2003 au 21/10/2003.
La période litigieuse se situe avant l'entrée en vigueur de la loi programme du 22/12/2003 qui a modifié l'article 57 ,§ 2 de la loi du 08/07/1976 afin de se conformer à l'enseignement qui se dégage de l'arrêt prononcé par la Cour d'Arbitrage le 22/07/2003 et également avant l'entrée en vigueur de l'A.R. du 24/06/2004 de sorte que ces dispositions ne sont pas applicables en l'espèce.
La Cour d'Arbitrage dans son arrêt n°106/2003 du 22/07/2003, à jugé que l'article 57 ,§ 2 de la loi organique des centres publics d'aide sociale viole les article 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les articles 2,3,24.1, 26 et 27 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que, à l'égard de mineurs dont les parents séjournent illégalement sur le territoire, il exclut même l'aide sociale qui satisferait aux conditions exprimées en B.7.7. ; ce paragraphe B.7.7. s'exprime comme suit :
" Une aide sociale doit pouvoir être accordée à la triple condition que les autorités compétentes aient constaté que les parents n'assument pas ou ne sont pas en mesure d'assumer leur devoir d'entretien, qu'il soit établi que la demande concerne des dépenses indispensables au développement de l'enfant au bénéfice duquel elle est formulée et que le centre s'assure que l'aide sera exclusivement consacrée à couvrir ces dépenses.
Il appartient donc au centre sous réserve d'une intervention du législateur qui adopterait d'autres modalités appropriées - d'accorder une telle aide mais à la condition qu'elle le soit dans la limite des besoins propres à l'enfant, et sous la forme d'une aide en nature ou d'une prise en charge de dépenses au profit de tiers qui fournissent une telle aide afin d'exclure tout détournement éventuel au profit des parents, étant entendu que cette aide ne fait pas obstacle à ce que la mesure d'éloignement des parents et de leurs enfants soit exécutée. "
L'aide octroyée par le premier juge ne répond pas aux critères déterminés par l'arrêt de la Cour d'Arbitrage puisqu'il s'agit d'une aide financière qui doit être versée en main de la mère des enfants et non d'une aide en nature ou d'une aide versée en mains de tiers en remboursement des dépenses exposées au profit des enfants.
Par ailleurs il n'est pas justifié que l'octroi d'une somme équivalente au montant des prestations familiales garanties, majorée de 5 EUR par jour soit destinée spécifiquement à couvrir des dépenses indispensables au développement des enfants.
Enfin rien ne détermine qu'une telle aide financière ne serait pas en fait obtenue au profit de Madame I. elle-même puisqu'elle serait payée entre ses mains, le contrôle a posteriori organisé par le premier juge ne permettant en aucun cas, à défaut de sanction, d'éviter un détournement de l'aide au profit des parents.
En l'espèce en outre ce contrôle a posteriori aboutit à une situation impossible puisqu'il serait demandé à Madame I. de justifier de l'usage qu'elle aurait fait dans le passé, soit pour la période du 31/03/2003 au 21/10/2003 d'une somme qu'elle ne possédait pas encore puisqu'elle ne pourrait lui être versée qu'après le prononcé du jugement intervenu le 15/06/2004.
En regard des dispositions de l'arrêt précité de la Cour d'Arbitrage, il ne peut être octroyé à Madame I. l'aide équivalente aux prestations familiales garanties, ni un montant journalier de 5 EUR, ni un montant mensuel de 100 EUR dont rien ne démontre qu'une telle aide serait octroyée au seul profit des enfants mineurs et n'étant pas une aide en nature ou le remboursement de dépenses au profit d'un tiers;
VI.- DECISION DE LA COUR
Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, notamment son article 24,
LA COUR, après en avoir délibéré et statuant contradictoirement :
Joignant l'incident au fond dit n'y avoir lieu de faire droit à la requête en réouverture des débats déposée le 22/03/2005 par Madame I.
Sur avis écrit conforme de Monsieur Ph.LAURENT , Premier Avocat général, déposé en langue française au greffe de la Cour le 3/2/2005
Déclare l'appel principal recevable,
Le dit fondé.
Réforme le jugement dont appel en ce qu'il dit le recours introduit le 28/05/2003 recevable et partiellement fondé ; rétablit en toutes ses dispositions la décision dont recours prise par le C.P.A.S. de LIEGE le 29/04/2003.
Dit irrecevable l'appel incident introduit par Madame I dans des conclusions que la Cour écarte des débats.
Dit l'arrêt commun et opposable à l'Etat Belge
Condamne aux dépens non liquidés pour Madame I à défaut du relevé détaillé visé à l'article 1021 du Code Judiciaire.
Délaisse au C.P.A.S. de LIEGE et à l'Etat belge leurs dépens respectifs pareillement non liquidés.
Ainsi délibéré et jugé par :
M. Albert HAVENITH, Conseiller faisant fonction de Président,
M.M.XHARDE ,Conseiller social au titre d'employeur,
M.J.P..PEUTAT , Conseiller social au titre d'employé,
qui ont assisté aux débats de la cause,
et prononcé en langue française à l'audience publique de la CINQUIEME Chambre de la Cour du travail de Liège, section de Liège, en l'annexe du Palais de Justice de Liège, rue Saint-Gilles n° 9O c, 2ème étage , le VINGT-SEPT AVRIL DEUX MILLE CINQ , par le même siège,
en présence du Ministère public
assisté de Mme Simone COMPERE, Greffier .
Suivi de la signature du siège ci-dessus