Cour d'appel: Arrêt du 18 décembre 2013 (Liège). RG 2010/RG/1386 -2011/RG/571

Date :
18-12-2013
Language :
French
Size :
6 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20131218-7
Role number :
2010/RG/1386 -2011/RG/571

Summary :

Sommaire 1

Arrêt :

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Vu les feuilles d'audiences des 24.09.2010, 22.11.2014, 20.11.2013 et de ce jour en la cause portant le numéro 2010/RG/1386 et les feuilles d'audience des 04.05.2011, 22.11.2013 et de ce jour en la cause portant le numéro 2011/RG/571.

__________________________

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :

Vu le dossier de procédure en forme régulière et notamment :

- en copie conforme le jugement du tribunal de première instance de Liège du 14 décembre 2009 ;

- la requête d'appel dirigée contre l'Etat belge déposée au greffe de la cour le 27 août 2010 ;

- la requête d'appel dirigée contre B. Patrick déposée au greffe de la cour le 05 avril 2011 ;

- les conclusions et les dossiers des parties appelantes et de l'Etat belge ;

Quant à la connexité

Attendu que les deux requêtes d'appel concernent le même jugement et qu'il y a lieu de joindre les deux causes qui sont à tout le moins connexes au sens de l'article 30 du Code judiciaire ;

Quant à la recevabilité des appels

Attendu que les appels ont été interjetés dans les formes et délais légaux, que leur recevabilité n'est pas contestée et qu'il n'existe aucun moyen d'irrecevabilité à soulever d'office par la cour, qu'en conséquence les appels doivent être déclarés recevables ;

Attendu que la présente décision est fondée sur les éléments de fait et de droit développés ci-après:

I- Les faits et l'objet du litige:

Attendu que la contestation originaire concerne la cotisation à l'impôt des personnes physiques et taxes communales additionnelles établie à charge des appelants pour l'exercice d'imposition 2003 sous l'article 747133606 du rôle formé pour la commune de Berloz (cf. pièce IV/1 du dossier administratif) et qu'elle porte sur les revenus professionnels pris en compte dans le cadre d'une taxation d'office ;

Que le recours administratif signé des appelants a été introduit en date du 12 mars 2007 (cf. pièces II/ 1 à 3 du dossier administratif) et a été déclaré irrecevable pour cause de forclusion par décision directoriale du 6 septembre 2007 (cf. pièces V/1 à 3 du dossier administratif) ;

Que les appelants ont porté la contestation devant le tribunal de première instance par requête déposée au greffe le 06 décembre 2007 (cf. pièce 1 du dossier de procédure d'instance) ;

Que par citation du 12 juin 2008, les appelants ont cité en intervention forcée et garantie leur comptable, B. Patrick (cf. pièce 8 du dossier de procédure d'instance) ;

Que par jugement du 14 décembre 2009, les deux actions ont été déclarées non recevables et que le premier juge a condamné les appelants aux dépens taxés à zéro euro dans le chef de l'Etat belge, les frais de la mise à la cause de la partie B. étant par ailleurs laissés à leur charge ;

Que les appelants ont déposé une première requête d'appel dirigée contre le seul Etat belge en date du 27 août 2010 ;

Qu'ils ont déposé une seconde requête d'appel dirigée contre B. Patrick en date du 05 avril 2011 ;

Qu'ils concluent à la jonction des deux appels, à la réformation du jugement déféré, à l'annulation ou au dégrèvement de la cotisation litigieuse et à la condamnation de l'Etat belge à leur rembourser toutes sommes perçues indûment, majorées des intérêts moratoires depuis la date des décaissements ainsi qu'aux dépens des deux instances liquidés à 2.500 euros par instance ;

Qu'en ce qui concerne l'action en garantie, ils concluent à sa recevabilité et, le cas échéant, à son fondement, demandent la condamnation de B. Patrick à les garantir de toutes sommes qui seraient dues à raison de l'imposition d'office pour l'exercice d'imposition 2003, en principal, intérêts et frais et postulent la condamnation de celui-ci au paiement d'une somme provisionnelle de 1 euro ainsi qu'aux dépens liquidés à 5.140,65 euros, outre l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ;

Que l'Etat belge postule à titre principal la jonction des deux appels, la confirmation du jugement déféré et la condamnation des appelants aux dépens d'appel liquidés à 1.320 euros ;

Qu'à titre subsidiaire, il postule la réouverture des débats pour conclure sur le fond.

II- Discussion:

Quant à la recevabilité de l'action originaire des appelants

Attendu que l'exigence d'introduction préalable d'un recours administratif organisé visée à l'article 1385undecies est liée à la recevabilité de l'action judiciaire et impose, dans le cadre d'une contestation d'une imposition prévue par le CIR 92 l'introduction d'une réclamation ou d'une demande de dégrèvement d'office dans le respect des délais prévus par la loi ;

Qu'en l'espèce, le recours administratif a été introduit le 12 mars 2007 alors que la cotisation litigieuse porte la date d'envoi du 24 septembre 2004 (cf. pièces II/1 à 3 et IV/1 du dossier administratif) ;

Qu'en vertu de l'article 371 du CIR 92 en sa version applicable, la réclamation doit être introduite « sous peine de déchéance, dans un délai de trois mois à partir de la date d'envoi de l'avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation ou de l'avis de cotisation ou de celle de la perception des impôts perçus autrement que par rôle » ;

Que les appelants soutiennent que le délai n'a jamais commencé à courir en raison de l'inconstitutionnalité de l'article 371 du CIR 92 relevée par l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 19 décembre 2007 ;

Que selon la Cour constitutionnelle (Arrêt du 19 décembre 2007 - Arrêt n° 162/2007),« B.4. L'objectif d'éviter l'insécurité juridique pourrait être atteint aussi sûrement si le délai commençait à courir le jour où le destinataire a pu, en toute vraisemblance, en avoir connaissance, c'est-à-dire depuis le troisième jour ouvrable qui suit celui où l'avis d'imposition ou l'avertissement-extrait de rôle a été remis aux services de la poste, sauf preuve contraire du destinataire (article 53bis du Code judiciaire). B.5. En ce qu'elle énonce que le délai de recours court à partir de la date d'envoi figurant sur l'avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation, la disposition en cause restreint de manière disproportionnée les droits de défense du contribuable. B.6. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative. Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il dispose que le délai de recours court à partir de la date d'envoi figurant sur l'avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation ».

Qu'en fonction de cet arrêt de la Cour constitutionnelle, le délai pour introduire une réclamation court à partir de la date à laquelle la lettre, portant l'avertissement-extrait de rôle ou l'avis de cotisation à la connaissance du destinataire par courrier ordinaire, est présumée avoir été présentée à ce destinataire et non à partir de la date à laquelle la lettre a été confiée aux services de la poste (cf. Cass. 12.11.2009, F.08.0049.N., www. Juridat.be) et que cette présentation d'un pli simple peut être présumée avoir été réalisée selon la règle de l'article 53 bis du Code judiciaire de sorte que le délai de trois mois prévu à l'article 371 du CIR 92 dans une application conforme à l'arrêt de la Cour constitutionnelle commence à courir depuis le troisième jour ouvrable qui suit celui où l'avis d'imposition ou l'avertissement-extrait de rôle a été remis aux services de la poste, sauf preuve contraire du destinataire ;

Que l'article 371 du CIR n'a été déclaré inconstitutionnel qu' « en ce qu'il dispose que le délai de recours court à partir de la date d'envoi figurant sur l'avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation » et qu'il ne l'est pas si l'on tient compte du point de départ expressément cité par la Cour constitutionnelle, conforme à la règle de l'article 53 bis du Code judiciaire, qui peut être retenu pour la cotisation en cause ;

Qu'il ne s'agit pas d'appliquer cette disposition légale qui n'était d'ailleurs pas pas en vigueur en 2004 mais de présumer le jour où le destinataire a pu, en toute vraisemblance, avoir connaissance de l'avertissement-extrait de rôle, soit selon la Cour constitutionnelle, le troisième jour ouvrable qui suit celui où l'avis d'imposition ou l'avertissement-extrait de rôle a été remis aux services de la poste, sauf preuve contraire du destinataire, point de départ qui sera pris en considération ultérieurement par l'article 53 bis, 2° du Code judiciaire et d'ailleurs par l'article 371 du CIR 92 lui-même suite à l'intervention du législateur ;

Que le juge n'est pas dépourvu de toute possibilité de compléter la disposition légale déclarée contraire à la Constitution en fonction de l'arrêt de la Cour constitutionnelle et peut en particulier combler une insuffisance ou une lacune de la loi au regard des impératifs de la Constitution dans certaines hypothèses ;

Que l'on peut lire à cet égard :

« Le juge est tenu de remédier dans la mesure du possible à toute lacune de la loi qui viole les articles 10 et 11 de la Constitution dont la Cour constitutionnelle a constaté l'existence. Le juge ne peut pallier cette lacune que si celle-ci le permet. Ainsi, il peut et doit pallier la lacune s'il peut mettre fin à l'inconstitutionnalité en suppléant simplement à l'insuffisance de la disposition légale litigieuse dans le cadre des dispositions légales existantes, de manière à la rendre conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution. En revanche, il ne peut se substituer au législateur si la lacune est telle qu'elle exige nécessairement l'instauration d'une nouvelle règle qui doit faire l'objet d'une réévaluation des intérêts sociaux par le législateur ou qui requiert une modification d'une ou de plusieurs dispositions légales » (Cass. 03.11.2008, S.07.0013N, www. jure.juridat.just.fgov.be ; cf. également Cass. 28.10.2008, P.08.0706.N et Cass. 14.10.2008, P.08.1329.N., www.jure.juridat.just.fgov.be);

Que tel est du reste l'enseignement de la Cour constitutionnelle selon laquelle « c'est au juge a quo qu'il appartient, si la lacune est située dans le texte soumis à la Cour, de mettre fin à l'inconstitutionnalité constatée par celle-ci, lorsque ce constat est exprimé en des termes suffisamment précis et complets pour permettre que la disposition en cause soit appliquée dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution... » (C.C. 31.07.2008, arrêt n°111/208, B.10) ;

Qu'en l'espèce, la règle permettant de supprimer l'inconstitutionnalité est expressément relevée par la cour constitutionnelle, est suffisamment précise et complète et qu'il n'apparaît pas que le remède à l'inconstitutionnalité exige nécessairement l'instauration d'une nouvelle règle qui doit faire l'objet d'une réévaluation des intérêts sociaux par le législateur ou qui requiert une modification d'une ou de plusieurs dispositions légales de sorte qu'il est possible de mettre fin à l'inconstitutionnalité en se bornant à compléter la disposition légale, ce que le juge a non seulement le pouvoir mais le devoir de faire à propos d'une disposition de procédure qui ne concerne pas l'impôt lui-même auquel s'applique le principe de légalité visé aux articles 170 et 172 de la Constitution ;

Que la réclamation du 12 mars 2007 reste tardive si on calcule le délai de trois mois depuis le troisième jour ouvrable qui suit celui où l'avertissement-extrait de rôle a été confié aux services de la poste dès lors que la cotisation litigieuse porte la date d'envoi du 24 septembre 2004, comme relevé ci-avant ;

Que les appelants contestent au stade judiciaire avoir reçu l'A.E.R. et considèrent par ailleurs que l'administration ne prouve ni l'envoi régulier de l'A.E.R., ni la date d'envoi du 24 septembre 2004 ;

Qu'en ce qui concerne la date à laquelle l'avertissement-extrait de rôle a été effectivement remis à la poste, il s'agit, sauf preuve contraire, de la date figurant sur l'avertissement-extrait de rôle lorsque l'envoi est régulier ;

Que l'on peut lire à cet égard :

« Attendu que le délai prévu à l'article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 dans lequel la réclamation doit être présentée, sous peine de déchéance, prend cours à partir du jour suivant l'envoi effectif de l'avertissement-extrait de rôle, lorsque cet envoi est régulier ; que sauf preuve contraire, cette date est la date figurant sur l'avertissement-extrait de rôle comme étant celle de l'envoi ; Que la simple allégation du redevable suivant laquelle l'avertissement-extrait de rôle n'a pas été envoyé ne peut avoir pour effet que l'administration qui soutient avoir effectué l'envoi de ce document à l'adresse exacte du redevable et dans les formes requises soit tenue d'apporter en outre la preuve de ce que l'envoi a effectivement eu lieu » (Cass. 15 juin 2001, F.J.F., 2002, n°2002/26) ;

Que l'avertissement-extrait de rôle a été régulièrement établi à l'adresse des appelants à 4257 BERLOZ rue de la Forge 20 où ils étaient inscrits sur les registres de la population et par pli simple, en l'absence d'exigence d'autres formes particulières d'envoi (cf. pièces IV/1 et VII/3 du dossier administratif) ;

Qu'il s'ensuit que la date figurant sur l'avertissement-extrait de rôle établi par l'intimé peut être présumée comme étant celle de l'envoi et que la preuve contraire qui incombe aux appelants n'est par ailleurs nullement rapportée en l'espèce ;

Qu'il est vrai que ceux-ci n'ont pas déposé de déclaration pour l'exercice en cause, n'ont pas répondu à la notification d'imposition d'office du 15 juin 2004 adressée par recommandé à l'adresse de taxation (cf. pièces IV/2 à 4 du dossier administratif) et n'invoquent d'ailleurs pas précisément la non-réception de l'A.E.R. dans leur réclamation (cf. pièce II/1 du dossier administratif) ;

Que les appelants soutiennent par ailleurs à tort que le respect des droits de la défense impose de faire courir le délai de réclamation à partir de la date de réception de l'A.E.R. dès lors qu'il a été relevé ci-avant que c'est « le jour où le destinataire a pu, en toute vraisemblance, en avoir connaissance », soit la date présumée de présentation chez le destinataire qu'il y a lieu de prendre en compte et non la date de réception effective et que tel est le cas en l'espèce, le délai étant calculé, ainsi que relevé ci-avant, selon la règle de l'article 53 bis du Code judiciaire précitée ;

Que les appelants n'invoquent et n'établissent a fortiori pas un problème spécifique d'acheminement du courrier dans leur commune à la période de l'envoi de l'A.E.R. et ne rapportent nullement la preuve contraire exigée, soit que le pli n'a pas été présenté à leur domicile par la poste dans le délai de trois jours ouvrables ;

Qu'il s'ensuit que les appelants n'établissent pas avoir introduit une réclamation dans le délai légal en ce qui concerne la cotisation litigieuse, ce qui entraine l'irrecevabilité de l'action judiciaire en tant qu'elle fait suite à une réclamation ;

Que par ailleurs, le recours administratif en tant que demande de dégrèvement d'office est également irrecevable puisque le délai de « trois ans à partir du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'impôt a été établi » visé à l'article 376 § 1er du CIR 92 en sa version applicable invoqué par les appelants, soit à partir du 1er janvier 2004, était largement échu lors de l'introduction du recours administratif en date du 12 mars 2007 (cf. pièces II/1 et IV/1 du dossier administratif) ;

Que le fait que le délai de 3 ans ait été porté à 5 ans par la loi du 22 décembre 2008 entrée en vigueur le 29 décembre 2008 en vertu de l'article 193 de la loi est sans incidence dès lors que le délai de trois ans était échu depuis le 1er janvier 2007, soit antérieurement à la modification du délai et que le recours administratif préalable que constitue le dégrèvement d'office n'a pas été introduit dans le délai légal ;

Que l'intimé liquide ses dépens d'appel à l'indemnité de procédure de base de 1.230 euros pour litiges non évaluables en argent mais que seule l'indemnité minimale de 82,50 euros sera allouée, les appelants bénéficiant de l'aide juridique de deuxième ligne.

Quant à la recevabilité de l'intervention forcée en garantie

Attendu qu'une action en intervention et garantie qui est subordonnée à la demande principale est accessoire à cette dernière et ne peut subsister comme demande principale lorsque la demande principale introductive d'instance est déclarée irrecevable (cf. Cass. 11.03.1991, Pas. 1991, I, p.639) ;

Que tel est le cas en l'espèce de l'action en garantie introduite par les appelants à l'encontre de leur comptable, laquelle doit être déclarée irrecevable en raison de l'irrecevabilité de la demande principale ;

PAR CES MOTIFS :

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935,

La Cour,

Statuant contradictoirement,

- Ordonne la jonction des causes portant les numéros 2010/RG/1386 et 2011/RG/571.

- Dit les appels recevables mais non fondés.

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

- Condamne les appelants aux dépens d'appel liquidés dans le chef de l'Etat belge à 82,50 euros et non liquidés dans le chef de B. Patrick.

Ainsi jugé et délibéré par la NEUVIÈME chambre de la cour d'appel de Liège, où siégeaient le président Jean-Pierre AERTS et les conseillers Jean Michel GOUTIER et Philippe GARZANITI et prononcé en audience publique du 18 décembre 2013 par le président Jean-Pierre AERTS, avec l'assistance du greffier Marion JANSSEN.