Cour du Travail: Arrêt du 10 décembre 2013 (Mons (Mons)). RG 2013/AM/264

Date :
10-12-2013
Language :
French
Size :
5 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20131210-9
Role number :
2013/AM/264

Summary :

La transaction est un contrat qui a essentiellement pour but de mettre fin à un litige. En le concluant, les parties vident la contestation, et s'interdisent par conséquent de la faire renaître. Si l'une des parties manque à cette obligation, l'autre disposera d'une exception péremptoire : l'exception de transaction qui paralysera toute demande de ce chef. Par ce contrat, le litige a, en réalité disparu, et il n'existe plus, en ses lieu et place, qu'un droit à l'exécution de la transaction c'est-à-dire du contrat qui s'est substitué à lui.

Arrêt :

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COUR DU TRAVAIL DE MONS

ARRET

AUDIENCE PUBLIQUE DU 10 DECEMBRE 2013

R.G. 2013/AM/264

3ème Chambre

Contrat de travail - Employé - Exception de transaction.

Article 578 du Code judiciaire.

Arrêt contradictoire, définitif quant à l'appel principal, ordonnant la réouverture des débats avant de statuer sur l'appel incident.

EN CAUSE DE :

La S.P.R.L. W. LOGISTICS, dont le siège social est établi à ...........

Appelante, comparaissant par son conseil Maître Witmeur, avocate à 1200 Bruxelles ;

CONTRE :

C. Marc, domicilié à .........

Intimé, comparaissant par son conseil Maître P. Gillain, avocat à Charleroi ;

*******

La cour du travail, après en avoir délibéré, rend ce jour l'arrêt suivant :

Vu les pièces de la procédure, et notamment la requête d'appel reçue en télécopie au greffe de la cour le 20 juin 2013, dirigée contre le jugement prononcé le 15 avril 2013 par le tribunal du travail de Charleroi, section de Charleroi ;

Vu les conclusions des parties ;

Vu les dossiers des parties ;

Entendu les conseils des parties en leurs plaidoiries à l'audience publique du 26 novembre 2013 ;

* * * *

M. Marc C. est entré au service de la SA TRANSPORT W. en date du 1er avril 2008, en qualité de responsable d'exploitation. Son contrat a été transféré à la SPRL W. LOGISTICS en date du 30 juin 2010.

Par courrier soumis à la recommandation postale le 3 janvier 2012, reçu par M. Marc C. le 6 janvier, la SPRL W. LOGISTICS a mis fin au contrat de travail pour faute grave, sans préavis ni indemnité.

Par citation du 10 mai 2012, M. Marc C. a poursuivi devant le tribunal du travail de Charleroi la condamnation de la SPRL W. LOGISTICS au paiement de :

- la somme brute de 27.942,38 euro au titre d'indemnité de rupture correspondant à 5 mois de rémunération, à augmenter des intérêts au taux légal à dater du 3 janvier 2012 ;

- la somme imposable de 25.000 euro au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, à augmenter des intérêts moratoires à dater du 20 janvier 2012 ;

- la somme nette de 3.725,40 euro au titre de retenue indue de précompte professionnel, à augmenter des intérêts moratoires à dater du 21 janvier 2012.

Par conclusions déposées les 6 août 2012 et 1er février 2013, la SPRL W. LOGISTICS a introduit une demande reconventionnelle ayant pour objet la condamnation de M. Marc C. au paiement des sommes suivantes :

- 15.000 euro pour pratiques déloyales et propos diffamatoires ;

- 2.482,02 euro au titre de remboursement de frais privés payés au moyen d'une carte Visa ;

- 500 euro au titre de remboursement de franchise suite à un accident causé par M. Marc C. ;

- 3.300 euro au titre de participation à un congrès à Londres, à des fins privées.

Par jugement prononcé le 15 avril 2013, le premier juge a :

- en ce qui concerne la demande principale : fait droit aux chefs de demande relatifs à l'indemnité de rupture et aux dommages et intérêts pour licenciement abusif et débouté M. Marc C. du surplus de sa demande ;

- en ce qui concerne la demande reconventionnelle : déclaré prescrits les chefs de demande relatifs au remboursement d'une franchise de 500 euro et de la somme de 3.300 euro et débouté la SPRL W. LOGISTICS pour le surplus ;

- condamné la SPRL W. LOGISTICS aux frais et dépens de l'instance fixés à la somme de 2.935,24 euro ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sans possibilité de cantonnement.

* * * *

La SPRL W. LOGISTICS a interjeté appel de ce jugement par requête déposée le 20 juin 2013.

Cet appel, régulier en la forme et introduit dans le délai légal, est recevable.

En terme de requête d'appel la SPRL W. LOGISTICS demandait à la cour de déclarer la demande originaire non fondée et de la décharger des condamnations prononcées contre elle, et par ailleurs de condamner M. Marc C. à lui payer la somme provisionnelle de 1 euro au titre de dommages et intérêts pour pratiques déloyales et propos diffamatoires.

En date du 22 août 2013, les parties ont conclu une convention de transaction dont le contenu est reproduit ci-dessous :

«

CONVENTION

ENTRE :

La SPRL W. LOGISTICS, BCE 0463........, dont le siège social est établi rue ........... à ........

ET :

Monsieur Marc C., employé, domicilié .....................

IL EST EXPOSE QUE :

Le Tribunal du Travail de Charleroi a rendu un jugement en date du 15 avril 2013, condamnant la SPRL W. LOGISTICS au paiement de 27.942,38 EUR bruts à titre d'indemnité compensatoire de préavis, 25.000 EUR à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, outre les intérêts tels que précisés au dispositif du jugement et 2.935,24 EUR à titre de dépens de première instance. Le jugement est exécutoire.

Monsieur C. a été débouté de sa demande tendant au remboursement du montant de 3.725,4 EUR qui avait été retenu sur sa rémunération de janvier 2012.

La SPRL W. LOGISITICS a été déboutée de sa demande reconventionnelle.

Une requête d'appel a été introduite par la SPRL W. LOGISTICS le 20 juin 2013 contre tous les volets de la décision qui lui étaient défavorables.

De son côté Monsieur C. entend former appel incident du volet du jugement ayant rejeté sa demande.

En date du 1er août 2013, M. Marc C. a fait pratiquer une saisie-exécution mobilière sur le matériel informatique et le matériel de bureau de W. LOGISTICS.

Les parties ont décidé de mettre fin amiablement à tout litige entre elles,

IL EST CONVENU CE OUI SUIT :

Article 1

Les dommages et intérêts à titre de licenciement abusif sont maintenus à hauteur de 25.000 EUR forfaitaires et W. LOGISTICS se désiste définitivement et irrévocablement de son appel principal à ce sujet.

Moyennant le parfait règlement de cette indemnité selon le plan de paiement défini à l'article 6 de la présente convention, Monsieur C. renonce aux intérêts alloués sur cette somme.

Article 2

L'indemnité de dédit est ramenée à l'équivalent de trois mois de préavis, soit 16.765,42 EUR bruts, à augmenter des intérêts au taux légal depuis le 3 janvier 2012 et W. LOGISTICS se désiste définitivement et irrévocablement de son appel principal contestant l'octroi d'une indemnité de rupture à Monsieur C..

Faute d'un parfait règlement de cette indemnité selon le plan de paiement défini à l'article 6 de la présente convention, Monsieur C. conserve le droit intégral à 1'indemnité, de rupture de 5 mois de préavis allouée par le premier juge, outre les intérêts.

Article3

M. Marc C. revendique l'exonération du précompte professionnel sur base de son régime de travailleur frontalier.

M. C. a transmis la preuve qu'il bénéficie de l'exonération du précompte professionnel à titre de travailleur frontalier.

La SPRL W. LOGISTICS remboursera à M. C. le montant de 3.725,40 EUR qui avait été retenu sur sa rémunération de janvier 2012, Monsieur C. renonçant de son côté aux intérêts sur cette somme.

De même la retenue de précompte ne sera pas pratiquée sur les indemnités accordées en vertu des articles 1 et 2.

Article 4

La SPRL W. LOGISTICS se désiste également définitivement et irrévocablement de son appel principal tendant à la réformation du jugement rejetant sa demande reconventionnelle contre Monsieur C..

Elle lui remboursera les dépens des instances, soit :

- dépens taxés au jugement : 2.935,24 EUR

- expédition : 14,45 EUR

- signification : 322,90 EUR

- saisie-exécution mobilière : 361,91 EUR

- dépens d'appel : 1.100,00 EUR

- TOTAL 4.734,50 EUR

Article 5

La SPRL W. LOGISTICS paiera sur le compte-tiers du conseil de M. C., soit le compte BE95 6300 4417 3758 de Maître Pierre Gillain, rue Tumelaire, 23, à 6000 Charleroi, 10.000 EUR nets dans les trois jours ouvrables de la signature de la convention et encore 10.000 EUR nets pour le 5 septembre 2013, ces deux acomptes étant à imputer sur les dommages et intérêts à titre de licenciement abusif.

Le solde final sera réglé pour le 30 septembre 2013 au plus tard.

Article 6

Moyennant parfaite exécution de la présente convention, les parties renoncent, l'une à l'égard de l'autre, à toute réclamation à quelque titre que ce soit. De la sorte, M. C. s'engage à ces conditions irrévocablement à donner mainlevée de la saisie-exécution mobilière en cours.

La présente constitue en outre une renonciation des parties à se prévaloir de toute erreur de fait ou de droit, ou de toute omission quelconque.

La nullité éventuelle d'une des clauses de la présente convention n'affecte pas la validité de l'ensemble de celle-ci, les autres clauses demeurant d'application.

Toute difficulté relative à l'interprétation et/ou l'exécution de la présente convention sera de la compétence de la Cour du travail de Mons, saisie de la cause par l'appel principal de W. LOGISTICS.

En cas d'exécution parfaite de la présente convention, les parties solliciteront la radiation de cette affaire.

Fait à Courcelles, le 22 août 2013

En double exemplaire, dont chaque partie reconnaît avoir reçu le sien.

Marc C. Pour la SPRL W. LOGISTICS »

La SPRL W. LOGISTICS a exécuté très partiellement cette convention de transaction en effectuant deux versements de 10.000 euro , en date des 3 septembre et 9 septembre 2013.

M. Marc C. a mis en œuvre l'exécution provisoire qui a été accordée par le jugement entrepris.

Par conclusions déposées le 22 novembre 2013, la SPRL W. LOGISTICS sollicite la cour de lui accorder des termes et délais à concurrence de 3.000 euro par mois « à valoir sur le compte liquidatif des sommes revenant à M. C. ».

M. Marc C. oppose l'exception de transaction et demande que soit acté le désistement de la SPRL W. LOGISTICS de son appel principal.

Il entend par ailleurs que l'appel incident qu'il a introduit par conclusions du 21 octobre 2013 soit déclaré recevable et fondé et que la SPRL W. LOGISTICS soit en conséquence condamnée au paiement de la somme nette de 3.725,40 euro au titre de retenue indue de précompte professionnel.

* * * *

Aux termes de l'article 2044 du Code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

La transaction fait naître deux obligations principales : exécuter les clauses et conditions auxquelles la transaction a été conclue ; respecter l'arrangement intervenu, en tant qu'il termine définitivement la contestation. Ces deux obligations sont corrélatives. La deuxième obligation - qui est une obligation de ne pas faire - se caractérise habituellement en doctrine par ce qu'on appelle l'effet extinctif de la transaction. Elle est évidente par elle-même. La transaction est un contrat qui a essentiellement pour but de mettre fin à un litige. En le concluant, les parties vident la contestation, et s'interdisent par conséquent de la faire renaître. Si l'une des parties manque à cette obligation, l'autre disposera d'une exception péremptoire : l'exception de transaction qui paralysera toute demande de ce chef. En faisant renaître le litige, on contredirait directement, en effet, au contrat qui a été conclu. Par ce contrat, le litige a, en réalité disparu, et il n'existe plus, en ses lieu et place, qu'un droit à l'exécution de la transaction c'est-à-dire du contrat qui s'est substitué à lui. C'est cette idée fondamentale que l'article 2052 exprime en disant que les transactions ont, entre parties, l'autorité de la chose jugée. Elles ne sont pas des jugements et, à ce titre, elles ne donnent pas naissance à l'exception « de chose jugée ». Mais en tant que vidant un litige sans jugement, elles font naître l'exception de transaction qui - c'est le seul point commun - se reconnaît aux mêmes critères (identité d'objet, de cause et de parties) que l'exception de chose jugée (H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, Bruylant, 1975, Tome V, n° 508).

* * * *

Par la convention de transaction conclue le 22 août 2013, les parties ont entendu mettre fin à l'instance d'appel. La SPRL W. LOGISTICS s'est désistée définitivement et irrévocablement de son appel et il a été convenu qu'à défaut du respect par celle-ci du plan de paiement défini à l'article 6, M. Marc C. conservera les droits qui lui ont été reconnus par le jugement entrepris (articles 1 et 2 de la convention).

Dans ses conclusions d'appel déposées postérieurement à la conclusion de la transaction, la SPRL W. LOGISTICS déclare qu'elle n'a pas d'autre issue que de se référer à justice quant aux montants accordés par le jugement entrepris et quant à la somme de 3.725,40 euro , et sollicite par ailleurs les termes et délais tels que précisés ci-dessus.

Cette demande de termes et délais ne peut être accueillie. En effet, par l'effet de la transaction, l'appel a été vidé de son objet et la saisine de la cour a pris fin.

Se pose pour les mêmes motifs la question de la recevabilité de l'appel incident formé par conclusions du 21 octobre 2013. Il faut rappeler que l'exception de transaction a pour effet de faire substituer le droit à l'exécution de la transaction au droit au procès et que, dans l'hypothèse où l'une des parties n'exécute pas la transaction, l'autre partie dispose du droit à l'exécution forcée. La question n'ayant pas été évoquée en ces termes, la réouverture des débats s'impose pour permettre aux parties de s'en expliquer.

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PAR CES MOTIFS,

La cour du travail,

Statuant contradictoirement,

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, notamment l'article 24,

Reçoit l'appel principal ;

Faisant droit à l'exception de transaction, constate que cet appel est devenu sans objet et déclare irrecevable la demande de termes et délais de la SPRL W. LOGISTICS ;

Avant de statuer quant à la recevabilité de l'appel incident, ordonne d'office la réouverture des débats aux fins précisées aux motifs du présent arrêt ;

Dit qu'en application des dispositions de l'article 775 du Code judiciaire, les observations des parties devront être échangées et déposées au greffe dans le respect du calendrier suivant de mise en état de la cause :

• La SPRL W. LOGISTICS déposera au greffe et adressera à la partie adverse ses conclusions le 28 janvier 2014 au plus tard.

• M. Marc C. déposera au greffe et adressera à la partie adverse ses conclusions le 25 février 2014 au plus tard.

FIXONS la cause pour plaidoiries à l'audience publique du 22 AVRIL 2014 de 15 heures 30' à 16 heures devant la 3ème chambre de la Cour, siégeant en la salle G des « Cours de Justice », rue des Droits de l'Homme n°1 (anciennement rue du Marché au Bétail), à 7000 Mons.

Ainsi jugé et prononcé, en langue française, à l'audience publique du 10 décembre 2013 par le Président de la 3ème Chambre de la cour du travail de Mons composée de :

J. BAUDART, Mme, Président,

Ph. EVRARD, Conseiller social suppléant au titre d'employeur,

J. BOCKLANT, Conseiller social au titre de travailleur employé,

S. BARME, Greffier.

qui en ont préalablement signé la minute.