Cour du Travail: Arrêt du 3 mars 2010 (Mons (Mons)). RG 19373

Date :
03-03-2010
Language :
French
Size :
9 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-20100303-6
Role number :
19373

Summary :

Pour obtenir les indemnités d'incapacité de travail sur base de l'article 100 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, il est requis qu'au moment de l'entrée sur le marché du travail, l'assuré social justifie d'une capacité de gain de plus d'un tiers : l'aggravation de l'état de santé qui réduit à néant une capacité de gain déjà inexistante au regard des critères présentés par l'article 100 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 n'ouvre évidemment pas le droit au bénéfice des indemnités prévues par cette législation. La jurisprudence exige des personnes présentant un handicap ou une affection congénitale la preuve d'une réelle insertion sur le marché du travail et non la preuve d'essais de mises travail qui se sont révélées non concluantes.

Arrêt :

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Cour du travail de Mons

ARRET

AUDIENCE PUBLIQUE DU 3 MARS 2010

R.G. 2004.AM.19.373

4ème Chambre

Sécurité sociale des travailleurs salariés.

Assurance maladie invalidité obligatoire - Etat antérieur - Article 100 § 1 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 - Preuve d'une capacité de gain au moment de l'entrée sur le marché du travail - Expertise médicale requise aux fins de départager les opinions médicales divergentes

Article 580, 2° du Code judiciaire.

Arrêt contradictoire, ordonnant une mesure d'expertise médicale.

EN CAUSE DE :

L'UNION NATIONALE DES MUTUALITES LIBRES, en abrégé UNML, organisme assureur dont le siège social est sis rue de Saint-Hubert, n° 19 à 1150 Bruxelles ;

Appelante, comparaissant par Maître Grard loco Maître Pinchart, avocat à Mons ;

CONTRE :

D. C., domicilié à .....

Intimé, comparaissant par son conseil Pourbaix, avocat à Boussu ;

*******

La Cour du travail, après en avoir délibéré, rend ce jour l'arrêt suivant :

Vu, produites en forme régulière, les pièces de la procédure légalement requises, et notamment la copie conforme du jugement déféré ;

Vu, en original, l'acte d'appel établi en requête déposée au greffe de la Cour le 29 septembre 2004 et visant à la réformation d'un jugement contradictoire prononcé le 3 septembre 2004 par le tribunal du travail de Mons, section de Mons ;

Vu, pour l'intimé, les conclusions reçues au greffe le 19 avril 2005 ;

Vu, pour l'appelante, les conclusions reçues au greffe le 6 août 2009 ;

Entendu les conseils des parties, en leurs dires et moyens, à l'audience publique du 3 février 2010 ;

Entendu le Ministère public en son avis oral émis à ladite audience publique auquel aucune des parties n'a répliqué ;

Vu les dossiers des parties ;

* * *

RECEVABILITE :

Par requête d'appel déposée au greffe le 29 septembre 2004, l'UNML a relevé appel d'un jugement contradictoire prononcé le 3 septembre 2004 par le Tribunal du travail de Mons, section de Mons.

L'appel, élevé à l'encontre de ce jugement, a été introduit dans les formes et délais légaux et est, partant recevable.

FONDEMENT :

1. Faits et rétroactes de la procédure.

Il appert des éléments auxquels la Cour de céans peut avoir égard que Monsieur D., né le ..., présente un passé professionnel qui peut être résumé comme suit :

- du 5 juillet 1974 au 5 décembre 1974 : garçon de courses aux Ets Battard à Pommeroeul ;

- de 1974 à 1978 : à charge de l'ONEm ;

- de janvier 1979 à septembre 1979 : formation professionnelle au Forem en qualité de monteur en chauffage central ;

- de septembre 1979 à septembre 1980 : à charge de l'ONEm. ;

- de septembre 1980 à octobre 1999 : à charge de son organisme assrueur ;

- d'octobre 1999 à février 2000 : à charge de l'ONEm. ;

Monsieur D.a été reconnu en état d'incapacité de travail à partir du 23 février 2000 pour « troubles dépressifs ».

En date du 8 septembre 2000, le médecin-conseil de l'UNML, après avoir pris connaissance d'un rapport d'expertise dressé par le docteur Charles, neuropsychiatre, estima qu'à partir du 11 septembre 2000, Monsieur D. n'était plus incapable de travailler au sens de l'article 100 de la loi relative à l'assurance maladie-invalidité obligatoire dans la mesure où la cessation de ses activités n'était plus la conséquence directe du début de l'aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels.

Selon le médecin-conseil de l'UNML, Monsieur D. n'a jamais eu de capacité de gain, son incapacité reconnue par le passé procédant d'un état pathologique préexistant à son entrée sur le marché du travail.

Monsieur D. contesta cette décision par requête adressée au greffe du Tribunal du travail de Mons le 14 septembre 2000 estimant présenter à la date litigieuse du 11 septembre 2000 une perte de capacité de grain supérieure à 66 %.

Aux termes d'un premier jugement prononcé le 27 mai 2003, le premier juge ordonna une mesure d'expertise médicale classique confiée au docteur Jocquet.

Aux termes de son rapport dressé le 19 février 2004, l'expert développa les conclusions suivantes : « Du bilan médicopsychologique réalisé, il ressort qu'à la date du 11 septembre 2000, postérieurement et actuellement encore, Monsieur D. présentait le degré d'incapacité de travail prévu par l'article 100de la loi relative à l'AMI ».

Aux termes du jugement dont appel, le premier juge, après s'être estimé suffisamment informé, entérina le rapport d'expertise, déclara la demande fondée et mit à néant la décision administrative querellée prise par l'UNML.

L'UNML interjeta appel de ce jugement.

GRIEFS ELEVES A L'ENCONTRE DU JUGEMENT QUERELLE :

L'UNML soutient que Monsieur D .n'a jamais été apte au travail normal dès lors qu'avant le début de ses activités professionnelles, il souffrait déjà d'une perte de capacité de gain.

Se fondant, à cet effet, sur le rapport du docteur Charles, neuropsychiatre, mandaté par ses soins pour examiner le degré de capacité de gain de Monsieur D., qui a estimé, aux termes de ses conclusions arrêtées le 6 septembre 2000, « qu'on ne voyait pas comment cet homme pourrait fonctionner dans un milieu professionnel qu'il soit normal ou protégé », l'UNML considère qu'en l'espèce le lieu causal exigé entre la cessation de toute activité et le début de l'aggravation des lésions ou des troubles fonctionnels entraînant une réduction de capacité de gain n'était pas rempli par Monsieur D., lequel présentait, depuis de nombreuses années, une inaptitude préalable au travail.

L'UNML sollicite la réformation du jugement dont appel et, partant, la confirmation de la décision administrative querellée prise le 8 septembre 2000 mais ne s'oppose pas, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert médecin aux fins de départager les opinions médicales divergentes.

POSITION DE MONSIEUR D.:

Monsieur D. soutient que dans la mesure où il a travaillé après la fin de ses études, il a dû disposer d'une capacité de travail normale.

En outre, Monsieur D. relève que dans le rapport dressé par le docteur Charles, neuropsychiatre, mandaté par l'UNML pour l'examiner, il est fait explicitement mention d'une aggravation, au fil des décennies, des troubles de la personnalité dont il souffre de telle sorte que les critères de l'article 100 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 sont rencontrés pour qu'il soit reconnu bénéficiaire des indemnités d'incapacité de travail.

Monsieur D. sollicite, à titre principal, la confirmation du jugement dont appel mais, à titre subsidiaire, ne s'oppose pas à une mesure d'expertise médicale.

DISCUSSION - EN DROIT :

L'UNML considère que la cessation d'activité de Monsieur D. qui a engendré la reconnaissance de son état d'incapacité à partir de 1980 ne constitue par la conséquence directe du début ou de l'aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels mais, au contraire, la conséquence directe d'un état pathologique préexistant à son entrée sur le marche du travail et entend s'appuyer, à cet effet, sur les conclusions du rapport d'expertise dressé par le neuropsychiatre mandaté par ses soins pour examiner Monsieur D., à savoir le docteur Charles, pour conforter sa thèse. Le docteur Charles a, en effet, aux termes de son rapport rédigé le 6 septembre 2000, fait valoir ce qui suit : « L'intéressé est capable de travailler mais devra inévitablement faire l'objet d'un milieu ou d'un employeur bienveillant : c'est la raison pour laquelle, vu la durée de l'affection (névrose d'angoisse existant depuis de très nombreuses années) sa chronification, l'amplification de la symptomatologie et le trouble de la personnalité qui y est liée, ma suggestion serait effectivement l'introduction d'un dossier au niveau FNRSH et /ou AWIPH et que l'intéressé puisse émarger à ces structures et non pluss au milieu du travail « normal » qu' »il n'a jamais été à même d'aborder et ce bien que la perte des capacités d'autonomie soit limitée (2/18) ».

Sans l'avouer explicitement, l'UNML reconnaît, partant, que son médecin-conseil a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la gestion du dossier d'incapacité de travail de Monsieur D. en le reconnaissant pendant près de vingt années (!) (de 1980à 1999 et du 23 février 2000 au 10 septembre 2000) incapable de travailler au regard des conditions légales prescrites par la législation relative à l'assurance maladie-invalidité obligatoire.

La Cour de céans estime que lorsqu'une erreur se trouve à l'origine de la décision d'une autorité administrative, rien n'empêche ladite autorité de procéder à la révision de cette décision.

Lorsque l'erreur est imputable à l'autorité administrative, la décision de révision, une fois portée à la connaissance de l'assuré social, ne peut avoir d'effet que pour l'avenir.

S'agissant en l'espèce d'une matière relevant d'une législation d'ordre public, il ne pourrait se concevoir qu'une situation médicale non conforme aux principes d'intervention de l'assurant maladie invalidité puisse indéfiniment se maintenir au profit d'un assuré social.

En effet, il n'existe pas en droit belge, de droit pour l'assuré social à voir se perpétuer indéfiniment à son profit les effets d'une décision erronée (Cass., 3 mai 1993, JTT 1994, p. 8 et C.T. Mons, 26 avril 2006, R.G. 19.623, inédit).

Un travailleur ne peut effectivement être reconnu comme incapable au sens de l'article 100 susvisé si son état de santé au moment de l'interruption de travail ne s'est pas aggravé par rapport à celui qui existait au début de son occupation ; l'exigence de ce lien de cause à effet entre la cessation de toute activité et la survenance de lésions empêche, ainsi, que des personnes dont la capacité de gain était déjà réduite au début de leur occupation en raison d'un « état antérieur » puissent être reconnues incapables sans aggravation de leur état de santé (guide Social Permanent, Titre IV, Ch. II, p. 214, n° 470 et ss).

Cela signifie que si un assuré social débute une activité professionnelle alors qu'il présente une réduction de sa capacité de gain inférieure à 66 %, il ne pourra être reconnu en incapacité de travail que si la cessation de l'activité résulte soit d'une aggravation de cet état de santé antérieur, soit de la survenance d'une nouvelle affection entraînant une réduction des deux tiers de sa capacité de gain.

Ainsi, pour obtenir des indemnités d'incapacité de travail sur base de l'article 100 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, il est requis qu'au moment de l'entrée sur le marché du travail, l'assuré social justifie d'une capacité de gain de plus d'un tiers : l'aggravation de l'état de santé qui réduit à néant une capacité de gain déjà inexistante au regard des critères présentés par l'article 100 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 n'ouvre évidemment pas le droit au bénéfice des indemnités prévues par cette législation.

On ne peut évidemment perdre une seconde fois une incapacité de travail qu'on avait déjà perdue par le passé (Cass., 3 mars 1988, Arr. Cass., 1985-86, p. 907 : « Men kan immers geen tweede maal en arbeidsongeschikeid verliezen die men al verloren was").

Il est, toutefois, à noter que l'article 56 § 1 de la loi du 9 août 1963 dans sa rédaction initiale, n'imposait que deux conditions à la reconnaissance de l'incapacité de travail : avoir cessé toute activité et être atteint de lésions ou de troubles fonctionnels réduisant la capacité de gain de 2/3.

Appliquant strictement cette définition, la Cour de cassation a précisé que « la définition de l'incapacité de travail donnée à l'article 56 ne faisait pas de distinction selon la cause des lésions ou des troubles fonctionnels qui y étaient visés, ni selon l'état de santé antérieur du travailleur. Si l'assuré a interrompu toute activité, il n'y a pas lieu de tenir compte du fait que l'intéressé a travaillé, par le passé, nonobstant le fait qu'il présentait déjà à cette époque les mêmes lésions et troubles fonctionnels, et dans la même mesure » (Cass., 26 mars 1979, Pas., I, p. 877).

Pour parer à cette interprétation qu'il qualifie de « littérale», le législateur de pouvoirs spéciaux (A.R. n° 22 du 23 mars 1982) : voyez le rapport au Roi précédant cet arrêté royal de pouvoirs spéciaux) a entendu compléter le libellé de l'article 56 pour éviter que soient reconnus incapables de travailler les assurés sont la capacité de gain était déjà fortement réduite au moment de leur engagement et dont la cessation de ladite activité n'était pas la suite de la détérioration de leur état de santé.

C'est depuis la modification de l'article 56 § 1 de la loi du 9 août 1963 par l'arrêté royal n° 22 du 23 mars 1982 que cette disposition légale subordonne la reconnaissance de l'état d'incapacité de travail à la réunion de trois conditions :

1. le travailleur doit avoir cessé toute activité ;

2. la cessation de celle-ci doit être la conséquence du début ou de l'aggravation des lésions ou de troubles fonctionnels ;

3. le travailleur doit subir une réduction des 2/3 tiers de sa capacité de gain.

Cependant, pour déterminer la réduction de la capacité de gain, il s'impose de considérer l'ensemble des lésions et troubles fonctionnels présentés au moment de l'interruption de travail et non seulement les lésions ou troubles fonctionnels nouveaux ou l'aggravation qui est la cause directe de l'interruption de travail (Cass., 1er octobre 1990, Chr. Dr. Soc., 1991, p. 111 ; S. HOSTAUX, « Le droit de l'assurance soins de santé et indemnités » Larcier, Droit social, 2009, p. 257).

Déterminer si l'interruption de l'activité constitue la conséquence directe d'une aggravation de l'état de santé ne pose guère de problème lorsqu'au début de la période d'incapacité, la personne était effectivement au travail ou, à tout le moins, lorsqu'elle a eu, au cours de la même période d'assurance, des périodes d'activité établissant qu'à un moment donné elle a été apte au travail.

Néanmoins, la jurisprudence exige des personnes présentant un handicap ou une affection congénitale la preuve d'une réelle insertion sur le marché du travail et non la preuve d'essais de mise au travail qui se sont révélées non concluantes : à cet effet, il a été jugé que de courtes périodes d'emploi dans le cadre d'un travail intérimaire ne constituaient pas la preuve d'une capacité de gain préalable et suffisant sur le marché du travail régulier (C.T. Anvers, 26 avril 2005, Bull. INAMI, 2005/4, p. 457 ; C.T. Liège (section Neufchâteau), 3 juin 2008, Bull. INAMI, 2008/4, p. 578 ; voyez aussi S. HOSTAUX, op. cit., p. 260).

D'autre part, le bénéfice d'allocations de chômage n'établit pas davantage en soi l'aptitude au travail. « L'octroi d'allocations de chômage requiert d'être apte au travail selon les critères de l'assurance maladie mais cette condition n'est pas contrôlée systématiquement à l'entrée du chômage « note P. PALSTERMAN. « L'accomplissement d'une période de chômage ne suffit donc pas à démontrer qu'on était apte au travail » conclut-il (P. PALSTERMAN « L'incapacité de travail des travailleurs salariés dans le droit belge de la sécurité sociale : approche transversale » Chr. D. Soc., 2004, p. 311).

Pour apprécier l'existence d'une aptitude au travail avant l'entrée sur le marché de l'emploi, la Cour de céans considère qu'il s'impose :

a) de déterminer avec précision l'époque à prendre en considération, c'est-à-dire l'entrée effective ou présumée sur ce que l'on désigne communément le « marché du travail » ;

b) d'examiner si, après cette date d'entrée sur « le marche du travail », l'intéressé à :

- soit apporté la démonstration de l'exécution par ses soins de prestations de travail conséquentes :

- soit apporté la démonstration par des éléments médicaux circonstanciés que la survenance du moment de l'aggravation invalidante de son état est postérieure à l'époque de l'entrée sur le « marché du travail » et que, corrélativement, il a présenté une capacité suffisante entre le moment de son entrée sur le « marché de l'emploi » et celui où l'affection est devenue invalidante ;

En l'espèce, bien que la Cour de céans soit parfaitement consciente que les conditions légales de reconnaissance de l'état d'incapacité de travail au moment de l'entrée de Monsieur D. sur le « marché du travail » en 1974 étaient différentes de celles qui furent imposées par l'arrêté royal n° 22 du 23 mars 1982 modifiant l'article 56 de la loi du 9 août 1963, elle considère, néanmoins, que deux éléments sont susceptibles d'accréditer la thèse défendue par Monsieur D. selon laquelle il présentait un état d'aptitude préalable au travail ;

a) Monsieur D. accompli des prestations de travail classiques pendant 5 mois et a été licencié pour motif grave le 5 décembre 1974 sur base du double motif suivant : « il ne donnait pas satisfactions » et a été surpris en train de circuler à vélo alors qu'il était malade et couvert par un certificat médical interdisant toute sortie (pièce 2 dossier Monsieur D.). Monsieur D.a immédiatement, après son licenciement, émargé à l'ONEm ;

b) le rapport d'expertise médicale dressé par le docteur Charles, neuropsychiatre mandaté par l'UNML en mai 2000 aux fins de réaliser un bilan neuropsychiatrique de Monsieur D. fait explicitement état (page 15 de son rapport) « d'une problématique psychiatrique ayant démarré vers l'âge de 18 ans par une attaque de panique », « d'un trouble de la personnalité qui s'est aggravé au fil des décennies (page 16), l'empêchant d'émarger au milieu de travail normal » ;

Sur base de ces éléments, la Cour de céans estime indispensable d'ordonner une mesure d'expertise médicale spécifiquement centrée sur la problématique de l'état pathologique préexistant à la reconnaissance de l'état d'incapacité de travail de Monsieur D. à partir du 23 février 2000 (date d'effet de la dernière décision de reconnaissance d'incapacité de travail par le médecin-conseil de l'UNML), ce que le premier juge a omis d'examiner dès lors qu'il s'est borné à confier au docteur Jocquet une mission d'expertise classique.

Très clairement, le médecin - expert désigné (qui appréciera l'opportunité de confier Monsieur D. à un expert psychiatre de son choix, soit pour qu'il soit soumis à un examen psychiatrique, soit pour solliciter un avis aux fins de déterminer la perte de capacité de gain de Monsieur D. eu égard à l'ensemble de ses pathologies) sera invité à se prononcer sur la double question suivante :

1. La cessation des activités de Monsieur D.(ou plutôt la cessation de sa prise en charge par l'ONEm) avec effet au 23 février 2000 est-elle la conséquence du début ou de l'aggravation de toutes les lésions ou de tous les troubles fonctionnels (en ce compris psychiatriques) objectivés ?

2. S'il devait être constaté que Monsieur D. ne souffrait pas d'un état pathologique préexistant à la reconnaissance de son état d'incapacité de travail avec effet au 23 février 2000 dans la mesure où la survenance de l'affection invalidante ou de son aggravation serait assurément postérieure à son entrée sur le « marché du travail », il conviendra dans cette hypothèse, que l'expert détermine la réduction de la capacité de gain de Monsieur D. à partir du 11 septembre 2000 et ultérieurement.

*******

Par ces motifs,

La Cour du travail,

Statuant contradictoirement,

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, notamment l'article 24,

Vu l'avis oral conforme de Madame le Substitut général M. Hermand ;

Reçoit l'appel ;

Le dit fondé en ce qu'il a lieu d'ordonner une mesure d'expertise médicale ;

Réforme le jugement déféré dans la mesure du fondement de l'appel ;

Avant dire droit quant au fondement de la demande originaire, ordonne une nouvelle expertise médicale et désigne, à cet effet, en qualité d'expert, le docteur MEGANCK, dont le cabinet est établi à 6040 Jumet, Chaussée de Fleurus, n° 37 ;

Lequel, après avoir convoqué les parties, s'être fait remettre toutes pièces utiles de manière contradictoire, aura pour mission :

- d'examiner Monsieur D.C..;

- de s'entourer de toutes les investigations utiles et, notamment de consulter les documents et dossiers médicaux fournis par les parties ainsi que par les médecins qui les assistent ;

- de décrire son état de santé et de dire si la cessation des activités de Monsieur D. avec effet au 23 février 2000 est ou non la conséquence du début ou de l'aggravation de toutes les lésions ou de tous les troubles fonctionnels (en ce compris psychiatriques) objectivés en décrivant ces derniers ;

- s'il devait être constaté que Monsieur D. ne souffrait pas d'un état pathologique préexistant à la reconnaissance de son état d'incapacité de travail au 23 février 2000 dans la mesure où la survenance de l'affection invalidante ou de son aggravation serait assurément postérieure à son entrée sur le « marché du travail », de déterminer si tous les troubles et lésions fonctionnels que présentent Monsieur D. au 11 septembre 2000 entraînaient ou non, à ce moment-là et ultérieurement une réduction de sa capacité de gain telle qu'elle est décrite par l'article 100 de la loi coordonnée le 14 Juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités ;

Dit que l'expert aura, dans cette dernière hypothèse, à apprécier l'éventuelle réduction de la capacité de gain de Monsieur D. par rapport au groupe de professions dans lesquelles se range l'activité professionnelle que pouvait exercer l'intéressé compte tenu de sa formation professionnelle tout en prenant en considération, notamment l'âge de Monsieur D., son sexe, les études qu'il a accomplies, sa formation professionnelle éventuelle, la nature des travaux que ladite formation lui permettait d'accomplir au cours de la période litigieuse, les exigences d'ordre physique et intellectuel qu'impliquent ces travaux, ainsi que les éléments médicaux du dossier au regard des professions que pouvait exercer Monsieur D.;

Dit que l'expert aura également dans cette dernière hypothèse, à donner son avis sur la durée de cette incapacité de travail s'il estime que celle-ci existait à la date litigieuse, et qu'il prendra soin d'apprécier l'opportunité de confier Monsieur D. à un expert psychiatre de son choix, soit pour qu'il soit soumis à un examen psychiatrique, soit pour solliciter un avis auprès d'un expert psychiatre aux fins d'examiner la répercussion des troubles psychiatriques présentés sur la détermination de la perte de capacité de gain de Monsieur D.;

Pour remplir sa mission, l'expert devra :

1° dans les huit jours de la réception de la copie du présent arrêt, soit refuser sa mission par une décision motivée, soit aviser les parties (par lettre recommandée) et la Cour et les conseils (par lettre missive) des lieu, jour et heure où il débutera ses travaux, en sollicitant des parties qu'elles se munissent de tous les documents pertinents et qu'elles se fassent assister, si elles le jugent utile, du médecin de leur choix ;

2° acter les constatations et observations des parties ;

3° dresser un rapport des réunions qu'il organise et l'envoyer en copie à la Cour, aux parties et aux conseils, par lettre missive, et, le cas échéant, aux parties qui ont fait défaut, par lettre recommandée ;

4° communiquer les « préliminaires » de son rapport, auxquels il est joint un avis provisoire, à la Cour, aux parties et à leurs conseils, en fixant à ceux-ci un délai d'un mois pour lui faire connaître leurs observations ;

5° reprendre ces observations (sauf si elles sont tardives) dans son rapport et les rencontrer ;

6° concilier les parties si faire se peut ; en cas de conciliation, déposer au greffe un constat de conciliation, les pièces et notes des parties et un état de frais et honoraires détaillé ; en adresser une copie, le même jour, par lettre recommandée, à chacune des parties et par lettre missive, à leurs conseils

7° faire de ses opérations, discussions et conclusions, un rapport final motivé, détaillé et signé qu'il terminera par la formule légale du serment : « Je jure avoir rempli ma mission en honneur et conscience, avec exactitude et probité » ;

8° déposer dans les six mois de la réception du présent arrêt, au greffe de la Cour, la minute de son rapport, les documents et notes des parties, ainsi qu'un état de frais et honoraires ;

9° adresser le même jour, par lettre recommandée, à chacune des parties, une copie de son rapport et de son état d'honoraires et frais et, par lettre missive, à leurs conseils ;

10° dans le cas où il ne pourrait déposer son rapport dans le délai imparti par le présent arrêt, l'expert sera tenu, en application de l'article 974 du Code judiciaire, de solliciter de la Cour, par écrit motivé, l'augmentation de ce délai, avec un rapport intermédiaire sur l'état d'avancement de ses travaux ;

Dit que conformément à l'article 991bis du Code judiciaire, l'expert ne pourra recevoir un paiement direct de son état de frais et honoraires (calculés selon l'AR du 14/11/03) de la partie légalement tenue de l'acquitter en vertu de l'article 1017, alinéa 2 du Code judiciaire, à savoir l'organisme assureur (sauf si la demande ou la requête d'appel sont qualifiées de téméraire et vexatoire auquel cas l'organisme assureur ne pourra être tenu de supporter les dépens), qu'après que son état ait été définitivement taxé par la Cour.

Dit que le contrôle de l'expertise, prévu par l'article 973 du Code judiciaire sera assuré par le Président de la 4ième chambre ;

Réserve à statuer sur les dépens de l'instance et renvoie la cause au rôle particulier de cette Chambre ;

Ainsi jugé et prononcé, en langue française, à l'audience publique du 3 mars 2010 par le Président de la 4ème Chambre de la Cour du travail de Mons, composée de :

Monsieur X. VLIEGHE, Conseiller présidant la Chambre ;

Monsieur F. HENSGENS, Conseiller social au titre d'employeur,

Monsieur M. VANBAELEN, Conseiller social au titre de travailleur ouvrier,

Madame C. TONDEUR, Greffier.

qui en ont préalablement signé la minute.