Tribunal de première instance: Jugement du 4 juin 2008 (Nivelles). RG 05/990/A
- Section :
- Case law
- Source :
- Justel F-20080604-1
- Role number :
- 05/990/A
Summary :
Aux termes de l'article 1278 al. 1 du code judiciaire, le jugement de divorce produit ses effets à l'égard de la personne des époux à dater du jour où la décision est coulée en force de chose jugée. Les effets du mariage quant à la personne subsistent jusqu'à cette date et notamment l'obligation de secours. En application de l'article 1278 alinéa 2 du code judiciaire, le jugement de divorce produit ses effets quant aux biens des époux à la date de la première demande. La répétibilité de la provision alimentaire et donc la compensation demandée dans le cadre de la liquidation par un des époux ne peut se justifier que si, compte tenu de l'intégralité des revenus produits par l'indivision post-communautaire en ce compris les revenus professionnels des époux devenus propres depuis la date de la première demande, et compte tenu de la déductibilité et de la taxation de la provision alimentaire, l'autre époux a perçu plus de la moitié des revenus « du ménage », moitié à laquelle elle pouvait prétendre pour maintenir son niveau de vie.
Jugement :
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE NIVELLES - 12ème chambre
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le 4/6/2008
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Madame V. Dehoux, juge unique,
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Madame P. Dutrieux, greffière-adjointe,
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RG n° 05/990/A
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D. M., domiciliée à ...
demanderesse,
défenderesse sur reconvention,
comparaissant, assisté par son conseil, Me Maurice FELTZ, avocat au barreau de Nivelles, ...
CONTRE :
G. M., domicilié à ...
défendeur,
demandeur sur reconvention,
comparaissant, assisté par son conseil, Me Danielle VANHOUCHE, avocat au barreau de Nivelles, ...
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Aux termes du procès-verbal de dires et difficultés intermédiaire, le notaire Mignon estime ne pas pouvoir dresser à ce stade l'état liquidatif du régime matrimonial des parties, dans la mesure où celles-ci ne s'accordent pas sur la compensation postulée par M. G. entre l'indemnité d'occupation qu'il doit à Mme D. et les provisions alimentaires qu'il a payées à Mme D. durant les deux instances en divorce.
La question de la compensation éventuelle entre l'indemnité d'occupation, revenu de l'indivision post-communautaire et la provision perçue par Mme D. étant déterminante pour établir l'état liquidatif, il y a lieu de répondre à la question posée par le notaire liquidateur.
L'avis du notaire.
Le notaire évalue l'indemnité d'occupation due par M. G. à un montant total de 50.677,11 euro , la valeur locative du bien oscillant entre 869,11 euro en avril 1998 et 1.019, 11 euro en avril 2007.
Le notaire estime que la contestation de Mme D. relative à l'évaluation de la valeur locative n'est pas fondée, la comparaison sur laquelle elle se fonde n'étant pas pertinente.
Le notaire, dans son avis, conclut que vu les parts qui reviendront aux parties dans les comptes de liquidation et les provisions alimentaires versées, la compensation réclamée par M. G. participerait à équilibrer davantage les parts des parties.
Il estime donc que la compensation pourrait être opérée.
Les arguments des parties sur le contredit
1° Les arguments de Mme D.
Se référant aux motifs du jugement prononcé le 6 septembre 2006, Mme D. fait valoir que la répétibilité de la provision alimentaire ne pourrait se justifier que si M. G. démontrait que compte tenu des revenus professionnels des parties et des revenus produits par l'indivision post-communautaire et compte tenu de la déductibilité de la taxation de la provision alimentaire, Mme D. a reçu plus de la moitié de tous les revenus.
Elle fait valoir que le notaire s'est trompé en estimant que c'était les parts des parties dans le partage qu'il fallait équilibrer, alors que c'est la situation des parties durant l'instance en divorce qui doit être équitable.
Elle analyse la situation des parties durant l'instance en divorce et fait valoir que le juge des référés avait considéré sa demande de secours alimentaire amplement justifiée, au regard des ressources des parties et que c'est un véritable secours alimentaire qui lui avait été octroyé.
Elle expose que jamais le juge des référés n'a considéré qu'il s'agissait « d'une avance sur les revenus de sa part dans le régime matrimonial » et qu'à aucun moment M. G. n'a été autorisé à résider gratuitement dans l'immeuble commun pendant l'instance, eu égard aux ressources et charges des parties.
Elle demande donc qu'une indemnité d'occupation soit mise à charge de M. G., sans qu'il y ait la moindre compensation avec les pensions alimentaires versées durant les instances en divorce.
2° Les arguments développés par M. G.
M. G. fait valoir que sa demande de compensation doit s'analyser dans le contexte des circonstances particulières de la cause et notamment en prenant en considération le fait que le Tribunal et la Cour d'appel ont débouté les parties de leurs demandes initiales en divorce et que dans le cadre d'une deuxième citation, basée sur l'article 232 du Code civil, Mme D. a postulé dans sa citation un secours alimentaire ou à tout le moins « une avance sur ses droits dans la liquidation » de 625 euro par mois, à dater de l'introduction de la procédure.
Il relève que le notaire ayant pris comme point de départ des effets du divorce la date de la première citation, l'indemnité d'occupation est particulièrement importante puisqu'il s'agit de 50.677,11 euro dont la moitié représente une somme de 25.338,56 euro .
Il fait valoir que pendant sept ans, Mme D. a obtenu un secours alimentaire, alors qu'elle n'avait aucun grief valable à faire valoir contre son mari.
Il renvoie à certains auteurs dont M. DUELZ et M. VIEUJEAN, ainsi qu'au répertoire notarial, pour justifier que la pension alimentaire puisse être déduite de l'indemnité d'occupation, puisqu'elle doit être considérée comme une avance sur les fruits produits par les biens communs.
Discussion
Aux termes de l'article 1278 al. 1 du code judiciaire, le jugement de divorce produit ses effets à l'égard de la personne des époux à dater du jour où la décision est coulée en force de chose jugée.
Cela signifie que les effets du mariage quant à la personne subsistent jusqu'à cette date, c'est-à-dire les obligations précisées dans le régime matrimonial primaire impératif et notamment l'obligation de secours.
Le Tribunal relève que la provision alimentaire octroyée par l'ordonnance de référés du 30 juillet 1998, est expressément qualifiée par le juge des référés de « secours alimentaire. »
De même, la provision alimentaire de 625 euro , octroyée par l' ordonnance du 13 décembre 2005, est considérée par le juge des référés comme « amplement justifiée » au regard des revenus et charges des parties, qui peuvent prétendre au niveau de vie qui était celui des époux durant la vie commune.
C'est donc clairement en exécution du devoir de secours que la pension a été octroyée.
Toutefois, en application de l'alinéa 2 du même article 1278 du code judiciaire, le jugement de divorce produit ses effets quant aux biens des époux à la date de la première demande.
Cela implique en l'espèce que les revenus de Mme D. sont augmentés rétroactivement de la moitié de la valeur locative du bien commun occupé par M. G. depuis la première demande en divorce, sous la réserve que les parties supportent chacune pour moitié rétroactivement le prêt hypothécaire et le précompte immobilier.
Dans son jugement prononcé le 6 septembre 2006, le Tribunal a estimé que la répétibilité de la provision alimentaire et donc la compensation demandée dans le cadre de la liquidation par M. G. ne pourraient se justifier que si, compte tenu de l'intégralité des revenus produits par l'indivision post-communautaire en ce compris les revenus professionnels des époux devenus propres depuis la date de la première demande, et compte tenu de la déductibilité et de la taxation de la provision alimentaire, Mme D. a perçu plus de la moitié des revenus « du ménage », moitié à laquelle elle pouvait prétendre pour maintenir son niveau de vie.
Il y a lieu d'examiner, à la lecture de l'évaluation faite par le notaire de la valeur locative du bien occupé par M. G., et au vu de l'ensemble de la situation des parties en quelque sorte « réactualisée », si, durant l'instance en divorce, Mme D. a perçu plus de la moitié des revenus en tenant compte de l'indemnité d'occupation qui lui est octroyée dans le cadre de la liquidation de la communauté.
L'examen des pièces met en évidence que de 1998 à 2006, durée de la procédure en divorce, Mme D. a été de manière constante en chômage et a eu des indemnités qui s'élevaient à un montant mensuel de l'ordre de 1.000 euro .
Elle a perçu une pension alimentaire dont le montant a été de 15.000 FB ou de 20.000 FB et finalement de 625 euro . On peut donc considérer qu'elle a eu en moyenne 20.000 FB soit 500 euro de secours alimentaire pour lesquels elle n'a été que très peu taxée ( 27572 FB d'impôt en 1999 suivant la pièce produite soit 2297,66 FB par mois soit 57 euro ) ; elle a eu en mains , environ 450 euro par mois en moyenne.
Elle perçoit rétroactivement une indemnité d'occupation dont la moyenne mensuelle peut être fixée à 50.677,11 euro divisés par 2 divisés par 120 mois = 211,15 euro , arrondis à 200 euro .
Elle a donc en fait bénéficié d'un revenu global mensuel moyen net de l'ordre de 1.650 euro .
Au moyen de ce revenu, elle a dû faire face rétroactivement à la moitié de la charge du prêt hypothécaire, et du précompte immobilier de l'immeuble commun, comme M. G..
Elle a dû faire face à ses charges et à son loyer.
Pendant toute l'instance en divorce, M. G. a bénéficié en qualité d'informaticien chez PHILIPS d'un revenu moyen mensuel net après déduction de 80 % de la pension alimentaire de l'ordre de 2.200 euro net,
(2077,93 euro en 1999, 2194,99 euro en 2001, sur base des avertissements extraits de rôle, sans tenir compte de divers avantages en nature, tels les chèques repas.)
Il a dû faire face au paiement de la provision alimentaire, que l'on estimera en moyenne à 500 euro (il n'y a pas lieu de tenir compte ici de la déductibilité fiscale puisque le revenu dont on tient compte dans le chef de M. G. est son revenu net , après déduction de 80% de la dite pension).
Il a bénéficié « en nature », de la moitié de la valeur locative du bien, soit du même montant que Mme D., soit de 211,15 euro , arrondis à 200 euro .
Il avait donc « mathématiquement » 1900 euro par mois, pour payer ses charges et la moitié de la valeur locative du bien qu'il a occupé, moitié qu'il doit payer à Mme DE COSTER en fin de liquidation.
Les revenus globaux des parties étant de l'ordre de 3600 euro ( 1000 euro (chômage) +2200 euro (revenu professionnel ) + 4OO euro ( valeur locative moyenne du bien commun), chacun pouvait durant l'instance prétendre à 1800 euro par mois, pour bénéficier des mêmes conditions de vie que durant la vie commune.
Mme D. n'a pas eu plus que sa part, même si l'on porte en compte l'indemnité d'occupation à payer par M. G..
La compensation entre l'indemnité d'occupation et la provision alimentaire ne se justifie pas.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, statuant contradictoirement,
Renvoie les parties devant le notaire MIGNON pour que soit rédigé l'état liquidatif, en tenant compte de la réponse apportée à la question posée par le présent jugement.
P. DUTRIEUX V. DEHOUX