Arrêt n° 177/2005 de la Cour d'Arbitrage dd. 07.12.2005
Summary :
Code des impôts sur les revenus 1992
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Fisconet
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Arrêt n° 177/2005 de la Cour d'Arbitrage dd. 07.12.2005
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Document type : Belgian justice Title : Arrêt n° 177/2005 de la Cour d'Arbitrage dd. 07.12.2005 Tax year : 0 Document date : 07/12/2005 Document language : FR Name : ARB 05/5 Court : arbitration
Arrêt n° 177/2005 de la Cour d'Arbitrage dd. 07.12.2005 Code des impôts sur les revenus 1992 - Modification de la législation - Sécurité juridique du contribuable - Prescription - Interruption de la prescription Les arrêts (de cassation) des 10 octobre 2002 et 21 février 2003 ont eu pour conséquence de priver d'effet, de manière rétroactive, le mode d'interruption de la prescription communément utilisé en matière d'impôts sur les revenus. La première réaction du législateur aux arrêts de la Cour de cassation précités dans la loi-programme du 22 décembre 2003 a entraîné l'insertion dans le C.I.R. des articles 443bis et 443ter sous un nouveau chapitre IXbis : « Prescription des droits du Trésor ». La disposition attaquée de la loi-programme du 9 juillet 2004 a complété cette réaction du législateur. Compte tenu du délai rapproché séparant leur adoption, ces dispositions doivent être considérées comme formant, ensemble, la réaction du législateur aux arrêts précités. L'effet rétroactif de la disposition entreprise ne restreint pas de manière disproportionnée les droits des contribuables, qui estimaient, jusqu'aux arrêts de la Cour de cassation, que le commandement qui leur avait été signifié, avait valablement interrompu la prescription. Le fait qu'ils ont pu, de manière inattendue, espérer bénéficier de la jurisprudence précitée de la Cour de cassation, ne peut priver de justification l'intervention du législateur. Il apparaît que la mesure est justifiée par des circonstances particulières et exceptionnelles et qu'elle est dictée par des motifs impérieux d'intérêt général. La disposition entreprise vise à protéger les intérêts du Trésor en réagissant à une jurisprudence dont les effets peuvent être considérés comme suffisamment inattendus pour justifier une intervention du législateur. Dès lors que cette jurisprudence ne concernait que la matière des impôts sur les revenus, le législateur pouvait limiter son intervention à cette matière. Enfin, il n'apparaît pas que la mesure ait des effets disproportionnés ni qu'elle porte atteinte de manière disproportionnée aux droits fondamentaux invoqués par les parties requérantes. Numéros du rôle: 3077, 3115, 3248, 3283, 3286, 3336, 3338 et 3361
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 6 septembre 2004 et parvenue au greffe le 7 septembre 2004, P. Frisee et C. Vermandele, demeurant à 7500 Tournai, Quai Vifquin 34, ont introduit un recours en annulation de l'article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004 (acte interruptif de la prescription en matière d'impôts sur les revenus), publiée au Moniteur belge du 15 juillet 2004, deuxième édition. - B - B.1.1. L'article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004 dispose : B.1.2. Cette disposition qualifiée d'interprétative a été adoptée à la suite d'une jurisprudence de la Cour de cassation déniant au commandement prévu en matière d'impôts sur les revenus (article 148 et 149 de l'arrêté d'exécution du C.I.R. 1992) un effet interruptif de prescription lorsque la dette d'impôt est contestée. B.2.1. L'article 145 de l'arrêté d'exécution du C.I.R. 1992 (ci-après : A.R./C.I.R. 1992) détermine comme suit le délai de prescription quinquennale en matière d'impôts sur les revenus : B.2.2. L'article 2244 du Code civil dispose : B.2.3. Les articles 148 et 149 de l'A.R./C.I.R. 1992 déterminent la notion de commandement en matière d'impôts sur les revenus. B.2.4. L'article 410 du C.I.R. 1992 n'autorise cependant de mesure d'exécution qu'à l'égard de la partie de la dette d'impôt « certaine et liquide » au sens de cette disposition. B.3.1. Toutefois, la Cour de cassation a décidé, dans un arrêt du 10 octobre 2002 (RG C.01.0067.F), ce qu'elle a confirmé dans un arrêt du 21 février 2003 (RG C.01.0287.N), qu'« en matière d'impôts sur les revenus, le commandement est un acte de poursuite judiciaire qui suppose un titre exécutoire et prélude à une saisie-exécution », de sorte que, signifié par l'Etat en l'absence d'impôt incontestablement dû, il « n'a pu produire d'effet interruptif ». B.3.2. Le législateur a estimé que cette jurisprudence rendait son intervention indispensable « pour éviter qu'à défaut de possibilité pour l'administration de pouvoir valablement interrompre la prescription des cotisations contestées pour lesquelles il n'existe aucune quotité certaine et liquide immédiatement exigible, nombre d'entre elles ne soient déclarées prescrites », cette intervention se révélant « d'autant plus impérieuse à l'examen des données de l'arriéré fiscal en matière d'impôt sur le revenu qui révèlent que ce dernier est constitué à plus de quarante pour cent de cotisations contestées » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0473/001 et 51-0474/001, p. 148). B.3.3. Si cet article 443bis reproduit le contenu de l'article 145 de l'arrêté d'exécution du C.I.R. 1992 précité, l'article 443ter introduit quant à lui une nouvelle cause de suspension de la prescription. B.3.4. Se fondant sur cette observation du Conseil d'Etat, le législateur a estimé nécessaire d'insérer dans la loi-programme du 9 juillet 2004, à la suite d'un amendement du Gouvernement, une « disposition légale interprétative applicable aux cas visés par les arrêts de la Cour de cassation des 10 octobre 2002 et 21 février 2003 » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-1138/015, p. 2); cette disposition fait l'objet des actuels recours en annulation. B.4.1. Les parties requérantes sont des personnes physiques et des personnes morales engagées dans des procédures fiscales pendantes qui les opposent à l'Etat belge. Après avoir contesté leur enrôlement à l'impôt sur les revenus, les parties requérantes se sont vu signifier un commandement afin d'interrompre la prescription quinquennale de leur dette d'impôt. B.4.2. Les parties requérantes avancent à l'appui de leur intérêt à agir qu'en l'absence de la disposition entreprise, leurs dettes d'impôts contestées auraient été prescrites sur la base de la jurisprudence de la Cour de cassation des 10 octobre 2002 et 21 février 2003, selon laquelle un commandement signifié pour une dette d'impôt contestée ne peut avoir un effet interruptif de prescription. B.5. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise. B.6.1. La disposition entreprise confère au commandement un effet interruptif de prescription « même lorsque la dette d'impôt contestée n'a pas de caractère certain et liquide », alors même que cet effet interruptif de prescription était dénié par la jurisprudence de la Cour de cassation de 2002 et 2003. B.6.2. Les parties requérantes justifient par conséquent de l'intérêt requis à agir en annulation. B.7.1. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt à agir de D. Ralet, partie requérante dans l'affaire n° 3283, en ce qu'il a renoncé volontairement au temps couru de la prescription. B.7.2. Dès lors qu'un commandement a été signifié au requérant, la circonstance qu'il ait renoncé, postérieurement à ce commandement, au temps couru de la prescription, n'est pas susceptible d'enlever au requérant son intérêt à agir en annulation. B.7.3. L'exception du Conseil des ministres est rejetée. B.8.1. Par ailleurs, pour permettre, entre autres, à la Cour de vérifier si la décision d'introduire le recours a été prise par l'organe compétent de la personne morale, le législateur spécial oblige toute personne morale qui introduit un recours ou qui intervient dans une cause à produire, à la première demande, la preuve de la décision d'intenter ou de poursuivre le recours ou d'intervenir et, lorsque ses statuts doivent faire l'objet d'une publication aux annexes du Moniteur belge, une copie de cette publication. B.8.2. La s.a. Walibi, première partie requérante dans l'affaire n° 3361, n'a pu fournir la preuve de la décision d'intenter le recours, ayant été, préalablement à l'introduction du recours, absorbée par la s.p.r.l. Belpark - qui a elle-même introduit un mémoire en intervention - et a donc juridiquement cessé d'exister avant l'introduction du recours. B.8.3. En outre, en ce qui concerne l'affaire n° 3338, il ne ressort ni des pièces jointes en annexe de la requête, ni d'aucune pièce fournie après demande du greffier, que la décision d'introduire le recours a été prise par l'organe compétent de la société. B.8.4. Pour le surplus, il ressort des pièces jointes en annexe des autres requêtes qu'il est satisfait aux conditions de recevabilité relatives à la capacité d'ester en justice. B.9. Les parties intervenantes sont engagées dans des procédures fiscales dans lesquelles est soulevée la question de l'effet interruptif d'un commandement signifié pour une dette d'impôt contestée. B.10.1. Par ailleurs, ces mémoires formulent pour la plupart des moyens à l'encontre de la disposition entreprise. B.10.2. Les moyens formulés ne sont donc pas recevables en tant que tels, mais en ce qu'ils s'apparentent aux moyens formulés dans la requête, ils peuvent être admis en tant qu'observations incluses dans un mémoire. B.11.1. Une première série de moyens critiquent la qualification de la disposition entreprise et son effet rétroactif. B.11.2. Selon les requérants, la disposition entreprise n'est pas une disposition interprétative, mais une disposition modificative rétroactive, qui n'est justifiée par aucune circonstance exceptionnelle. Cette disposition viserait ainsi à influencer les procédures en cours, en ressuscitant des impôts prescrits, ce qui constituerait une atteinte discriminatoire à la confiance légitime, au droit à un procès équitable et au droit de propriété des contribuables privés du bénéfice des prescriptions acquises. B.12.1. C'est le propre d'une loi interprétative de sortir ses effets à la date d'entrée en vigueur des dispositions législatives qu'elle interprète. Une loi interprétative est, en effet, celle qui donne à une disposition législative le sens qu'elle aurait dû recevoir dès son adoption. B.12.2. La non-rétroactivité des lois est une garantie ayant pour but de prévenir l'insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que chacun puisse prévoir, à un degré raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte se réalise. Cette garantie ne pourrait être éludée par le seul fait qu'une loi ayant un effet rétroactif serait présentée comme une loi interprétative. La Cour ne pourrait donc se dispenser d'examiner si une loi qualifiée d'interprétative est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution. B.12.3. Sous réserve des règles applicables en droit pénal et du respect des décisions de justice passées en force de chose jugée, l'effet rétroactif qui s'attache à une disposition législative interprétative est justifié lorsque la disposition interprétée ne pouvait, dès l'origine, être raisonnablement comprise autrement que de la manière indiquée dans la disposition interprétative. B.12.4. Si tel n'est pas le cas, la disposition dite interprétative est en réalité une disposition rétroactive pure et simple, et sa rétroactivité ne peut se justifier que lorsqu'il est satisfait aux conditions auxquelles la validité d'une telle disposition est subordonnée. B.13.1. Comme il a été rappelé en B.3.4, la disposition entreprise, issue d'un amendement du Gouvernement, constitue une disposition législative qualifiée d'interprétative applicable aux cas visés par les arrêts de la Cour de cassation des 10 octobre 2002 et 21 février 2003 et provient d'une remarque de la section de législation du Conseil d'Etat formulée dans les avis qu'elle a donnés sur les lois-programmes des 22 décembre 2003 et 9 juillet 2004 en projet. B.13.2. Dans son exposé, le ministre des Finances énonçait : B.14. La disposition entreprise, figurant dans le chapitre « Interprétation de l'application de l'article 2244 du Code civil, en matière d'impôts sur les revenus », a pour objet d'interpréter le commandement visé par les articles 148 et 149 de l'A.R./C.I.R. 1992 comme « constituant également un acte interruptif de prescription au sens de l'article 2244 du Code civil, même lorsque la dette d'impôt contestée n'a pas de caractère certain et liquide ». B.15. Il résulte tant de sa justification que de l'intitulé du chapitre dans lequel elle se situe et de sa formulation même que la disposition entreprise entend interpréter l'article 2244 du Code civil, disposition à laquelle renvoie l'article 145 de l'A.R./C.I.R. 1992. B.16.1. L'article 2244 du Code civil détermine l'effet - interruption de la prescription - d'un commandement, mais ne définit toutefois ni ce qu'est un commandement ni les conditions de sa validité. B.16.2. Le législateur peut, par le biais d'une disposition interprétative, préciser les conditions d'application d'une disposition législative. B.17.1. Il résulte du terme « également » de la disposition entreprise que cette disposition ajoute, ou à tout le moins précise, une signification supplémentaire de la notion de commandement au sens de l'article 2244 du Code civil, puisque celui-ci doit être interprété, en matière d'impôts sur les revenus, comme un acte interruptif de prescription « même lorsque la dette d'impôt contestée n'a pas de caractère certain et liquide ». B.17.2. En outre, l'emploi du terme « Nonobstant » démontre que cette interprétation était loin de s'imposer, voire pouvait apparaître contradictoire avec la nature du commandement en tant qu'acte d'exécution au sens des articles 148 et 149 de l'arrêté royal d'exécution du C.I.R. 1992. B.17.3. Enfin, en se limitant à interpréter la notion de commandement contenue dans l'article 2244 du Code civil dans la seule matière des impôts sur les revenus, la disposition entreprise confère au terme « commandement » une signification différente selon la matière à laquelle il s'applique. B.17.4. Si, comme le Conseil des ministres l'allègue dans ses mémoires, la disposition entreprise vise à résoudre un problème qui ne se pose qu'en droit fiscal, ce problème découle en réalité de l'inadéquation de la référence qui est faite dans l'article 145 de l'arrêté d'exécution du C.I.R. 1992 - reproduit par ailleurs dans l'article 443bis du C.I.R. 1992, introduit par l'article 297 de la loi-programme du 22 décembre 2003 - aux modes d'interruption de la prescription déterminés par l'article 2244 du Code civil; ce problème ne peut être résolu en interprétant la notion de commandement contenue dans l'article 2244 du Code civil et en limitant cette interprétation à la matière des impôts sur les revenus. B.18.1. La rétroactivité de dispositions législatives, qui est de nature à créer de l'insécurité juridique, ne peut se justifier que lorsqu'elle est indispensable au bon fonctionnement ou à la continuité du service public. B.18.2. Dès lors que la disposition entreprise influence des procédures pendantes, la Cour doit examiner si la rétroactivité de la disposition attaquée satisfait à chacune des conditions exprimées en B.18.1. B.19.1. Comme il a été indiqué en B.13.2, la disposition entreprise était justifiée par le fait que la prescription d'impôts contestés avait toujours été interrompue par la signification d'un commandement et la validité de ce dernier a toujours été reconnue jusqu'à la date des arrêts de la Cour de cassation des 10 octobre 2002 et 21 février 2003 (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-1138/015, p. 2). B.19.2. Cette conception avait inspiré la pratique administrative en matière d'impôts sur les revenus et elle avait incité de nombreux contribuables à signer une renonciation au temps couru de la prescription. B.19.3. En outre, par un arrêt du 28 octobre 1993, la Cour de cassation avait cassé un arrêt de la Cour d'appel de Liège parce que celle-ci n'avait pas répondu aux conclusions de l'Etat belge qui faisait valoir que le commandement avait « notamment pour but d'interrompre la prescription, conformément à l'article 194 de l'arrêté royal du Code des impôts sur les revenus […] » et la Cour d'appel de Bruxelles, juridiction de renvoi, avait jugé, par un arrêt du 24 juin 1997, « que pareil commandement vaut comme acte interruptif au sens de l'article 2244 du Code civil et n'est pas énervé par la nullité de la saisie-exécution qui l'a suivi, l'effet interruptif de commandement étant indépendant des effets de l'acte exécutoire en tant que tel » (Bruxelles, 24 juin 1997, J.T., 1998, pp. 458-459). B.19.4. Dès lors qu'il avait signifié un commandement, l'Etat pouvait donc légitimement estimer avoir valablement interrompu la prescription, même lorsque la dette d'impôt était contestée. B.19.5. Par ailleurs, le ministre des Finances a fait observer ce qui suit au sujet de la disposition entreprise : B.19.6. Bien que les arrêts de la Cour de cassation des 10 octobre 2002 et 21 février 2003 n'aient, juridiquement, qu'une autorité de chose jugée relative, ils ont, en ce qu'ils ont tranché la question de droit qui concerne la nature et les effets d'un commandement, une autorité de fait qui s'impose à toutes les juridictions puisque les décisions qui s'écarteraient de la réponse donnée par la Cour de cassation risqueraient d'être cassées pour violation de la loi, telle qu'elle est interprétée par la Cour de cassation. Il ressort d'ailleurs de la jurisprudence invoquée par les parties requérantes que les juridictions de fond se sont ralliées à la solution adoptée par les deux arrêts de la Cour de cassation précités. B.19.7. Les arrêts des 10 octobre 2002 et 21 février 2003 ont donc eu pour conséquence de priver d'effet, de manière rétroactive, le mode d'interruption de la prescription communément utilisé en matière d'impôts sur les revenus ainsi qu'il a été indiqué en B.13.2. Une catégorie de contribuables s'est ainsi vue libérée d'une dette qu'ils avaient contestée mais dont il ne peut être présumé qu'elle n'était pas due. C'est pour neutraliser l'effet rétroactif de la règle jurisprudentielle dégagée par les arrêts précités que le législateur a lui-même adopté une disposition rétroactive. B.19.8. Le recours à une disposition rétroactive peut également s'expliquer en l'espèce par l'absence d'une disposition permettant de demander à la Cour de cassation de limiter dans le temps les effets des positions de principe adoptées par ses arrêts, alors que tant la Cour de justice des Communautés européennes (article 231, deuxième alinéa, du Traité CE), que la Cour d'arbitrage (article 8, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage) et le Conseil d'Etat (article 14ter des lois sur le Conseil d'Etat coordonnées le 12 janvier 1973) peuvent maintenir les effets des actes qu'ils annulent. B.19.9. La première réaction du législateur aux arrêts de la Cour de cassation précités dans la loi-programme du 22 décembre 2003 a entraîné l'insertion dans le C.I.R. des articles 443bis et 443ter sous un nouveau chapitre IXbis : « Prescription des droits du Trésor ». B.19.10. Par ailleurs, il a été constaté, au cours des travaux préparatoires, d'une part, que l'arriéré fiscal, en matière d'impôts sur les revenus, « est constitué à plus de quarante pour cent de cotisations contestées » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0473/001 et 51-0474/001, p. 148) et, d'autre part, que certains dossiers qui allaient bénéficier de la position adoptée par la Cour de cassation « concernaient la grande fraude fiscale » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-1138/015, p. 7). La mesure a pu être considérée comme répondant à des exigences d'intérêt général en ce que, sans préjuger des droits des contribuables, elle préservait les droits du Trésor à l'égard d'impositions contestées. B.19.11. Enfin, l'effet rétroactif de la disposition entreprise ne restreint pas de manière disproportionnée les droits des contribuables, qui estimaient, jusqu'aux arrêts de la Cour de cassation, que le commandement qui leur avait été signifié, avait valablement interrompu la prescription. B.20. Il apparaît donc que la mesure est justifiée par des circonstances particulières et exceptionnelles et qu'elle est dictée par des motifs impérieux d'intérêt général. B.21. Une deuxième série de moyens critiquent, indépendamment de la qualification de la disposition en cause, les différences de traitement que cette disposition engendrerait. B.22.1. Comme il a été rappelé précédemment, la disposition entreprise vise à protéger les intérêts du Trésor en réagissant à une jurisprudence dont les effets peuvent être considérés comme suffisamment inattendus pour justifier une intervention du législateur. B.22.2. En effet, même si les créanciers et débiteurs fiscaux et de droit commun peuvent être considérés comme des personnes comparables, le problème de l'effet interruptif de prescription d'un commandement signifié en l'absence de titre exécutoire est étroitement lié au mode d'établissement et de recouvrement de l'impôt, qui n'est pas comparable au mode d'établissement et de recouvrement d'une créance de droit commun. B.23. En outre, la différence de traitement alléguée entre les contribuables confrontés à la réouverture de la prescription de leur impôt et les contribuables qui ont vu la prescription de leur impôt constatée par une décision judiciaire, ne résulte pas de la disposition entreprise - dont l'effet rétroactif est justifié, comme il a été indiqué en B.19 à B.20 -, mais du respect qui s'attache aux décisions de justice passées en force de chose jugée. B.24.1. Enfin, il n'apparaît pas que la mesure ait des effets disproportionnés ni qu'elle porte atteinte de manière disproportionnée aux droits fondamentaux invoqués par les parties requérantes. B.24.2. Les contribuables qui avaient contesté l'impôt qui leur était réclamé n'avaient pas acquis contre l'Etat un droit de créance égal au montant de l'impôt contesté. A supposer qu'ils soient affectés dans leur droit au respect de leurs biens au sens de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ce serait conformément au deuxième alinéa de cet article. Le législateur a pu, en se fondant sur cette disposition, pour les raisons exposées ci-dessus, considérer que la mesure critiquée était conforme à l'intérêt général et nécessaire pour assurer le paiement d'impôts dont il ne modifiait en rien les règles d'établissement. B.24.3. Ces contribuables ne sont pas davantage privés du droit à un recours effectif ou à un procès équitable puisqu'ils conservent le droit de poursuivre devant la juridiction compétente la réclamation qu'ils ont introduite pour contester l'impôt qui leur était réclamé. Si la loi attaquée exercera une influence sur des procédures pendantes, elle ne modifie pas le droit fiscal matériel qui s'y applique et, en ce qu'elle exerce une influence sur la prescription des dettes contestées, celle-ci est justifiée par les motifs impérieux d'intérêt général mentionnés ci-avant. B.25. Les moyens ne peuvent être accueillis. Par ces motifs, la Cour rejette les recours. Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 7 décembre 2005. |
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