Jugement du Tribunal de Première de Bruxelles dd. 07.05.2008, Cause 2003/10582/A
Summary :
plus-value;SICAF immobilière;spéculation;évaluation d'actions
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Fisconet
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Jugement du Tribunal de Première de Bruxelles dd. 07.05.2008, Cause 2003/10582/A
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Document type : Belgian justice Title : Jugement du Tribunal de Première de Bruxelles dd. 07.05.2008, Cause 2003/10582/A Document date : 07/05/2008 Keywords : plus-value / SICAF immobilière / spéculation / évaluation d'actions Decision : Mixte Document language : FR Modification date : 23/01/2009 Name : Jugement du Tribunal de Première de Bruxelles dd. 07.05.2008, Cause 2003/10582/A Version : 1 Court : firstAuthority
Jugement du Tribunal de Première de Bruxelles dd. 07.05.2008, Cause 2003/10582/A
Plus-value. SICAF immobilière. Spéculation. Evaluation d'actions.
Résumé
En contrepartie de l’apport d’un immeuble à une sicaf immobilière de droit belge, la demanderesse et les sociétés co-indivisaires ont obtenu des actions de la sicafi. Cette opération, telle qu’elle a été réalisée, ne constitue pas un acte de gestion normale du patrimoine privé en ce que la demanderesse a fait courir un risque à son patrimoine privé en réalisation une opération semblable à celle des professionnels de l’immobilier dans le but d’obtenir le rendement que peut procurer ce genre d’opération. Conformément à l’article 90 1° du CIR 92, sont imposables à titre de revenus divers, les bénéfices ou les profits qui proviennent d’opérations ou de spéculations quelconques. Ce ne sont pas uniquement les plus-values qui sont visées par cette disposition, mais tous les revenus qui proviennent d’opérations spéculatives occasionnelles. Comme le revenu imposable d’après l’article 97 du CIR 92 n’est pas une plus-value, mais le bénéfice ou le profit résultant de l’opération spéculative, il y a lieu de tenir compte de la valeur réelle de la contrepartie obtenue par la demanderesse lors de l’apport, soit le prix courant de l’action publié au Moniteur belge à un moment proche de l’apport.
Texte intégral
32ème Chambre
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BRUXELLES
R.G. n° 2003/10582/A
Impôt des personnes physiques Jugement définitif Contradictoire
EN CAUSE DE:
Monsieur M. F., et son épouse, Madame M. C. D., domiciliés ensemble à … ;
Demandeurs,
Représentés par Me L. D., avocat, dont le cabinet est établi à … et Me T. B., avocat, dont le cabinet est établi à … ;
CONTRE:
L'ETAT BELGE, en la personne de Monsieur le Ministre des finances, dont les bureaux sont établis à 1000 Bruxelles, rue de la Loi, 12, et en la personne de Monsieur le Directeur régional des contributions directes de Bruxelles I, dont les bureaux sont établis à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 233-245 ;
Défendeur,
Représenté par Me D. L., avocat, dont le cabinet est établi à … ;
*** *** ***
En cette cause, tenue en délibéré le 27 février 2008, le tribunal prononce le jugement suivant.
*** *** ***
Vu les pièces de la procédure, et notamment :
• la requête contradictoire, et ses annexes, déposées au greffe du tribunal le 4 septembre 2003; • l'ordonnance de fixation du 8 septembre 2003; • la convocation des parties à l'audience introductive du 2 octobre 2003 par plis judiciaires du 15 septembre 2003, conformément è l'article 1034sexies du Code judiciaire; • les conclusions déposées pour le défendeur le 30 janvier 2004 et pour les demandeurs le 8 avril 2004; • les conclusions additionnelles déposées pour le défendeur le 26 août 2004 et les conclusions additionnelles et de synthèse déposées pour les demandeurs le 4 février 2005 ; • les conclusions additionnelles et de synthèse déposées pour le défendeur le 14 septembre 2005 et les secondes conclusions additionnelles et de synthèse déposées pour le défendeur le 22 août 2006 ; • les secondes conclusions additionnelles et de synthèse déposées pour les demandeurs le 26 octobre 2006 et les troisièmes conclusions additionnelles et de synthèse déposées pour le défendeur le 31 décembre 2007 ; • la demande conjointe de fixation déposée par les parties le 19 février 2007, sur pied de l'article 750, § 1er , du Code judiciaire.
Entendu les conseils des parties en leurs dires et moyens à l'audience publique du 22 novembre 2007 et après la mise en continuation de la cause, à l'audience publique du 27 février 2008.
*** *** ***
I. Objet et recevabilité de la demande
La demande, introduite par requête du 4 septembre 2003, est dirigée contre la décision du 17 juin 2003, portant la référence CD n° 03/01/01/20054, par laquelle le fonctionnaire délégué par le directeur régional des contributions directes de Bruxelles I a rejeté la réclamation du 15 janvier 2001, reçue le 17 janvier 2001, que les demandeurs ont formée contre le supplément de cotisation à l'impôt des personnes physiques de l'exercice d'imposition 1998, établi à leur charge sous l'article 027403 du rôle de la commune d'Uccle.
Les demandeurs invitent le tribunal, à titre principal, à dégrever la cotisation litigieuse, à condamner le défendeur à leur restituer, avec les intérêts moratoires, toutes sommes indûment perçues du chef de cette cotisation et à condamner le défendeur aux dépens de l’instance, en ce compris l'indemnité de procédure.
A titre subsidiaire, ils invitent le tribunal à dégrever l'accroissement d'impôt de 10 %.
Ils sollicitent également que le jugement soit déclaré exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans possibilité de caution ou cantonnement.
La demande, introduite dans les formes et le délai prévus par la loi, sera déclarée recevable.
II. Discussion
1.La demanderesse a vendu, en 1990, un immeuble dont elle était propriétaire en indivision avec son ex-mari, à la suite de leur séparation.
Le 5 avril 1995, elle a acquis en indivision avec deux sociétés, un immeuble de bureaux situé à la rue …, emplacement qui était, d'après les conclusions de la demanderesse, un bon emplacement de bureaux stable et demandé.
Le prix payé par la demanderesse pour acquérir 60 % de cet immeuble était de 81.000.000 anciens francs et elle a supporté des travaux d'amélioration pour un montant de 19.567.622 anciens francs.
Elle expose dans ses conclusions qu'elle a décidé de réaliser cet investissement parce que le rendement locatif était particulièrement intéressant aux motifs que trois niveaux étaient occupés par une importante société informatique qui payait un loyer de 6.000 anciens francs le mètre carré pendant les deux premières années, et ensuite de 6.250 BEF/ m², tandis que le dernier niveau était occupé par une société qui payait un loyer de 5.500 BEF/m².
La demanderesse expose encore qu'elle pouvait visualiser son investissement parce qu'à côté de l’immeuble qu'elle a acheté, se trouvait un immeuble identique qui venait d'être rénové.
Elle a acquis cet immeuble en indivision avec deux sociétés qui avaient procédé à la rénovation de cet immeuble.
L'acquisition et les travaux de rénovation de l’immeuble ont été financés par un emprunt d’un montant de 90.000.000 anciens francs et par des fonds propres (pièces 385 à 399 du dossier administratif).
A la fin de l'année 1996, les locataires ont manifesté leur intention de quitter les lieux et l’immeuble a été présenté à de nombreux locataires durant l'année 1997, mais sans succès.
A cette époque, d'après la demanderesse, les immeubles de la rue … se sont vidés de leurs locataires, ce qui a mis sur le marché au moins cinq immeubles de bureaux dont la conséquence a été une concurrence effrénée sur le montant des loyers.
La demanderesse et les sociétés co-indivisaires ont apporté l'immeuble, le 7 octobre 1997, à une S. immobilière de droit belge, la SA C..
A l'occasion de cet apport, l’immeuble a été évalué « acte en mains » à 215.000.200 anciens francs, soit 5.329.715,74 euros.
En contrepartie de cet apport, la demanderesse a obtenu 33.060 actions de la SA C. ayant une valeur intrinsèque de 3.902 anciens francs par action, soit 93,73 euros (pièces B1 602 à 638 du dossier administratif).
Ainsi, pour sa quote-part de 60 % dans la propriété de l’immeuble, la demanderesse a obtenu des actions de la SA C. pour une valeur de 129.000.120 anciens francs, si l’on tient compte de la valeur intrinsèque de ces actions.
2.Par un avis de rectification de la déclaration du 9 novembre 2000, le fonctionnaire-taxateur a estimé qu'une plus-value a été réalisée lors de l'apport de l’immeuble à la S. et que cette plus-value est imposable à titre de revenus divers sur base de l'article 90, 1°, du CIR 1992.
Le montant de la plus-value imposable a été déterminé comme suit :
Prix d'apport : 129.000.120 BEF Frais relatifs à l'apport : - 363.000 BEF Prix d'acquisition le 5/04/1995: - 81.000.000 BEF Frais d'acquisition : - 10.243.157 BEF Travaux d'amélioration de l’immeuble : - 19.567.622 BEF ---------------------- Plus-value imposable : 17.826.341 BEF
Le fonctionnaire-taxateur retient cinq éléments qui justifient que la plus-value réalisée est imposable à titre de revenus de spéculations occasionnelles :
- l’immeuble a été acquis par la demanderesse en indivision avec deux sociétés dont son mari est administrateur-délégué ;
-des travaux d'amélioration ont été réalisés pour un montant de 19.567.622 anciens francs et il a été fait appel à de nombreux professionnels du secteur de l'immobilier ;
-le suivi des travaux d'amélioration a été fait par l'une des deux sociétés co-indivisaire dont le mari de la demanderesse est administrateur-délégué ;
- l'organisation des opérations d'achat de l'immeuble et d'apport à la S. permettent de présumer que les connaissances personnelles du demandeur en matière immobilière ont été utilisées ;
- l'acquisition de l’immeuble a été financée par un emprunt bancaire qui couvre presque intégralement le prix et les frais d'acquisition de l'immeuble. L'emprunt a été conclu avec un mandat hypothécaire en faveur de la banque (pièces B1214 à 216 du dossier administratif).
Les revenus provenant de l’apport de l’immeuble ont été imposés a titre de revenus divers sur base de l'article 90, 1°, du CIR 1992, au taux de 33 %, à concurrence d'un montant de 17.826.341 anciens francs (pièce B1 196 du dossier administratif).
A l’issue de la procédure de réclamation, le directeur régional a maintenu l'imposition litigieuse.
3.D'après l'article 90, 1°, du CIR 1992, « les revenus divers sont :
1° sans préjudice des dispositions du 8° du 9° et du 10 ° les bénéfices ou profits, quelle que soit leur qualification, qui résultent, même occasionnellement ou fortuitement, de prestations, opérations ou spéculations quelconques ou de services rendus à des tiers, en dehors de l'exercice d'une activité professionnelle, à l'exclusion des opérations de gestion normale d’un patrimoine privé consistant en biens immobiliers, valeurs de portefeuille et objets mobiliers ».
Selon le rapport fait par M. V. H. au nom de la Commission des finances du Sénat au cours des travaux préparatoires de la loi du 20 novembre 1962, « la gestion du patrimoine se distingue, en fait, de l'exercice d'une occupation lucrative ou de la spéculation tant par la nature des biens -c'est-à-dire immeubles, valeurs de portefeuille, objets mobiliers (tous biens dont se compose normalement un patrimoine privé)- que par la nature des actes accomplis relativement à ces biens : ce sont les actes qu'un bon père de famille accomplit, non seulement pour la gestion courante, mais aussi pour la mise à fruit, la réalisation et le remploi d'éléments d'un patrimoine, c'est-à-dire des biens qu’il a acquis par succession, donation ou par épargne personnelle, ou encore, en remploi de biens aliénés » (Pasin., 1962, 1702, col. l).
Le défendeur soutient à bon droit que la question de savoir si l'opération immobilière entre dans le cadre de la gestion normale d'un patrimoine privé s'analyse sur base d'un ensemble l'éléments de fait.
Il retient en l'espèce, la manière dont l’immeuble est entré dans le patrimoine de la demanderesse, le recours à l'emprunt pour financer l'acquisition et le recours aux conseils de professionnels de l’immobilier tant pour la réalisation que pour le suivi de l’opération (pièces B1 215 et 216 du dossier administratif).
Ainsi, pour le fonctionnaire-taxateur, l'acquisition de l’immeuble qui a fait l'objet de l'apport à la S. ne constitue pas une opération de gestion normale du patrimoine privé dans le chef de la demanderesse.
Les revenus obtenus à l'occasion de la cession de cet immeuble sont dès lors imposables à titre de bénéfices de spéculations occasionnelles sur base de l'article 90, 1°, du CIR 1992.
L'opération dont il faut déterminer si elle constitue ou non dans le chef de la demanderesse, un acte de gestion normale d'un patrimoine privé est l'acquisition de l'immeuble dans les circonstances telles qu'elles ont eu lieu en l'espèce, et la cession de ce bien par apport à une S. un peu plus de deux ans après l'acquisition.
Cette appréciation doit être faite en comparant l'opération incriminée au comportement d'un bon père de famille placé dans la même situation que celle de la demanderesse. Le critère de normalité de la gestion d'un patrimoine privé implique en effet, de se référer aux actes qu'aurait posés le bon père de famille prudent et diligent dans les mêmes circonstances.
La demanderesse n'est pas une professionnelle de l’immobilier et n’a dès lors pas pu utiliser ses connaissances personnelles pour réaliser l'opération.
Dans sa réponse du 14 décembre 2000 à l'avis de rectification de la déclaration, le demandeur écrit que l'opération a été proposée par deux amis du fils de la demanderesse qui sont des professionnels de l'immobilier. Ils se sont occupé de tout : l'emprunt bancaire, la définition des travaux d'amélioration, les baux (pièce B1 255 du dossier administratif).
Le bien a été acquis en indivision avec deux sociétés actives dans le secteur de l'immobilier parce que « mon épouse a souhaité,…, être accompagnée par des professionnels jusqu'au moment où l'opération serait en vitesse de croisière », comme l'écrit le demandeur dans sa réclamation (pièce B1 8 du dossier administratif).
La demanderesse a recouru au mandat hypothécaire pour la garantie de son emprunt bancaire, ce qui a permis de réduire les coûts du financement.
Elle a acquis un immeuble de bureaux situé dans une rue où se trouvaient d'autres immeubles de ce type dans le but de réaliser un investissement semblable à l’immeuble voisin qui venait d'être rénové afin de se procurer un rendement intéressant.
Ces éléments démontrent que la demanderesse a réalisé une opération similaire à celles qu'effectuent habituellement les professionnels de l'immobilier, espérant profiter des revenus intéressants que peut procurer ce type d'opérations.
N'étant pas elle-même un professionnel de l’immobilier, elle n’a pas utilisé ses connaissances personnelles pour investir dans un secteur qu'elle connaissait bien, mais s'est fait aider par des professionnels à tout les stades de l'opération, depuis sa conception, jusqu'à sa réalisation. Ces professionnels se sont occupés de tout, pour reprendre les termes de la réponse à l'avis de rectification de la déclaration.
Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, l'opération comportait dès le départ un risque, puisque la demanderesse a emprunté 90.000.000 d'anciens francs pour le financement de l'acquisition et des travaux d'amélioration de l’immeuble.
Les demandeurs écrivent dans la réponse à l'avis de rectification de la déclaration, qu'à l'annonce du départ des locataires, ils ont paniqué parce qu’ils ont craint de se retrouver avec un immeuble vide et des intérêts hypothécaires à payer (pièce B1 256 du dossier administratif).
Les loyers devaient donc servir à payer les intérêts hypothécaires.
En réalisant cette opération, la demanderesse a fait courir un risque à son patrimoine privé en ce qu’il aurait du prendre en charge l'emprunt hypothécaire en l'absence de foyers ou de loyers suffisants.
Ce risque s'est d'ailleurs réalisé deux ans après l'acquisition de l'immeuble, ce qui a justifié l'apport du bien à la S. pour réduire le risque.
En conséquence, l'opération telle qu'elle a été réalisée ne constitue pas, en l'espèce, un acte de gestion normale du patrimoine privé en ce que la demanderesse a fait courir un risque à son patrimoine privé en réalisant une opération semblable à celles des professionnels de l'immobilier dans le but d'obtenir le rendement que peut procurer ce genre d'opérations.
La circonstance que la demanderesse disposait d'un patrimoine confortable qui l'aurait dispensée de recourir á l'emprunt d'après ses dires, n'énerve en rien le risque que présentait l’opération.
Comme l'exprime la réponse précitée à l'avis de rectification de la déclaration, la conséquence de la perte des loyers aurait été la nécessité de faire supporter l'emprunt hypothécaire par le patrimoine privé de la demanderesse.
Le risque résulte non seulement de la perte liée à l'investissement dans l’immeuble mais aussi de la perte du patrimoine qui aurait dû être utilisé pour supporter les charges de l'opération en raison de l'emprunt.
4. Les revenus obtenus à l'occasion de l’apport de l’immeuble à la S. sont imposables à titre de revenus divers sur base de l'article 90, 1°, du CIR 1992, même si la demanderesse n'avait pas l’intention de revendre l'immeuble à bref délai pour réaliser une plus-value importante en spéculant sur le marché immobilier.
En effet, d'après l'avis de rectification de la déclaration, ce sont les circonstances dans lesquelles l’immeuble est entré dans le patrimoine de la demanderesse qui ont été considérées comme révélant une opération qui excède les limites de la gestion normale d'un patrimoine privé.
Conformément à l'article 90, 1°, du CIR 1992, sont imposables à titre de revenus divers, les bénéfices ou les profits qui proviennent d'opérations ou de spéculations quelconques.
Ce ne sont pas uniquement les plus-values qui sont visées par cette disposition mais tous les revenus qui proviennent d'opérations spéculatives occasionnelles.
La cession de l’immeuble qui a généré en l'espèce, les revenus imposés à titre de revenus divers doit donc être appréhendée dans son contexte en prenant en considération les actes qui l'ont précédée, afin de déterminer s’ils constituent une opération spéculative.
Pour les motifs exposés plus haut, il s'agit bien d'une opération spéculative, de sorte que les revenus obtenus à l'occasion de la cession de l’immeuble sont imposables à titre de revenus divers.
Le fait que les loyers de l’immeuble en cause ait été imposés à titre de revenus immobiliers dans le chef des demandeurs depuis la période imposable de l'acquisition du bien, n'empêche pas l'imposition des revenus obtenus à l'occasion de la cession à titre de revenus divers pour l'exercice d’imposition 1998.
II n’est en effet pas établi, ni d'ailleurs soutenu par les demandeurs, que le fonctionnaire-taxateur, après avoir examiné l'opération en cause à l'occasion d'un contrôle de la déclaration des exercices d’imposition antérieurs à celui de la cession, aurait admis qu'il s'agit d'un acte de gestion normale du patrimoine privé de la demanderesse.
5. D'après l'article 97 du CIR 1992, « les revenus visés à l'article 90, 1°. s'entendent de leur montant net, c’est-à-dire de leur montant brut diminué des frais que le contribuable justifie avoir faits ou supportés pendant la période imposable en vue d'acquérir ou de conserver ces revenus ».
Dans un arrêt du 30 novembre 2006, la Cour de cassation a décidé que « l'article 90, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 ne soumet pas à l’impôt la plus-value réalisée à l'occasion d'une vente excédant les limites de la gestion du patrimoine privé, mais uniquement le bénéfice ou profit qui résulte d'une telle opération » (Cass., 30 novembre 2006, RG n° F/05/0066 F).
Le revenu imposable dans le chef de la demanderesse correspond donc à la différence entre la valeur de la contrepartie obtenue lors de l'apport de l’immeuble et le prix d'achat de cet immeuble, sous déduction des frais exposés en vue d'acquérir ou de conserver ces revenus.
Comme l'acquisition de l’immeuble constitue une opération spéculative occasionnelle qui entre dans le champ d'application de l'article 90, 1°, du CIR 1992, ce n'est pas la valeur intrinsèque de l’immeuble au moment de l'apport qui doit être prise en considération, mais son prix d'achat.
La contrepartie obtenue à l'occasion de l'apport de l’immeuble consiste en 33.060 actions de la S. C..
D'après le défendeur, la valeur de l'action est celle qui figure dans l'acte d'apport, soit la valeur conventionnelle de 3.902 anciens francs par action, de sorte qu’il doit être tenu compte de cette valeur.
La SA C.est toutefois cotée en bourse et le prix courant de l'action de cette société, publié au Moniteur belge du 20 septembre 1997, était de 3.739 anciens francs.
La valeur conventionnelle de l'action a été déterminée sur base de la valeur estimée de l’immeuble apporté à la S.
Comme le revenu imposable d'après l'article 97 du CIR 1992 n'est pas une plus-value mais le bénéfice ou le profit résultant de l'opération spéculative, li y a lieu de tenir compte de la valeur réelle de la contrepartie obtenue par la demanderesse lors de l'apport.
Cette valeur réelle peut être déterminée sur base du prix courant de l'action publié au Moniteur belge à un moment proche de l'apport, soit 3.739 anciens francs.
6. La demanderesse fait valoir que la S. C. à laquelle l’immeuble a été apporté valorisait les immeubles « acte en mains », c'est-à-dire, en incluant dans la valeur de marché les droits d'enregistrement, alors que d'autres S. valorisaient leurs immeubles hors droit.
Selon la méthode de valorisation adoptée par la S., le nombre d'actions obtenues en contrepartie de l'apport est identique, mais la valeur des actions ne l'est pas puisque le premier groupe de S. valorise les immeubles à une valeur supérieure à celle retenue par le deuxième groupe.
L’existence de ces deux méthodes de valorisation avait déjà été signalée par la Commission bancaire et financière dans son rapport annuel 1998/1999.
Elle fait savoir dans ce rapport que la valeur de marché dans une optique de vente, frais de transaction non compris, mérite la préférence parce qu'elle correspond mieux au principe de l’image fidèle et invite les S. à communiquer tant la valeur d'achat que la valeur de vente des immeubles dans toute publication destinée aux investisseurs (p. 161, pièce 5 du dossier des demandeurs).
La moyenne des droits de mutations immobilières a été évaluée à 2,50 % par des experts, à la demande de la SA C. pour l'établissement de son rapport annuel de 2005 (pièce 7 du dossier des demandeurs).
II peut être admis qu'au moment de l'apport, les actions obtenues par la demanderesse étaient surévaluées de 2,50 %, puisque les questions liées à la divergence des méthodes de valorisation des S. étaient connues à ce moment et que la Commission bancaire et financière préconisait la méthode de valorisation hors frais des immeubles.
Comme le souligne la demanderesse, le commentaire administratif admettait pour les actions cotées en bourse, de tenir compte de la valeur boursière à concurrence de 100/120ème parce que «la valeur boursière pourrait être entachée d'exagération ensuite notamment de la spéculation dont certains titres feraient momentanément l'objet,... » (Com. IR 1992 261/46).
Ce principe peut être appliqué aux actions de la SA C. parce qu'au moment de l'apport les actions étaient surévaluées en raison de la méthode de valorisation retenue par rapport à celles d'autres S. ayant adopté la valeur hors frais.
En conséquence, la valeur des actions obtenues par la demanderesse peut être fixée à 3.739 anciens francs x 97,5 %, soit 3.645,5 anciens francs.
7. C'est en vain que la demanderesse considère qu'il fait tenir compte de la valeur boursière à concurrence de 100/120ème des actions de la SA C. ou d'une décote en raison des restrictions prévues dans l'acte d'apport pour la cession des titres.
Elle reconnaît que le marché des parts de S. belges était très peu liquide en 1997, de sorte que les risques d'exagération de la valeur boursière de ces titres en raison de spéculations étaient peu élevés.
L’incessibilité des titres est limitée à une période de 12 mois et pendant une période de 18 mois à compter de l’inscription des actions dans le registre des actions nominatives, la cession d'un certain nombre d'actions ne peut se faire sans avertir préalablement l'administrateur-délégué de la SA C.
Ces restrictions limitées ne sont pas de nature à justifier une décote de la valeur des actions de la SA C..
La demanderesse relève également l'existence d'une discrimination entre les sociétés absorbées par les S. et les personnes physiques qui apportent un immeuble à une S. pour la détermination de la base imposable.
En cas d'absorption d'une société immobilière par une S., la plus-value latente est déterminée sur base de la valeur hors frais des immeubles (exit tax), alors que dans le chef de la demanderesse, il a été tenu compte de la valeur des actions déterminée sur base de l'évaluation des immeubles frais de mutation compris.
Les sociétés visées et la demanderesse se trouvent dans une situation fiscale différente, de sorte qu’il n'existe pas de discrimination de nature à justifier par analogie avec le régime de ces sociétés (à supposer que ce soit possible), la prise en considération de la valeur hors frais de mutations des immeubles pour la détermination des revenus imposables dans le chef de la demanderesse.
En effet, l'exit tax concerne la détermination d'une plus-value latente, soit la différence entre la valeur de marché de l'immeuble et sa valeur comptable, alors que dans le chef de la demanderesse, il ne s'agit pas d'une plus-value, mais du bénéfice provenant de l'opération spéculative.
Les droits de mutations ont été évalués par les experts de la SA C. à 2,50 % et il en sera tenu compte pour évaluer la valeur réelle des actions obtenus par la demanderesse qui intervient dans la détermination de sa base imposable.
II n'y a dès lors pas lieu de tenir compte d'une décote de 12,50 % due aux droits d'enregistrement pour déterminer la valeur conventionnelle de l’immeuble apporté comme le préconise la demanderesse.
8. La demanderesse revendique la déduction des intérêts hypothécaires ayant été supportés sur l'emprunt contracté pour réaliser l'opération d'un montant total de 16.401.248 anciens francs.
Selon l'article 97 du CIR 1992, les revenus imposables sur base de l'article 90, 1°, du même code sont des revenus nets, soit les revenus bruts diminués des frais supportés en vue d'acquérir ou de conserver ces revenus.
Les intérêts de l'emprunt hypothécaire constituent de tels frais.
Toutefois, la demanderesse a déduit ces intérêts des revenus immobiliers déclarés, de sorte qu’ils ne constituent pas des frais supportés en vue d'acquérir les revenus obtenus à l'occasion de l'apport de l’immeuble à la S. C.
Même si les intérêts hypothécaires ont été déduits des revenus immobiliers de la demanderesse, qui constituent une autre catégorie de revenus imposables que celle des revenus divers, les loyers provenant de la location de l’immeuble situé à la rue … sont, pour les motifs développés plus haut, des revenus de spéculation occasionnelle.
Les intérêts hypothécaires ont déjà été déduits des revenus provenant de l'opération immobilière en cause avant l'apport de l’immeuble et ne constituent dès lors pas des frais déductibles du revenu brut obtenu à l'occasion de l'apport à la S.
La circonstance que les loyers dont les intérêts hypothécaire ont été déduits, ont été imposés à titre de revenus immobiliers, ne s'oppose pas à ce qu’ils ne puissent plus être pris en considération à titre de frais déductibles des revenus résultant de l'apport.
II n'est en effet pas établi que le fonctionnaire-taxateur a admis la qualification de revenus immobiliers de ces loyers, telle qu'elle résulte des déclarations des demandeurs.
Ces déclarations ne s'opposent dès lors pas à ce que les loyers soient considérés comme des revenus de l'opération spéculative en cause pour déterminer le montant net des revenus obtenus à l'occasion de l'apport à la S.
En conséquence, les revenus nets imposables à titre de revenus divers visés à l'article 90, 1°, du CIR 1992 s'élèvent à :
Contrepartie obtenue : 33.060 x 3.645,5 = 120.520.230 BEF Frais d'apport : - 363.000 BEF Prix d'acquisition : - 81.000.000 BEF Frais d’acquisition : - 10.243.157 BEF Travaux d'amélioration : - 19.567.622 BEF ------------------------
Condamne le défendeur à restituer, avec les intérêts moratoires, toutes sommes indûment payées du chef de la cotisation ainsi dégrevée;
Déboute les demandeurs du surplus de leur demande;
Condamne le défendeur à la moitié des dépens de l’instance, liquidés à 5.000,00 euros dans le chef de chacune des deux parties ; met le solde de ces dépens à la charge des demandeurs et en autorise la compensation à due concurrence.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de la 32ème chambre du tribunal de première instance de Bruxelles le 7 mai 2008.
Où étaient présents et siégeaient :
Mme M. M., juge unique,
M. J. G., Greffier
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