Jugement du Tribunal de première instance de Namur dd. 24.05.2002

Date :
24-05-2002
Language :
French Dutch
Size :
4 pages
Section :
Regulation
Type :
Belgian justice
Sub-domain :
Fiscal Discipline

Summary :

Présomptions de l'homme,Versements effectués par des associés à leur société

Original text :

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Jugement du Tribunal de première instance de Namur dd. 24.05.2002
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Document type : Belgian justice
Title : Jugement du Tribunal de première instance de Namur dd. 24.05.2002
Tax year : 2005
Document date : 24/05/2002
Document language : FR
Name : N1 02/5
Version : 1

ARRET N1 02/5


Jugement du Tribunal de première instance de Namur dd. 24.05.2002



FJF 2002/289

Présomptions de l'homme - Versements effectués par des associés à leur société

En matière de présomptions de l'homme, il faut non seulement que l'administration se fonde sur un fait connu, mais également qu'il existe un lien certain entre le fait connu et le fait inconnu de manière telle qu'il soit possible de déduire ce dernier du premier.
L'administration ne peut, se fondant sur l'existence de versements effectués par deux associés à leur société et se traduisant chez celle-ci par une écriture débitant le compte «Caisse» et créditant le «Compte courant associés», considérer, faute de livre de caisse, qu'il s'agit, pour la société, de fonds provenant de son activité commerciale et plus précisément de recettes non comptabilisées.





Juge siégeant en qualité de juge unique : Mme Wilmart
Avocats : Me Clarembeau loco Me Bublot

S.C. M.
contre

1. Administration des entreprises et des revenus de Namur
2. Monsieur le Directeur Régional des Contributions Directes

Jugement

1.  R.G. : 01/1426/A

Vu le recours fiscal en la forme d'une requête contradictoire déposé au greffe du tribunal le 28 juin 2001.
Vu la requête basée sur l'article 751 du code judiciaire et l'avis notifié aux parties le 24 décembre 2001.
Vu les conclusions de l'Etat belge déposées au greffe du tribunal le 22 février 2002.

2.  R.G. 01/1429/A

Vu le recours fiscal en la forme d'une requête contradictoire déposé au greffe du tribunal le 29 juin 2001.
Vu le dossier administratif déposé par le défendeur au greffe du tribunal le 06 décembre 2001.
Vu la requête basée sur l'article 751 du code judiciaire et l'avis notifié aux parties le 31 octobre 2001.
Vu les conclusions déposées par la demanderesse au greffe du tribunal le 06 décembre 2001.
Vu les conclusions déposées par l'Etat belge au greffe du tribunal le 06 décembre 2001.
Entendu les parties en leurs dires, explications et moyens, comme dit ci-dessus, à l'audience du 19 avril 2002.

I.  Objet de la demande - Recevabilité - Connexité

1.  R.G. : 01/1426/A

Le litige concerne l'impôt des sociétés dus pour les exercices d'imposition 1997 et 1998 respectivement sous les articles 894404915 et 894407457 formés pour la commune de Gembloux.
Par le présent recours, la demanderesse sollicite annulation des cotisations d'impôts litigieux pour les exercices concernés. Ce recours est exercé suite à l'absence de décision administrative du directeur régional des contributions de Namur quant à la réclamation introduite par la demanderesse dans le délai légal; ce recours est donc recevable.

2.  R.G. 01/1429/A

Ce recours est dirigé à l'encontre d'un procès verbal en matière de taxe sur la valeur ajoutée dressé le 02 juin 2001 par les vérificateurs attachés à l'A.F.E.R. de Namur en suite d'un contrôle exercé. Ce recours est recevable.

3.  Connexité

Notons que le litige fiscal opposant les deux parties comportent deux parties, l'une «impôts sur les revenus», l'autre «TVA» au sujet desquels la demanderesse a introduit recours devant le tribunal de céans. Soulignons que ces litiges portent sur la taxation de recettes supplémentaires et couvrent les deux impôts. En conséquence, il y a lieu de joindre les deux procédures pour cause de connexité.

II.  Les faits

Lors d'un contrôle opéré en date du 30 mars et 22 avril 1999, l'administration a entendu rectifier le chiffre d'affaire de la demanderesse tant au niveau de l'impôt des sociétés que de la TVA
Ces majorations des recettes déclarées font suite à l'examen du compte caisse, le livre de caisse n'étant pas tenu, dans lequel apparaissent des apports en espèces provenant de transferts du compte courant associés. L'administration a considéré que lesdits approvisionnements représentaient des recettes non actées en utilisant comme moyen de preuve les présomptions de l'homme prévues par l'article 59 par. 1 er en matière de TVA et par article 340 CIR 1992 en matière d'impôt des sociétés.

III.  Discussion

A.  Les principes

Dans la mesure où l'administration souhaite rectifier le chiffre d'affaires de la demanderesse sur base de l'article 59 par. 1 er du code de la TVA ou de l'article 340 CIR 1992, soit les présomptions de l'homme, il sied que les conditions des articles 1349 et 1353 du code civil soient formellement rencontrées. En effet, l'utilisation de présomption de l'homme à titre de moyen de preuve en matière fiscale suppose l'existence d'un fait connu et certain qui, par un raisonnement logique, conduit à conclure à l'existence d'un fait inconnu, à savoir les bénéfices supplémentaires qui ont été imposés par l'administration.
Ce mécanisme de preuve suppose donc que les faits sur lesquels repose la présomption soient réellement connus; il ne peut y avoir de contestation quant à leur réalité matérielle. Il faut que les présomptions dont se prévaut l'administration soient graves, précises et concordantes. Ces dernières sont en outre laissées à l'appréciation du tribunal.
Pour qu'il y ait présomption dans le sens ci-avant rappelé, il faut donc que l'administration puisse justifier d'un raisonnement se fondant sur des faits connus pour ainsi prouver, avec certitude, un fait inconnu. Il faut un lien certain entre le fait connu et le fait inconnu de manière telle qu'il soit possible de déduire ce dernier du premier (Voir Cass. 10 avril 1973, Pas ., I., 773 et Cass. 05 novembre 1981, Pas., 1982, I., 342).

B.  La position de la demanderesse

La demanderesse considère que la position prise par l'administration est en contradiction avec les principes ci-avant énoncés et estime dès lors que la taxation dont elle a fait l'objet s'avère totalement arbitraire.
Elle explique que l'administration ne peut raisonnablement déduire que les apports en espèces au sein du compte caisse seraient le résultat de la vente de marchandise non déclarées. Elle ajoute que si l'on se doit de reconnaître que l'administration part de faits connus se basant sur la constatation d'apports en espèces par le crédit «du compte courant associés», force est cependant de constater que son raisonnement ne permet certainement pas d'aboutir à un fait inconnu (vente de marchandises non déclarées) susceptible d'être valablement justifié au regard de la réalité matérielle des faits.

C.  En l'espèce

Il appartient au tribunal souverainement d'apprécier si une présomption est pertinente dans les circonstances concrètes qui lui sont présentées. En ce qui concerne les présomptions, considérées comme technique de preuve, il est essentiel qu'il ne puisse exister de contestation quant à la réalité matérielle des faits connus ou du raisonnement tenu à partir de ces derniers pour prouver le fait inconnu.
A cet égard, le défendeur expose, en termes de conclusions qu'à l'analyse des comptes «caisse» et «comptes-courant associés» figurant aux bilans clôturés au 31 décembre 1996 et 31 décembre 1997, il existe des apports en espèces effectués par les deux associés de la société, divers apports qui se traduisent par l'écriture comptable «débit caisse à crédit-compte courant». Faute de livre de caisse, l'administration en déduit qu'il s'agit de fonds provenant de l'activité commerciale de la société et plus exactement de recettes non comptabilisées.
S'il est indéniable que les versements dont question constituent un fait connu, force est cependant de constater que la justification de ces versements et les recettes déclarées peut s'expliquer de bien d'autres façons que celle reprise par le défendeur. Considérer que ces sommes proviennent nécessairement de revenus professionnels n'est pas conforme aux règles de la preuve par présomption de l'homme.
On n'en veut pour preuve d'ailleurs que la demanderesse a pu justifier partie de ces sommes versées en exposant que ce compte courant associés était alimenté à partir du patrimoine privé des gérants afin de compenser des prélèvements et retraits qu'ils ont été amenés à effectuer pour la société.
D'ailleurs, l'administration, dans un courrier du 31 mai 1999 (pièce N.205 dossier administratif), a admis ce point, du moins partiellement. Dans cette lettre l'un des vérificateurs de l'A.F.E.R. mentionne : «En effet, en ce qui concerne l'associé M., certains apports ne sont justifiés d'aucun retrait en espèces, d'autres ne le sont que partiellement...». Par ce biais, l'administration a reconnu qu'une partie des avances sont justifiées par le souci des gérants de compenser les retraits effectués.
Dès lors, le raisonnement de l'administration pour aboutir à la preuve du fait inconnu, soit le chiffre d'affaire non déclaré, ne peut être retenu. L'administration n'établit nullement la certitude du chiffre d'affaire dissimulé et ne se fonde nullement sur une présomption mais sur une simple supposition que la demanderesse a pu réfuter. Le raisonnement repris par l'administration ne peut dès lors fonder la validité de la présomptions de l'homme évoqué par cette dernière.
En conséquence, les cotisation d'impôts enrôlées à charge de la demanderesse doivent être considérés comme arbitraires et doivent être annulées. De même, le procès-verbal dressé le 02 juin 2001 est également arbitraire et doit être déclaré comme non fondé.

Par ces motifs,
Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;
Le Tribunal, statuant contradictoirement, en premier ressort,
Ecartant comme non fondées toutes autres conclusions plus amples ou contraires,
Joint les causes reprises sous les numéros de rôles général 01/1426/A et 01/1429/A pour cause de connexité.
Déclare les recours recevables et fondés.
Prononce la nullité des cotisations litigieuses pour les exercices d'imposition 1997 et 1998 respectivement sous les articles 894404915 et 894407457 formés pour la commune de Gembloux.
Déclare le procès-verbal dressé le 02 juin 2001 par les services de l'A.F.E.R. non fondé.
Condamne le défendeur aux frais et dépens de la demanderesse.