Vonnis van de Rechtbank van Eerste Aanleg te Brussel dd. 02.09.2002

Date :
02-09-2002
Language :
French Dutch
Size :
6 pages
Section :
Regulation
Type :
Belgian justice
Sub-domain :
Fiscal Discipline

Summary :

Cessie van schuldvordering aan niet-inwoner,Rechtmatige financiële of economische behoeften

Original text :

Add the document to a folder () to start annotating it.

Contact | Disclaimer | FAQ
   
Quick search :
Fisconet plus Version 5.9.23
Service Public Federal
Finances
Home > Advanced search > Search results > Vonnis van de Rechtbank van Eerste Aanleg te Brussel dd. 02.09.2002
Vonnis van de Rechtbank van Eerste Aanleg te Brussel dd. 02.09.2002
Document
Content exists in : nl fr

Search in text:
Print    E-mail    Show properties

Properties

Document type : Belgian justice
Title : Vonnis van de Rechtbank van Eerste Aanleg te Brussel dd. 02.09.2002
Tax year : 2005
Document date : 02/09/2002
Document language : NL
Modification date : 11/12/2006 14:59:01
Name : B1 02/14
Version : 1

ARREST B1 02/14


Vonnis van de Rechtbank van Eerste Aanleg te Brussel dd. 02.09.2002



FJF 2004/45

Cessie van schuldvordering aan niet-inwoner - Rechtmatige financiële of economische behoeften

    De overdracht door een schuldeiser van zijn oninbare schuldvordering aan een Luxemburgse holding voor een prijs die slechts een deel van het bedrag van de vordering bedraagt, beantwoordt, in het licht van artikel 344, § 2 van het WIB 1992, aan de rechtmatige financiële of economische behoeften. Met deze verrichting wil de schuldeiser zijn fiscale lasten niet verminderen maar wel het verlies, ingevolge het oninbaar karakter van zijn vordering, beperken.



Juge unique: M. Louveaux
Avocats: Me Carbonnelle, Me Bourmanne

S.C. I.
contre
l'Etat belge, représenté par le Ministre des Finances

En cette cause, tenue en délibéré le 25 avril 2002, le tribunal prononce le jugement suivant.
Vu les pièces de la procédure, et notamment:
. la requête contradictoire et son annexe, déposées au greffe du tribunal le 5 juillet 2000;
. l'ordonnance de fixation du 7 juillet 2000 et la convocation envoyée aux parties par pli judiciaire pour l'audience introductive du 20 septembre 2000 conformément à l'article 1034 sexies du code judiciaire;
. les conclusions prises pour le défendeur, déposées au greffe le 23 janvier 2001;
. les conclusions prises pour la demanderesse, déposées au greffe le 28 septembre 2001;
. les conclusions additionnelles prises pour le défendeur, déposées au greffe le 22 janvier 2002;
Entendu les conseils des parties à l'audience publique du 25 avril 2002.

***

I. La décision entreprise et l'objet de la demande

Par décision rendue le 6 avril 2000, annexée à la requête contradictoire, le directeur régional des contributions directes de Bruxelles II - sociétés a rejeté la réclamation datée du 29 juillet 1997 et reçue le 1 er août 1997, introduite par la demanderesse contre la cotisation enrôlée à sa charge à l'impôt des sociétés pour l'exercice d'imposition 1995 sous l'article 872014811 en supplément à l'article 860412502.
Par sa requête contradictoire, la demanderesse sollicite la mise à néant de cette décision en ce qu'elle a rejeté cette réclamation et l'annulation de la cotisation litigieuse.

II. Recevabilité de la demande

L'action, introduite dans les formes et le délai prévus par la loi, est recevable.

III. Les faits

Deux avis de rectification de la déclaration de la demanderesse lui furent successivement adressés par le contrôleur en chef de Bruxelles II sociétés M.
Suivant le premier de ces avis, daté du 13 février 1997, un montant de 1.623.315 F devait être ajouté aux réserves imposables pour les motifs suivants: «La réduction de valeur sur créances commerciales, qui a été actée, n'a pu être justifiée au moyen de documents probants ni par un moyen de preuve admis par le droit commun (sauf le serment). Elle a été simplement comptabilisée pour annuler des produits à recevoir, comptabilisés les exercices précédents, qui n'ont pas été payés durant l'exercice en cours. La société a néanmoins exposé des frais de déplacement à l'étranger pour les clients qui auraient normalement dû payer ces produits à recevoir. Pour ces raisons, en vertu des articles 183, 49 et 24, 4° du code des impôts sur les revenus 92, la réduction de valeur ne peut être admise à titre de dépense professionnelle et sera taxée comme sous-estimation d'actif».
Par lettre du 7 mars 1997, la demanderesse fit valoir son désaccord avec cet avis de rectification pour les raisons suivantes: «Au mois de février 1995; nous avons accepté la proposition de la société M. de racheter notre créance sur la société A. La même proposition a également été faite aux autres créanciers d'A.
A titre accessoire, nous vous signalons que cette créance résulte du non-paiement des factures 9310/01, 9311/01, 9311/02 et 9402/01. Conscient de l'impossibilité pour A. de payer notre créance et du risque réel de la voir déposer son bilan, nous avons accepté les conditions financières de M. et signé une convention de cession de créance (..). (..) tout moyen de preuve doit être admis par l'administration. Il s'en suit que sur base de la convention, la société prouve la nature de la dépense. La réalité de celle-ci étant prouvée par la prise en charge de la créance. (..) l'administration ne peut rectifier la déclaration qu'à partir du moment où elle établit l'absence de justification. Ce n'est en tout état de cause pas le cas ici puisque nous vous remettons le document probant sur base duquel nous avons opéré la réduction de valeur».
Suivant le second avis, daté du 17 mars 1997, un montant de 1.532.915 F devait être ajouté aux dépenses non admises à titre de moins-value sur créances commerciales pour les motifs suivants: «Par la convention de la cession de créance du 17.2.1995, la créance de votre société sur la société A. a été cédée à la holding luxembourgeoise M. Holding pour un montant de 90.400 FB, alors que la créance initiale s'élevait à 1.623.315 FB, d'où une moins-value de 1.532.915 FB. Par ailleurs, la société M. Holding est une société étrangère, visée à l'article 227 du code des impôts sur les revenus 92, établie dans un pays où elle est soumise à un régime de taxation notablement plus avantageux qu'en Belgique. Or l'article 344 du même code prévoit que n'est pas opposable à l'administration des contributions directes, entre autres, la cession de créances, à un contribuable visé à l'article 227 du C.I.R. 1992, qu'en vertu des dispositions de la législation du pays où il est établi est soumis, du chef des revenus produits par les droits aliénés, à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel les revenus de l'espèce sont soumis en Belgique, à moins que le contribuable ne prouve soit que l'opération répond à des besoins légitimes de caractère financier ou économique, soit qu'il a reçu pour l'opération, une contrevaleur réelle produisant un montant de revenus soumis effectivement en Belgique à une charge fiscale normale par rapport à celle qui aurait subsisté si cette opération n'avait pas eu lieu. Ce qui n'est pas le cas, puisqu'une moins-value de 1.532.915 FB a été comptabilisée suite à cette cession. Cette moins-value ne peut donc être admise puisque la charge fiscale suite à cette cession est nettement inférieure à celle qui aurait subsisté si cette opération n'avait pas eu lieu».
Ce second avis de rectification n'indique pas s'il annule le premier, mais l'avis de l'inspecteur chargé d'instruire la réclamation précise qu'il s'agit d'un nouvel avis annulant l'avis précédent.
Par lettre du 14 avril 1997, la demanderesse fit valoir son désaccord avec ce second avis de rectification pour les raisons suivantes: «(..) il est évident que les actes posés par notre société répondaient à des besoins légitimes de caractère financier ou économique. Dans notre réponse à votre précédent avis de rectification, nous vous avions expliqué le pourquoi de l'acceptation de l'offre de M. soit notre société acceptait son offre, offre qui a également été faite aux autres créanciers d'A. et elle récupérait une partie de sa créance, soit la société A. déposait son bilan. Dans cette dernière éventualité; notre société n'avait pas de chance de récupérer un quelconque dividende. Par ailleurs, les actifs dont il est question dans l'article 344 doivent être transférés à un contribuable visé à l'article 227 du C.I.R. 1992. Le but de l'offre de M. était d'éviter la faillite de la société A. Le seul bénéficiaire de cette opération était donc A. qui a dû certainement acter dans ses produits l'abandon des créances et des taxes correspondantes. A défaut d'avoir cherché à éluder l'impôt; nous estimons donc que l'article 344 n'est pas applicable dans notre cas et que, dès lors, la convention de cession de créance est opposable à l'administration. (...)».
La cotisation litigieuse fut enrôlée le 16 juin 1997 sur la base de calcul annoncée dans le second avis de rectification.
La réclamation renvoie aux arguments invoqués dans les réponses aux avis de rectification.
La décision de rejet de cette réclamation relève encore les faits suivants:
- les factures constituant la créance de la demanderesse de 1.623.315 FB contre A. ont été établies pour des travaux informatiques et administratifs exécutés pour cette société;
- après un audit restreint des comptes au 31 décembre 1994 de la société A. une convention de cession de créance a été signée le 17 février 1995, avec un prix de 90.400 FB;
- à la même date, la société A.-M. société de droit mexicain, a également cédé sa créance contre A s'élevant à 2.644.086 FB, à M. Holding, pour un prix de 132.606 FB;
- une convention de prêt de la somme de 4.267.401 FB (soit 1.623.315 » 2.644.086) par M. Holding à A. a été conclue le 2 février 1995.
Cette décision du directeur régional se fonde synthétiquement sur les motifs suivants:
- l'antériorité du prêt par rapport à la cession de créance «prouve la volonté de faire passer la dette chez M. Holding et non d'alléger la situation d'A.», ce qui démontre que «M. entend obtenir rémunération de cette créance» et que «le but prétendu par la requérante, de la vente de cette créance comme seule alternative à la mise en faillite de A. doit être mis en doute»;
- le prix de 90.400 FB pour la cession de la créance de 1.623.315 FB «est anormalement bas par rapport à ce qui est pratiqué par les sociétés spécialisées dans le rachat de créances»;
B «les sociétés susnommées sont interdépendantes», M. L. étant gérant de la requérante et administrateur de A. depuis sa constitution, la requérante détenant une participation dans A. et M. ayant représenté M. Holding puis A.; M. L. n'a démissionné de ses fonctions dans A. que le 30 juin 1995, alors que M. représentait cette société dès le 2 février 1995, date de la conclusion du prêt; ce lien explique le bas prix convenu entre les parties, qui a permis de ramener la base imposable de 1.567.061 FB à 34.146 FB par l'enregistrement d'une perte de 1.532.915 FB;
- M. Holding, société holding luxembourgeoise, bénéficie d'un statut fiscal privilégié;
- M. Holding n'a pas pour objet le factoring, et elle ne dispose pas de personnel pour cette activité; les factures de la demanderesse sur A. reprennent un montant global de prestations et deux d'entre elles ne reprennent pas le nom de la demanderesse; toutes les factures reprennent la mention «paiement comptant»;
Il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale de A. du 26 mai 1995 qu'à cette date, M. Holding était représentée à cette assemblée en qualité de propriétaire de la totalité des actions de la société.

IV. Discussion

Devant le tribunal, le défendeur invoque les mêmes arguments. Il allègue en outre qu'aucune preuve convaincante de la situation financière catastrophique de A. n'est rapportée et que la demanderesse affirme sans preuve que M. avait pris les commandes de A. sans mandat et engagé cette société sans en avoir le pouvoir et à son insu, lors de la conclusion de la convention de prêt du 2 février 1995. Il ajoute qu'il n'est pas non plus démontré que la demanderesse a vendu ses actions A., qui n'apparaissent pas dans son bilan au 30 juin 1994. Il conclut que l'éventuel double jeu joué par M. et M. Holding n'est pas opposable à l'administration.
La demanderesse allègue qu'elle n'avait pas connaissance de la convention de prêt avant d'en prendre connaissance dans le dossier administratif de ce litige. Elle joute que «comme convenu lors de la cession des créances et des actions, Monsieur L. n'a plus posé, à partir de cette date du 17 février 1995, aucun acte en sa qualité d'administrateur-délégué de la société A.». Elle précise que l'assemblée générale de A. du 26 mai 1995, convoquée avec retard, a pris acte de la démission de M. L. et a désigné M. comme administrateur et que M. L. n'ayant été ni convoqué à cette assemblée, ni informé de ses délibérations, adressa une lettre à cette société confirmant sa démission. Elle soutient que le prix de la cession de sa créance s'explique par la situation désastreuse de A. et constitue un produit inespéré, de telle sorte que l'opération répond à un besoin légitime de caractère financier ou économique, ayant généré une contrevaleur réelle soumise à taxation en Belgique. Elle allègue que puisqu'elle ignorait la convention de prêt datée du 2 février 1995 établie à son insu, elle a considéré à bon droit que sa créance n'était pas recouvrable. Elle conteste tout lien d'interdépendance avec M. Holding et observe que les représentants et actionnaires de cette société sont connus et lui sont étrangers.
Il ressort des dossiers des parties et des explications de la demanderesse qu'elle-même et la société A.-M. ont cédé leurs créances contre A. à M. Holding qui a également acquis les actions de cette société alors que les autres dettes de cette société avaient été acquittées et qu'elle avait d'importantes pertes antérieures à faire valoir sur le plan fiscal. Il se conçoit dans ces circonstances que l'avantage escompté des opérations par le cessionnaire des actions était constitué par l'évitement d'impôts sur les bénéfices futurs de A. Le prix de la cession de la créance de la demanderesse représente dès lors une partie de cet avantage et non un produit inespéré. Toutefois, l'opération ainsi réalisée, suivant les éléments portés à la connaissance du tribunal, n'est ni interdite, ni illégitime. Le fait pour un créancier de céder sa créance irrécouvrable pour un prix ne représentant qu'une partie du montant de la créance, répond à des besoins de caractère financier ou économique. Dans son chef, l'opération n'est pas inspirée par le souci de diminuer sa charge fiscale mais de restreindre la perte due au caractère irrécouvrable de sa créance.
Les éléments du dossier administratif, et particulièrement les comptes de A. au 31 décembre 1994, corroborent les allégations de la demanderesse au sujet du caractère irrécouvrable de sa créance. Il en ressort en effet que les dettes de la société envers les tiers, soit pour l'essentiel la demanderesse et A.-M. étaient hors de proportion avec les actifs de cette société, singulièrement au regard des actifs circulants et disponibles.
Il importe peu, pour déterminer la nature des besoins auxquels répondait la cession de créance, que cette opération se soit réalisée plus ou moins concomitamment avec l'acquisition des actions par la cessionnaire de la créance, opération au sujet de laquelle les parties ne produisent pas de pièces et ne donnent pas de précisions. Il importe peu également que ces actions aient ou non été acquises, en tout ou en partie, de la demanderesse, ce qui ne ressort pas non plus des dires des parties et de leurs pièces.
Sont également invoqués en vain par le défendeur:
- la convention de prêt produite par l'administration, dont le contenu et singulièrement la date ne sont pas opposables à la demanderesse; il importe de relever que, suivant les publications légales, la personne dont la signature figure sur ce document n'avait pas le pouvoir d'engager ou de représenter A. et que la demanderesse soutient, sans que les éléments du dossier permettent de la contredire, qu'elle a ignoré l'existence d'une telle convention; cet élément n'a dès lors pas d'incidence sur l'appréciation du caractère irrécouvrable de la créance et partant des besoins de caractère financier ou économique auxquels répondait la cession de cette créance;
- la prétendue interdépendance entre la demanderesse et M. Holding, qui n'est pas établie; le fait que le gérant de la demanderesse ait été administrateur de A. avant l'acquisition des actions de cette société par M. Holding, suite à laquelle le représentant de M. Holding a agi au nom de A., est la conséquence de cette acquisition et ne démontre pas d'autre lien entre la demanderesse et M. Holding;
- les remarques du défendeur au sujet des caractéristiques des factures de la demanderesse sont dépourvues de pertinence, l'existence même de la créance dont la cession est litigieuse n'ayant pas été mise en cause;
- ses remarques au sujet de l'objet social de M. Holding, dont il n'apparaît d'ailleurs pas qu'il ne lui permettait pas de conclure une convention de cession de créance;
- le caractère anormalement bas du prix de la cession «par rapport à ce qui est pratiqué par les sociétés spécialisées dans le rachat de créances»; cette comparaison est en effet dépourvue de pertinence dans le cas de la cession d'une créance apparaissant irrécouvrable sur la base des comptes, dans le cadre de l'acquisition des actions de la société débitrice par le cessionnaire de la créance.
Etant établi que l'opération répondait à des besoins légitimes de caractère financier ou économique dans le chef de la demanderesse, il n'y a pas lieu d'examiner les autres arguments des parties, et la demande sera dite fondée.

Par ces motifs,
Le Tribunal, siégeant en premier ressort,
Statuant contradictoirement
Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;
Dit la demande recevable et fondée;
Ordonne le dégrèvement entier de la cotisation litigieuse établie à l'impôt des sociétés pour l'exercice d'imposition 1995 sous l'article 872014811, et condamne le défendeur à rembourser à la demanderesse toutes sommes qui auraient été acquittées au titre du montant dont le dégrèvement est ordonné ou imputées sur celui-ci, augmentées des intérêts moratoires prévus par la loi.